M. le président. Nous en arrivons à deux questions portant sur le même sujet. Avec l’autorisation de leurs auteurs, M. le Premier ministre y répondra par une seule intervention.
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le Premier ministre, hier soir, Clément Méric, un jeune Brestois, étudiant à l’Institut d’études politiques de Paris, a été battu à mort par un groupe de skinheads. Ce matin, une famille, des parents, des amis le pleurent. Nous partageons leur émotion et leur tristesse.
M. Rémy Pointereau. Larmes de crocodile ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. C’est scandaleux ! C’est indigne !
Mme Laurence Rossignol. Mes chers collègues, il est des moments où le silence exprime le respect ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Ce matin, ce sont la République et sa jeunesse qui sont meurtries.
Depuis quelque temps, des individus, solitaires ou en meute, paradent, observant les mêmes codes vestimentaires et physiques, ceux des groupuscules d’extrême droite, néo-nazis, identitaires. Ils affichent leurs idées, les diffusent. La banalisation de leur discours, de leurs idées, de leur présence conduit à des passages à l’acte.
Il y a peu de temps, le président du groupe Front national au conseil régional de Rhône-Alpes nous accusait, après des agressions commises à Lyon, de jouer à nous faire peur. Le dramatique événement qui s’est produit hier soir en témoigne : ce n’est pas un jeu, et nous avions de bonnes raisons d’avoir peur.
Ces individus sont particulièrement actifs sur les réseaux sociaux, où ils dévoilent avec arrogance leurs idées antirépublicaines, antisémites, racistes, homophobes et misogynes. Protégés par la « toile », ils pensent pouvoir s’exprimer en toute impunité.
Monsieur le Premier ministre, avez-vous déjà des éléments d’enquête à nous communiquer ? Quels moyens entendez-vous mettre en œuvre pour repérer en amont ces individus sur internet ? Dans quelles conditions ces groupes pourraient-ils être dissous et mis hors la loi ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)
Mme Cécile Cukierman. Ma question s'adresse également à M. le Premier ministre.
La violence fasciste, la violence d’extrême droite – c’est bien d’elle dont il s’agit – a frappé, hier soir, dans les rues de Paris.
Un jeune homme de 19 ans, Clément Méric, serait aujourd’hui en état de mort cérébrale après l’agression sauvage dont il a été victime.
Sa famille, ses amis, ses camarades sont dans la souffrance et se préparent à un deuil que nul ne pouvait prévoir. La vie ouvrait les bras à Clément, étudiant à Sciences-Po.
Les membres du groupe communiste républicain et citoyen partagent cette souffrance, de même, nous en sommes persuadés, que l’ensemble des élus démocrates et républicains.
Nous serons ce soir, à 18 heures 30, place Saint-Michel, aux côtés de tous ceux qui, peinés, choqués, révoltés, viendront faire savoir que la France ne veut pas de cette haine primaire, qu’ils refusent la multiplication des actes violents, xénophobes, racistes, homophobes auxquels nous assistons depuis plusieurs mois. Nous avons demandé que le Sénat suspende ses travaux durant cette manifestation. Ensemble, ce soir, nous dirons : « Ça suffit ! »
Cette violence n’est pas le fruit du hasard. Depuis des années, l’agressivité se développe dans notre société. La crise profonde et la montée effroyable du chômage et de la précarité suscitent – des heures sombres de l’histoire du monde en attestent – le repli sur soi et la recherche de boucs émissaires.
Le racisme et la xénophobie se développent et la démocratie est mise en cause quand la société va mal. Malheureusement, le mal se répand parfois si vite que le temps peut manquer pour réagir.
Le crime commis hier soir par des individus qui, de toute évidence, appartiennent à la mouvance de l’extrême droite, doit être un avertissement suprême. La République doit réagir. Elle doit empêcher de nuire ceux qui sapent l’idéal de fraternité et de solidarité qu’elle porte en son sein.
