M. Vincent Delahaye. Il faut rappeler que si nous étudions les projets de loi que le Gouvernement nous a soumis, c’est à la suite de l’affaire Cahuzac. Mais, selon moi, ces textes ne répondent pas aux problèmes qui ont été alors soulevés.
Par ailleurs, je pense que le diagnostic posé, à savoir la nécessité de renforcer le contrôle des déclarations, n’est pas le bon. Nous devons déjà faire une déclaration de patrimoine depuis longtemps, mais, je le reconnais, les contrôles en la matière sont insuffisants. J’en conviens donc, un renforcement est indispensable, mais il n’était pas besoin d’aller beaucoup plus loin.
Si je ne l’ai pas dit ce matin, je considère que, en réaction à l’affaire Cahuzac, on devrait proposer la création d’un délit de parjure (M. Gérard Longuet opine.),…
Mme Catherine Procaccia. Très bien !
M. Vincent Delahaye. … et je regrette que le Gouvernement ne l’ait pas fait.
J’en viens au patrimoine. Personnellement, je n’ai rien à cacher et cela ne me gêne pas de publier mon patrimoine, mais je déplore que l’on montre du doigt sans raison les élus et les parlementaires.
La position que je défendais avec Hervé Maurey, qui a déposé des amendements repoussés, sans beaucoup d’argument, par Jean-Pierre Sueur…
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Pas tous, mon cher collègue !
M. Vincent Delahaye. Si la Haute Autorité peut servir à quelque chose, c’est bien à contrôler les évolutions du patrimoine, notamment leurs variations anormales, l’absence de justification ou les insuffisances des déclarations. Or, nous dit-on, elle n’assurera pas ce contrôle, sinon elle aura trop de travail. Elle va simplement constater qu’elle a bien reçu la déclaration puis la publier au Journal officiel. À quoi aura-t-elle servi ? Je suis un peu surpris.
Aux termes de l’amendement n° 44, la Haute Autorité va remplacer la Commission pour la transparence financière de la vie publique et disposer de moyens supplémentaires. Pourquoi ne pas la dénommer ainsi ? Il existe bien un Haut Conseil des finances publiques, notamment.
En revanche, pour ce qui concerne les déclarations d’intérêts, que nous faisons déjà, je le répète, nous souhaitons qu’elles continuent à être du ressort des bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat. Au cours des dernières années, des manquements ne sont pas apparus quant à leur action et à leur contrôle. Chaque fois que ces bureaux ont été saisis, ils se sont prononcés dans de bonnes conditions, avec le pluralisme qui leur sied.
En conclusion, je voterai cet amendement qui me semble aller dans le bon sens et améliorer le système existant, sans pour autant aller trop loin dans le voyeurisme et l’étalement du patrimoine de tout le monde. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Les amendements nos 44 et 78 rectifié bis présentent deux nouvelles rédactions de l’article 1er.
L’amendement no 78 rectifié bis, plus complet, présente deux avantages.
D’une part, il intègre d’ores et déjà le travail réalisé par la commission des lois avant l’adoption de la motion tendant au renvoi à la commission.
D’autre part, il ne dénature pas le texte, maintient des obligations de déclaration et laisse la question de la publication de celle-ci au Journal officiel à l’amendement n° 122 rectifié bis, cosigné par un grand nombre des membres du groupe UDI-UC.
À ce stade de la discussion, je souhaite formuler deux remarques.
Tout d’abord, mes chers collègues, je veux vous faire part de mon expérience personnelle. J’ai dû régler une succession ainsi qu’un certain nombre de problèmes immobiliers qui y étaient liés. De ce fait, la déclaration de patrimoine que j’avais initialement effectuée, comme nous tous, auprès de la Commission pour la transparence financière de la vie publique a connu des modifications. Cette instance m’a alors demandé des comptes ; elle a entendu un notaire. Elle fait donc très bien son travail.
