M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.
M. Gérard Bailly. Monsieur le ministre, venant d’un département où l’élevage occupe une place importance, vous constatez vous-même, vous l’avez dit, la diminution du nombre des éleveurs. Vous comprendrez donc que le président du groupe d’études de l’élevage s’inquiète de voir baisser significativement – de près de 50 % en vingt ans – les cheptels bovin et ovin français, ce qui nous contraint à importer.
Vous le savez, les agriculteurs ont toujours eu, face à la grande distribution, beaucoup de mal à répercuter dans leurs prix de vente l’augmentation de leurs charges.
Vous me dites que le poids de l’écotaxe poids lourds s’appliquera à des grands itinéraires, que les dessertes locales seront épargnées, que les importations seront pénalisées et que nos éleveurs, finalement, en tireront bénéfice. Je crois qu’il faudra suivre cela de près. En tout cas, le Gouvernement doit vraiment faire en sorte que les charges supplémentaires qui résulteront pour les éleveurs de l’augmentation du prix de l’énergie et des trois dispositifs que j’ai évoqués soient maîtrisées.
Je rappelle que, dans nos fermes d’élevage, plus particulièrement en montagne, sur des secteurs d’AOC, le séchage en grange nécessite beaucoup d’énergie électrique. Mon souci est donc de savoir, monsieur le ministre, dans quelle mesure ces charges pourront être répercutées sur les prix de vente ?
M. Jean-Louis Carrère. Il vous a été répondu sur ce point !
M. Gérard Bailly. Cette après-midi, la commission des affaires économiques reçoit M. Benoît Hamon, ministre en charge de la consommation : ce sera, pour nous, l’occasion d’évoquer cette question. Compte tenu des difficultés auxquelles les éleveurs sont aujourd'hui confrontés, il n’est pas imaginable qu’on laisse s’accroître les charges qui pèsent sur eux.
M. Jean-Louis Carrère. Il faut lancer une souscription ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
rôle de l’office national de l’eau et des milieux aquatiques dans la prévention du risque inondation
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la question n° 469, adressée à M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, je souhaite vous entretenir de la principale conclusion du rapport de la mission commune d’information du Sénat sur les inondations qui se sont produites dans le Var, et plus largement, dans le sud-est de la France au mois de novembre 2011. Ne voyez là aucune vanité d’auteur : c’est seulement la manifestation d’une préoccupation réelle.
Ce rapport, qui a été débattu en séance le 12 novembre 2012, en présence de Mme Delphine Batho, concluait à l’inexistence d’une politique de prévention de l’inondation en France, si l’on entend par « politique » une action cohérente et continue.
Parmi les causes multiples de cet état de fait, nous pouvons souligner l’existence d’objectifs théoriquement complémentaires mais qui, en réalité, se contrarient : je vise en l’occurrence la protection des populations contre l’inondation et la protection des milieux aquatiques.
Ainsi la mission a-t-elle fait, en matière d’entretien des cours d’eau, le constat suivant, que je me permets de vous rapporter : « Les rares personnes privées assurant leurs obligations et les collectivités locales voient leurs actions d’entretien des cours d’eau compliquées par les services chargés de la police de l’eau… Pas un élu rencontré par la mission qui n’ait fait état d’un conflit, se terminant parfois devant le tribunal correctionnel, avec la police de l’eau, agents de l’ONEMA compris. S’il est un constat unanime, c’est bien que le principal obstacle à l’entretien des cours d’eau réside dans le zèle de la police de l’eau, zèle qui la conduit à intervenir même là où il n’y a pas de cours d’eau, au sens de la jurisprudence, donc pas de réglementation protectrice du milieu aquatique à faire respecter. Effet plus pervers encore : le zèle de la police de l’eau est une bonne façon de ne rien faire pour ceux qui ont légalement à charge l’entretien des cours d’eau. »
Les agents de l’ONEMA – Office national de l’eau et des milieux aquatiques – assument environ un tiers de la mission de la police de l’eau, en principe sous la responsabilité du préfet. La direction de cet organisme n’ayant pas jugé bon de répondre aux interrogations que je lui avais soumises par lettre au sujet, notamment, des orientations de sa politique pour éviter que la protection des milieux aquatiques ne vienne contrarier la prévention efficace du risque d’inondation, je souhaiterais, monsieur le ministre, connaître votre point de vue sur cette importante question.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur Collombat, vous me permettrez, avant de vous répondre, de saluer M. Aymeri de Montesquiou, sénateur du Gers. Je le remercie de son aimable présence : je vois qu’il suit ma carrière avec zèle ! (Sourires.)
