M. Ronan Dantec. Monsieur le ministre, dans un projet de communication dont nous avons eu quelques échos et intitulé « Achever le marché intérieur de l’électricité et tirer le meilleur parti de l’intervention publique », la Commission européenne fait notamment part de son inquiétude concernant la création de vingt-huit « marchés de capacités nationaux ».
Elle indique que ces marchés, qui visent à assurer le maintien d’une capacité de production électrique suffisante pour faire face aux pointes de consommation, doivent être considérés par les États membres comme un dernier recours, les invitant plutôt à renforcer les interconnexions aux frontières et à coopérer entre eux régionalement pour étudier la possibilité de mettre en œuvre des mécanismes transfrontaliers.
Conformément à la loi NOME, le réseau de transport d’électricité, RTE, et la commission de régulation de l’énergie, la CRE, travaillent actuellement à la définition des règles du marché de capacité français, qui devrait être opérationnel en 2015-2016.
Monsieur le ministre, ma question est donc très simple : comment construit-on le marché de capacité européen à partir de là ? Comment crée-t-on de la cohérence entre démarche nationale et inquiétude européenne ?
Vous avez déclaré mardi, lors d’un colloque de l’Union française de l’électricité, qu’un important travail était en cours avec l’Allemagne pour l’élargissement du système de capacité français. Pouvez-vous nous garantir que le calendrier choisi en France est compatible avec un futur mécanisme européen ou, a minima, avec un mécanisme commun aux pays interconnectés avec la France, c’est-à-dire pas uniquement l’Allemagne, mais aussi le Benelux, la Suisse ou l’Espagne ?
Le rapport de la CRE, paru en juillet, montre que les couplages de marchés entre la France, le Benelux et l’Allemagne ont déjà permis, depuis la fin de l’année 2010, d’économiser environ 50 millions d’euros par an en coûts d’approvisionnement.
De plus, on entend régulièrement dire que la mise en place d’un mécanisme de capacité européen unique, qui se déclinerait ensuite aux échelons nationaux, réduirait de moitié l’investissement nécessaire en capacité.
Outre sa contribution à la sécurité d’approvisionnement et à la baisse du prix de gros, un mécanisme européen, lié au renforcement des interconnexions, constituerait également une mesure majeure de l’accompagnement du développement des énergies renouvelables en Europe.
Nous vous remercions donc, monsieur le ministre, de nous confirmer que les décisions prises en France s’inscriront bien dans la définition de cet outil stratégique de la future communauté européenne de l’énergie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Martin, ministre. Monsieur Dantec, le mécanisme de capacité français est un dispositif innovant conçu pour inciter au développement de nouvelles capacités de production ou d’effacement lorsque la sécurité de l’approvisionnement est menacée.
Ce mécanisme est également neutre technologiquement et permet de ne pas créer de distorsions sur le marché de l’énergie. Le dispositif français incite en particulier au développement des capacités d’effacement en leur ouvrant les mêmes droits qu’aux capacités de production. Ce dispositif sera mis en œuvre à compter de 2016.
Selon les grands principes du mécanisme de capacité défini par le décret du 14 décembre 2012, une consultation sur les règles précises est actuellement menée par RTE et implique l’ensemble des acteurs du marché de l’électricité.
Dans le même temps, la France participe activement aux réflexions européennes, que vous évoquiez, sur l’articulation des différents mécanismes en Europe. De ce point de vue, la publication dans les prochaines semaines, par la Commission européenne, de lignes directrices est une initiative bienvenue que la France suivra avec attention.
Ce dispositif innovant ne s’appuie sur aucune aide d’État, car la valeur de la capacité est révélée par un mécanisme de marché.
Le 14 octobre 2013, la Commission européenne a adopté une liste de 248 projets clés dans le domaine des infrastructures énergétiques. La France est concernée par neuf projets dans le secteur du gaz et par six projets dans le secteur de l’électricité.
Le développement des interconnexions est une condition indispensable à l’établissement d’un marché intérieur de l’électricité et du gaz. Ces interconnexions permettront d’assurer une meilleure convergence des prix, une meilleure sécurité d’approvisionnement, une bonne insertion des énergies renouvelables. Les grandes règles les régissant se trouvent dans les codes de réseau, éléments clés de la construction de marchés intérieurs européens de l’électricité et du gaz.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour la réplique.
M. Ronan Dantec. Je tiens d’abord à remercier M. le ministre d’avoir insisté sur la question de l’effacement, que j’avais peu évoquée dans les deux minutes imparties !
