M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la mission commune d’information, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, existe-t-il lieu plus pertinent que cet hémicycle pour débattre de l’avenir de l’organisation décentralisée de notre république ? Je ne le pense pas.
En effet, les sénateurs, qui, aux termes de la Constitution, assurent la représentation des collectivités, peuvent, en la matière, se prévaloir d’une expertise et même d’une expérience hors du commun. En serait-il de même si, un jour, notre assemblée ne comptait plus dans ses rangs ni maire ni président de collectivité ? J’en doute fortement ! (Mme Sophie Primas et M. Bruno Retailleau applaudissent.) Il est encore temps de ne pas mal faire !
M. Jacques Mézard. Eh oui !
M. Jean-Michel Baylet. Les enjeux territoriaux sont pourtant toujours au cœur de nos travaux. En témoigne le débat qui se tiendra demain, ici même, à l’initiative du groupe RDSE et de son président, Jacques Mézard, sur la politique du Gouvernement en matière d’égalité des territoires. Il faut souligner, en tout cas, la qualité des travaux de la délégation sénatoriale aux collectivités et à la décentralisation, présidée par Jacqueline Gouraud.
Depuis la loi du 28 mars 2003, il est inscrit à l’article 1er de notre Constitution que l’organisation de notre République est décentralisée. Cela rappelle sans doute quelque chose au président Raffarin…
Longtemps attendue et espérée, la grande réforme que devait être l’acte III de la décentralisation a cédé la place à divers textes. Pour le dire autrement, l’acte III se joue en plusieurs scènes. (Sourires.)
Des textes touchant à l’organisation des collectivités ont cependant déjà été adoptés, depuis juin 2012. Je pense notamment à la loi relative à l’élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers départementaux, avec la fâcheuse introduction de l’élection par binômes.
M. Bruno Sido. Ah !
M. Jacques Mézard. Excellent !
M. Jean-Michel Baylet. Plus récemment, l’année 2013 s’est achevée par le vote du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Enfin, à la fin du mois, nous débattrons, en seconde lecture, des projets de lois interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec les mandats de parlementaires.
Je le répète, madame la ministre, il est encore temps de ne pas mal faire !
M. Jacques Mézard. Perseverare diabolicum !
M. Jean-Michel Baylet. La mission commune d’information créée en avril dernier, à l’initiative de nos collègues du groupe UMP, ambitionnait de s’affranchir des calculs politiciens en privilégiant une approche constructive et transpartisane. On peut, certes, s’interroger sur l’opportunité d’engager un tel travail prospectif, à l’horizon 2020, alors que nous examinions, concomitamment, plusieurs textes d’importance touchant aux mêmes sujets.
Les griefs les plus récurrents à l’évocation de l’administration de nos territoires sont la lourdeur et le manque de lisibilité des processus de décision. La mission commune d’information nous propose donc dans son rapport d’adapter cette architecture aux défis de notre temps, tout comme elle ambitionne de rénover le cadre institutionnel et de l’appliquer à des territoires différents. Je tiens à rendre hommage au travail d’animation et de médiation réalisé par le président Jean-Pierre Raffarin et le rapporteur Yves Krattinger.
Dans le temps qui m’est imparti, il me sera impossible d’aborder l’ensemble des pistes que vous tracez, mes chers collègues. Vous me permettrez de ne pas m’attarder sur l’indispensable réforme de la gouvernance des grandes métropoles, ni sur les perspectives que vous tracez pour l’intercommunalité. Je me suis exprimé sur ces points en des temps anciens, quand j’en avais la charge au sein du Gouvernement.
M. Jean-Michel Baylet. Je reviendrai plutôt sur le premier axe de réflexion du rapport, qui s’attache à la présence de l’État et des services publics dans les territoires. Il s’agit, aux yeux de nos concitoyens, de la manifestation essentielle, et la plus visible, de la puissance publique. Ces dernières années, malheureusement, cette présence s’est réduite, singulièrement dans les zones les plus sensibles et les plus fragiles : les zones rurales.
Ce désengagement a alimenté le sentiment d’abandon ressenti par des populations et des territoires entiers. Il est bien réel ! Pourtant, face à ce mouvement, des initiatives sont nées. Dans mon département, le Tarn-et-Garonne, nous avons travaillé dès 2008, avec l’association des maires et la préfecture, pour créer les conditions de l’élaboration d’un schéma départemental de présence postale, permettant le maintien de la plupart des agences et privilégiant le dialogue et la concertation.
