M. le président. La parole est à Mme Michèle André, rapporteur pour avis.
Mme Michèle André, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous entamons aujourd’hui la discussion en séance publique est sans doute l’un des plus importants du début de ce quinquennat.
Alors que notre pays lutte depuis plusieurs années contre une stagnation de son économie, que la consommation des ménages ne parvient plus à porter vers l’avant, cette réforme a l’ambition de fournir à nos concitoyens les garanties et les outils qui peuvent seuls leur redonner confiance dans leur capacité à consommer pour investir, pour se restaurer et pour s’équiper.
Cette ambition, le projet de loi la porte dans chacun de ses grands volets : l’action de groupe, pour rééquilibrer le rapport de forces entre le consommateur individuel et les grandes entreprises ; les indications géographiques ou le renforcement des pouvoirs de la DGCCRF – Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes –, pour mieux assurer l’information du consommateur.
C’est également le cas pour les deux volets sur lesquels la commission des finances a souhaité se pencher : l’encadrement du crédit à la consommation et la prévention du surendettement, d’une part, la régulation des jeux en ligne, d’autre part.
S’agissant du crédit à la consommation, le projet de loi comble les lacunes laissées par la loi, incomplète, du 1er juillet 2010. Cette réforme était ambitieuse, mais elle s’était souvent cantonnée aux aspects techniques du crédit à la consommation, notamment du crédit renouvelable, sans créer les outils nécessaires pour s’attaquer au problème fondamental : la capacité des prêteurs à vérifier la solvabilité réelle des candidats à l’emprunt.
C’est pourquoi je me félicite que le Gouvernement ait proposé et que l’Assemblée nationale ait adopté le registre national des crédits aux particuliers.
Ce registre est attendu par les uns, redouté par les autres. Je crois, quant à moi, qu’il ne faut en attendre ni miracles ni calamités, mais qu’il faut l’analyser objectivement, dans le format raisonnable et proportionné proposé par le Gouvernement, comme le chaînon manquant de l’évaluation de la solvabilité des emprunteurs.
Je voudrais, à cet égard, rendre hommage aux travaux du Sénat, qui a été en pointe depuis 2010 en la matière : c’est la Haute Assemblée qui avait inscrit dans la loi Lagarde la demande de rapport qui a conduit au rapport du comité Constans ; c’est un groupe de travail commun à nos différentes commissions, dont j’ai fait partie même si ma participation n’a pas été aussi importante que je l’aurais souhaité, qui en a analysé les résultats pour mieux préparer les projets du Gouvernement.
Le registre rendra plus robuste et plus globale la protection des consommateurs en matière d’accès au crédit à la consommation. Pour ce faire, il n’était nul besoin de recenser les crédits immobiliers non plus que les découverts bancaires, qui répondent les uns et les autres à des logiques très différentes du crédit à la consommation. En ce sens, je me réjouis du choix fait par le Gouvernement de limiter le fichier aux seuls crédits à la consommation, en ciblant notamment les crédits renouvelables, qui sont présents dans plus de 80 % des dossiers de surendettement.
Par ailleurs, le registre ne reprend pas le stock de crédits existants, mais sera alimenté au fur et à mesure. Les crédits à la consommation ayant en moyenne une maturité de cinq ans au maximum, il reprendra rapidement l’ensemble du stock.
L’essentiel des propositions que j’ai faites au nom de la commission des finances ont été adoptées par la commission des affaires économiques. J’en remercie nos collègues. Il s’agissait, notamment, de limiter le champ du registre pour ce qui est des personnes se portant caution, ainsi que de préciser que le coût du registre est pris en charge par une tarification de la consultation par les établissements de crédit.
En revanche, la commission des affaires économiques a écarté un amendement portant sur l’identifiant qui sera utilisé pour le registre. Le texte du projet de loi indique qu’un identifiant spécifique sera créé sur la base, notamment, de l’état civil. Même si j’entends tous les arguments en matière de proportionnalité et que je suis moi-même très sensible au principe de la protection des données personnelles, je continue de m’interroger sur la possibilité de constituer un identifiant fiable sur une base encore incertaine. Comment éviter les erreurs liées aux homonymies ? À supposer qu’un tel identifiant soit constitué, comment faire en sorte que chacun le connaisse et soit en mesure de le communiquer au prêteur qui le lui demande ?