Il s’agit en effet d’une question centrale. On insiste beaucoup trop sur la nécessité de produire davantage. Or, disposer de mécanismes d’effacement efficaces constituera, demain, l’une des réponses majeures du marché intégré européen à tous ceux qui continuent d’agiter le spectre du black-out.
Je voudrais, pour conclure, et peut-être en écho à ce qu’a dit Michel Teston, insister sur le fait que les grands industriels européens de l’énergie qui ont publié cette tribune ne s’attaquent pas aux énergies renouvelables. Ils évoquent la désorganisation à l’échelle européenne du marché de l’énergie et insistent, comme nous, sur deux points essentiels : le relèvement du prix de la tonne de CO2 – question centrale –, et l’instauration d’un mécanisme de marché européen de capacité, les deux conditions, demain, d’un développement rationnel et rapide des énergies renouvelables. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.
M. Raymond Vall. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe du RDSE est, comme vous le savez, très attentif aux questions énergétiques. Notre position est connue : l’indépendance énergétique de la France et, plus largement, celle de l’l’Union européenne, est un objectif essentiel auquel nous devons accorder une attention prioritaire.
Or l’Europe est en situation de forte dépendance, avec une facture annuelle d’environ 350 milliards d’euros appelée à s’accroître inéluctablement.
Il est donc impératif d’engager nos pays dans l’élaboration d’un scénario énergétique ambitieux, efficace et solidaire pour pouvoir diversifier nos sources d’énergie et garantir notre approvisionnement, tout en tenant compte, entre autres, des particularités géographiques ou climatiques de chaque pays.
Cela signifie en particulier que nous devons promouvoir nos filières d’excellence, qu’il s’agisse du nucléaire ou des énergies renouvelables, et favoriser plus que jamais auparavant la sobriété énergétique et l’efficacité dans tous les secteurs d’activité gros consommateurs, tels que le bâtiment et les transports.
Toutefois, face à ces objectifs, nous observons des stratégies très individuelles, voire anarchiques : l’Allemagne, par exemple, en se désengageant du nucléaire met à mal notre filière gaz. En effet, nous ne supportons pas la comparaison des prix : le gaz français est trois fois plus cher que le gaz américain et deux fois plus que le gaz allemand. Ce déséquilibre, certes respectueux de l’indépendance de notre voisin, a un impact sur notre propre pays.
Aujourd’hui, nos industriels attendent la mise en œuvre d’une politique clarifiée, simplifiée, afin de nous permettre de nous engager sur la voie de la création d’emplois. Ce secteur représente un vivier d’environ 500 000 emplois en Europe.
Nous n’avons pas à rougir des comparaisons : je rappelle que nos émissions de CO2 par habitant sont très sensiblement inférieures à celles de l’Allemagne : 5,6 tonnes par habitant contre 9,1 tonnes, en 2011.
Monsieur le ministre, nous attendons de savoir quelle politique le Gouvernement compte engager pour arriver à cette harmonisation au niveau européen qui nous paraît indispensable. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Martin, ministre. Monsieur Vall – j’aurai décidément rencontré tous mes amis gascons, cet après-midi (Sourires.) –,…
M. Jean-Claude Lenoir. Vive le Gers !
M. Philippe Martin, ministre. … j’ai dit ce que je pensais des divergences observées sur le marché européen de l’énergie. Elles sont l’héritage de l’histoire qu’il nous faut mieux appréhender afin de réussir ensemble à lutter efficacement contre le changement, le dérèglement climatique et prendre le tournant de l’économie verte.
Votre question me donne l’occasion de préciser ce que sont nos efforts dans le domaine des énergies renouvelables au plan européen.
Je partage votre avis : les investissements réalisés par nos entreprises dans ce domaine doivent continuer d’être soutenus. La Commission européenne a soumis, au printemps dernier, un Livre blanc sur le futur paquet énergie-climat. En réponse, le Gouvernement a indiqué qu’il était favorable à la définition d’un objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030, et, dans un second temps, à la définition d’un objectif ENR et d’un objectif d’économie d’énergie.
Le calendrier jusqu’à l’adoption de ce futur paquet énergie-climat est désormais fixé. Ainsi, lors du dernier Conseil européen consacré à l’énergie, le 22 mai 2013, les chefs d’État et de gouvernement ont décidé de se donner rendez-vous en mars 2014 pour examiner la question du futur « paquet ». Cette date sera donc importante.