Sur le plan institutionnel, le rapport préconise une diminution du nombre de régions – entre huit ou dix -, avec la perspective de leur conférer une taille européenne. Nous aurions dû faire cela autrement, plutôt que de les couper en deux à leur création pour satisfaire tel ou tel baron ! Cette direction est la bonne.
Ce rapport réaffirme également la place centrale du département, notamment dans les zones rurales, comme lieu de la solidarité et de la proximité. Voilà bien la reconnaissance de la réalité des choses, depuis que la République, dans les conditions que nous savons, a créé cette collectivité !
Je mesure le caractère explosif de ces propositions, qui vont à l’encontre de l’argument à la mode – la sagesse de cette assemblée invite pourtant à se méfier des modes – trop souvent entendu, y compris ici tout à l'heure, qui voudrait que le département soit une structure « périmée, parce qu’ancienne », ainsi que vous le mentionnez dans le rapport. Vous ajoutez « l’enracinement historique du département lui confère sa légitimité. » C’est ce à quoi je faisais allusion à l’instant en parlant des conditions de la création des départements, décidée pour, d’une certaine manière, sauvegarder la République.
Ainsi qu’il a été dit à plusieurs reprises lors des auditions, nos concitoyens sont attachés à leurs départements, comme à leurs 36 000 communes et à leurs maires.
Vous proposez la création de grandes régions, plus adaptées au grand jeu européen et disposant de réelles missions d’aménagement du territoire, de développement économique. Cela va dans le bon sens : à la région, la stratégie, au département, la proximité et l’efficacité. Ainsi, nos concitoyens gagneront en lisibilité et en compréhension des processus, et nous ferons preuve d’une meilleure efficacité.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Jean-Michel Baylet. Dans son sixième axe de propositions, le rapport s’attache à la question du rôle des parlementaires dans la décentralisation. Nous le voyons, notamment lors de l’examen des projets de loi de finances, nous sommes confrontés à des difficultés dans l’accès aux données, ou à la transmission de données tronquées de la part de certaines directions.
M. Raffarin le sait mieux que quiconque : si même le Premier ministre se trouve parfois face au « mur de Bercy », que dire alors des parlementaires que nous sommes ? Je souscris donc pleinement à l’idée de doter le Parlement de moyens d’expertises propres. Là encore, le Sénat, « grand conseil des communes de France », a un rôle particulier à jouer.
Les relations financières entre l’État et les collectivités sont trop souvent complexes et empreintes d’une méfiance réciproque, et cela ne va pas en s’arrangeant. L’autonomie financière des collectivités est pourtant inscrite à l’article 72-2 de la Constitution.
Lors de ses vœux aux Français, donc tout récemment, le Président de la République a rappelé son engagement en faveur de la maîtrise de la dépense publique, notamment en ce qui concerne les compétences des collectivités, qui devront être clarifiées. Oui, mais, dans son rapport, la mission commune d’information pointe le manque de lisibilité et le caractère inégalitaire des finances locales, ce qui accroît les fractures entre collectivités. Au sein de l’Assemblée des départements de France, cher Bruno Sido, nous cherchons une solution équilibrée, depuis tant d’années !
Et que dire des transferts de compétences ? En 2010, nos collègues Éric Doligé et Claude Jeannerot pointaient déjà dans leur rapport des perspectives inquiétantes pour les finances locales, liées à l’évolution prévisible des charges résultant de ces transferts de personnels de l’État vers les collectivités, sans compensation. Disons-le fortement mais d’une manière positive, madame la ministre, il n’y aura de véritable décentralisation que lorsque l’on accordera aux collectivités locales une véritable autonomie financière et fiscale.
Enfin, je conclurai mon propos en rendant hommage aux 550 000 élus locaux, qui accomplissent une tâche remarquable. Ce sont eux qui assurent un rôle de premier plan dans le développement des territoires, le fonctionnement des services publics et le maintien du lien social. Ce sont eux qui furent, par exemple, en première ligne lors des récentes inondations en Bretagne.
Il faut donc nouer de véritables pactes de confiance entre l’État et les collectivités, car ce sont elles qui font vivre la démocratie au plus près de nos concitoyens. Je sais, madame la ministre, que vous-même, comme l’ensemble du Gouvernement, en êtes convaincue. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et de l’UMP et au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le Premier ministre Raffarin, président de la mission commune d’information, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le titre du rapport, Des territoires responsables pour une République efficace, est sobre, concis et clair. Il fixe un cap et donne la feuille de route pour atteindre l’objectif. Cette méthode de travail pleine de bon sens sert, à l’évidence, l’intérêt de nos collectivités locales, et bien au-delà.