Monsieur le Premier ministre, nous ne pouvons plus attendre, il faut prendre des mesures pour dissoudre certains groupes fascistes. La République se doit de combattre les idées de haine véhiculées par l’extrême droite. Chaque atteinte à l’idéal républicain doit être combattue fermement, pied à pied.
Monsieur le Premier ministre, nous comptons sur le Gouvernement pour que les auteurs présumés de cette agression mortelle soient jugés et sanctionnés. Nous attendons des décisions fortes, et vous pouvez compter sur nous pour affirmer plus que jamais notre vigilance républicaine et ne plus tolérer un seul discours de cette extrême droite qui, aujourd'hui, a tué. Un tel crime ne doit pas se reproduire. La République doit se dresser pour dire « stop » à la haine. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président du Sénat, tout à l’heure, vous avez trouvé les mots justes pour rendre hommage à Clément Méric et dénoncer solennellement l’agression dont ce jeune homme a été victime.
Dans de tels moments, ainsi que l’ont souligné Mmes Rossignol et Cukierman, il est important que la représentation nationale s’exprime avec force et se rassemble pour défendre sans faiblesse, sans hésitation, sans aucun doute, les valeurs républicaines.
L’agression, le crime odieux qui a été commis hier soir et dont nous avons eu tardivement connaissance a profondément troublé, indigné les Français. Je ne parle pas seulement des membres de la représentation nationale ou du Gouvernement, mais de l’ensemble de nos compatriotes, qui, dans leur immense majorité, ne se reconnaissent pas dans la haine et la violence, les rejettent et entendent que nous les combattions avec la plus grande fermeté.
Je tiens à le dire devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, l’engagement du Gouvernement est total. Nous serons sans faiblesse.
Le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, m’a informé, juste avant le début de cette séance de questions d’actualité, que les auteurs présumés de ce crime ont été arrêtés. Je fais toute confiance à la direction régionale de la police judiciaire pour mener l’enquête jusqu’à son terme, sous l’autorité du procureur de la République. Je ne doute pas que la justice fera preuve de la plus grande sévérité, en application des lois de la République.
En cet instant, je veux exprimer à mon tour ma solidarité et ma profonde affection aux parents de Clément Méric, qui ont déjà connu d’autres drames familiaux.
Je veux dire aussi notre soutien à tous les jeunes qui défendent leurs idées avec des mots, avec la vigueur qui convient, mais en refusant la violence et la haine.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Aujourd'hui, nous avons la responsabilité non seulement de veiller à ce que les idées qui ont inspiré ce crime ne prospèrent pas et ne trouvent pas leur place dans notre société, mais également de trouver les réponses juridiques et politiques adéquates pour combattre ces mouvements défendant des thèses racistes, antisémites, xénophobes ou homophobes contraires à toutes les valeurs de la République.
J’ai demandé au ministre de l’intérieur et à la garde des sceaux d’étudier tous les moyens pouvant permettre de tailler en pièces, de façon démocratique et sur la base du droit, ces mouvements d’inspiration fasciste et néonazie qui portent atteinte à la République et à la France. Certes, ces mouvements sont ultra-minoritaires, mais ils veulent parfois tenir le haut du pavé, notamment en recourant à la violence. C’est d’abord la haine qui les anime, nourrie par des idéologies qui ont fait tant de mal à la France et à l’Europe. Nous le savons, elles n’ont pas complètement disparu.
M. Roland Courteau. La preuve !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous devons les combattre sans relâche. C’est ce que fera le Gouvernement, et je ne doute pas que le Parlement sera à ses côtés. (Applaudissements.)
situation en turquie
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Au nom du groupe écologiste, je m’associe à l’indignation exprimée par M. le président du Sénat, M. le Premier ministre et mes collègues Laurence Rossignol et Cécile Cukierman.
Ma question s'adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes.
