M. Jean Arthuis. Très bien !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Aussi est-il important de recréer une dynamique.
Nous devrons débattre de ces objectifs. J’attends que, sur ces questions, qui ne remettent pas en cause l’objectif de la double performance, économique et écologique, nous trouvions ensemble des accords.
Vous m’avez interrogé sur la majoration des cinquante premiers hectares et sur le plafonnement.
Le plafonnement, c’est une vieille histoire. Même Mme Fischer Boel, commissaire européenne on ne peut plus libérale du Danemark,…
M. Roland Courteau. En effet !
M. Stéphane Le Foll, ministre. … l’avait proposé. À chaque fois que j’ai eu ce débat, je l’ai toujours dit, je me suis heurté à un blocage, que vous avez évoqué : l’Allemagne, le Royaume-Uni et même l’Espagne ne veulent pas du plafonnement. La France, quant à elle, le réclame, en vain. Certains accusent l’Europe, mais elle n’y est pour rien dans ce blocage. On sait très bien qui ne veut pas ; ce n’est pas l’Europe libérale qui décide sur ce point.
En revanche, pour la première fois dans l’histoire – il faut en tenir compte ! –, sera mise en place la dégressivité des aides, avec une alternative : les cinquante premiers hectares. Je le dis à ceux qui sont très attachés au plafonnement, la redistribution avec la prime aux cinquante premiers hectares, c’est autant, voire plus, que ce qui peut être redistribué avec le plafonnement des aides. Mettons en place une solution alternative avec la dégressivité liée aux fameux 150 000 euros par exploitation.
Là aussi, le débat est ouvert : il faut faire des choix. Pour ma part, j’ai fait le mien, mais nous en débattrons. Si nous sommes favorables à la redistribution et si nous ne voulons pas que celle-ci s’opère des productions laitières vers l’élevage bovin, nous devons trouver des mécanismes pour établir un équilibre, notamment en prélevant sur les exploitations de surface moyenne. Je ne veux pas les stigmatiser, mais je pense là aux exploitations céréalières. Rééquilibrer les aides sans déséquilibrer les filières, tel est l’objectif que nous devons nous fixer, et c’est de cette manière que nous y arriverons.
J’en viens aux quotas laitiers, une question très importante. Pour la première fois, ils disparaîtront effectivement. Il faut réfléchir à ce que nous allons faire ensuite ; le débat s’ouvrira en septembre prochain. J’aurais bien sûr aimé que l’on rediscute sérieusement de la question en termes de régulation. Faudra-t-il abandonner définitivement le système des quotas et laisser chacun augmenter sa production laitière de 20 % à 30 %, au risque que le retour de cette production sur le marché européen ne déclenche une crise le jour où nous n’exporterons plus ? C’est pourquoi nous devons débattre très clairement de cette question.
La possibilité supplémentaire de 2 % pour la production de protéines végétales permet, je le répète, une redistribution dans le cadre général. Et, dans les surfaces d’intérêt écologique, j’indique à l’attention d’un certain nombre de sénateurs qui attachent une grande importance à cette question que cette possibilité concerne aussi les légumineuses et les plantes produites sans aucun engrais et le moins de produits phytosanitaires possible, comme le chanvre. Je sais qu’au Sénat vous êtes tous d’accord pour soutenir cette production… (Sourires.)
Vous avez parlé des relations commerciales avec les États-Unis, qui pourraient remettre en cause les décisions prises sur le plan européen ainsi que notre conception de l’agriculture. Dans le cadre du mandat de négociation de la Commission européenne, on a beaucoup parlé de l’exception culturelle que la Commission refusait de prendre en compte, mais moins de la question agricole, notamment concernant la filière viande et les indications géographiques, qui sont pourtant des enjeux très importants.
En effet, sur ces points, les États-Unis sont aux antipodes de la France et de l’Europe : ils plaident pour la logique des marques, tandis que nous soutenons celle des appellations.
M. Daniel Raoul. Eh oui !
M. Stéphane Le Foll, ministre. C’est une véritable bataille qui se joue aussi à l’échelle mondiale. Les Japonais prennent appui sur notre conception et les Chinois commencent à s’interroger. Nous avons donc intérêt à être convaincants et à ne pas lâcher sur cette question – ce point était l’une des lignes rouges –, qui est un élément conceptuel, dirai-je, de l’agriculture. Mais ma position est, me semble-t-il, partagée sur l’ensemble des travées de votre assemblée.
La question de la sous-consommation des crédits de l’organisation commune du marché vitivinicole est débattue depuis le début de l’année, mais elle n’entre pas dans la négociation proprement dite de la politique agricole commune.
Pour diverses raisons – réglementations, problèmes rencontrés, manque de réactivité –, les crédits n’ont pas été suffisamment consommés.
M. Gérard César, coprésident du groupe de travail sur la réforme de la politique agricole commune. Voilà !
M. Stéphane Le Foll, ministre. La profession demande donc d’accroître le niveau des avances pour rattraper cette sous-consommation, mais elle se heurte au blocage du commissaire à l’agriculture et de sa direction générale et, surtout, du commissaire au budget, en raison de l’absence, jusqu’à jeudi dernier, d’accord sur les perspectives financières.
J’ai demandé au Président de la République d’essayer de débloquer la question des avances lors du prochain sommet européen, en les faisant passer de 20 % à 40 %.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je sais que cette question est très importante, mais, n’ayant pas encore le résultat de la négociation, je préfère ne pas m’engager davantage.
Je me félicite de ce débat : vous m’avez posé de nombreuses questions. Comme toujours, la Haute Assemblée est intéressée par les questions agricoles. Les interventions, qui sont à la fois techniques et de qualité, s’inscrivent dans une approche globale de l’agriculture, qui ouvre de véritables perspectives.
Lorsque viendra le moment où nous devrons faire ensemble des choix, notamment pour trouver un équilibre dans le secteur de l’élevage, j’espère qu’une large majorité s’exprimera dans cette belle assemblée qu’est le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE)
Débat interactif et spontané
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à une heure par la conférence des présidents.
Chaque sénateur peut intervenir pendant deux minutes au maximum. Le Gouvernement, s’il est sollicité, pourra répondre.
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, dans votre intervention liminaire, vous avez évoqué à juste titre le sort des éleveurs dont les revenus sont notoirement inférieurs à ceux des céréaliers.
Lors des événements récents qui se sont déroulés dans les Pyrénées-Atlantiques, les Hautes-Pyrénées et, surtout, la Haute-Garonne, les éleveurs de moyenne et de haute montagne ont attiré votre attention, à l’occasion de votre visite dans cette région, sur la situation qu’ils vivent.
Au-delà de leur activité, le pastoralisme, les éleveurs de montagne participent – est-il besoin de le rappeler ? – à la valorisation des paysages en termes d’aménagement du territoire et jouent également un rôle non négligeable sur le plan culturel.
Récemment, les représentants de ces éleveurs ont évoqué les conséquences des conditions climatiques : la conservation du fourrage est altérée, et ils ont en quelque sorte perdu – c’est l’expression qui est la leur – leur outil de travail puisque les zones de pâturage sont recouvertes de trente ou quarante centimètres de boue ou sont transformées en champs de pierres. Les estives sont donc plus difficiles d’accès et s’y ajoutent les pluies, mais aussi, parfois, une neige tardive, qui altèrent considérablement la qualité de l’herbe.
Monsieur le ministre, au niveau de la PAC, peut-on compter sur un assouplissement des réglementations européennes ? De plus, le Gouvernement entend-il prendre la mesure de ces événements pour tenter de sortir les éleveurs de cette situation de détresse ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Lors de mon déplacement en Haute-Garonne, puis dans les Pyrénées-Atlantiques, j’ai pu constater par moi-même l’importance des dégâts causés non seulement par les inondations, mais aussi par les torrents d’eau qui y sont liés, lesquels étaient à la mesure des images diffusées à la télévision.
J’ai parfaitement enregistré les demandes des représentants des éleveurs. Les dérogations sur les mesures agro-environnementales européennes – c’est la France qui décide et non l’Europe ! – seront accordées.
Les dérogations sur l’accès aux estives – un sujet très technique, sur lequel les éleveurs se sont exprimés – seront également mises en œuvre. J’avais abordé cette question avec le préfet avant mon départ dans cette région.
Quant à l’attribution des primes herbagères, notamment la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, et l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, l’ICHN, elle sera assouplie. La montée tardive en estive remettrait en effet en cause l’ICHN. C’est pourquoi nous sommes obligés de revoir tout le calendrier.
Tout ce travail est, je le répète, en cours. J’avais d’ailleurs annoncé les mesures habituelles lors de tels événements, comme celles qui sont relatives au report des cotisations sociales et des annuités de prêts. Des mesures spécifiques liées à l’agriculture de montagne seront également mises en œuvre.
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.
M. Gérard Bailly. J’interviens dans ce débat en tant que président du groupe d’études de l’élevage.
Les orateurs ont été nombreux à évoquer les difficultés dans lesquelles se trouve le monde de l’élevage, qui a récemment subi l’augmentation des coûts liés aux intrants et aux améliorations énergétiques, ainsi que des contraintes environnementales. Et que dire si, demain, est mise en place la taxe carbone dans les transports ? Cela alourdira encore davantage les charges des exploitations. À cela s’ajoute l’affichage environnemental. On l’a vu lorsque nous avons visité des abattoirs, les tests de dépistage de l’encéphalopathie spongiforme bovine, l’ESB, sont encore pratiqués en France, alors qu’ils n’existent plus dans d’autres pays. On élimine encore des parties d’animaux à risques, contrairement à ce qui se fait dans les pays voisins. Tout cela a un coût et nous conduit à nous interroger.
Monsieur le ministre, j’ai cru entendre avant-hier – j’espère me tromper ! – que votre budget serait mis à mal l’année prochaine. Cette annonce ne donne pas bon moral aux éleveurs que nous sommes.
Aussi, je veux vous faire des propositions.
Tout d’abord, je vous remercie d’avoir fait entendre la voix des GAEC. Mais, étant pour une agriculture sociétariale en matière d’élevage, je propose que tous les membres de ces groupements soient pris en considération pour les cinquante hectares. Pour la transparence, certains, vous le savez, sont allés chercher des hectares bien loin. Pourquoi gâter ceux-là ? Voilà pourquoi je vous remercie de réfléchir à la possibilité de tenir compte de tous les membres d’un GAEC pour les cinquante hectares.
Par ailleurs, l’élevage est en difficulté. Certains mettent en avant les primes dont nous disposons dans les zones de montagne. Mais, en zone défavorisée, nous ne pouvons mettre la charrue. Ces zones ne pourraient-elles pas être classées davantage parmi les zones en difficultés ?
Au cours de nos différentes rencontres, a été pointée la distorsion de concurrence avec nos amis allemands. D’ailleurs, il ne me semble pas que vous ayez répondu à la question qui vous a été posée. Comment peut-on admettre que, dans leurs abattoirs, le personnel soit payé trois fois moins que chez nous ? Ce n’est pas possible.
Ma question concerne l’ensemble du Gouvernement et plus particulièrement le ministre des affaires européennes et vous-même : peut-on accepter pour nos arboriculteurs, nos maraîchers et nos éleveurs une telle concurrence de l’Allemagne ? Telles sont mes inquiétudes, monsieur le ministre.
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que vous êtes nombreux à vouloir intervenir. C’est pourquoi je vous demande de ne pas dépasser le temps de parole de deux minutes qui a été fixé.
La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je constate, monsieur le sénateur, que vous avez beaucoup d’inquiétudes.
M. Daniel Raoul. Il n’a que cela !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous avez évoqué la question de la distorsion de concurrence. Je rappelle que les questions sociales, à l’échelle européenne, sont de la responsabilité des États. Je pourrais d’ailleurs vous dire : qu’est-ce qui a été fait durant toutes ces années ?
Pour résoudre ce problème, il faut, d’une part, revoir la directive relative au détachement des travailleurs, qui, aujourd’hui, par un recours abusif, permet de faire des choses qui ne devraient pas être acceptées. Cela relève de la responsabilité européenne ; il faut trouver un accord.
D’autre part, il faut intervenir sur les conditions sociales de la production dans les abattoirs en Allemagne. Or, jusqu’à nouvel ordre, ni le sénateur que vous êtes ni le ministre que je suis ne peut décider à la place des institutions allemandes.
Un vote doit avoir lieu en septembre prochain sur le salaire minimum. Le débat qui a été engagé par le parti social-démocrate n’a pas été fermé par Mme Merkel. Le problème que vous posez peut être réglé en partie de cette manière. Ce n’est pas à moi qu’il faut poser la question : si j’étais ministre allemand, je pourrais vous répondre, mais je suis ministre français ! D’ailleurs, je ne suis ministre que depuis un an. Or que s’est-il passé au cours des dix dernières années ?
M. Dominique Bailly. Je suis d’accord !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Ne nous renvoyons donc pas la balle ! Cette question relève de la liberté démocratique d’un pays, et j’espère que les élections feront bouger les choses. L’idée d’un salaire minimum en Allemagne a l’air de progresser. Tant mieux !
Cette distorsion de concurrence existe en Allemagne parce qu’il n’y a pas de convention collective dans le secteur agro-alimentaire, contrairement aux autres branches industrielles, et c’est ce qui pose problème.
Concernant vos inquiétudes relatives au budget de l’agriculture, celui-ci connaîtra en effet une baisse de 5 %. À l’instar d’autres budgets, nous devons bien sûr consentir un effort. J’ai intégré cette dimension en m’efforçant de réduire au minimum l’impact que cette diminution pourra avoir sur les agriculteurs et l’agriculture.
Dans le débat budgétaire national et européen, nous avons cherché à trouver un équilibre. Il s’agit d’assumer la réduction des dépenses publiques, tout en préservant l’intérêt des agriculteurs français. Cela dépend à la fois de ce que l’on obtient à l’échelle européenne et de ce que l’on fait au niveau national. Il ne faut pas être inquiet. Certes, nous n’aurons pas autant de crédits que nous en avons eus auparavant, mais nous devons poursuivre l’objectif que nous nous sommes fixé ensemble, à savoir préserver l’élevage, la diversité des agricultures et les revenus des agriculteurs.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’associe à ceux qui ont salué les résultats obtenus dans le cadre des négociations sur la réforme de la politique agricole commune.
Ces négociations ont été l’occasion pour le Gouvernement, sous l’autorité du Président de la République, et par votre intermédiaire, monsieur le ministre, de défendre notre modèle agricole, mais aussi d’exprimer notre volonté commune de tenir compte à la fois des besoins des exploitations et de leurs exploitants et des exigences en matière de développement durable.
Je reviendrai plus particulièrement sur deux points qui ont été développés par un certain nombre d’intervenants, notamment socialistes : le premier est relatif aux avancées clairement apparues – et je m’en félicite – en matière d’élevage ; le second a trait aux droits de plantation. Cela ne saurait vous étonner puisque je représente un département, la Dordogne, où l’élevage comme la viticulture sont très présents.
Concernant les droits de plantation, une demande particulièrement forte des viticulteurs, il y a également eu de véritables avancées, comme l’a souligné tout à l’heure notre collègue Gérard César.
Néanmoins, demeure pour moi une inquiétude, liée non pas à la PAC, mais à l’implantation dans mon département de l’Institut national de l’origine et de la qualité, l’INAO (M. le ministre acquiesce.), qui connaît aujourd’hui des difficultés. Même si vous m’avez assuré tout dernièrement par écrit, monsieur le ministre, que vous veillerez à l’équilibre de l’INAO dans le département, je tiens à vous rappeler que cet institut joue un rôle particulièrement important, non seulement pour la viticulture, mais aussi pour les fruits et légumes, notamment la noix, et que son influence s’exerce également sur le Lot-et-Garonne.
J’aimerais donc avoir quelques réponses sur ce point, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le sénateur, je vais prendre pour acquis la partie de votre intervention concernant la PAC (Sourires.), et répondre à celle sur l’INAO, qui m’a semblé être prioritaire dans votre question.
Le directeur de l’INAO a proposé un projet de réorganisation. Comme dans d’autres domaines, on s’efforce de maintenir l’institution, de lui donner tous les moyens lui permettant d’assumer sa tâche, qui est très importante – comme je l’ai d'ailleurs souligné tout à l’heure à propos des indications géographiques protégées, les IGP, et des appellations d’origine –, tout en examinant la possibilité d’améliorer, au niveau de sa présence territoriale, le fonctionnement et l’efficacité.
J’ai parfaitement entendu que ce sujet avait mobilisé la Dordogne, le Maine-et-Loire, l’Aube…
M. Roland Courteau. L’Aude !
M. Stéphane Le Foll, ministre. … et l’Aude. J’ai donc proposé au directeur de l’INAO d’étudier avec lui le projet qu’il a réalisé en toute objectivité, afin de voir comment il était possible d’obtenir une meilleure efficacité de gestion – je suis obligé de le formuler ainsi ! –, en maintenant la présence de cette institution sur le terrain. On le sait, la référence de l’INAO compte beaucoup dans toutes les régions où les produits de qualité sont importants. J’ai enregistré votre demande, et je vais m’en occuper.
M. Claude Bérit-Débat. Merci !
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout le monde, avant moi, a rappelé l’importance de la PAC pour la France, et je ne peux personnellement que souscrire à ces propos.
Élue du département de l’Ain où l’agriculture joue un rôle prépondérant avec plus de 5 000 exploitations, je veux avant toute chose saluer le travail considérable des agriculteurs et des agricultrices qui participent, par leur engagement, au développement territorial et au rayonnement de la France à l’international.
Tout d’abord, parce que les jeunes agriculteurs représentent l’avenir, j’aimerais revenir sur les mesures qui les concernent.
Comme l’a souligné mon collègue Jean-Jacques Lasserre, une partie des mesures proposées dans la réforme de la PAC va dans le bon sens. C’est le cas, par exemple, de l’obligation de majoration des paiements directs pour les jeunes installés ou encore la possibilité pour les États de mettre en place des aides couplées à hauteur de 13 % du montant du premier pilier.
Mais, monsieur le ministre, quand allez-vous appliquer ce taux de majoration maximum pour les jeunes dans le premier pilier et augmenter le montant des aides à l’installation dans le deuxième pilier ? D’autres vous parleront certainement des normes.
Je souhaite aborder un autre sujet, très important pour l’agriculture française, celui des GAEC, les groupements agricoles d’exploitation en commun.
Les dernières négociations ont permis leur reconnaissance, notamment en termes de transparence, et je me réjouis de cette avancée, demandée depuis longtemps par la France, qui va leur permettre de bénéficier de la majoration pour les cinquante premiers hectares. Mais les inquiétudes sur le terrain sont grandes, comme l’a relevé notre collègue Gérard Bailly.
Enfin, je suis, pour ma part, particulièrement inquiète quant au niveau et au modèle de redistribution du soutien direct. La convergence des aides prévue à partir de 2015 serait une forme d’uniformisation par le bas. Elle pourrait entraîner une baisse du soutien à l’hectare pour nos agriculteurs et pénaliser alors les plus fragiles d’entre eux.
On ne peut, monsieur le ministre, leur infliger cela et imaginer que l’aide attribuée au titre des droits à paiement unique, les DPU, par hectare ne s’élève qu’à 250 euros. Cette aide pourrait, au contraire, être augmentée pour les 50 premiers hectares et, en contrepartie, diminuée au-delà de 300 hectares, par exemple. Cela permettrait d’équilibrer la demande de la France à l’égard de l’Union européenne et ainsi de soutenir notre agriculture.
Monsieur le ministre, quel est votre avis sur ces différentes questions ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Madame la sénatrice, vous avez soulevé plusieurs questions. J’en retiendrai deux.
Vous m’avez tout d’abord interrogé sur l’installation. Celle-ci nécessite que l’on y investisse des moyens. L’Europe a ouvert la possibilité d’une politique d’installation à l’échelle européenne qui pourrait s’appuyer sur le premier pilier, sachant que des pays comme la France en particulier avaient une politique d’installation sur le deuxième pilier. Comme je l’ai dit lors du dernier congrès des jeunes agriculteurs, on utilisera les deux piliers.
À partir de là, on calculera ce qui est nécessaire. Vous avez évoqué une mise en place des aides couplées à hauteur de 13 % du montant du premier pilier. Mais tout ce que l’on prendra sur l’enveloppe du premier pilier, c’est autant de redistribution générale sur tous les hectares qu’il faudra faire !
On va donc procéder à un arbitrage entre le premier et le deuxième pilier pour l’installation, en augmentant les aides consacrées à celle-ci, afin d’aller au-delà des 6 000 installations observées aujourd’hui, avec un objectif de 10 000 installations. Nous devons donc calibrer notre mesure par rapport à l’objectif d’installation et non pas l’inverse : il ne s’agit pas d’injecter de l’argent et de regarder ensuite ce qui se passe ! Nous devons avoir cette ambition pour les jeunes agriculteurs, ainsi que pour tous ceux qui s’intéressent à l’installation.
Vous m’avez également interrogé sur le soutien direct, en envisageant une augmentation des aides pour les 50 premiers hectares et une diminution au-delà de 300.
Nous avons réalisé, pour différentes exploitations, un grand nombre de calculs et de simulations – Luc Maurer, conseiller technique au sein de mon cabinet, peut l’attester –, auxquels l’École polytechnique a d'ailleurs été très largement associée, et avons examiné les conséquences qui en découlaient. Les 50 premiers hectares ont un effet redistributif au sein des exploitations jusqu’aux 100 premiers hectares, mais cela baisse ensuite. C’est donc par rapport au choix que l’on fera sur la majoration que l’aide sera ensuite déclinée sur la totalité des autres hectares. Par un jeu assez simple et mécanique, plus la majoration sera importante sur les premiers hectares, moins vous aurez d’aides sur les suivants.
Le débat ne porte pas sur la fourchette 50 hectares-300 hectares ou sur les exploitations au-delà de 300 hectares pour redistribuer à celles de 50 hectares. D'ailleurs, dans la mesure où les exploitations de plus de 300 hectares ne sont pas très nombreuses en France, vous n’auriez pas beaucoup d’aides à redistribuer. La question qui se pose est celle de la majoration à appliquer sur les 50 premiers hectares et les conséquences qui en découlent sur les suivants, sachant que la redistribution s’effectue du premier jusqu’au centième hectare, quelle que soit l’exploitation, qu’elle soit d’élevage ou céréalière, ce qui est intéressant. Elle permet de concentrer des aides là où il y a le plus d’emplois, et c’est surtout cela qui est important.
Je rappelle – ces chiffres vous seront d'ailleurs transmis – qu’une unité de travail annuel, une UTA, dans le secteur de l’élevage représente entre 53 et 54 hectares. En céréales, la même unité de travail avoisine 200 hectares. Avec les exploitations de 50 hectares, on touche donc exactement une UTA dans le secteur de l’élevage.
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre pays est le deuxième producteur européen de lait, avec une collecte annuelle de plus de 20 milliards de litres. Le prix du lait en France, environ 30 centimes d’euros par litre, pourtant supérieur à la moyenne européenne, n’est pas suffisant pour couvrir les coûts de production et surtout rémunérer correctement nos producteurs. Et la volatilité dont vous avez parlé n’aide pas.
La dérégulation de la production laitière a des effets catastrophiques, avec, notamment, l’abandon, en 2015, des quotas laitiers, qui avaient été mis en place en 1984 pour réguler la production. Ces derniers ont eu l’avantage de maintenir un prix du lait pendant un quart de siècle environ.
Les laiteries poussent les producteurs à augmenter leurs volumes de lait dans les zones de production intensive, là où les vaches mangent plus de grains ou de farines végétales que d’herbe. Ce système alimentaire accroît pourtant les pollutions et les émissions de gaz à effet de serre.
Les différents acteurs de ce secteur dans le Morbihan m’ont présenté des leviers qu’il serait possible d’actionner, parmi d’autres, bien entendu.