Puisque nous sommes le 7 janvier et que la période est aux vœux, permettez-moi de souhaiter de tout cœur que notre pays suive en 2014 un chemin de responsabilité et poursuive une ambition : l’efficacité de l’action publique. Les chefs d’entreprises parleraient plutôt de retour sur investissement de l’impôt des Français.
Le consentement des citoyens à l’impôt, loin de n’être qu’un principe inscrit en lettres d’or dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, doit redevenir un élément clef du pacte républicain : faire des efforts, oui, mais pour des résultats tangibles !
L’effort, voilà précisément ce à quoi nous invite ce rapport d’information, au travers de dix propositions.
Si elles devenaient réalités, elles permettraient enfin de régler les questions de la relation coûteuse de l’État aux collectivités territoriales et du rôle respectif des différents acteurs locaux. L’effort s’entend ici au plan intellectuel autant que financier. Je dis « enfin », car le diagnostic est connu de tous, et depuis des lustres !
En toute franchise, lorsque je relis les discours que nous prononçons tous sur ce thème, je ressens la désagréable impression que nous passons notre temps à dresser les mêmes constats, ce qui n’enlève rien à leur pertinence, d’ailleurs, mais que tout ou presque s’arrête là. Nous sommes lucides, mais velléitaires.
Permettez-moi de prendre quelques exemples.
Les doublons administratifs entre l’État et les collectivités existent depuis 1982.
Il en va de même de la question de l’accessibilité et de la qualité du service public en milieu rural : voilà des décennies que chacun connaît le problème de la désertification !
Nous évoquons depuis longtemps la nécessité de traiter à part les métropoles de rang européen ou mondial, comme Paris et ses environs, ainsi que le problème posé par la taille de la plupart des régions françaises, insuffisante pour leur permettre de jouer dans la même cour que leurs homologues européennes.
De même, l’application du principe de subsidiarité, qui entend permettre de décider vraiment au plus près des réalités de terrain, fait l’objet de discours répétés.
Rassurez-vous, j’arrête là cette énumération !
La mission commune d’information, au contraire, a tourné ses travaux vers l’action. C’était pour moi un plaisir d’en faire partie.
Au nom des quarante et un départements de la droite, du centre et des indépendants, j’évoquerai trois sujets : l’avenir du département, sa complémentarité avec la région et la nécessaire réforme de l’État.
Les départements sont, bien sûr, les enfants de la Révolution et des Lumières. Ils ne datent pas d’hier, à l’heure de la société du « 2.0 » où la course permanente à la nouveauté marginalise tout ce qui semble un peu ancien, madame Lipietz !
Bien sûr, ils ne sont pas « à la mode », comme les régions, véritables échelons de base de l’intervention de l’Union européenne communs à presque tous les États européens.
Bien sûr, la cascade de structures publiques qui étouffe, par son coût, l’économie réelle et décourage l’initiative des entrepreneurs, par son manque de réactivité, doit être réformée pour correspondre à sa raison d’être : servir.
Mais les départements sont-ils le problème, comme la Commission pour la libération de la croissance française, présidée par M. Attali, s’en faisait l’écho ? Elle n’est d’ailleurs pas seule à tomber dans le déni de réalité : les auteurs d’un rapport de l’OCDE ont commis, voilà quelques mois, la même erreur. À l’issue de la conversation que j’ai eue avec eux, ces rapporteurs ont cependant pris conscience du rôle indispensable des départements en milieu rural, et je les remercie publiquement aujourd’hui de leur capacité à remettre en cause leurs propres analyses. C’est un comportement suffisamment humble et professionnel pour être salué.
Dans le monde urbain, il va de soi que les métropoles ont vocation à redéfinir les rôles et missions de chacun.
Le milieu rural, voilà le point clé pour comprendre l’avenir du département. Loin d’être le problème, il représente une solution d’avenir hors des villes. Qui se chargerait des solidarités ? Qui pourrait entretenir le réseau routier ? Qui investirait pour l’accès de tous à l’internet haut débit sur tout le territoire ?
À cet égard, plutôt que de faire un long discours, je citerai un seul paragraphe de l’excellent rapport d’information de notre collègue : « Premier échelon de la décentralisation par ses compétences de proximité, le département possède une forte capacité fonctionnelle comme instance de cohésion sociale [...], comme niveau irremplaçable d’expression des besoins spécifiques de la ruralité [...]. Le conseil général est l’interlocuteur naturel des maires, qui estiment que le département présente un intérêt majeur pour les territoires. »
Tout est dit, ou presque. Quelqu’un pourrait-il m’expliquer par quel raisonnement étrange certains concluent que la réforme territoriale passe par la suppression du département ?