Par ailleurs, pour regagner la confiance de l’opinion publique et mettre fin à la difficulté à laquelle nous sommes confrontés depuis un certain nombre d’affaires récentes visées tout à l’heure par notre collègue Delahaye, je crois que la publication de la déclaration de patrimoine au Journal officiel est la solution la plus claire, la plus transparente. De toute façon, publication ou non, vous le savez très bien, mes chers collègues, la volonté de nos concitoyens d’aller fouiller dans les poubelles finira par nous jouer des tours.
Cela étant dit, je voterai par préférence l’amendement n° 78 rectifié bis. J’espère qu’il sera complété et que l’amendement n° 122 rectifié bis, présenté par François Zocchetto et Michel Mercier, sera également adopté.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Les dispositions contenues dans l’amendement n° 44 me paraissent plus proches de ce que souhaitent les membres de mon groupe que celles qu’a proposées la commission.
Néanmoins, un certain nombre de points ne sont pas acceptables – c’est probablement dû aux conditions dans lesquelles les travaux ont été menés – ; ils ont pourtant été pris en compte par le rapporteur tout à l’heure. Je pense, notamment, à l’élimination de la mention des mandats électifs ou encore au fait que tout manquement aux obligations liées à la déclaration devrait résulter d’une volonté de tromper sciemment.
Pour cet ensemble de raisons, nous nous abstiendrons sur cet amendement n° 44.
J’aurai l’occasion de m’exprimer sur l’amendement n° 78 rectifié bis mais je voudrais d’ores et déjà connaître le sort qui sera réservé à l’amendement n° 79 rectifié bis, ayant déposé un sous-amendement qui est pris en sandwich.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 301 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 150 |
Contre | 179 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 131.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 139.
M. Gérard Longuet. Je ne cherche pas à allonger inutilement le débat, mais je suis défavorable à l’obligation pour les parlementaires d’indiquer la liste des activités professionnelles ou d’intérêt général, même non rémunérées, qu’ils envisagent de conserver après leur élection.
Votre proposition est d'ailleurs contradictoire, puisque vous réclamez à la fois la liste des activités exercées par les parlementaires dans les cinq années précédant leur élection, et la liste des activités qu’ils souhaitent conserver. L’avenir appartient à Dieu. Peut-on faire grief à un parlementaire de ne pas préciser ce qu’il envisage de conserver, alors que la décision peut lui être totalement extérieure ? Par ailleurs, quel est l’intérêt de savoir ce qu’un parlementaire a fait dans les cinq années précédant son élection, sauf à vouloir le mettre dans une situation non pas d’affaiblissement, ni de fragilité, mais d’exposition et de justification ?
Monsieur Anziani, vous avez dit que nous avions peur de quelque chose. Non, nous n’avons peur de rien. Simplement, il faudra tout expliquer inlassablement. Il y aura deux catégories de candidats : ceux qui auront l’obligation absolue d’expliquer la totalité de leurs engagements au cours des cinq années précédentes, et ceux qui apparaîtront délibérément comme issus d’une génération nouvelle et spontanée, vêtus de lin blanc…
Mme Nathalie Goulet. Et de candeur !
M. Gérard Longuet. … et, en effet, de candeur.
Cela créera une situation très inégalitaire. C'est la raison pour laquelle je tenais à dire à cet instant que, si nous maintenons la référence aux cinq années précédant l’élection et si nous faisons peser un risque sur le parlementaire qui n’a pas défini précisément les activités qu’il envisageait de conserver après son élection, nous mettrons le parlementaire dans un état de fragilité, non pas tant sur le plan juridique que sur le plan médiatique. En effet chacune de ces informations sera connue de la Haute Autorité, fera l’objet d’appréciations, pourra être consultée et sera donc source de polémiques.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. En complément à l’argumentation de Gérard Longuet, que je fais mienne, j’ajoute que la mention des cinq années précédant l’élection me paraît tout à fait contradictoire avec la nature même de la fonction parlementaire. Les uns et les autres, nous avons eu une vie avant d’être parlementaires. Il va de soi – cela ne devrait même pas pouvoir être mis en question – que, dès l’instant où nous franchissons les portes de cet hémicycle, nous nous consacrons entièrement à notre fonction parlementaire, sans être jamais déterminés, en quoi que ce soit, par les activités que nous avons pu exercer antérieurement.
Nous ne sommes pas des experts dans l’une des différentes commissions de l’Agence du médicament. Ces experts ont forgé leur expertise en pharmacologie grâce à leurs liens avec l’industrie, et ils peuvent se prononcer sur des médicaments produits par tel ou tel laboratoire pharmaceutique avec lequel ils ont travaillé. Je suis frappé de constater que le projet de loi organique reprend, parfois mot pour mot, des expressions de la récente loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, alors que les deux textes n’ont strictement rien à voir.
Chacun et chacune d’entre nous a exercé une variété considérable d’activités. Quand on cherche à avoir des assemblées représentatives de l’ensemble de la nation, il est bon que les élus qui y siègent aient occupé différentes fonctions, accompli divers mandats, associatifs ou locaux, et exercé différents métiers, avec les revenus y afférents. C’est tellement naturel qu’il y a quelque chose de choquant à vouloir jeter la suspicion sur les élus de la nation parce qu’ils ont eu des activités antérieurement à leur mandat.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Il me paraît parfaitement excessif d’exiger la récapitulation des activités d’intérêt général non rémunérées. Franchement, où va-t-on ?
Le secteur du médicament a été évoqué. Si on veut chercher où il y a des risques, ce n’est pas à l’Assemblée nationale ou au Sénat qu’il faut le faire, même s’il y a parfois eu plus que des tentations – ces problèmes ont été réglés assez vite –, mais plutôt dans les lieux où se prennent les décisions. C’est plutôt dans les cabinets que ça se passe.
M. Gérard Longuet. Il y a un nom qui circule, un nom dont on entend beaucoup parler en ce moment !
Mme Catherine Procaccia. Il y en a plusieurs !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. J’ai déjà dit tout le bien que je pensais de l’amendement n° 78 rectifié bis. Néanmoins, je ne suis pas totalement défavorable au sous-amendement n° 139. En tout cas, j’aimerais que M. le rapporteur réponde à une question.
Je ne suis pas forcément hostile à l’obligation pour les parlementaires d’indiquer la liste des activités qu’ils ont exercées dans les cinq années précédant leur élection. J’avais d'ailleurs proposé dans un amendement – que je vais d’ailleurs retirer puisque j’ai vu l’« enthousiasme » avec lequel il était accueilli – que les parlementaires présentent une reconstitution de leur carrière.
En revanche, je suis moins convaincue par l’obligation d’indiquer la liste des activités que l’on envisage de conserver. En effet, on est dans le domaine du futur proche ou lointain. Dans le monde d’aujourd'hui, je mets au défi quiconque de savoir quelles activités il conservera et quelles autres il ne conservera pas.
M. Gérard Longuet. On sera obligé de déclarer toutes les activités, car on ne pourra pas commencer une nouvelle activité !
Mme Nathalie Goulet. Afin que mon vote soit complètement éclairé, je demande à la commission de me dire s’il faudra déclarer un peu plus d’activités pour en garder un peu moins. À l’entrée en fonctions, on indiquera un certain nombre – un nombre maximal – d’activités que l’on envisage de conserver. Cette déclaration pourra-t-elle faire l’objet d’une révision annuelle ? Moi, je ne peux pas vous dire aujourd'hui quelles activités je pense garder dans les cinq ans à venir. À moins de faire de la science-fiction, je ne vois pas comment on peut y arriver en toute honnêteté intellectuelle. La rédaction actuelle soulève donc une légère difficulté.
Pour ne rien vous cacher, je regrette de ne pas avoir déclaré d’activité quand je suis entrée dans cette maison. En effet, quand j’ai voulu en reprendre une en cours de mandat, la commission de déontologie m’a déconseillé de le faire. Vous le voyez, il y a bien une légère difficulté. Monsieur le rapporteur, pensez-vous que la rédaction de l’alinéa 9 de l’amendement n° 78 rectifié bis conduira les parlementaires à déclarer plus de choses afin de pouvoir en garder un peu ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. En réponse à votre question, madame Goulet, je précise que nous ne changeons rien par rapport à l’état actuel du droit.
M. Gérard Longuet. Cela ne veut pas dire que cet état est satisfaisant !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Je vous l’accorde, mais je réponds à Nathalie Goulet.
Il existe actuellement un article L.O. 151–2 du code électoral, qui a été créé par l’article 9 de la loi organique du 14 avril 2011. L’article L.O. 151–2 dispose que, « dans le délai prévu à l’article L.O. 151–1, tout député » – ou tout sénateur – « dépose sur le bureau de l’Assemblée nationale » – ou du Sénat – « une déclaration certifiée sur l’honneur exacte et sincère comportant la liste des activités professionnelles ou d’intérêt général, même non rémunérées » – ce qui inclut le bénévolat –, « qu’il envisage de conserver ou attestant qu’il n’en exerce aucune ». C’est clair : il s'agit de déclarer les activités que vous entendez conserver, et non pas celles que vous comptez cesser d’exercer ou celles que vous n’exercez pas.
M. le président. Madame Assassi, le sous-amendement n° 176 est-il maintenu ?
Mme Éliane Assassi. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 176.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas le sous-amendement.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 171 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Longuet, le sous-amendement n° 134 est-il maintenu ?
M. Gérard Longuet. Non, je le retire, monsieur le président, compte tenu des excellents arguments de M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Merci !
M. le président. Le sous-amendement n° 134 est retiré.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 172.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas le sous-amendement.)
M. Gérard Longuet. Je verse une larme d’émotion !
M. Philippe Bas. Et moi une larme de joie !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 128.
M. Gérard Longuet. Je dispose de quatre minutes et cinquante-cinq secondes, mais je vous rassure, monsieur le président, je ne vais pas les utiliser.
Je pense très sincèrement que, dans ce débat, on méconnaît totalement la réalité de la vie familiale des élus. Je ne défendrai pas le cas des parlementaires, car leur engagement national, les responsabilités qu’ils exercent et l’importance de leurs missions peuvent, comme l’a souligné hier Alain Anziani, expliquer quelques sacrifices.
Je pense à cette immense armée d’élus locaux qui sont frappés par ce texte : les maires, les présidents de conseil général, les conseillers généraux, les futurs conseillers départementaux dans un certain nombre de cas, si j’ai bien compris, vont voir s’afficher sur la place publique la quasi-totalité de leur situation patrimoniale personnelle et celle de leur famille.
L’éloignement géographique ou l’anonymat des grandes villes offrent une protection relative pour toute personne qui, n’ayant commis aucun délit, présente simplement la singularité d’un profil atypique.
Mais, dès lors que l’on est dans un cadre plus restreint, local en particulier, et l’on connaît le charme discret de la vie provinciale, la perspective de cette publicité entraînera – je le dis avec gravité – des cas de conscience familiaux qui conduiront des gens de qualité à s’écarter des responsabilités publiques et de tout mandat collectif, de peur d’exposer inutilement leurs proches et ceux auxquels ils sont attachés.
Nous avons tous constaté qu’il était de plus en plus difficile de trouver des candidats pour des postes de responsabilité associatifs, y compris dans le cadre professionnel ou consulaire, pour ne pas devoir nous interroger sur les effets pervers d’un dispositif qui va aboutir à renforcer ce que certains collègues ont déjà dénoncé avec raison, à savoir la professionnalisation absolue des mandats politiques locaux et nationaux, singulièrement les mandats parlementaires.
Seuls ceux qui auront fait le sacrifice de leur vie personnelle et professionnelle au service d’une ambition légitime, fondée sur le souci, tout aussi légitime, de défendre des idées, prendront le risque de s’exposer. Celui qui, au contraire, ayant entrepris une vie professionnelle normale, en dehors de tout engagement collectif, mais aussi en dehors de la fonction publique, aurait la tentation de se dévouer au service de ses compatriotes dans le cadre d’un mandat local, courant le risque d’exposer son environnement personnel immédiat, sera vraisemblablement contraint de s’abstenir, ce qui appauvrira encore le vivier de ceux qui sont susceptibles de prendre des responsabilités politiques.
Nous aurons donc de plus en plus des professionnels de la carrière élective et de moins en moins des personnalités reconnues pour leur réussite professionnelle qui acceptent de mettre leur expérience au service de leurs compatriotes.
C’est le choix du Gouvernement, mais j’ai tenu à intervenir en explication de vote pour pouvoir dire que, à mon sens, nous rendons un mauvais service à la vie locale.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. J’ajoute qu’il y a, à mes yeux, un argument juridique rendant d’autant plus nécessaire l’adoption de notre sous-amendement : nous ne pouvons mettre à la charge de quiconque, fût-il parlementaire, l’obligation de faire des déclarations pour compte d’autrui.
Nous n’avons pas, en tant que citoyens français, le moyen de contraindre des membres de notre famille à nous donner des informations, si elles ne le font pas spontanément, au motif que nous avons nous-mêmes l’obligation de faire figurer ces informations sur la déclaration. Ces personnes sont des tiers au regard de l’obligation faite aux parlementaires et il n’existe pas, dans ce projet de loi organique, la moindre disposition qui puisse contraindre ces tiers à fournir aux parlementaires les informations qu’on leur demande.
Par conséquent, soit chacun d’entre nous pourra dire qu’il ignore, totalement ou en partie, les activités de tel ou tel de ses enfants, de ses parents ou de son conjoint ;…
M. Gérard Longuet. Surtout s’il est en instance de divorce !
M. Philippe Bas. … soit il pourra dire qu’il est brouillé avec ce membre de sa famille ou ce proche. Mais, dans tous les cas, il ne pourra pas lui être reproché de ne pas avoir communiqué des informations qu’il n’a pas les moyens juridiques d’obtenir.
De deux choses l’une : ou bien cette disposition est complètement dépourvue d’effet, à partir du moment où chacun d’entre nous pourra dire qu’il ne sait pas, et que l’on ne pourra pas lui reprocher de ne pas savoir ce qu’il n’a pas les moyens d’imposer qu’on lui communique ; ou bien cette obligation a une portée réelle, mais elle est alors contraire non pas aux droits du parlementaire lui-même, mais à ceux des tiers que sont, du point de vue de l’obligation de déclaration, les membres de sa famille et ses proches.
M. Gérard Longuet. Article II de la Déclaration !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, je m’interroge après avoir relu ce texte : au-delà des situations familiales plus ou moins complexes que les uns et les autres peuvent connaître, visez-vous seulement les activités des enfants qui sont sur le territoire français ou bien également de ceux qui sont à l’étranger ?
En effet, nous sommes un certain nombre à avoir des enfants vivant à l’étranger et le texte ne précise pas ce cas de figure. Pour le coup, selon l’interprétation que vous en donnerez, d’autres types de problèmes peuvent se poser, avec d’autres types de conflits d’intérêts potentiels, d’autres types de revenus, etc.
Ayant moi-même deux enfants vivant aux États-Unis, et je ne suis pas la seule dans cet hémicycle, n’est-ce pas, madame Khiari, je m’interroge : la déclaration doit-elle aussi concerner les activités de nos enfants qui résident en dehors du territoire national ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. La réponse est oui !