Monsieur le ministre, nul ne peut aujourd’hui répondre à ces questions. En revanche, il serait utile que vous nous précisiez les conditions dans lesquelles les travaux d’élaboration de l’identifiant seront menés et selon quel calendrier ; l’identifiant étant la clé de voûte du registre, il faut la préparer le plus en amont possible, en tenant compte des positions de l’ensemble des parties prenantes.
La création du registre des crédits modifiera en profondeur le secteur du crédit à la consommation. Certains encadrements instaurés ces dernières années, en particulier par la loi du 1er juillet 2010, perdront sans doute de leur pertinence lorsque cette protection supplémentaire contre le « mauvais » crédit ou le « crédit de trop », auquel vous avez fait allusion, monsieur le ministre, sera pleinement opérationnelle.
En conséquence, le projet de loi initial du Gouvernement se limitait, s’agissant du crédit à la consommation, à des ajustements de la réforme de 2010. En effet, les bilans de l’application de cette loi dressés par Muguette Dini et Anne-Marie Escoffier ainsi que par les parties prenantes dans le cadre du Comité consultatif du secteur financier ont montré des lacunes et des possibilités de contournement utilisées par les établissements.
L’Assemblée nationale a poursuivi dans cette voie, faisant passer la section concernée de deux à seize articles dans la version actuelle.
Je citerai notamment : un encadrement de la publicité des regroupements de crédits ; un élargissement de l’interdiction de mentionner des avantages promotionnels dans une publicité pour un crédit ; une pérennisation du comité de suivi de la réforme de l’usure ; une extension de l’encadrement des cartes dites « liées » aux cartes associant paiement et crédit – les cartes « double action ».
En revanche, deux amendements ont été adoptés qui, plus fondamentaux, touchent à l’équilibre du secteur, sans cohérence avec la création du registre des crédits.
Le premier, insérant un article 18 D, réduit de huit à cinq ans la durée maximale des mesures de redressement dans le cadre des procédures de surendettement. Cet article pourrait avoir des conséquences néfastes à la fois pour les personnes surendettées et pour la distribution du crédit. Je vous en proposerai donc un aménagement.
Le second amendement, à l’article 19, réduit de deux à un an le délai au terme duquel tout compte de crédit renouvelable est automatiquement résilié. Cette disposition réduirait drastiquement le nombre de comptes, sans véritablement atteindre son objectif de prévention du surendettement. Je vous proposerai donc une formule alternative.
Sur ces deux articles, je comprends l’intention de nos collègues députés, mais je crois que la création du registre des crédits rebat les cartes du crédit à la consommation : la protection supplémentaire qu’il offre, qui n’est pas idéale mais qui est bien réelle, ne doit pas être doublée de nouvelles contraintes qui pèseraient inutilement sur la consommation.
Le crédit à la consommation, lorsqu’il n’est pas adapté à la situation financière du ménage ou lorsqu’il lui permet non pas de s’équiper, mais d’échapper temporairement à l’insolvabilité, est, nous le savons tous, un piège qui conduit au surendettement. Mais le crédit à la consommation bien utilisé, ponctuellement, pour investir dans une voiture, du mobilier ou un appareil électroménager, dont les mensualités sont bien insérées dans le budget d’un ménage, est un atout à la fois pour les ménages concernés et pour la consommation en France.
Or, en 2012, la consommation des ménages français en biens durables a connu une baisse historique de 3,4 %. Ce sont pourtant ces biens-là qui contribuent à l’amélioration de la vie quotidienne de nos concitoyens et dont le crédit à la consommation peut faciliter l’acquisition. Des réformes non coordonnées, ajoutant des contraintes à la frilosité des consommateurs et des prêteurs, pourraient freiner les achats de tels biens. Je crois donc que, dans le contexte économique actuel, il ne faut pas confondre les intentions et les effets d’une réforme ; mieux vaut avancer pas à pas que dans la précipitation.
Sous réserve de ces deux modifications, je suis pleinement favorable aux dispositions relatives au crédit à la consommation contenues dans ce projet de loi. Je crois non seulement qu’elles offrent des garanties supplémentaires aux emprunteurs, mais qu’elles apportent, avec le registre national des crédits aux particuliers, un outil nouveau qui saura faire ses preuves contre le phénomène du surendettement en France.
Enfin, l’Assemblée nationale a introduit au sein de ce projet de loi un volet complet relatif aux jeux d’argent et de hasard, composé de neuf articles additionnels. La plupart d’entre eux apportent des retouches à la loi du 12 mai 2010, chère à notre collègue François Trucy, relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne.