Monsieur le ministre, depuis quelques années, le gouvernement islamo-conservateur au pouvoir en Turquie s’oriente vers l’instauration d’un régime autoritaire. Au nom d’un islam rigoriste, dont il se revendique dans un pays à la solide tradition laïque, il impose chaque jour de nouvelles restrictions aux libertés individuelles. Des intellectuels et des journalistes sont emprisonnés pour délit d’opinion. On constate en outre des discriminations contre les LGBT – les lesbiennes, gays, bisexuels et trans – et les minorités, ainsi qu’une érosion des droits des femmes. Enfin, la censure est devenue une pratique courante.
Le combat des Stambouliotes pour la sauvegarde de leur ville, commencé il y a sept jours, s’est vite transformé en révolte contre le régime liberticide de Tayyip Erdogan. Les violences policières ont fait plusieurs morts et de très nombreux blessés. Malgré les excuses présentées à la nation par le vice-Premier ministre turc, la tension ne faiblit pas, et le mouvement s’amplifie.
Le groupe écologiste du Sénat vous demande, monsieur le ministre, d’intervenir, comme l’ont fait Angela Merkel et John Kerry, auprès du gouvernement turc pour faire cesser les violences policières et l’inciter à respecter les valeurs et les principes chers à l’Union européenne, en particulier les libertés de manifestation et de réunion, d’expression et d’opinion.
Pour que la Turquie achève ses réformes et se démocratise pleinement, il aurait fallu ne pas lui fermer les portes de l’Union européenne. Déçue par ce refus, elle s’est spontanément tournée vers l’Est musulman, lieu mythique de ses origines, cédant à une tentation qui hante l’histoire du pays, qui connut le panislamisme, au XIXe siècle, et, plus tard, l’ottomanisme des Jeunes-Turcs. Actuellement, un tiers des Turcs seulement souhaitent l’entrée de leur pays dans l’Union européenne.
Nous, Européens, avons laissé le régime d’Erdogan s’installer durablement dans le pays, s’ingénier à y détruire les traces du kémalisme laïc, dont la place Taksim est l’un des symboles, et à y rogner des libertés et des droits fondamentaux dont il n’a que faire. Les démocrates turcs résistent. L’Europe a le devoir d’amener au plus vite la Turquie, une fois devenue démocratique, à rejoindre l’Union européenne. Monsieur le ministre, quelle est aujourd'hui la position de la France sur ce sujet ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, vous avez évoqué le mouvement de protestation des Stambouliotes contre la politique conservatrice du gouvernement turc.
Face au recours excessif aux forces de l’ordre contre les jeunes manifestants, la France a appelé et appelle le gouvernement turc à la retenue. La répression policière a fait deux morts et 2 000 blessés, et il y a eu 1 700 arrestations. C’est trop ! Aucune démocratie ne peut se construire sur la répression.
M. Alain Gournac. On connaît ça !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Le droit de manifester, le droit de s’opposer doivent être respectés. Aucune démocratie ne peut les fouler aux pieds.
La Turquie, qui est un partenaire important, souhaite s’arrimer à l’Europe. La France et l’Union européenne travaillent au développement d’une relation stable et de confiance avec elle. Notre pays veut accompagner la Turquie vers la démocratie.
Dans cet esprit, en mai 2012, nous avons choisi de tourner le dos à la politique du précédent gouvernement. En février dernier, nous avons indiqué que nous étions favorables à une réouverture des négociations sur le chapitre 22 de la politique régionale, préalable à toute discussion sur une entrée de la Turquie dans l’Union européenne.
Nous avons donc fait un geste à l’égard de la Turquie, il lui revient maintenant d’y répondre. Les autorités turques doivent réaliser des avancées en matière de respect de la démocratie et des droits de l’homme, engager des réformes en vue de s’aligner sur l’acquis communautaire, rouvrir le dossier chypriote, à nos yeux essentiel, et coopérer sur les questions migratoires.
M. Christian Cointat. Et la laïcité ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué. C’est dans cet esprit à la fois d’ouverture et d’exigence que je rencontrerai la semaine prochaine mon homologue turc. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
chiffres du chômage
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
« On ne tombe pas amoureux d’une courbe de croissance », proclamait la jeunesse révoltée en 1968. Encore moins d’une courbe de chômage, pourraient répondre aujourd'hui ses petits-enfants, étonnamment sages…
Non seulement la courbe du chômage monte mois après mois, mais la montée s’accélère. Selon la DARES, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, on dénombrait, en avril 2013, 361 700 chômeurs de catégorie A de plus qu’en avril 2012, soit une augmentation moyenne mensuelle du nombre des demandeurs d’emploi d’un peu plus de 30 000, la progression ayant été proche de 40 000 entre mars et avril 2013. Si rien ne change, calculez ce que cela donnera dans un an ! Avec 3 264 400 demandeurs d’emploi de catégorie A en avril 2013, nous n’avions jamais connu une situation aussi préoccupante.
Bien évidemment, le chômage de longue durée progresse lui aussi ; bien évidemment, les plus touchés sont les moins de 25 ans et les plus de 50 ans, ce qui laisse rêveur quant aux conséquences de toute réforme des retraites qui allongerait la durée de cotisation sans diminution du chômage de ceux qui sont censés cotiser, sachant en outre que moins de 50 % des demandeurs d’emploi sont indemnisés.
Il n’est donc pas étonnant que la consommation des ménages et leur pouvoir d’achat aient baissé en 2012.
Malgré tout, j’ai cru comprendre que le Gouvernement restait optimiste, annonçant même une inversion de la tendance pour la fin de l’année 2013,…
M. Christian Cointat. Il est bien le seul !
M. Pierre-Yves Collombat. … perspective que récusent nombre de conjoncturistes.
Personnellement, je ne demande qu’à être convaincu. J’aimerais donc, monsieur le ministre, que vous m’expliquiez comment, avec une consommation nationale en baisse, la poursuite de la même politique de l’offre, même assortie du volet social des « emplois d’avenir », qu’il faut soutenir, pourrait donner des résultats différents de ceux qu’elle a donnés jusque-là, sauf à admettre, comme l’Allemagne, que la guerre économique en Europe est la solution du problème.
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le sénateur, le chômage est la préoccupation principale des Français, qu’ils soient touchés personnellement ou à travers leurs proches ou qu’ils craignent de l’être dans l’avenir.
Vous avez décrit l’évolution du chômage depuis le mois d’avril 2012. Ces chiffres sont objectifs, mais la gravité de la situation tient au fait que le chômage augmente non pas depuis un an, mais depuis cinq ans : cinq ans pendant lesquels, chaque mois, le ministre du travail, quel qu’il soit – moi-même aujourd'hui, d’autres hier –, a annoncé une augmentation du nombre des demandeurs d’emploi. Il y eut une période où l’on dénombrait chaque mois non pas 30 000 chômeurs de plus, ni même 40 000, mais 70 000 ou 80 000 ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Voilà pourquoi la situation est si grave !
M. Alain Gournac. C’est pire aujourd'hui !
M. Michel Sapin, ministre. Que faire pour remédier à cette situation, me demandez-vous.
Il faut d'abord soutenir l’activité économique, comme nous le faisons avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, qui permet aux entreprises de mobiliser des milliards d'euros au service de l’investissement et du développement de l’emploi, et le contrat de génération, qui incite les employeurs à embaucher des jeunes sans pour autant – c’est un point essentiel – mettre dehors des salariés plus âgés.
Au titre des politiques de l’emploi, qui ont souvent recueilli un large soutien dans cet hémicycle, je peux encore citer les emplois d’avenir ou les emplois aidés classiques, que nous voulons utiliser de manière plus pertinente que nos prédécesseurs. Le dispositif des emplois d’avenir est en train de décoller et de produire des résultats ! (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP. – Mme Dominique Gillot applaudit.)
M. Christian Cambon. Ça ne marche pas !
M. Michel Sapin, ministre. Ayez cela à l’esprit, vous qui poussez des cris, attitude malvenue sur un tel sujet ! Mobilisez-vous dans vos départements, ce sera plus utile à la France et aux Français que de manifester une ironie parfaitement vaine ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
En ce qui concerne les emplois aidés, le Premier ministre a décidé de porter leur durée à douze mois. L’année dernière, celle-ci était en moyenne de six mois, et les emplois aidés ont surtout été utilisés – allez donc savoir pourquoi ! – pendant le premier semestre. L’allongement de leur durée à douze mois permettra une bonne insertion des bénéficiaires du dispositif, en particulier des chômeurs de longue durée.
Voilà, monsieur le sénateur, les politiques que nous avons mises en place. Leur montée en puissance va nous permettre, avec une croissance retrouvée, d’inverser une courbe du chômage dont, en effet, personne ne saurait tomber amoureux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
auto-entrepreneurs
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Élisabeth Lamure. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme.
Madame la ministre, un nouveau feuilleton sème la perplexité, car il se déroule sur fond de cacophonie. Vous travaillez sur la réforme du dispositif de l’auto-entreprenariat, et, il y a quelques jours, le Gouvernement a fait un certain nombre de révélations à ce sujet par l’intermédiaire de plusieurs ministres, mais leurs voix étaient pour le moins discordantes.
Vous-même avez annoncé, le 23 mai, des mesures destinées à restreindre la durée et l’activité des auto-entreprises. C’est alors que des centaines de milliers de « poussins » se sont fait entendre…
Le Premier ministre a immédiatement déclaré que les mesures ne s’appliqueraient qu’au secteur du bâtiment et que, pour les autres, il n’y avait pas d’inquiétude à avoir. Allant dans le même sens, le ministre du budget a indiqué que Bercy ne procéderait qu’à des changements « à la marge ».
Vous avez ensuite, madame la ministre, tenté en quelque sorte de rétablir la vérité, en déclarant que Jean-Marc Ayrault avait cité le bâtiment comme exemple, que l’on avait mal interprété ses propos (M. Alain Gournac rit.) et que le champ de la réforme ne se limiterait pas au seul secteur du bâtiment. Et dire que, récemment, Laurent Fabius se félicitait d’entendre moins de couacs au sein du Gouvernement !
Au final, dans ce dossier, quelles sont les intentions du Gouvernement ? Vous avez beaucoup décrié le régime de l’auto-entrepreneur, pourtant vous ne semblez pas vouloir le supprimer. Nous l’avions nous-mêmes modifié et amélioré, après avoir écouté les professionnels. Vous ferez sans doute vos propres propositions pour rapprocher le régime de l’auto-entrepreneur des régimes de l’artisanat.
Cependant, la meilleure manière, pour vous qui êtes ministre de l’artisanat, d’aider les artisans, serait de baisser leurs charges et de simplifier leurs démarches administratives. Il aurait fallu vous abstenir d’augmenter leurs cotisations ou de relever la TVA, à compter du 1er janvier 2014.
M. Jean-Louis Carrère. C’est toujours la même rengaine !
Mme Élisabeth Lamure. Telles seraient les bonnes mesures pour favoriser l’entreprenariat, que nous soutenons.
Souffler en permanence le chaud et le froid, annoncer tout et son contraire est de nature à inquiéter. Au milieu de ce brouhaha de déclarations contradictoires, apportez-nous une clarification. Nous en avons tous besoin, les entrepreneurs plus que les autres. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme.
Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur la réforme du régime de l’auto-entrepreneur que le Gouvernement souhaite conduire. Je regrette votre ton polémique et caricatural. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Cointat. Le ton était simplement interrogatif !
M. Jean-Claude Lenoir. Si vous êtes si sensible, il faut arrêter la politique !
Mme Sylvia Pinel, ministre. Il s’agit d’un sujet important, qui concerne de nombreux Français. Les auto-entrepreneurs représentent l’essentiel de nos TPE. Je tiens à clarifier et à reformuler les choses, car vos propos déforment la réalité.
Certains, dans votre famille politique, demandent également une évolution législative du régime de l’auto-entrepreneur. Ainsi, des députés de l’UMP membres de la commission des affaires économiques ont pointé certains écueils.
M. Jean-Claude Lenoir. Parlez-nous du Gouvernement !
M. Alain Gournac. Et vous, que faites-vous ?
Mme Sylvia Pinel, ministre. Il n’est donc pas très cohérent d’affirmer, comme vous semblez le faire aujourd'hui, qu’aucune réforme n’est nécessaire.
Madame la sénatrice, le Gouvernement s’est fixé trois objectifs. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
La réforme vise d’abord à préserver un régime qui a permis de libérer l’esprit d’entreprise, en facilitant, par sa simplicité, la création d’entreprise.
La réforme a ensuite pour objet d’améliorer ce régime, de le rendre plus clair, plus efficace, pour permettre à ceux qui le souhaitent de développer de véritables projets. L’auto-entreprenariat ne doit plus être perçu comme un statut précaire. Contrairement à nous, vous n’aviez pas voulu accompagner les auto-entrepreneurs pour les aider à passer à la vitesse supérieure. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Enfin, nous voulons remédier à certaines lacunes. Je reçois de plus en plus de témoignages sur des pratiques de contournement du droit du travail en matière de salariat déguisé. Y mettre un terme est aussi un objectif de notre réforme. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Très bien !
Mme Sylvia Pinel, ministre. Je poursuis la concertation au nom du Gouvernement. Ainsi, j’ai reçu ce matin les organisations professionnelles du secteur de l’artisanat, qui ont formulé des propositions. Je recevrai tout à l'heure les représentants des fédérations regroupant les auto-entrepreneurs. L’objectif du Gouvernement est de réconcilier tous les entrepreneurs de France, au service de la réussite économique de notre pays ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'égalité des territoires et du logement, chargé de la ville.
Monsieur le ministre, je voudrais vous interroger sur les décisions récentes du Gouvernement en matière de logement.
Dès son entrée en fonction, le Gouvernement, sous l’égide du Premier ministre, a pris des mesures essentielles pour enrayer la crise du logement et de la construction. Ces mesures étaient bienvenues, car les prévisions en matière de construction de logements étaient extrêmement alarmantes. Je les rappelle brièvement : mise à disposition gratuite de terrains publics de l’État pour y réaliser des logements sociaux, régulation de la fixation du montant des loyers à la relocation, durcissement de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, pour réussir la mixité sociale, augmentation des aides à la pierre – elles baissaient jusqu’alors –, suppression de l’indigne prélèvement sur les organismes d’HLM.
M. François Rebsamen. En effet, ce prélèvement était indigne !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ces mesures, dont l’efficacité est en train de se manifester sur le terrain, représentaient déjà une action substantielle. Cependant, le Président de la République, parce qu’il sait qu’une politique du logement est lente à produire ses effets et parce qu’il attache une importance capitale à cette question, a décidé, le 21 mars dernier, de lancer un plan d’urgence, comportant deux volets.
Le premier volet, qui vise à apporter une simplification, est constitué par les lois d’habilitation ; nous sommes en train d’en discuter.
Le second volet consiste à ramener à 5 % le taux de TVA s’appliquant au logement social, qui est ainsi à nouveau considéré comme un bien de première nécessité. C’est une mesure essentielle. En effet, si nous observons un recul de la construction, c’est parce que le gouvernement précédent avait fait passer à 7 % le taux de TVA pour le logement social ! (Exclamations sur les travées de l'UMP. – Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. C’est important de le rappeler !
M. Bruno Sido. N’importe quoi !