Il y aura des divergences, je ne vous le cacherai pas. Nos amis britanniques ne sont pas favorables à un objectif sur les ENR, par exemple. Nous avons aussi des discussions intéressantes avec nos partenaires polonais et le groupe de pays dit « de Visegrád », qui sont très réservés sur l’opportunité d’adopter rapidement un objectif de réduction de gaz à effet de serre pour 2030. Or, comme vous le soulignez, nos entreprises ont besoin de visibilité, et l’Europe ne peut pas attendre pour fixer un cap ambitieux.
Au-delà, je vous rappelle que la conférence pour le climat se tiendra à Paris, à la fin de 2015.
La France et l’Europe doivent être exemplaires si elles veulent obtenir un accord universel et contraignant, ce qui, pour ne pas voir augmenter la température de deux degrés à la fin de ce siècle, est l’objectif à atteindre.
C’est l’engagement de la France, c’est l’’engagement de l’Europe ; c’est aussi le mien ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour la réplique.
M. Raymond Vall. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Nous constatons tous votre forte motivation. Votre tâche, je le sais, n’est pas facile, et nous serons là pour vous soutenir.
Simplement, je ne peux pas m’empêcher de relever certaines aberrations économiques. Aujourd’hui, l’électricité est sans doute le seul produit dont le prix peut être négatif ! Face à une telle situation, nous nous devons de trouver des parades. L’argent public de chaque pays est engagé à perte, ce qui défie la logique dans les moments que nous traversons.
De toute façon, il n’y a plus aucune raison de ne pas revoir la garantie de prix d’achat. L’été dernier, par exemple, l’Allemagne a produit plus de la moitié de ses besoins en électricité à partir de sources d’énergies renouvelables. Il faut absolument faire quelque chose, et je vous remercie de rester motivé !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le ministre, pour accéder au pouvoir, François Hollande a fait un cadeau très coûteux aux écologistes : il a indiqué qu’il allait fermer la centrale nucléaire de Fessenheim. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe écologiste.)
Vous-même, à peine nommé ministre, avez fait une déclaration retentissante dans le Journal du dimanche du 21 juillet dernier : « Je fermerai Fessenheim d’ici au 31 décembre 2016. »
Monsieur le ministre, cette décision est absurde.
Absurde, d’abord, parce que Fessenheim produit beaucoup d’électricité : 88 % des besoins de l’Alsace, 3 % des besoins de la France.
Absurde, ensuite, parce que Fessenheim rapporte entre 400 millions et 500 millions d’euros de recettes à EDF, fait travailler 800 salariés directement et un peu plus de 1 000 indirectement.
J’ajoute que, pour mener à bien cette entreprise, il faudrait que soient remplies au moins deux conditions, ce qui n’est pas le cas.
D’une part, ce n’est pas le Gouvernement qui pilote la centrale de Fessenheim, ni elle ni une autre, d’ailleurs. Une centrale nucléaire, monsieur le ministre, est pilotée par un exploitant sous le contrôle de l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN. Or, il y a peu de temps, l’ASN a autorisé EDF à poursuivre l’exploitation de Fessenheim pendant dix ans, sous réserve d’un certain nombre de travaux, qui sont, pour l’essentiel, achevés ou qui le seront d’ici à la fin du mois de décembre.
D’autre part, Fessenheim n’est la propriété d’EDF qu’aux deux tiers. Le dernier tiers est partagé entre l’allemand EnBW, et un consortium suisse.
M. Alain Gournac. Oui !
M. Philippe Bas. Exactement !
M. Jean-Claude Lenoir. Dès lors, la fermeture de Fessenheim expose dangereusement la France.
Premièrement, nous allons manquer d’électricité. (Protestations sur les travées du groupe écologiste.)
M. Ronan Dantec. Mais non !
M. Jean-Vincent Placé. Non !
M. Jean-Claude Lenoir. Deuxièmement, nous allons devoir verser des dédommagements à ceux qui sont propriétaires, avec EDF, de la centrale.
Troisièmement, vous contrevenez à la décision de l’Autorité de sûreté nucléaire.
Quatrièmement, rien dans la loi ne permet à un gouvernement de se substituer à ceux qui gèrent une centrale nucléaire.
Alors, monsieur le ministre, merci de répondre à ces questions importantes ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Martin, ministre. Monsieur Lenoir, le Président de la République et le Premier ministre ont défini une méthode et des objectifs.