Pourquoi les départements sont-ils une chance pour le monde rural ? Pour éviter le basculement vers un « sous-prolétariat territorial » – j’en conviens, l’expression est forte ! – de vastes étendues qui, sans eux, seraient abandonnées à elles-mêmes, souvent en pleine reconversion industrielle. Ce risque concerne 20 % du territoire national, si j’en crois le rapport d’information, partout où « les zones rurales échappent à l’influence des métropoles et des agglomérations ».
Pour autant, préservation ne signifie pas immobilisme : si le département reste un échelon très pertinent, la clarification du « qui fait quoi ? » avec la région ne peut plus attendre.
Le groupe de la droite, du centre et des indépendants de l’Assemblée des départements de France le demandait hier au gouvernement de François Fillon, comme il le fait aujourd’hui à celui de Jean-Marc Ayrault – nous sommes constants dans les demandes que nous adressons à l’exécutif.
Quel est le rôle du département ? La proximité et la cohésion d’un territoire. J’ai coutume de dire que c’est du « cousu main ».
Quelle est la vocation de la région ? La stratégie sur le plan économique, comme cela a été souligné, et des grands investissements, qui hissent la compétitivité de pans entiers de notre pays.
Le constat est clair : les régions françaises doivent regarder vers l’Europe et non plus vers les cantons, même remodelés, madame la ministre ! Qu’elles cessent de faire du développement local et de concurrencer les conseils généraux pour se consacrer à la formation professionnelle, l’économie et l’emploi, autant de sujets qui supposent une vision stratégique à l’échelle de territoires disposant de la taille critique pour agir.
Voilà deux ans déjà, le groupe des départements de la droite, du centre et des indépendants demandait que « le périmètre des régions françaises soit revu et que leur nombre passe de vingt-deux à une dizaine pour redonner du sens et de la perspective à la gouvernance des territoires ». Je suis ravi que la mission commune d’information partage aussi cette réflexion et préconise le passage à huit ou dix régions.
Du point de vue des départements, l’autre grand chantier à conduire tambour battant, c’est la réforme de l’État. Assez de mots, de l’action !
Je note que la mission commune d’information place en priorité n° 1 le recentrage nécessaire. En juillet 2013, la Cour des comptes dénonçait une nouvelle fois les nombreux doublons entre l’État et les collectivités. Nous avons plus que jamais, au regard des efforts financiers demandés aux Français, le devoir d’en finir avec le gaspillage et l’inefficacité. Si vous trouvez ces termes trop durs, ce sont ceux du rapport d’information, que je fais miens : ils disent les choses, tout simplement.
Que l’État supprime les services qui font doublons avec ceux des collectivités !
Que l’État nous conseille, oui ! Que l’État nous contrôle, oui, bien sûr, mais qu’il nous laisse agir pleinement et cesse de se mêler de tout ! À trente-deux ans, nos collectivités sont plus que majeures ; elles doivent donc assumer devant les électeurs leurs choix et leurs actes.
En cas d’acte illégal, les préfets sont là pour mettre en garde et, si besoin, déférer le contrevenant devant les tribunaux administratifs. Tout citoyen peut également saisir dans les deux mois les juridictions pour obtenir l’annulation de nos décisions ou délibérations qui ne seraient pas conformes au droit.
Autrement dit, c’est de l’État comme pouvoir juridictionnel dont les collectivités ont besoin afin d’assurer un véritable contrôle de leur action et pas de directions départementales qui peinent à trouver leur rôle.
Depuis 1982, la décentralisation est souvent perçue comme un moyen pour le pouvoir central de se défausser sur les collectivités. Derrière les transferts de compétences et de personnels sans avoir les moyens nécessaires pour agir, se cache en réalité un autre transfert : celui de l’impopularité consécutive à l’augmentation de la pression fiscale…
Pour conclure, je souhaite, au risque d’en surprendre certains, que le changement soit pour maintenant ! (Sourires.) Assez de discussions, place à l’action et au concret : mettons sans tarder en œuvre les dix propositions de ce rapport d’information ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck.
M. René Vandierendonck. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout le monde sait l’importance que j’accorde aux rapports d’information du Sénat, qui m’ont souvent été très utiles – je connais d’ailleurs quasiment par cœur le rapport d’information intitulé Faire confiance à l’intelligence territoriale.
Pouvait-on récidiver en publiant un rapport de même qualité, sans esprit hémiplégique ? (Sourires.) Vous avez remarquablement montré, mes chers collègues, que cela était possible. À cet égard, je veux, à mon tour, vous adresser mes félicitations.
Mais quelle surprise : jamais un document de cette nature n’a eu un tel impact ! À Rennes, quelques semaines après la publication de ce rapport, le Premier ministre, en présence de Mme la ministre, que je salue, a explicitement indiqué que le deuxième projet de loi relatif aux régions et aux départements porté par Marylise Lebranchu serait l’occasion de procéder à un approfondissement de la décentralisation et qu’il serait inscrit en avril prochain à l’ordre du jour des travaux du Parlement. De nouvelles compétences devront être transférées aux régions au-delà de celles qui sont déjà prévues dans votre texte, madame la ministre, c'est-à-dire le développement économique, l’innovation, la formation professionnelle, l’apprentissage, l’orientation, dont le rôle est déterminant pour la compétitivité, la croissance et l’emploi, et nous devons encore le renforcer.
En d’annoncer, en matière d’aménagement du territoire, que les fameux SRADDT, les schémas régionaux d’aménagement et de développement durable du territoire, pourraient avoir une portée prescriptive. Vous l’avez vu, mes chers collègues, dans le cadre de l’examen du projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, Mme Duflot s’est bien gardée d’aborder cette question, au prétexte que nous serait présenté un texte sur la décentralisation.
Toutefois se pose un véritable problème. En effet, 20 % du territoire national est couvert par un SCOT, un schéma de cohérence territoriale. Or la préservation de l’espace rural, la cohérence de l’urbanisme commercial et de la gestion de l’eau, la trame verte et bleue et bien d’autres politiques encore ne peuvent se concevoir qu’à cette échelle, avec une opposabilité minimale dans un champ précis. C’est pourquoi il convient d’encourager cette orientation.
Maos alors, que va-t-il donc rester au département ? C’est la question que se posent certains, surtout ici, dans une assemblée où les départementalistes sont nombreux. Eh bien, il lui reste l’essentiel ! Dans une compétence partagée, si, en matière d’aménagement du territoire, le chef de filat est la région, le département a justement un rôle éminent à jouer, comme l’a évoqué notre collègue Bruno Sido, pour assurer ce que le rapporteur appelle la « fédération des intercommunalités », notamment rurales, ainsi que la mutualisation de moyens. Ce n’est pas le tout de mieux couvrir l’intercommunalité et le territoire ! Lorsque les territoires ont atteint la taille critique d’une intercommunalité, à la bonne échelle – je le constate dans mon territoire, et vous devez le voir vous aussi, mes chers collègues, dans les vôtres ! –, ils cimentent leur affectio societatis autour d’un projet.
Tout va bien quand il s’agit de se payer un bureau d’études et d’avoir un projet de développement, mais se pose derrière le problème de la phase opérationnelle : avec quels outils d’aménagement procéder et avec quels crédits publics d’accompagnement ?
Il existe des disparités, des inégalités très profondes devant l’aménagement du territoire, qui tiennent à l’ingénierie territoriale. En la matière, les départements ont, me semble-t-il, un véritable rôle à jouer. La solidarité territoriale réside dans la mutualisation et l’équité dans la répartition des moyens d’ingénierie territoriale. Cela me paraît être un point important du débat.
Je tenais à insister particulièrement sur le fait que ces orientations vont dans le bon sens.
De même, le pouvoir réglementaire d’adaptation des régions, auquel je crois depuis longtemps, est quelque chose d’on ne peut plus normal. Ce n’est pas un miroir aux alouettes. Dans le même ordre d’idées, prenons conscience – cela devient de plus en plus crucial – qu’on ne fait pas de la décentralisation sans améliorer la déconcentration.
M. René Vandierendonck. Je parle ici en présence d’un ancien sous-préfet à la ville…
Dans quelques jours aura lieu ici un débat sur la nouvelle politique de la ville. Savez-vous, mes chers collègues, qu’un préfet de département n’a aucune responsabilité directe dans les décisions d’investissement du ministère de la justice ou, mieux encore, du ministère de l’éducation nationale, ni dans leur programmation opérationnelle ? Il faut faire progresser la déconcentration pour faire avancer la décentralisation. Mais je suis confiant sur ce point, car le Président de la République a découvert ce matin, à onze heures, qu’un nombre trop important d’indicateurs remontaient dans les ministères !
M. René Vandierendonck. En effet ! C’est trop, a-t-il dit, et je suis assez d’accord avec lui.
Pour ma part, je souhaite que l’on déconcentre davantage, pour donner aux préfets de véritables marges de manœuvre, qui conditionnent celles que l’on reconnaît aux élus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé.