M. Edmond Hervé. Je vous rejoins sur un point, cher Yves Krattinger, celui de l’autonomie fiscale, notamment pour les territoires les plus pauvres, qui en sont dépourvus. Ainsi l’autonomie fiscale et l’autonomie financière, qu’il convient de ne pas confondre, mais qui sont complémentaires, demeurent essentielles. Cependant, l’état des finances nationales étant ce qu’il est, elles ne peuvent exister, nous le savons, qu’en se conjuguant avec la péréquation et la solidarité au niveau local.
Je voudrais, à votre intention, cher collègue et ami Marc Daunis, apporter une précision. Vous avez en effet opposé très justement, et de manière très pédagogique, le bloc de stratégie, à savoir la région, et le bloc de proximité, les intercommunalités. Pourtant, lorsque vous examinez le cas des grandes métropoles, vous constatez qu’elles sont à la fois blocs de proximité et blocs de stratégie. Il ne peut y avoir, dans une région, une grande politique stratégique de développement de croissance si aucune relation n’existe entre la région et la métropole.
Pour terminer, monsieur le Premier ministre, cher Jean-Pierre Raffarin, je tiens à appuyer de manière très forte votre propos initial. N’y voyez en aucune manière, madame la ministre, une agression.
M. Edmond Hervé. Je souhaite que les rapports du Sénat soient pleinement utilisés par le législateur, y compris par celui qui, constitutionnellement, est à l’origine des projets de loi. C’est l’exemple même de la coopération entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Montesquieu n’a jamais pensé que la séparation des pouvoirs interdisait la coopération ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Débat interactif et spontané
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à une heure trente par la conférence des présidents.
Chaque sénateur peut intervenir pendant deux minutes au maximum. Le président ou le rapporteur de la mission commune d’information ou le Gouvernement, s’ils sont sollicités, pourront répondre.
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat est fort intéressant. Je souscris aux propositions formulées par la mission commune d’information.
Ayant eu la chance d’avoir été pendant dix-huit ans conseiller général et conseiller régional, j’ai pu faire le lien entre les deux assemblées et comprendre leur nécessaire complémentarité.
Lorsque j’ai commencé à siéger, en 1986, les régions se constituaient en EPR, ou établissements publics régionaux, et il existait une vraie différence et une vraie complémentarité entre les deux assemblées.
Le département possédait déjà des compétences en matière de solidarité, les dépenses de fonctionnement représentant environ 70 % de son budget, tandis que la région jouait un rôle d’intervention, 80 % de son budget étant consacré à l’intervention, contre 20 % seulement au fonctionnement, avec un effectif de 200 personnes seulement dans la région Champagne-Ardenne, par exemple.
La volonté du législateur était clairement de donner un rôle stratégique aux régions, en complémentarité des départements. Il nous faut renouer avec une telle formule. On le voit bien au travers des différentes dispositions prises récemment – les métropoles, les modifications des modes de scrutin – ou qui le seront demain – je pense au non-cumul –, la complémentarité entre le rural et l’urbain, telle qu’elle avait été conçue au départ, ne se retrouvera plus.
Mes questions, madame la ministre, sont relativement précises et concernent les éventuels transferts de compétences que vous comptez nous proposer.
Premièrement, allez-vous prendre en compte la valeur ajoutée du transfert de compétence ? En effet, au fil des années, certaines compétences ont été transférées aux collectivités sans réelle valeur ajoutée. Par exemple, où est la valeur ajoutée du département dans le RSA ? Si le département a un rôle majeur à jouer, c’est bien dans l’insertion, et non pas dans l’attribution d’une allocation de solidarité dont les modalités sont décidées au niveau national.
Deuxièmement, quels moyens réels comptez-vous transférer aux collectivités dans le cadre des nouvelles mesures de décentralisation ? Quelles normes avez-vous l’intention de simplifier, dans le but de les voir complètement prises en compte par les collectivités destinataires ? Le Gouvernement a-t-il la volonté de ne pas transférer de charges supplémentaires aux collectivités territoriales, compte tenu de leurs contraintes budgétaires ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Concernant la distinction entre, d’une part, le département et le fonctionnement et, d’autre part, la région et l’investissement, j’en parlais à l’instant en aparté avec M. Raffarin. Il est vrai que, à un moment donné, les régions sont passées du statut de collectivités de mission à celui de collectivités de gestion. M. Edmond Hervé nous proposait tout à l’heure, avec raison, de prendre en compte le rapport de la mission. Sans doute convient-il aujourd'hui, avant l’examen du deuxième projet de loi relatif à la décentralisation, de se poser des questions sur un certain nombre de transferts.
J’en viens au RSA. Nous avons été obligés de créer deux fonds en 2014, pour rétablir une forme de solidarité entre les départements en ce qui concerne le reste à charge. Les critères retenus ont été validés par le Conseil constitutionnel, qui les a considérés justes.
Toutefois, nous avons pris conscience d’un phénomène encore plus important : 40 % des personnes ayant droit au RSA ou à d’autres aides publiques n’y ont pas recours, en raison de la complexité des procédures, le Président de la République l’évoquait ce matin. Or ces procédures ont été déterminées par l’État, alors que c’est au conseil général de les mettre en œuvre. Nous devons en effet travailler très rapidement sur cette dissonance.
S’agissant des normes, 220 sont aujourd'hui à l’étude, avec le souci de ne mettre personne en difficulté par une suppression mal avisée. C’est la CCEN, la Commission consultative d’évaluation des normes, qui sera ensuite maîtresse du jeu.
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Je commencerai par formuler une observation plutôt qu’une question. Chacun, ici, est intervenu pour dire qu’il ne fallait pas remettre en cause l’organisation actuelle, insistant sur le rôle fondamental de la commune et du maire, au cœur de notre modèle républicain.
Or, au même moment, le PLU intercommunal devient une compétence obligatoire. En cette période de vœux, je rencontre les maires de mon secteur : tous sont inquiets à ce sujet, qui est abordé à chacune de nos réunions. Alors que nous venons de constituer la grande communauté du pays d’Auray, constituée de vingt-quatre communes, la plupart des maires auraient souhaité que le PLUI demeure une compétence optionnelle, bien qu’ils soient tous favorables à l’organisation intercommunale, pour mettre en œuvre un développement solidaire et durable. Personne n’a vraiment compris pourquoi cette compétence était devenue obligatoire. Qui plus est, la minorité de blocage, obtenue au Sénat, semblerait avoir disparu à l’Assemblée nationale…
Mais la vraie question est celle de la solidarité, que nombre d’orateurs ont évoquée et qui doit, selon moi, se conjuguer à tous les niveaux. Vous avez parlé, madame la ministre, d’une compétence départementale. Dans les communes, on prend en compte un barème établi à partir de la richesse des familles, qui intègre le quotient familial. Quant à la région, il lui faut exercer une compétence de solidarité entre les différents départements. Au niveau national, le rôle de l’État devra également être précisé. Sinon, notre pays souffrira d’un développement très inégalitaire.
Je suis quelque peu effrayé par la volonté de réduire le rôle de l’État, alors que nous considérions tous, jusqu’à présent, que celui-ci jouait un rôle essentiel dans le développement égalitaire et solidaire des territoires.
Les maires évoquent également la baisse des dotations. Mais c’est une autre question, qui suscite toutefois des difficultés dans différents secteurs.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Sur le PLUI, la démarche proposée par la ministre en charge, c’est d’avoir, en milieu rural, une minorité de blocage. Ce point sera discuté la semaine prochaine à l’Assemblée nationale. Je ne peux pas prévoir – heureusement ! –, ce que le Parlement décidera in fine.
Je souhaite cependant m’exprimer sur ce sujet. Le vrai défi à relever, pour la France, c’est celui de l’indépendance alimentaire. En effet, à partir de 2030, nous deviendrons dépendants, parce que nous n’aurons plus assez d’espaces agricoles. Les mètres carrés précieux ne sont plus les mètres carrés industriels, portuaires ou aéroportuaires : ce sont les mètres carrés agricoles. Il nous faudra faire un effort surhumain de densification en milieu rural si nous voulons que la France, en 2030, ait encore une indépendance alimentaire.
Ce sujet d’avenir concerne bien évidemment le Sénat. Or le PLUI s’intègre tout à fait dans la réflexion commune qui doit être menée à cet égard.
J’ai parlé de solidarité territoriale. Peut-on, à partir du rapport tel qu’il est présenté aujourd'hui, travailler à une compétence « solidarité territoriale » du département ? Car je sens bien une demande de simplification et d’efficacité, même si elle n’est pas formulée ainsi. Cela permettrait aux communes les plus petites, les moins dotées, ou aux communautés de communes à faibles moyens de solliciter le département au titre de la solidarité territoriale, même si le département ne détient pas la compétence, dans le cas où l’on remettrait en cause, conformément à ce que je peux entendre un peu partout, la clause de compétence générale. C’est une vraie question, qu’il faut se poser, aussi bien à court, moyen ou long terme.
Quant à la solidarité envers les citoyens, elle n’est garantie que par l’État, même si elle est exercée par une collectivité territoriale. L’État est le seul garant, le seul protecteur. Si un citoyen ou un groupe de citoyens estime qu’une compétence n’est pas exercée alors qu’elle est de droit, l’État peut être appelé en tant que garant.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Yves Krattinger, rapporteur de la mission commune d’information. Mme la ministre s’interroge : comment donner un contenu à la compétence de solidarité territoriale ? Je réponds qu’elle en a un, mais il est différent dans chacun des territoires de notre pays.
Je serais assez tenté par l’expérimentation en ce domaine. On peut imaginer que 7 %, 8 % ou 10 % des départements mettent en place un dispositif de coopération entre le préfet, le conseil général et les intercommunalités. Ils pourront ensuite se rencontrer à Paris ou ailleurs pour échanger et essayer de donner un contenu plus précis, plus étoffé, plus lisible, aussi, à leur action.
Ensuite, une fois cette expérimentation faite, que l’on se dirige vers un transfert effectif de compétences. En revanche, partir à l’aveugle ne me paraît pas la meilleure façon de procéder.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Madame la ministre, monsieur le président de la mission commune d’information, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, quelle est la situation, aujourd’hui, des départements ? Ils gèrent bien l’aide sociale, ils s’occupent bien des réseaux routiers…
M. Jean-Jacques Hyest. Et encore…
M. François Fortassin. … et ils assurent une présence sur le terrain.
On compte quatre grands types d’assemblée dans notre pays : les conseils généraux et l’Assemblée nationale, les conseils régionaux et le Sénat. Les premiers représentent la population et les seconds représentent les territoires. Qu’on le veuille ou non, un équilibre s’est formé. Aussi, dès lors que les choses marchent bien, pourquoi faut-il provoquer des bouleversements dont on ne sait pas vers quoi ils nous mènent ?
En revanche, il existe aujourd’hui un problème de financements croisés : est-il utile de constituer six ou sept dossiers pour obtenir 50 000 euros de subventions, et ce alors même que les frais de constitution de ces dossiers sont généralement plus élevés que la subvention elle-même ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. S’agissant de votre première question, monsieur le sénateur, il ne me semble pas que les auteurs du rapport se soient déclarés, en la matière, partisans d’une terrifiante révolution…
Concernant votre seconde question, je veux vous dire que les conférences territoriales de l’action publique ont été créées à la suite de trois rapports sénatoriaux, dont celui de Jacqueline Gourault et d’Edmond Hervé.
En son temps, la conférence nationale des exécutifs avait décidé de faire en sorte de supprimer les doublons. Par exemple, en matière de développement économique, la région est chargée de la stratégie, de la recherche et développement, des transferts de technologie, des aides directes aux entreprises ; en revanche, en matière d’immobilier d’entreprises, c’est soit le département, soit la communauté d’agglomération qui a la compétence.
Pour ma part, je fais confiance aux élus pour mettre fin à ces doublons. Mais je crois aussi à la diversité des territoires et je ne vois pas comment rédiger une loi qui empêche les élus locaux de décider, selon les situations, qui fait quoi entre la région, un département, une métropole ou les structures intercommunales.
J’ai souvent entendu dire qu’il serait impossible de s’entendre au sein des conférences territoriales de l’action publique. Je connais pour ma part six conférences territoriales régionales et elles fonctionnent bien. Yves Krattinger me citait d’ailleurs le cas de la conférence des exécutifs de son département. À chaque fois qu’on réunit des élus, cela donne de bons résultats, pour la raison simple que les élus sont des gens sérieux, et je leur fais confiance.
Je le répète, les conférences territoriales de l’action publique, créées à la suite de propositions du Sénat, permettront de mettre fin aux doublons.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans ses Mémoires d’outre-tombe, Chateaubriand reconnaissait avec lucidité ceci : « L’immobilité politique est impossible ; force est d’avancer avec l’intelligence humaine. Respectons la majesté du temps ; contemplons avec vénération les siècles écoulés [...] ; toutefois, n’essayons pas de rétrograder vers eux, car ils n’ont plus rien de notre nature réelle, et, si nous prétendions les saisir, ils s’évanouiraient. »
M. Jean-Pierre Raffarin, président de la mission commune d’information. Il fallait un peu de romantisme ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Carle. Si l’on veut aujourd’hui relever le défi de la compétitivité qui s’impose à nous, le Président de la République l’a rappelé, nous ne pouvons plus, mes chers collègues, gouverner la France avec l’organisation du siècle dernier.
Nous devons engager une double rupture : celle de notre organisation politique et administrative et celle de la méthode. Il nous faut passer d’une démocratie descendante à une démocratie ascendante.
Le général de Gaulle l’avait très bien compris, qui disait : « Plus je plonge dans la France, plus je constate que beaucoup de choses reposent sur la conscience et le dévouement des maires ». Il ajoutait à leur adresse : « Vous êtes les éléments de solidité de la France. »
Mes chers collègues, la compétitivité de notre pays prendra corps lorsque nous ferons confiance à cette France d’en bas chère à Jean-Pierre Raffarin. Pour ce faire, l’État doit engager une véritable révolution culturelle : passer de la culture de la circulaire à celle du contrat.
Les rythmes scolaires en sont le plus bel exemple. En effet, s’il y a consensus sur l’objectif, la mise en place ne peut être décrétée depuis la rue de Grenelle, car les rythmes biologiques des enfants et des enseignants ne peuvent être déconnectés des rythmes économiques, voire climatiques, des diverses régions. Seules la contractualisation et l’expérimentation au niveau local seront efficientes.
Madame la ministre, ma question est simple : quelles mesures comptez-vous prendre pour valoriser la diversité de nos territoires et la compétitivité de la France au moment où nos collègues Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger proposent des pistes de réflexion particulièrement intéressantes ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. La question est simple, mais encore faut-il que vous m’accordiez quelques heures pour expliquer ce que pourrait être cette évolution… (Sourires.)
En tant que membre du Gouvernement, je compte prendre en compte le rapport de la mission commune d’information et, à partir de celui-ci et des textes qui sont déjà en vigueur, j’entends faire évoluer les choses et proposer sans doute des simplifications, en particulier dans l’échelle des responsabilités et des prises de décisions.
Mais j’entends ce que vous dites, ce qu’ont dit deux des orateurs qui sont intervenus tout à l’heure, comme j’entends ce qu’a dit ce matin le Président de la République, qui, constatant que les services déconcentrés de l’État font remonter 6 000 indicateurs vers les ministères, se demandait ce que l’on faisait de ces chiffres, sinon des statistiques.
La déconcentration sera donc inscrite au programme du Gouvernement.
Je profite de votre question pour aborder le rôle des préfets, après Edmond Hervé.
Dans un premier temps leur a été confié le pilotage des budgets opérationnels de programme, les BOP. Il me semble qu’on ne peut pas s’arrêter là. À partir de l’expérimentation qu’Yves Krattinger appelle de ses vœux, il y a un travail à faire sur la déconcentration et sur le rôle des préfets, qui ne doit pas se limiter à un simple contrôle a posteriori.
Cela rejoint la question qu’a posée Jean-Claude Peyronnet à propos du rôle des parlementaires. Je n’ai pas de réponse bordée sur le plan juridique à vous faire, monsieur le sénateur, mais ce qui existe au niveau national, c’est-à-dire la mission de contrôle des parlementaires sur l’action du Gouvernement, pourrait se décliner en une mission de contrôle des parlementaires sur l’exécution par les préfets des décisions de l’État. En tout cas, c’est la voie vers laquelle nous nous orientons.
Voilà ce qu’il est possible de faire pour conjuguer décentralisation, déconcentration et simplification. Cela demandera beaucoup de travail et nécessitera d’amples discussions avec nos fonctionnaires.
Puisque je dispose d’un peu plus de temps (Sourires.), je conclurai mon propos en disant quelques mots sur les corps de contrôle.
J’ai entendu plusieurs intervenants se plaindre du fait que l’État « étouffait » un peu les élus et les acteurs locaux par des contrôles sans raison d’être. Jean-Pierre Raffarin a parlé de l’initiative qui pouvait être étouffée par tous ces a priori. C’est là un vrai sujet, celui de l’État régulateur, mais aussi celui de l’État accompagnateur des collectivités, et il demande réflexion. Peut-être faudra-t-il envisager un décret de préfiguration s’agissant des départements et de la compétence de solidarité territoriale, comme semblent en être d’accord M. Raffarin et M. Krattinger. Une proposition écrite leur sera faite à ce sujet.
Il faut aller jusqu’au bout de la démarche et veiller à ce que l’État soit partout présent pour exercer sa mission de contrôle de la réalité des choses – je pense, par exemple, à l’industrie agroalimentaire, aux produits de santé, des sujets qui ont fait l’actualité récente – et, à cet égard, une vraie évolution doit intervenir.
Je peux vous dire que, ce matin, devant les préfets, les directeurs d’administration centrale et l’ensemble des corps constitués réunis, le Président de la République a manifesté une attention particulière pour cette réforme de l’État qui doit être entamée.
Aussi, et bien que le propos soit inimaginable de la part d’un ministre, vous me permettrez, mesdames, messieurs les sénateurs, de me souhaiter bon courage ! (Rires.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet après-midi, dans les différentes interventions, il a été question à plusieurs reprises des régions. Je reviendrai bien évidemment sur les propositions qui sont faites à cet égard, mais cela montre en tout cas la nécessité de travailler à l’articulation entre les différentes collectivités. C’est là un des enjeux des deux textes à venir – mais, madame la ministre, vous avez laissé entendre qu’il n’y aurait peut-être plus qu’un seul projet de loi.
Ma collègue Mireille Schurch l’a rappelé, loin d’opposer les collectivités entre elles, nous devons leur permettre de mieux travailler au service des femmes et des hommes de nos différents territoires. Dans le cadre de la modernisation de l’action publique, il a beaucoup été question de l’intelligence territoriale. Il faut lui donner corps, et les élus en sont capables.
Je ne pense pas que, pour donner plus de visibilité aux régions, comme le réclament à la fois les auteurs du rapport et les acteurs de terrain, il faille nécessairement réduire leur nombre et accroître leur taille. Finalement, quel que soit le nombre des régions, quelle que soit la taille des unes et des autres, se posera nécessairement la question de l’interrégionalité, de la périphérie.
Si je prends l’exemple de la région Rhône-Alpes, même si on lui adjoint la région Auvergne, la question du transport quotidien de voyageurs vers la région Bourgogne se posera toujours ; si on lui adjoint la région PACA, se posera toujours la question des trajets quotidiens vers la région Auvergne.
Nous avons besoin, effectivement, de créer ces espaces interrégionaux qui existent déjà à l’échelle des massifs – citons, par exemple, la coopération entre les six régions du Massif central.
Madame la ministre, vous nous avez dit être prête à rendre possible l’expérimentation ; le cas échéant, quelle place sera donnée à la consultation des populations concernées ? Plus concrètement, comment redonner leur place à des régions sans les opposer aux autres collectivités, sans non plus briser l’unité de la République ? Vous l’avez rappelé, notre objectif est surtout de réduire les inégalités territoriales, et non d’en créer d’autres.
M. le président. La parole est à M. le président de la mission commune d’information.
M. Jean-Pierre Raffarin, président de la mission commune d’information. Je tiens à rassurer notre collègue : nous ne voulons pas redessiner la carte administrative, nous ne voulons pas redécouper les régions. L’idée, c’est d’éviter que plusieurs acteurs ne soient en compétition et, ce faisant, ne créent des doublons, source de dépenses. Pour cela, il faut que les acteurs ne se ressemblent pas trop. Ils doivent donc avoir des natures différentes. Et nous pensons que la dimension est un élément de cette différenciation, tant il est vrai que, lorsque vous avez la charge d’espaces plus vastes où la densité de population est différente, vous ne pouvez pas manifester le même intérêt, la même préoccupation pour la population vivant dans un canton rural.
Telle est l’approche de rationalisation que nous proposons.
J’entendais tout à l’heure notre collègue Edmond Hervé dire des territoires sans métropole qu’ils étaient condamnés. Autant je souscris en grande partie à son propos, autant, là, je me pose la question : la région Poitou-Charentes est-elle condamnée, qui ne compte aucune métropole régionale ? Cela peut se discuter, mais il est clair que Bordeaux ou Nantes ont une influence sur leur territoire régional. En tout cas, nous avons besoin de structures interrégionales.
Ainsi, je remarque qu’EDF, la SNCF ou un certain nombre de structures avec lesquelles nous travaillons aujourd’hui fonctionnent ainsi. Un conseil régional, pour réaliser son schéma des transports, travaille avec une direction interrégionale de la SNCF dont le siège se trouve dans une métropole de proximité extérieure à la région.
Il ne s’agit pas, ma chère collègue, de prendre des ciseaux et de refaire avec les régions ce que d’autres font avec les cantons !
Mme Cécile Cukierman. C’est pourtant ce que vous vouliez faire voilà peu !
M. Jean-Pierre Raffarin, président de la mission commune d’information. Notre idée, c’est simplement de trouver le moyen de la puissance. Par exemple, si vous voulez un jour créer ce qui ressemblerait à une Banque publique d’investissement interrégionale ou régionale qui puisse faire du haut de bilan, qui puisse soutenir par des financements directs des PME sur des structures stratégiques, il est nécessaire de disposer d’un staff, d’une équipe qui seront probablement mieux structurés à un niveau interrégional.
Notre approche est donc très pragmatique. Nous proposons que des expérimentations soient conduites. À cet égard, je partage l’idée exprimée par Yves Krattinger : la création de pôles interrégionaux pourrait préfigurer une action interrégionale pour l’exercice d’un certain nombre de compétences, afin d’assurer à celle-ci une puissance suffisante, sans pour autant toucher aux identités régionales, qui sont une réalité importante. Je mesure bien que tout cela est complexe.
Cette démarche empirique, expérimentale, consistant à instituer des pôles interrégionaux représente le moyen de progresser vers la nécessaire mise en place d’une action à l’échelon interrégional tout en évitant la concurrence entre région et départements.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Yves Krattinger, rapporteur de la mission commune d’information. Nous touchons ici au fond du sujet. En fait, il existe deux types d’inégalités majeures entre territoires : des inégalités de richesse, qui peuvent toujours en théorie être compensées par la péréquation,…
M. Jean-Jacques Hyest. On ne le fait pas !