La méthode, c’est la diversification de notre mix énergétique. Les objectifs, ce sont la réduction de la part du nucléaire à 50 %, la réduction de 50 % de notre consommation finale d’énergie à l’horizon de 2050, la réduction de 30 % de notre consommation d’énergies fossiles, et 23 % d’énergie d’origine renouvelable en 2020.
Monsieur le sénateur, les décisions à venir sur la gestion du parc nucléaire de la France devront être compatibles avec cette méthode et ces objectifs.
Pour l’ensemble du parc nucléaire, les décisions devront être prises sous réserve, bien sûr, de l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire. Mais, monsieur Lenoir, et c’est ce qui nous différencie, vous, vous n’aimez pas que l’État soit stratège, et vous préférez vous en remettre à EDF et à une autorité de sûreté ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. L’État est le principal actionnaire d’EDF !
M. Philippe Martin, ministre. Nous, nous voulons redonner à l’État le rôle qui doit être le sien !
L’Autorité de sûreté nucléaire, c’est vrai, peut donner son avis pour des raisons de sûreté. EDF peut donner son avis pour des raisons économiques. L’État, lui, doit être le garant de la stratégie énergétique.
M. Jean-Vincent Placé. Voilà !
M. Philippe Martin, ministre. C’est la raison pour laquelle, monsieur Lenoir, je vous confirme que la loi sur la transition énergétique verra le retour de l’État stratège. (Mme Sophie Primas s’esclaffe.)
M. Jean-François Husson. Et quel stratège !...
M. Alain Gournac. En effet !
M. Philippe Martin, ministre. Que vous le vouliez ou non, monsieur le sénateur, la fermeture de Fessenheim sera bien effective à la fin de l’année 2016 ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Alain Gournac. Bien sûr que non !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour la réplique.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le ministre, je vous donne rendez-vous à la fin de l’année 2016 : vous n’aurez pas fermé la centrale de Fessenheim ! Vous pouvez éventuellement l’arrêter en ne la nourrissant pas en combustible. Je vous rappelle néanmoins que les règles de la sûreté nucléaire interdisent à l’exploitant de conserver plus de deux ans une centrale qui ne fonctionnerait pas. Au-delà, il faudrait se soumettre aux prescriptions très précises de la loi, qui confie à l’ASN le soin non pas de donner des avis, mais de prendre des décisions.
Et, puisque l’on parle de la politique européenne de l’énergie et que votre référence est visiblement l’Allemagne, permettez-moi de vous rappeler que notre voisin allemand est en train d’augmenter sa production d’électricité à partir de charbon et de lignite en provenance des États-Unis !
Actuellement, le problème de l’émission de CO2 et de gaz à effet de serre ne se pose pas en France, grâce au nucléaire ; en revanche, il se pose bien en Allemagne !
Alors, monsieur le ministre, mettez toute la fougue dont je vous sais capable pour convaincre les Allemands d’arrêter de produire de l’électricité à partir du charbon ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, il est important que l’Union européenne puisse enfin apparaître comme le moteur de projets positifs pour ses citoyens et non pas simplement comme un producteur de normes, affecté qui plus est d’un « trouble obsessionnel de la concurrence », comme le dirait Daniel Raoul. (Sourires.)
La communauté européenne de l’énergie que veut mettre en place le Président de la République doit donc favoriser l’identification des sujets sur lesquels l’apport de l’Europe sera visible de tous.
Deux principes s’imposent à cet égard : soutenir la maîtrise des coûts pour les citoyens, qui consacrent une part croissante de leur budget à la consommation d’énergie ; privilégier des activités d’avenir créatrices d’emplois.
Les choix faits par chaque pays paraissent difficiles à concilier en ce qui concerne les énergies fossiles, mais il est un domaine où un terrain d’entente peut être trouvé pour une action commune : le développement des énergies renouvelables.
Or la Commission européenne a, semble-t-il, travaillé sur une révision des règles encadrant les aides publiques au secteur énergétique. Quelle position la France va-t-elle retenir pour la définition d’un nouveau cadre européen des énergies renouvelables ? En particulier, envisage-t-on de renoncer au principe du tarif d’achat, pour retenir uniquement la procédure des appels d’offres ?
On le sait bien, le mécanisme du tarif d’achat est plus difficile à piloter pour les pouvoirs publics. De plus, son coût a, dans le passé, connu des dérives.
J’attire toutefois votre attention sur les conséquences qu’un tel choix pourrait avoir sur l’organisation du secteur, notamment en matière d’emploi et de territorialisation, les appels d’offres favorisant en général les grandes entreprises. Il ne faudrait pas mettre en difficulté les petites unités locales de production d’énergies renouvelables, car elles seront essentielles au développement de l’autoconsommation et de l’autonomie énergétique des territoires. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Martin, ministre. Monsieur le sénateur, la diversification de notre mix électrique est un enjeu d’indépendance énergétique pour la France, et le développement des ENR est un levier pour créer des emplois dans nos territoires. Tel est le sens de la déclaration du Président de la République lors de la deuxième conférence environnementale.
C’est enfin l’un des moyens qui nous permettront de mettre tous les atouts de notre côté pour atteindre les objectifs climatiques ambitieux fixés par le chef de l’État.
Les énergies renouvelables électriques sont aujourd’hui sous le feu des projecteurs européens. Je souscris en partie au diagnostic fait par certains énergéticiens, selon lequel les dispositifs d’aide aux ENR ne sont plus adaptés et doivent évoluer. Méfions-nous, toutefois, des idées reçues et des conclusions hâtives. C’est en ce sens, vous l’avez rappelé, que j’ai décidé le lancement d’un travail d’analyse des problèmes actuels et des solutions possibles. En tout état de cause, quelle que soit l’évolution, elle sera progressive et non rétroactive.
Le Président de la République l’a clairement indiqué lors de la deuxième conférence : il nous faut mettre en place un cadre réglementaire stable, un cadre fiscal clair, des mécanismes de soutien vertueux, et faire baisser les coûts de production.
Aujourd’hui, le vrai problème, pour les énergies renouvelables, tient à l’absence de lien entre leur production et les contraintes du réseau électrique, qui requiert, à chaque instant, une égalité entre production et consommation.
Je l’ai déjà dit, à ce jour, rien n’est arrêté. Pour encourager le développement de notre bouquet d’énergies renouvelables, la meilleure solution réside sans doute dans une pluralité des systèmes de soutien, adaptés à chaque filière.
Comme vous, monsieur le sénateur, je ne souhaite pas voir les petits acteurs disparaître, car les énergies renouvelables ont une dimension locale très importante, dimension qui sera, bien évidemment, prise en compte dans la réflexion à venir.
La démarche engagée est nécessaire pour garantir la durabilité et l’optimalité du développement des ENR.
Nous aurons l’occasion d’en débattre lors de la discussion du projet de loi sur la transition énergétique, donc dès l’année prochaine : je vous donne rendez-vous !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour la réplique.
M. Roland Courteau. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Soyez toutefois vigilant au maintien et au développement des petites unités locales de production.
J’aimerais faire deux remarques, pour finir.
La transition énergétique de l’Europe devra se faire grâce à un bouquet énergétique varié, bien sûr, mais aussi en articulant les différentes échelles locale, nationale et européenne.
Pour ce qui concerne les politiques de soutien aux énergies renouvelables, elles devront aussi comporter un volet consacré aux réseaux. Comme l’a proposé la Commission européenne, il faudra mieux relier les différents pays, afin d’amener l’électricité produite là où elle peut être consommée.
La coopération entre les opérateurs de réseaux de chaque pays sera donc essentielle afin d’éviter la construction en trop grand nombre de centrales qui ne fonctionneraient que quelques heures par an !
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. L’énergie est l’un des sujets fondateurs de l’Union européenne. La Communauté européenne du charbon et de l’acier et la Communauté européenne de l’énergie atomique répondaient alors à cette belle ambition de Jean Monnet pour construire l’Europe : « mettre les moyens de la guerre au service de la paix. »
L’énergie est aujourd’hui encore un enjeu majeur du dessein européen : dépendance énergétique, échanges commerciaux hors Communauté européenne, sécurité des approvisionnements ou encore énergies renouvelables, les défis sont nombreux, et l’Europe doit, dès maintenant, se préparer à changer en profondeur la manière dont elle produit, consomme et transporte l’énergie.
Pour ce faire, les pays doivent agir de manière cohérente. Mais où donc est la cohérence dans votre politique ?
La société d’État EDF vient de remporter un contrat remarquable en Grande-Bretagne…pour construire deux EPR ! Développer le nucléaire, en accord avec le gouvernement français actionnaire d’EDF, serait-il bon pour la Grande-Bretagne, mais pas pour la France ?
M. Alain Gournac. Bravo !
M. Jean-François Husson. Concernant les hydrocarbures de schiste, la France se prive aujourd’hui du droit même d’explorer. Et, dans le même temps, GDF-Suez, propriété de l’État à 34 %, acquiert une participation dans treize permis d’exploration en Grande-Bretagne.
Incohérence ou hypocrisie ?
M. Alain Gournac. Les deux !
M. Jean-François Husson. La future loi de programmation sur l’énergie, annoncée initialement pour juin 2013, devrait être adoptée à la fin de l’année 2014.
Incohérence ou indécision ?
L’énergie est l’un des points forts de notre industrie. L’efficacité énergétique est le pilier d’une croissance plus vertueuse et créatrice d’emplois. Quels sont vos objectifs ? Quelle est votre volonté ? Quel est votre cap ? S’agit-il d’être otage d’une composante de votre majorité, au demeurant bien fragile ?
La France vise les « 3 x 20 » pour 2020. Mais que fait-on concrètement pour les atteindre ? Il n’est qu’à voir aujourd'hui les atermoiements sur les certificats d’économies d’énergie.
Incohérence, indécision, atermoiements... Dans cette cacophonie, quelle peut être la contribution de la France à la politique énergétique européenne ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Martin, ministre. Monsieur le sénateur, je vous remercie de me donner la possibilité de vous dire deux ou trois choses sur la logique de la politique menée par le Gouvernement.
M. Philippe Bas. C’est nécessaire !
M. Philippe Martin, ministre. L’autre logique, celle de l’immobilisme, qui consiste à ne rien faire, aboutit au renchérissement sans fin du coût de l’énergie et à une facture énergétique insupportable pour les ménages et ruineuse pour la compétitivité des entreprises.
M. Ronan Dantec. Absolument !
M. Philippe Martin, ministre. Ce fut votre logique, votre politique, qui a consisté à ne jamais traiter la question de l’énergie, à ne jamais oser engager un débat national sur la transition énergétique, contrairement à ce que nous avons fait,…
M. Ronan Dantec. Tout à fait !
M. Philippe Martin, ministre. … et à vous contenter, plutôt que de rénover notre mix énergétique, de laisser les énergies renchérir, ce qui a conduit à des augmentations sans fin, pour les ménages comme pour les entreprises.
Nous, nous voulons faire le contraire !
Nous, nous voulons que l’État soit stratège.
Nous, nous voulons une politique de transition énergétique…
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Philippe Martin, ministre. … qui fasse une place beaucoup plus importante aux énergies renouvelables.
S’agissant des gaz de schiste et de la loi de 2011 votée sur l’initiative de votre excellent collègue député UMP M. Jacob – et il nous traite aujourd'hui d’obscurantistes… -,…
M. Ronan Dantec. Très bien !
M. Philippe Martin, ministre. … je me félicite que le Conseil constitutionnel ait, sur le fond du droit comme sur la forme, validé cette loi, qui nous interdit d’aller encore plus loin dans l’utilisation des énergies fossiles, des énergies dont nous n’avons pas besoin.
Il faut changer d’ère, monsieur Husson (Exclamations sur les travées de l'UMP.), et savoir non plus complaire à telle ou telle formation politique, mais penser au pays, penser aux générations futures !
Mme Sophie Primas. Allez raconter ça aux Français aujourd’hui !
M. Philippe Martin, ministre. Or la politique du gouvernement actuel, c’est précisément celle qui prépare l’avenir des générations futures. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, j’entends bien votre procès en immobilisme. Selon vous, vos prédécesseurs n’auraient rien fait. Dieu merci, nous avons pu constater, les uns et les autres– cela a été souvent souligné –, que les effets des lois Grenelle 1 et 2 continuent encore aujourd’hui de se faire sentir et ressentir.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. Jean-François Husson. Je n’ai pas pu m’empêcher de réagir quand vous avez déclaré que l’énergie était à l’ordre du jour de l’agenda européen grâce au Président de la République : puisse-t-il, cette fois, en sortir des décisions fortes et concrètes pour notre avenir !
Enfin, pour rester dans le concret, s’agissant des certificats d’économies d’énergie, qui répondent à l’objectif des « 3 x 20 », je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir intervenir auprès du Pôle national.
En effet, il est des territoires, notamment celui dont je suis l’élu, le Grand Nancy, où plus de mille dossiers de particuliers ou d’entreprises sont en de traitement. Cette situation est aujourd'hui jugée inacceptable et inadmissible. Aussi, je compte sur votre prompte et efficace intervention. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)