M. Ladislas Poniatowski. Excellente loi !
Mme Michèle André, rapporteur pour avis. Sans revenir en détail sur l’ensemble de ces articles, comme j’ai pu le faire dans le rapport écrit, je dirai simplement qu’ils visent, pour l’essentiel, à harmoniser la définition des jeux d’argent et de hasard – c’est nécessaire, car plusieurs définitions coexistent actuellement, créant une insécurité juridique pour l’ensemble des parties prenantes –, à renforcer la protection des personnes interdites de jeu ou auto-exclues, à imposer à tous les opérateurs de justifier de l’existence d’un mécanisme garantissant, en toutes circonstances, le reversement de la totalité des avoirs exigibles des joueurs – l’affaire Full Tilt Poker a montré, en 2011, que cette protection n’était, pour l’heure, pas complètement assurée – et à renforcer les pouvoirs contentieux de l’Autorité de régulation des jeux en ligne, l’ARJEL.
Toutes ces dispositions sont bienvenues. C’est pourquoi la commission des finances a soutenu leur adoption, sous réserve de quelques améliorations qu’a intégrées le texte de la commission des affaires économiques : une précision à l’article 72 sexies, afin d’expliciter que les évolutions du montant de la garantie que pourra exiger l’ARJEL devront être en rapport avec l’évolution des avoirs exigibles des joueurs ; la soumission de la nomination du président de l’ARJEL à la procédure d’avis public des commissions des finances des deux assemblées, conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution. Cette dernière mesure, qui figure à l’article 72 quinquies A de ce projet de loi, devra trouver un support de nature organique, raison pour laquelle le rapporteur général François Marc et moi-même avons déposé une proposition de loi organique en ce sens.
Monsieur le ministre, vous pouvez donc aussi compter sur le soutien de notre commission concernant le volet « jeux » de ce texte. Il conviendrait simplement d’apporter quelques éclaircissements afin de rassurer l’ensemble des acteurs sur la volonté du législateur.
D’une part, concernant l’objet de l’article 72 septies, qui supprime l’obligation de mise en demeure des opérateurs fautifs par l’ARJEL avant l’engagement de la procédure contentieuse, vous pourriez confirmer qu’il ne s’agit évidemment pas de multiplier les contentieux sur tous les sujets, mais uniquement de permettre de sanctionner les infractions les plus graves dès la première fois, ce que ne permet pas la procédure actuelle.
D’autre part, le nouveau dispositif concernant les obligations d’archivage des données relatives aux comptes joueurs sera-t-il totalement fiable quant à la protection des données personnelles des joueurs ?
La commission des finances a voulu, sur un texte aussi vaste, se limiter à ses domaines de compétence historiques, le crédit à la consommation et la régulation des jeux en ligne. Je suis heureuse de pouvoir faire part en son nom d’un avis favorable, car ce projet de loi comporte des avancées importantes pour le consommateur, qu’il soit joueur en ligne ou emprunteur au titre d’un crédit à la consommation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis.
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le ministre, avant de présenter la position que la commission des lois m’a chargée de défendre devant le Sénat, je souhaite vous féliciter, et à travers vous, le Gouvernement tout entier, d’avoir eu le courage d’intégrer dans ce projet de loi relatif à la consommation cet instrument juridique indispensable, tant attendu par les associations de consommateurs, qu’est l’action de groupe : il s’agit bien là d’une innovation majeure.
Sur proposition de la commission des lois, le Sénat avait adopté, en décembre 2011, un dispositif analogue d’action de groupe dans le domaine de la consommation. Celui que le Gouvernement propose de mettre en place aujourd’hui s’apparente au schéma sur lequel nous avions travaillé. Je veux ici rappeler les travaux de nos collègues Richard Yung et Laurent Béteille, à l’origine de l’amendement que j’avais présenté en 2011 pour introduire dans notre droit une action de groupe dite « à la française », respectueuse des principes de notre droit civil, assortie de garanties procédurales empêchant l’apparition de dérives à l’américaine, attentive aux droits légitimes des entreprises comme des consommateurs et limitée, dans un premier temps, aux litiges de consommation.
Complémentaire de la médiation, qui doit être développée, l’action de groupe permettra de proposer aux consommateurs lésés, par le biais de leurs associations représentatives, une solution pour tous les petits préjudices en série dont ils peuvent être victimes, qui pèsent sur le pouvoir d’achat, mais pour lesquels le montant des frais de procédure est dissuasif.
Le moment venu, au regard de l’expérience acquise dans le domaine de la consommation, l’action de groupe pourra être étendue aux champs de la santé ou de l’environnement, dans lesquels les questions sont plus complexes : je sais que les attentes sont fortes – mon collègue Jean-Luc Fichet l’a lui-même rappelé – et que le Gouvernement a pris des engagements, ce dont je vous remercie, monsieur le ministre.
Après cette mention particulière de l’action de groupe, disposition phare de ce texte du point de vue de la commission des lois, et que celle-ci approuve pleinement, je veux présenter un peu plus en détail l’état d’esprit dans lequel notre commission a abordé ce projet de loi et a adopté un certain nombre d’amendements, pour une large partie d’ores et déjà intégrés au texte de la commission des affaires économiques.
Notre commission intervient de manière traditionnelle dans le domaine du droit de la consommation, au titre de sa compétence en matière de droit civil et de justice civile, avec, bien entendu, un souci d’efficacité et de rigueur juridique, ainsi qu’une attention naturelle aux interrogations constitutionnelles, mais aussi une exigence de cohérence avec ses positions antérieures. À ce titre, nous nous étions saisis, à la fin de 2011, du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs ; je me félicite, monsieur le ministre, que le Gouvernement, attentif au travail du Sénat, ait repris des dispositions du texte de 2011 telles qu’elles avaient été introduites ou modifiées sur notre initiative, et dont mon rapport écrit fait état de manière plus précise.
Ainsi, sans dénaturer ni, bien sûr, remettre en cause les dispositions du projet de loi que nous avons examinées dans le cadre de notre avis, nous avons eu le souci d’améliorer le texte et de lui apporter toutes les garanties juridiques et de cohérence qui nous paraissaient utiles pour lui permettre d’atteindre ses objectifs dans l’intérêt du consommateur. Tel est le sens des amendements que je présenterai lors de la discussion des articles.
Concernant l’action de groupe, au regard de ses travaux antérieurs de 2006, 2010 et 2011, en particulier, la commission des lois a évidemment été attentive aux modalités de cette nouvelle forme d’action civile introduite dans notre droit. Je dois reconnaître que la procédure simplifiée, telle qu’elle résulte de l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale, a suscité de notre part, pour des motifs d’ordre constitutionnel, de réelles interrogations. Néanmoins, je prends acte des améliorations apportées par la commission des affaires économiques et je veux bien, aujourd’hui, faire confiance au Gouvernement, qui nous dit avoir procédé à toutes les vérifications juridiques nécessaires. Il faudra toutefois mettre à profit la navette pour poursuivre la réflexion. À cet égard, il est heureux que le Gouvernement ait décidé de ne pas engager la procédure accélérée sur ce texte.
Concernant les dispositions relatives au droit des assurances, nous avons veillé à la clarté de leur périmètre d’application et à la sécurité juridique, tout en saluant la liberté nouvelle de résiliation du contrat que le texte offre aux assurés.
S’agissant du registre national des crédits aux particuliers, autre innovation majeure du projet de loi soumis à notre examen, nous savons bien que son efficacité fait débat au regard de l’objectif de lutte contre le surendettement, car nous n’arrivons pas à la mesurer. Je n’entre pas dans la discussion sur les causes du surendettement et sur le rôle qui est prêté de manière sans doute un peu simpliste à ce qu’on appelle les « accidents de la vie » : sur cette question, nous manquons d’une analyse statistique et sociologique réellement fouillée.
Dans le cadre du groupe de travail inter-commissions mis en place au Sénat en 2012 sur la question du « fichier positif », dont Alain Fauconnier faisait notamment partie, nous avons vu qu’il n’était pas facile de forger une réponse définitive ni de dégager un consensus. Je pense en particulier à notre déplacement en Belgique, pour mieux connaître le fonctionnement de la centrale belge des crédits aux particuliers : nous n’avons pas pu revenir avec des certitudes suffisantes, permettant de dépasser nos seules convictions.
Pour autant, le Gouvernement a fait le choix de trancher ce débat, lui aussi très ancien, comme celui sur l’action de groupe, tout en veillant à la préoccupation juridique principale, à savoir la proportionnalité de ce dispositif, le juste équilibre à respecter entre les questions qu’il faut poser en termes de libertés publiques et les objectifs qui lui sont assignés : cette attitude courageuse doit être saluée.
Aujourd’hui, il est certain que le registre des crédits, tel qu’il figure dans le texte, sera un outil précieux pour mieux apprécier la solvabilité des emprunteurs – obligation incombant aux prêteurs –, pour éviter le « crédit de trop » que l’on accorde trop facilement et pour responsabiliser davantage les établissements prêteurs. Je me souviens, en particulier, des déclarations de magistrats qui nous expliquaient qu’ils n’arrivaient pas, en l’état du droit, à mettre en jeu la responsabilité de certains prêteurs, pourtant de mauvaise foi, dans l’octroi excessif de crédit à des personnes en situation de fragilité financière. Le registre des crédits devrait changer les choses devant les tribunaux.
Concernant le renforcement des pouvoirs d’enquête de la DGCCRF, comme les modifications apportées aux sanctions pénales dans le domaine de la consommation, nous avons proposé un meilleur encadrement de ce qui figure dans le texte, au regard de ce qui est prévu, notamment, pour d’autres agents publics dotés de pouvoirs coercitifs, sans nuire évidemment à l’efficacité de l’action publique.
Nous n’avons pas repris, en séance publique, certains des amendements que nous avions présentés en juillet, afin de nous limiter aujourd’hui aux seuls amendements visant à garantir la cohérence juridique globale des dispositifs que nous avons examinés : je cite, pour mémoire, le dispositif Pacitel, bien connu, la définition du consommateur, à l’article 3, ou encore certains aspects de la transposition de la directive du 25 octobre 2011 concernant la vente à distance.
Avant de conclure, tout en me félicitant à nouveau de l’avancée tant attendue que constitue l’introduction de l’action de groupe, mais aussi de la reprise de certains acquis du vote émis par Sénat en décembre 2011, j’insiste sur le fait que la protection des consommateurs relève au premier chef de la responsabilité des pouvoirs publics. Le dévouement des agents de la DGCCRF doit être salué alors que, ces dernières années, leurs conditions de travail ont eu tendance à se dégrader, en raison des importantes réductions d’effectifs et des restructurations administratives qu’ils ont eu à subir en raison de la révision générale des politiques publiques et de la réforme des services déconcentrés. Aujourd’hui, nous devons redonner confiance aux agents de la DGCCRF et leur redonner les moyens d’accomplir leur mission au service des consommateurs. Mais je sais, monsieur le ministre, que vous y œuvrez avec détermination, et ce projet de loi y contribue indéniablement. C’est la raison pour laquelle il faut le voter.
Monsieur le président, monsieur le ministre, la commission des lois s’est déclarée favorable à l’adoption des articles dont elle s’est saisie pour avis, tout en proposant au Sénat un certain nombre d’amendements, lesquels ont fait l’objet de discussions approfondies avec mes collègues rapporteurs de la commission des affaires économiques, ce dont je les remercie tout particulièrement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à la consommation est examiné dans un contexte de crise, une crise qui dure et dont on peine encore à entrevoir l’issue.
« La crise, c’est quand le vieux se meurt et que le jeune hésite à naître. » Cette pensée d’Antonio Gramsci, qui date des années 1930, garde toute sa force et toute son actualité : notre modèle de société, en bout de course, tente de sortir de son interminable crise, mais il a du mal à s’affranchir des schémas du passé.
Crise grave et profonde, mais crise attendue et nécessaire, crise d’un vieux monde qui se meurt et qui s’accroche à son passé alors que le nouveau monde hésite encore à naître. Comment réussir son avènement avec suffisamment de lucidité, de courage, de responsabilité ? Notre rôle, à nous les politiques, est précisément d’assurer la transition sans rupture, de prendre en compte les attentes immédiates en gardant toujours à l’esprit, en toile de fond, le global, le long terme, l’intérêt des générations à venir, bref, l’intérêt général.
S’il faut évidemment assurer l’équilibre économique, il faut aussi s’intéresser à l’intérêt direct des consommateurs. Ces derniers, qui se trouvent au cœur du présent projet de loi, sont avant tout des citoyens et doivent être considérés comme tels. Le consommateur subit, le citoyen choisit ! Toutes les avancées vers la transparence, par l’étiquetage et l’affichage, donneront aux citoyens des outils pour forcer à une amélioration de la qualité.
Ce projet de loi, monsieur le ministre, doit être un des textes permettant l’avènement de la nécessaire transition que, nous, écologistes, appelons de nos vœux depuis longtemps. Il doit prendre en compte et favoriser le développement de solutions alternatives.
Parmi les nombreux chantiers qui s’ouvrent pour la transformation de notre économie, il y a le développement d’une économie locale et collaborative permettant une consommation également collaborative, éthique et, de ce fait, responsable. À cet égard, des mesures essentielles du projet de loi nous paraissent aller dans le bon sens, et nous les approuvons.
Je pense à la création d’un dispositif similaire à celui de l’action de groupe pour les produits de consommation – nous aimerions aller plus loin dans ce domaine, mais, si j’en crois ce qui nous a été annoncé, ce sera fait à travers d’autres textes. Je pense également au premier encadrement du crédit à la consommation et du crédit renouvelable, à la création du registre national du crédit, au renforcement des indications géographiques, étendues aux produits manufacturés, au renforcement des pouvoirs de la DGCCRF et, enfin, à la révision de la loi de modernisation de l’économie s’agissant de la transparence dans la négociation entre producteurs, acheteurs, fournisseurs et distributeurs, l’intérêt des producteurs devant être remis au cœur de ces discussions.
Mais nous pouvons et nous devons être collectivement plus ambitieux encore.
À l’Assemblée nationale, les interventions des écologistes ont permis des avancées notables quant à l’encadrement plus strict des crédits renouvelables, au dispositif d’homologation des nouvelles indications géographiques, à la reconnaissance des potentialités des circuits courts et de l’économie circulaire, dont l’économie de la fonctionnalité fait partie, mais aussi à la prise en compte de la nécessité de soutenir la durabilité et la réparabilité des produits. Sur ces sujets, nous avons été écoutés et suivis ; nous en remercions le Gouvernement et la majorité, une majorité à laquelle, au demeurant, nous appartenons… (Sourires et marques de satisfaction sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Catherine Deroche. C’est bien de le préciser ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Joël Labbé. Durant ce débat au Sénat, les écologistes entendent poursuivre leurs efforts pour convaincre, afin que soient adoptées des dispositions qui leur apparaissent nécessaires, qu’il s’agisse de l’étiquetage des produits, notamment alimentaires, de la lutte contre l’obsolescence programmée ou encore de l’émergence d’une action de groupe plus ambitieuse. J’ai bien noté, monsieur le ministre, ce que vous avez déclaré tout à l'heure sur ces sujets.
Je ne procéderai pas à un inventaire exhaustif des amendements que nous avons déposés, mais je tiens à m’exprimer sur deux points essentiels : la nécessité de défendre la transparence par un étiquetage exigeant des produits, en particulier dans le domaine de l’alimentation, et la lutte contre l’obsolescence programmée.
S’agissant du premier point, nous sommes nombreux à dresser un constat alarmant. Dans notre économie mondialisée, les pratiques des entreprises de nombreux secteurs constituent les possibles scandales de demain : non-respect des exigences sanitaires, sociales et environnementales ; présence, dans de nombreux produits, de substances dangereuses et interdites selon le classement retenu dans la directive REACH ; organismes génétiquement modifiés ; « effet cocktail » des pesticides, perturbateurs endocriniens et antibiotiques administrés aux animaux d’élevages. La liste est encore bien longue !
Sur les produits tant alimentaires que non alimentaires, il devient nécessaire d’encadrer strictement ces pratiques en exigeant au minimum une traçabilité et une information claire du consommateur sur l’origine et les modes de production des biens.
Vous l’avez signalé, monsieur le ministre, la France est étroitement liée aux décisions européennes et n’a pas une pleine marge de manœuvre pour légiférer. Néanmoins, nous sommes nombreux à défendre, dans le cadre de ce projet de loi, un étiquetage transparent et exigeant. Si, comme vous l’avez donné à penser, la France peut devenir, en Europe, un leader dans ce domaine, nous en serons très fiers.
À titre d’exemple, et pour aller au-delà de notre amendement tendant à défendre un étiquetage exigeant des produits carnés, je voudrais évoquer la question de l’étiquetage des huîtres. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Comme tous les êtres vivants naturels, l’huître creuse est diploïde. Son matériel génétique est constitué de dix paires de chromosomes. L’huître triploïde, issue d’une manipulation chromosomique en écloserie, par le croisement entre une huître tétraploïde et une huître diploïde, est une huître stérile qui, ne fabriquant pas de laitance, est donc commercialisable tout au long de l’année. De plus, sa stérilité lui permet de se développer beaucoup plus rapidement – en dix-huit à vingt-quatre mois – alors qu’il faut attendre au moins trois ans pour pouvoir commercialiser l’huître diploïde, c'est-à-dire l’huître traditionnelle.