Au passage, dans la mesure où les inondations ont aussi touché le département du Gers, je veux souligner la réactivité des services de l’État au cours de cette période. Que ce soit dans les Hautes-Pyrénées, en Haute-Garonne, dans les Pyrénées-Atlantiques, les élus n’ont eu qu’à se louer de la présence massive de l’État : présence du Président de la République, des ministres concernés et de tous les services de l’État.
Permettez-moi aussi, au moment où je prends la tête de cette administration, d’affirmer mon soutien aux agents en charge de la police de l’eau et des milieux aquatiques. Il s’agit d’une mission à la fois essentielle et complexe, que ces agents accomplissent d’une manière qui mérite d’abord notre respect.
Vous avez raison, monsieur Collombat, de souligner que le double objectif de préservation des milieux aquatiques et de protection des populations contre les inondations est une priorité absolue. Les événements du printemps dernier ont, une nouvelle fois, montré l’importance de cette question.
Dans le cadre du comité interministériel de modernisation de l’action publique, lancé par le Premier ministre, deux évaluations sont actuellement en cours : l’une concerne la police de l’environnement, notamment la police de l’eau ; l’autre concerne la politique de l’eau dans son ensemble.
Le rapport d’évaluation de la politique de l’eau, remis récemment au Premier ministre par le député Michel Lesage – ainsi qu’un autre rapport, commis à l’époque par un député nommé… Philippe Martin –, évoque justement le sujet. Il propose des pistes pour améliorer l’efficacité de la police de l’eau, assurée par les services de l’État et par l’ONEMA. Ses préconisations seront étudiées et discutées lors de la prochaine conférence environnementale, en septembre 2013, au cours de la table ronde sur l’eau, l’eau constituant l’une des thématiques retenues pour ladite conférence.
Quoi qu'il en soit, je souhaite dès à présent réaffirmer clairement que l’objectif recherché est bien la conciliation des impératifs de protection des milieux aquatiques, de préservation de l’environnement et de prévention des risques liés aux inondations.
Vous l’avez relevé dans votre rapport, cela nécessite des compétences adaptées. C’est bien en ce sens que vous avez déposé un amendement au projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, soutenu par le Gouvernement et adopté ici le 5 juin dernier. Il attribue aux collectivités locales et à leurs groupements une compétence « milieux aquatiques » intégrant la réalisation de travaux de restauration et d’entretien des cours d’eau, la prévention des risques liés aux inondations et submersions, l’aménagement des bassins hydrographiques.
Au-delà, je le sais, l’application du droit de l’environnement et notamment de la police de l’eau peut être complexe. La volonté du Gouvernement est de la rendre plus simple, plus efficace et plus lisible, dans le cadre des états généraux de la modernisation du droit de l’environnement.
C’est en concertation avec l’ensemble des parties prenantes – en particulier les élus, dont vous signaliez l’absence dans les dialogues qui ont pu avoir lieu – que nous pourrons trouver les solutions les plus appropriées sans renoncer à nos objectifs de préservation de l’environnement. (M. Jean-Louis Carrère applaudit).
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, je laisse de côté, en la circonstance, tout ce qui a trait à la gestion des crises ainsi que ce qui concerne les réparations : il s’agit ici d’évoquer simplement la prévention des inondations. À cet égard, il convient de mener une politique continue, financée à hauteur des besoins et non contradictoire.
Je conviens qu’il faut concilier les exigences de protection de l’environnement et les exigences de protection des populations. Toutefois, ce que je constate, c’est que, sauf sur le papier, ces objectifs ne se concilient pas ! Et ce n’est pas parce qu’on répétera à longueur de journée la nécessité de les concilier qu’ils seront effectivement conciliés !
Nous l’avons constaté, partout monte une immense plainte : « Chaque fois que l’on veut faire quelque chose, on a toujours la police de l’eau sur le dos ! »
M. Gérard Bailly. C’est vrai !
M. Pierre-Yves Collombat. Tout le monde le dit ! Alors, on peut continuer à dire qu’il faut concilier les objectifs, mais il vaudrait mieux trouver des solutions.
Il n’est pas question de brader les objectifs de protection de l’environnement. Du reste, celle-ci peut aussi être une façon de régler le problème des inondations. Mais encore faut-il sortir de ce système « autobloquant » : à chaque dispositif correspond un autre qui le contrarie !
C’est l’objet des propositions que j’ai faites, et je remercie le Gouvernement d’avoir soutenu une première proposition. J’aurai une autre proposition à vous soumettre, monsieur le ministre, et j’espère que vous la soutiendrez aussi, notamment dans son aspect financier, car l’attribution de moyens est la condition de la réussite du dispositif.
Année après année, des événements viennent nous apporter la preuve que se pose un véritable problème. Il y a quand même 40 % des communes françaises qui ont un territoire inondable !
Mon seul but est de trouver un moyen de concilier concrètement, et pas uniquement sur le papier, les objectifs sur lesquels nous sommes d’accord. Si l’ONEMA m’avait répondu, je n’aurais probablement pas été amené à vous solliciter, monsieur le ministre.
retards de paiement du fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce dans le département de la haute-vienne
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, auteur de la question n° 446, adressée à Mme la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme.
M. Jean-Claude Peyronnet. Madame la ministre, vous le savez, le fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, autrement dit le FISAC, relève d’un dispositif initialement fondé sur la solidarité financière entre les petites entreprises commerciales et artisanales et la grande distribution. Il était, jusqu’en 2002, alimenté par un prélèvement sur l’excédent du produit de la taxe d’aide au commerce et à l’artisanat, la TACA, acquittée par la grande distribution.
La loi de finances pour 2003 a affecté le produit de la TACA au budget général de l’État. Depuis cette date, le montant des dotations ouvertes au titre du FISAC est fixé, chaque année, par la loi de finances, indépendamment du produit attendu de la TACA, devenue en 2008 la taxe sur les surfaces commerciales, ou TASCOM.
Depuis 2008, la dotation du FISAC a surtout été fortement réduite, passant de 60 millions d’euros en 2008 à 42 millions d’euros en 2012, alors même que le nombre de dossiers instruits est passé de 783 en 2008 à 1570 en 2011, soit plus du double, ce qui témoigne du succès de ce dispositif, et donc de son intérêt.
Cette situation a provoqué de nombreux dysfonctionnements, notamment des retards de paiement pour les bénéficiaires et collectivités territoriales accompagnatrices de projets.
Concrètement, à titre d’exemple, dans le département de la Haute-Vienne, le préfet estime à 1,7 million d’euros le montant des paiements en retard pour l’ensemble du département.
Plus précisément encore, le Pays d’Ouest Limousin, qui a reçu délégation et assure à ce titre l’instruction, l’animation et le paiement des dossiers déposés, se plaint de n’avoir reçu aucun versement depuis deux ans. Il a mis en place, pour accompagner les projets d’entreprises artisanales, commerciales et de services, à partir de 2006, une démarche collective territorialisée, ou DCT, renouvelée en 2011 avec l’accord de l’État. Or, depuis 2011, il ne peut que donner un avis sur les dossiers sans garantie de bonne fin.
À aucun moment, les services de l’État ne donnent la moindre assurance, sans pour autant décourager les postulants. Au contraire, par lettre du 23 décembre 2011, le secrétaire général de la préfecture affirmait que la « décision ministérielle d’approbation devrait être signée et notifiée d’ici à la fin de l’année » !
Vous conviendrez, madame la ministre, qu’il est tout à fait inopportun de réduire la dotation du FISAC dans cette période difficile. Le FISAC œuvre en faveur de l’économie de proximité, il permet aux zones rurales et urbaines fragilisées de soutenir le commerce et l’artisanat local.
Il a un effet non négligeable sur l’économie locale et la qualité de vie des habitants parce qu’il a pour objet la redynamisation et de pérennisation des commerces, des services et de l’artisanat, qui ont une fonction économique à part entière et jouent un rôle important en matière d’aménagement du territoire.
Madame le ministre, il avait été question d’une remise à plat complète du dispositif afin de lui donner une nouvelle impulsion, ce qui, d’ailleurs, n’apparaît pas vraiment indispensable eu égard au grand nombre de dossiers déposés...
Envisagez-vous un financement spécifique du FISAC, qui prendrait le relais de l’ex-TACA ? Qu’en est-il du remboursement annoncé depuis près de deux ans ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme. Vous venez de le souligner à très juste titre, monsieur le sénateur, le FISAC est d’une importance capitale pour nos territoires et pour l’économie de proximité ; c’est un véritable levier de croissance pour les commerçants, les artisans et les services.
Je l’ai, pour ma part, rappelé à de nombreuses reprises : ce fonds se trouve aujourd’hui dans une situation très préoccupante.
Ainsi que vous l’avez fort bien expliqué, le précédent gouvernement a élargi les critères d’éligibilité au FISAC et, dans le même temps, diminué drastiquement les crédits alloués à ce fonds. Faire augmenter les besoins de financement, puis supprimer les crédits, voilà une étrange logique, vous en conviendrez !
Cette attitude a conduit à une forte augmentation du stock de dossiers et, faute de crédits suffisants, à un retard considérable dans leur traitement. Lors de mon arrivée à Bercy, j’ai trouvé environ 1 800 dossiers non financés, représentant plus de 120 millions d’euros. Les quatre prochains exercices budgétaires ne suffiraient même pas à régulariser la situation !
Pour ce qui concerne le département de la Haute-Vienne, j’ai récemment attribué une subvention de 150 000 euros à la communauté d’agglomération de Limoges. Je le sais, de nombreux autres dossiers sont en attente de financement ; ceux qui sont instruits à ce jour nécessitent des crédits à hauteur de 1 million d’euros. Des besoins se font encore jour : la récente demande de subvention formulée par la communauté de communes des Monts de Châlus pour la création d’une boucherie-charcuterie en est la preuve.
L’opération collective de modernisation du Pays d’Ouest Limousin, que vous venez de me signaler, monsieur le sénateur, appartient à ce stock non financé à ce jour, compte tenu du nombre de dossiers accumulés ces dernières années sans financement correspondant. La demande de subvention relative aux deux premières tranches de cette opération qui a été adressée à mes services est néanmoins instruite sur le plan technique.
Cependant, la situation budgétaire dont j’ai hérité ne permet pas d’honorer toutes les demandes à la hauteur et dans les délais attendus, ce qui conduit bien souvent les collectivités à engager des crédits avant de se voir notifier leur subvention.
Vous l’avez rappelé, j’ai commandé une évaluation complète du FISAC, afin de sécuriser et d’assurer la stabilité juridique de ce dispositif. Des travaux complémentaires ont été nécessaires, tant ce fonds a été mal structuré et mal utilisé. En collaboration avec mon collègue ministre du budget et l’ensemble des membres du Gouvernement, j’essaie d’apporter des réponses aux nombreux courriers que je reçois et aux interpellations formulées par tous les élus, notamment par ceux de la Haute Assemblée.
Je souhaite ouvrir, une fois la clarté faite à l’issue de l’évaluation, une négociation sur le financement du fonds. Parallèlement, dans le cadre d’un projet de loi que je vous présenterai ultérieurement, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite également modifier les critères d’attribution du FISAC, afin, non pas de redynamiser ce dernier, puisque les demandes existent bel et bien, mais de répondre aux attentes et aux besoins des commerçants, des artisans et de respecter enfin l’enveloppe budgétaire allouée. À cet effet, il convient d’instaurer des critères allant dans le sens des priorités fixées tant par le Gouvernement dans le pacte pour l’artisanat que par moi-même dans le plan d’action pour le commerce et les commerçants que j’ai présenté voilà quelques semaines, afin de mener une action efficace et pertinente sur l’ensemble des territoires.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Madame le ministre, je ne peux pas dire que je sois pleinement satisfait de votre réponse. Cependant, vos propos me laissent un certain espoir, des dossiers n’ayant « pas encore pu », avez-vous dit, être financés. (Sourires.)
Cela dit, la situation est extrêmement difficile. En effet, les communes et groupements, qui n’ont reçu aucune consigne contraire, instruisent les dossiers qu’ils reçoivent et donnent un avis, sans savoir toutefois s’il leur sera donné suite. Et l’État déconcentré ne leur dit pas qu’il n’y aura pas de crédits. Les artisans, commerçants, prestataires de sociétés de services attendent donc avec espoir.
Comme moi, vous avez souligné que le dispositif pouvait être amélioré. Localement, il a un certain poids et assure une réelle dynamisation du commerce, notamment en milieu rural.
Je ne suis pas du tout opposé au subventionnement de l’agglomération de Limoges, mais elle ne constitue pas la partie du département de la Haute-Vienne qui connaît les difficultés économiques les plus importantes. En réalité, il conviendrait que vous portiez une attention particulière aux zones rurales. Actuellement, des postulants à des aides, qu’il s’agisse de sociétés, d’artisans, de commerçants, sont en train de revoir un certain nombre d’investissements à la baisse. Je rappelle que le FISAC représente le tiers des aides qui peuvent leur être apportées, ce qui n’est pas mineur.
En conclusion, madame le ministre, tout en vous remerciant de votre réponse, je vous dis mon espoir de voir la situation s’améliorer. Le dispositif est attractif, répond à des demandes, à des besoins. Or, malgré tous les biais recherchés pour essayer de mieux faire fonctionner la machine, je crains que les difficultés ne perdurent s’il n’y a pas une augmentation significative du volume des aides.
reconnaissance et renforcement de l'engagement bénévole et associatif
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 502, adressée à Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative.
M. Jean Boyer. Madame le ministre, dans le prolongement de mes préoccupations liées à la vie associative et au sport, je souhaite modestement attirer votre attention sur la situation du bénévolat dans notre pays, en particulier dans le monde rural.
Nous ne saurions trop rappeler l’importance de la vie associative et de l’engagement bénévole qui en découle. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui consacrent du temps, de l’énergie et même de l’argent pour donner au mot « bénévolat » tout son sens. Nous le savons tous très bien, ce travail de terrain formidable, permanent et toujours inachevé est aussi un atout pour l’État et les collectivités locales, qui peuvent s’appuyer sur un réseau social, sportif et associatif de premier plan.
Le jugement très favorable qui est porté sur votre action, madame le ministre, démontre d’ailleurs que vous partagez ce point de vue.
En effet, sans ces femmes et ces hommes de bonne volonté, il serait nécessaire de multiplier fortement les crédits consacrés à l’ensemble des missions concernées. Des avancées ont été enregistrées, des dispositions encadrent et accompagnent le monde associatif, qui dispose ainsi d’outils performants. Mais ne faut-il pas aller plus loin dans une société qui devient de plus en plus égoïste ?
On peut en outre constater avec quelque regret que la situation du bénévole a évolué quant à ce que l’on exige de lui, voire quant aux risques qu’il peut encourir.
Dans ce que l’on appelle la « France profonde », les responsables qui souhaitent constituer une équipe de football, par exemple, doivent aller en voiture chercher les adolescents dont les familles se trouvent en difficulté, faute de quoi l’effectif requis ne sera pas atteint.
Madame le ministre, le temps n’est-il pas venu de poursuivre cette réflexion en organisant un vrai débat au sein des instances parlementaires ? C’est la raison pour laquelle je vous demande ce matin, devant la Haute Assemblée, de faire en sorte que puisse être discutée la proposition de loi portant sur l’engagement et la reconnaissance du bénévolat associatif à laquelle j’ai réfléchi, avec mes collègues de la commission de la culture, et qui, pour autant, ne dénaturerait pas le bénévolat. Un engagement quant à une inscription à l’ordre du jour de ce texte dès l’automne serait bienvenu.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir posé cette question, qui permet de mettre en lumière l’action de ces seize millions de personnes qui, dans notre pays, s’engagent gratuitement au service des autres.
Voilà un mois, l’association France bénévolat, en association avec l’IFOP, a publié une étude sur les bénévoles dans notre pays. Entre 2010 et 2013, le nombre de ces derniers a augmenté de 14 % ; sur la tranche d’âge des 15-35 ans, cette hausse a même atteint 32 % ! Il s’agit là d’un élément extrêmement positif, qui contredit quelque peu certains discours décrivant une jeunesse se repliant sur elle-même. En fait, notre jeunesse est extrêmement généreuse : elle sait donner de son temps au service de l’intérêt général.
Comme vous l’avez vous-même noté, il est essentiel que nous veillions à accompagner et soutenir le bénévolat. À cet égard, plusieurs dispositifs existent déjà. Je veux les rappeler ici : la clarification du cadre juridique dans lequel les bénévoles interviennent ; le remboursement des dépenses engagées dans le cadre des activités associatives sur la base réelle des montants justifiés, tels les frais de déplacements supportés particulièrement par un certain nombre de dirigeants sportifs, que vous avez vous-même évoqués ; la possibilité, pour les bénévoles, de bénéficier de la réduction d’impôt relative aux dons en cas de renonciation au remboursement de frais.
Par ailleurs, pour encourager le bénévolat, l’un des axes privilégiés de la politique du Gouvernement est le soutien à la formation et à l’accompagnement des bénévoles. En 2013, l’État a consacré près de 11 millions d’euros au Fonds pour le développement de la vie associative, ou FDVA, qui finance les formations de bénévoles dans tous les secteurs, hormis celles qui concernent les membres d’associations sportives, qui bénéficient de l’aide du Centre national pour le développement du sport, le CNDS.
J’ai souhaité que les crédits du FDVA soient stabilisés, ce qui lui a permis de financer, cette année, 6 500 projets de formation au bénéfice de 170 000 bénévoles.
Pour ce qui concerne le sport, 15 millions d’euros de moyens ont été consacrés à la formation des dirigeants, des personnels encadrants, des arbitres qui, majoritairement, sont des bénévoles.
Monsieur le sénateur, je partage votre point de vue : il faut aller plus loin. Au demeurant, c’est ce que j’ai essayé de faire depuis ma prise de fonctions.
J’ai d’abord souhaité instituer un congé d’engagement bénévole, qui permettrait d’accroître pour les responsables associatifs qui exercent une activité salariée le temps disponible. Au mois de juillet dernier, j’ai sollicité le Haut Conseil à la vie associative, le HCVA. Dans son avis rendu au mois de novembre, celui-ci a préconisé l’octroi d’un crédit de temps annuel pour l’exercice d’une responsabilité associative. En liaison avec le ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, mon ministère étudie actuellement les possibilités d’élargir le champ d’application du congé de représentation pour ces responsables associatifs salariés.
Par ailleurs, toujours en liaison avec le HCVA, le Gouvernement souhaite développer des outils pour permettre aux bénévoles d’attester de leur expérience associative dans leur parcours scolaire, universitaire, professionnel. J’évoquais tout à l’heure le nombre des bénévoles âgés de moins de 35 ans : ces derniers doivent pouvoir valoriser cette expérience.
Enfin, pour permettre une meilleure reconnaissance de l’engagement bénévole, nous travaillons avec la Grande Chancellerie de la Légion d’honneur pour étendre le périmètre de la médaille de la jeunesse et des sports à l’engagement associatif, ce qui devrait être fait l’année prochaine.
Quant à la question du statut des bénévoles, elle a été longuement explorée lors de la conférence de la vie associative en 2006. Le débat se poursuit, mais la grande diversité des formes que revêt le bénévolat rend difficile la définition d’un tel statut et s’oppose à toute forme de rétribution puisque le bénévolat est, par définition, un don de temps librement consenti et gratuit.
Création d’un congé d’engagement bénévole pour les actifs, développement de la valorisation des acquis de l’expérience associative, extension à la vie associative de la médaille de la jeunesse et des sports : vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est déterminé à soutenir et conforter l’action des seize millions de bénévoles, ces « fantassins de la République » engagés au service de l’intérêt général.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Madame le ministre, j’apprécie énormément votre réponse parce que, et ce n’est pas pour me surprendre, vous avez tenu à me répondre complètement, en entrant dans le détail de toutes les possibilités qui s’offrent dans notre pays au milieu associatif. Cependant, je me demande si celui-ci les connaît bien, ces possibilités.
La proposition de loi portant sur l’engagement et la reconnaissance du bénévolat associatif, dont, si j’ai bien compris, l’examen est repoussé à plus tard, vise à apporter un encouragement, mais sans recourir à des incitations sous forme d’avantages financiers.
Un grand Français a dit qu’on ne pouvait être à la fois responsable et désespéré. Votre réponse m’a fait comprendre, je vous le dis très sincèrement, que c’est bien ainsi que vous concevez votre rôle de ministre. Même dans les périodes difficiles comme celle que nous traversons, vous ne m’entendrez jamais critiquer ; je ne le fais pas plus aujourd'hui que je ne l’ai fait hier. Je sais en effet que, dans la vie, il y a le vouloir et le pouvoir.
Ma question ne visait donc nullement à vous adresser une critique ; d’ailleurs, vous ne l’avez d'ailleurs pas prise ainsi. Elle était avant tout destinée à vous faire part d’une prévision. Ce n’est pas à vous que j’apprendrai que gouverner, c’est prévoir, et que prévoir, c’est regarder un peu l’existant.
Moi qui suis un ancien responsable sportif, je n’ai pas choisi un homme politique pour me remettre la Légion d’honneur, mais un très grand sportif français. C’est très significatif de mon engagement en faveur du sport et de la vie associative.
Madame le ministre, je vous remercie de votre réponse.
redistribution des produits de la taxe de 75 % sur les salaires de plus d’un million d’euros versés par les clubs sportifs professionnels