Ainsi, la révision du mode de fixation du prix du lait, indexé sur le prix des marchés en aval, devrait être redéfinie, afin d’éviter le décalage dans le temps du mode de calcul.
De plus, il pourrait être envisagé la mise en place de la contractualisation, puisqu’elle permettrait aux producteurs un meilleur amortissement des investissements et un financement plus pérenne de leurs exploitations.
Les laitiers bretons et leurs collègues de l’ensemble du territoire français attendent des actes forts du Gouvernement et de l’Europe également.
Quelles mesures comptez-vous prendre pour rassurer, consolider et développer la filière laitière française ? Quelle nouvelle gouvernance souhaitez-vous mettre en place pour l’après-quota ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez concentré votre intervention sur la question laitière.
Je l’ai dit, on a commencé à débattre de l’après-quota, mais les discussions n’ont pas abouti. En effet, certains pays du Nord ont très clairement fait le choix de sortir des quotas et ne veulent pas y revenir. On est donc obligé de penser l’après-quota sans quotas, mais avec des systèmes de régulation permettant d’éviter, comme je l’ai expliqué tout à l'heure, que chacun ne soit tenté – je le sens bien ! – par la conquête des marchés internationaux. Le jour où se poserait un problème sur le marché international, la production excédentaire reviendrait sur le marché européen, ce qui entraînerait une crise extrêmement profonde.
Comment éviter que tout le monde ne parte à la conquête des marchés internationaux sans aucune coopération ni régulation à l’échelle européenne ? Telle est la question qui, selon moi, se pose.
Des échanges de courriers ont eu lieu, et nous avons fait des propositions plus techniques. Comme nous l’avons d’ailleurs fait pour ce qui concerne la réforme de la PAC, nous nous efforçons de trouver des alliés, de convaincre d’autres pays. Nous travaillons sur une plateforme, afin de pouvoir, au mois de septembre prochain, débattre non pas de ce qui serait simplement la position de la France, mais de ce qui pourrait être la position de dix, douze ou treize pays. Voilà ce que nous allons faire.
Sur la question des prix et sur les mesures que nous envisageons, la modification de la loi de modernisation de l’économie, la LME, adoptée par l’Assemblée nationale et dont le Sénat sera saisi, intègre, cette fois-ci, dans la négociation commerciale, l’évolution des coûts de production, ce qui n’est pas le cas aujourd'hui.
En effet, lorsque les coûts de production augmentent, vous ne renégociez rien du tout. Le prix de vente, qui a déjà été décidé, reste inchangé. Cela conduit au traditionnel effet de ciseaux que l’on observe aujourd’hui dans le secteur de l’élevage et qui remet en cause le rebut.
Concernant les contrats laitiers eux-mêmes, nous allons revoir, dans le cadre du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’agroalimentaire et la forêt, l’organisation de la filière et la manière de présenter ces contrats.
Premièrement, il importe d’intégrer dans ces contrats les coûts de production. Deuxièmement, il faut réfléchir à l’introduction de clauses de sauvegarde. Troisièmement, il faut envisager des clauses spécifiques pour les jeunes agriculteurs, qui méritent peut-être plus d’attention que les autres.
Nous devons également examiner l’organisation des producteurs. Peut-elle être plus transversale ? Peut-elle aller au-delà d’une laiterie ? Dès lors, comment fait-on ? Tous ces sujets seront débattus dans le cadre de ce projet de loi.
J’ajoute que, pour la première fois, le ministre s’est engagé dans une discussion globale sur le lait. Un médiateur a été nommé, qui a obtenu 25 euros de plus pour les mille litres de lait de vache. J’attends que toutes ces mesures soient appliquées de manière correcte. Certains, en effet, viennent me dire que cette mesure ne s’applique pas, mais ce n’est pas le ministre qui l’applique. Ce n’est pas moi qui paie les éleveurs, ce sont les transformateurs.
La grande distribution a accepté, sous notre pression, 25 euros dans l’Orne. En Basse-Normandie, où je me suis rendu dernièrement, des problèmes d’application se posent, en particulier dans des laiteries organisées en coopératives.