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 128.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que la commission a émis un avis défavorable, de même que le Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 302 :
Nombre de votants | 316 |
Nombre de suffrages exprimés | 299 |
Pour l’adoption | 140 |
Contre | 159 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 140.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 178.
M. Pierre-Yves Collombat. Il est retiré, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 178 est retiré.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 138.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 174.
M. Pierre-Yves Collombat. Il est retiré, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 174 est retiré.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 129.
M. Gérard Longuet. Fort des explications de M. le rapporteur, je le retire, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 129 est retiré.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 130.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 141 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 148.
M. Gérard Longuet. Je ne rouvre pas le débat ; je me suis déjà expliqué !
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 185.
M. Gérard Longuet. Je ne souhaite pas prolonger inutilement nos travaux, mais il me semble que ce sous-amendement, qui a été imaginé par ma collègue Catherine Procaccia et que le groupe de l’UMP a repris, présente l’immense mérite d’attirer l’attention de notre assemblée sur une situation de fait que nous avons découverte au cours de nos débats, à savoir la profonde inégalité entre les candidats à une même élection qui résulterait du dispositif proposé.
Certains candidats seront plus exposés que d’autres : la vie étant ainsi faite, plus on donne d’informations, plus on doit justifier la légitimité des faits qui nourrissent ces informations ; moins on donne d’informations, plus on est protégé par une innocence supposée, ou du moins une absence totale d’aspérité.
Pour les élections intermédiaires, qui soulèvent d’autres difficultés, Mme Procaccia suggère qu’aucune publication ne soit possible dans l’année précédant la date des élections législatives ou sénatoriales.
Mais on peut imaginer que, dans une élection locale - municipale, cantonale, régionale -, le patrimoine de certains candidats ait fait l’objet d’une déclaration et soit accessible à tous, alors que le patrimoine d’autres candidats serait absolument inconnu.
Il n’est pas certain que la détention d’un patrimoine soit un obstacle et il n’est pas certain non plus que l’absence de patrimoine soit un avantage. En revanche, il est certain que les exigences de transparence imposées aux différents candidats créent une véritable inégalité de traitement : les uns doivent justifier de tout et, de proche en proche et d’explication en explication, se trouvent contraints d’exposer des informations de caractère extrêmement personnel, qu’il s’agisse d’un héritage, d’un don ou d’un apport familial ; d’autres, au contraire, sont exonérés de toute obligation de déclaration et peuvent s’être livrés à des pratiques que les électeurs ne découvriront avec étonnement qu’après l’élection, après que ces candidats auront eux-mêmes remplacé ceux qui étaient exposés à l’obligation de publication.
Cette inégalité, à laquelle je ne connais pas de remède, d’ailleurs, est le pur produit de votre exigence de publication et je tiens à la dénoncer à cet instant !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je voterai ce sous-amendement, car nous avons déjà soulevé ce problème à plusieurs reprises lors de ce débat.
Je voudrais rappeler les réactions des habitants de la circonscription de la ministre de la santé, lorsqu’ils ont découvert sa déclaration de patrimoine. Beaucoup ont dit qu’ils ne voulaient plus voter pour elle, car ils n’imaginaient pas qu’elle possédait un tel patrimoine, etc. Or cette ministre fait très bien son travail, elle est parlementaire depuis de très nombreuses années et le fait qu’elle possède ou non un patrimoine est sans incidence sur ses qualités professionnelles et intellectuelles, pas plus que sur son efficacité en tant que parlementaire ou que membre du Gouvernement.
M. Gérard Longuet. Absolument !
Mme Nathalie Goulet. Comme l’a dit Gérard Longuet, vous allez placer les sortants dans une situation insupportable.
Monsieur le rapporteur, vous avez donné tout à l’heure une explication intéressante, puisque vous avez dit que ces dispositions ne seraient applicables que quatre mois après la mise en place de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique…