Mme Hélène Lipietz. Certes, mais où sont les autres ? J’y vois la preuve que ce texte pose un problème fondamental : les habitants de la grande couronne se sentent totalement laissés de côté par ce projet et n’y trouvent pas leur place. Alors même qu’ils sont concernés au premier chef par le développement du Grand Paris, ils ont l’impression que celui-ci se fera à leur détriment.
Il est nécessaire d’envisager globalement, et mon groupe reviendra sur ce sujet à l’occasion de l’examen de nos amendements, la circulation des idées et des politiques entre Paris centre, la grande et la petite couronnes. Pour l’instant, ce texte ne porte pas cette ambition.
M. le président. La parole est à M. Christian Favier, sur l’article.
M. Christian Favier. Avant d’en venir à nos amendements relatifs à la métropole parisienne, je tiens à ajouter quelques mots à la réflexion générale qui s’engage.
Loin de nous l’idée de méconnaître la réalité métropolitaine de Paris. S’il y a une région en France qui peut prétendre à cette qualification, c’est bien la région parisienne ! Pour autant, la méthode employée ne nous paraît pas être la bonne.
Notre collègue Philippe Dallier l’a rappelé, le Parlement n’a pas autorisé, en 2010, l’Île-de-France à achever la carte intercommunale du fait de cette proposition de fusion des trois départements de la petite couronne avec Paris pour créer une grande communauté urbaine, ce qui aurait fait disparaître dans ce périmètre les intercommunalités existantes. Ce projet n’a pas prospéré, car nous étions, justement, dans un mouvement de développement des intercommunalités.
D’aucuns avaient souligné les dangers d’une telle proposition, qui était de nature à provoquer une coupure entre le cœur le plus dense de l’agglomération parisienne, territoire qui concentre à la fois de nombreuses difficultés et les plus fortes richesses, et le reste de l’Île-de-France, donc entre petite et grande couronnes, ce que rejetaient, à juste titre, nombre de nos collègues.
Cela étant, il faut bien le reconnaître, il est plus difficile d’achever la carte intercommunale en Île-de-France qu’ailleurs, pour la simple raison qu’il n’y a pas à proprement parler de ville-centre dans les départements de la petite couronne.
Dans mon département, le Val-de-Marne, tout comme dans les Hauts-de Seine et la Seine-Saint-Denis, il y a des villes importantes, qui comptent de 80 000 à 120 000 habitants, et les communes y ont en moyenne 40 000 habitants. Nombre d’entre elles disposent donc d’ores et déjà de services suffisamment développés et assument beaucoup de compétences, ce qui complique le développement d’une intercommunalité. (M. Roger Karoutchi opine.)
En outre, il existe des coopérations au sein de syndicats pour des compétences aussi importantes que les transports – je pense au STIF, le syndicat des transports d’Île-de-France –, l’électricité, le traitement des déchets, la restauration collective,…
M. Philippe Dallier. Le gaz !
M. Christian Favier. … et bien d’autres domaines.
Mme Isabelle Debré. C’est vrai !
M. Christian Favier. Globalement, ces structures fonctionnent plutôt bien, même s’il conviendrait peut-être, à l’avenir, d’étendre leur périmètre et d’améliorer leur coordination.
Pourquoi tout chambouler ? Mieux vaudrait, selon moi, prendre ces structures qui donnent satisfaction comme exemples pour fonder notre vision future de l’Île-de-France.
Certaines collectivités, sans aller jusqu’à constituer une intercommunalité, ont aussi développé des coopérations étendues, par exemple sous forme de syndicats d’études. Ainsi, des communes de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne se sont réunies depuis un certain temps au sein de l’Association des collectivités territoriales de l’Est parisien, l’ACTEP, pour coopérer et mener des réflexions communes. (M. Claude Dilain, rapporteur pour avis, opine.)
Il ne faut pas balayer ce travail pour achever à marche forcée la carte intercommunale, qui plus est sur la base de critères très contestables. Ainsi, le seuil de 300 000 habitants me paraît très arbitraire. On nous dit qu’il est plus facile de travailler à cette échelle. Certes, mais pourquoi précisément ce chiffre ?
Il faut surtout décider sur quel projet on va construire les intercommunalités. Certaines communautés d’agglomération travaillent en effet sur la base de 300 000 habitants, mais beaucoup prennent en compte d’autres réalités. Il en est ainsi pour le contrat de développement territorial issu du réseau du Grand Paris Express : aujourd’hui, des communes dessinent des projets de territoire autour du futur métro.
C’est le cas dans mon département, où les communes de Champigny-sur-Marne, Villiers-sur-Marne et Brie-sur-Marne, dirigées par des équipes de sensibilités politiques différentes, travaillent sur le contrat de développement territorial et envisagent de créer une intercommunalité qui ne sera pas, loin s’en faut, de 300 000 habitants. Pour autant, elles partagent un véritable projet de territoire et des intérêts communs : le développement économique du territoire, la création d’emplois et la réponse au problème du logement.
Sur le plan de la méthode, point n’est besoin d’avancer à marche forcée, sauf à nourrir certaines arrière-pensées politiques. En effet, créer des intercommunalités de 300 000 habitants revient à réduire le spectre politique à deux partis. Or la diversité politique en Île-de-France est beaucoup plus riche et ne se limite pas à l’UMP et au parti socialiste. Il nous faut donc adopter un rythme différent.
On nous dit, enfin, que se posent des problèmes de gouvernance, et j’ai bien entendu les propos de mon collègue Jean-Pierre Caffet sur la question du logement en région parisienne.
Je serai le dernier à contester l’existence de ce problème, auquel je suis confronté quotidiennement. Mon territoire compte en effet 60 000 demandeurs de logement, auxquels nous tentons, non sans mal, d’apporter des réponses.
Je le dis clairement, je ne suis pas convaincu que le processus engagé au travers de cette réforme nous permettra de résoudre de manière réactive et rapide cette question. En effet, si l’on met bout à bout les procédures prévues, on constate qu’il ne saura pas opérationnel avant cinq ans.
M. Jean-Pierre Caffet. C’est vrai !
M. Christian Favier. Étant donné l’urgence du problème du logement, je compte davantage sur la loi que présentera Cécile Duflot. Il nous faut en effet avancer très vite sur les questions foncières, afin d’ouvrir aux opérateurs de construction de logements sociaux des disponibilités plus importantes, voire de créer d’autres dispositifs.
Certes, la métropole doit se préoccuper de la question du logement, mais ne croyons pas qu’elle résoudra le problème et ne créons pas cette illusion !
Le désengagement de l’État ne sera pas non plus la solution, eu égard en particulier aux communes « carencées » en matière de logement social, qui n’appliquent pas la loi SRU. Il ne revient pas à des collectivités, en l’occurrence la métropole, de dicter à d’autres la gestion de leur territoire. Le régulateur en la matière, c’est l’État, et il doit jouer son rôle.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, sur l’article.
Mme Catherine Procaccia. Christian Favier, Philippe Dallier et Roger Karoutchi ont très bien expliqué les choses.
En 2010, j’étais favorable à cet amendement, qui a été adopté et qui visait à donner du temps à l’Île-de-France, en attendant de savoir comment allait se développer le Grand Paris. Les élus voulaient avoir la possibilité de discuter de ce projet avec leurs concitoyens lors des élections municipales de 2014.
Quel projet voulez-vous que les maires leur soumettent en 2014 ? À un an des élections, on leur impose une intercommunalité, non pas négociée, mais purement mathématique. Il faut parvenir à 300 000 habitants, selon Mme la ministre, ou à 200 000, selon la commission... Comment cela se traduira-t-il ? Faudra-t-il ajouter d’autres communes si l’on ne parvient à comptabiliser que 180 000 ou 270 000 habitants, comme le disait notre collègue du Bourget ? C’est une aberration !
Monsieur Caffet, pour une commune comme la mienne, qui jouxte un grand voisin un peu encombrant, Paris, comment voulez-vous envisager sereinement une intercommunalité ? Nous n’avons pas le choix : nous ne sommes pas situés au milieu d’un département, mais tout contre Paris, qui nous impose ses décisions !
En 2010, le Sénat avait eu la sagesse de tenir compte de la topographie. Il faut dire que Paris ressemble un peu à Mickey, avec ses deux grandes oreilles à l’est et à l’ouest, le bois de Vincennes et le bois de Boulogne. En interdisant, au travers de ce projet de loi, que des communes soient d’un seul tenant, vous condamnez géographiquement l’intercommunalité.
Autour du bois de Vincennes, par exemple, où se fera l’intercommunalité ? On est coincé par Paris ! Il y a six communes de mon département qui ne touchent que le bois de Vincennes et la Seine-Saint-Denis. Comment faire une intercommunalité dans ces conditions ? Je le répète, vous nous imposez un seuil de 200 000 ou 300 000 habitants, sans même tenir compte de la topographie !
Je présenterai ultérieurement un sous-amendement sur le sujet. Cependant, ne sachant pas s’il viendra en discussion – les amendements de suppression seront peut-être adoptés –, je demande dès à présent au président de la commission, au rapporteur, aux rapporteurs pour avis et à la ministre de bien vouloir prendre en considération, à tout le moins pour la deuxième lecture, les éléments objectifs qui avaient été adoptés par tous en 2010.
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, sur l’article.
M. Louis Nègre. Vu de Sirius, à 1 000 kilomètres de là, je me garderai bien de porter un jugement sur le fait urbain parisien. Je suis cependant interpellé par la question du périmètre.
Lorsqu’on aborde les grands problèmes d’intérêt collectif, c’est-à-dire les services publics, comme l’assainissement, le traitement des ordures ménagères, les transports, il vaut mieux, me semble-t-il, avoir une vision d’ensemble. Puisque la métropole du Grand Paris compte d’ores et déjà 10 millions d’habitants, pourquoi ne pas fixer le seuil de la région à 12 millions ? Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Il suffirait de prévoir un périmètre qui corresponde à un étage administratif reconnu, même s’il comporte des hauts et des bas, mais sur lequel tout le monde s’accorde.
Pourquoi ne pas prévoir une simplification du périmètre,...
M. Philippe Dallier. On n’est pas parti pour !
Mme Isabelle Debré. Ce serait pourtant une bonne chose...
M. Louis Nègre. ... plutôt qu’une strate supplémentaire ? Plus personne ne va s’y retrouver !
Reste que j’ai bien compris qu’il était difficile de subdiviser. N’oublions pas non plus, comme l’a dit Mme Procaccia, la question de la topographie.
Ce projet sera difficile à mettre en place. Pour autant, j’ai l’impression – encore une fois vu de l’extérieur ! – qu’une vision d’ensemble, régionale, autour de grands sujets communs, pourrait peut-être rassembler les uns et les autres.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, sur l’article.
M. Jean-Pierre Raffarin. La démarche que vous engagez, madame le ministre, ne me paraît pas heureuse pour les métropoles.
Je suis élu d’un département mi-urbain, mi-rural, dépourvu d’énormes métropoles. Mais lorsque je vois les évolutions qui se sont produites au cours des vingt-cinq dernières années en termes d’aménagement du territoire et de décentralisation, l’émergence des métropoles m’apparaît comme un fait majeur, même si elle n’est pas facile à accepter pour tout le territoire.
Des villes comme Lille, Bordeaux, Lyon, Marseille, Toulouse, Rennes, Nantes ont changé leur environnement et se sont embellies : elles ont revalorisé leur patrimoine, sont devenues accueillantes et ont organisé la mobilité pour rendre la circulation urbaine plus aisée.
Aujourd’hui, on va volontiers passer un week-end à Lyon, cher Gérard Collomb, pour assister à la Fête des Lumières, à Bordeaux pour la Fête du fleuve ou encore à Lille pour la Grande Braderie. Ce n’était sans doute pas le cas il y a dix ans. Des événements qu’on allait voir auparavant à l’étranger, maintenant on va les voir chez nous !
Je le répète, nos villes se sont embellies. Les métropoles sont devenues interrégionales ; elles sont sorties de leur région, en quelque sorte. Il faut se pencher sur ce phénomène ! L’expliquer au pays n’est évidemment pas simple, parce que cette forme d’organisation territoriale inquiète.
De fait, commencer par ce volet dans l’acte III, c’est déjà laisser penser que les autres territoires souffriront un peu. On donne en effet le sentiment de commencer par s’occuper de ce qui est dynamique et de remettre à plus tard les autres sujets. C’est un problème !
Un autre problème est d’inclure Paris dans ce projet. Autant on peut facilement expliquer ce qu’est aujourd'hui, à Lyon, à Bordeaux ou ailleurs, une articulation entre une région, un département et l’intercommunalité, autant il est difficile d’y mêler le cas parisien où la lisibilité est très faible entre le rôle du département et celui de l’intercommunalité. Comment faire comprendre la différence entre la région et la ville avec un territoire qui représentera 95 % du territoire régional ? De ce point de vue, je comprends et j’approuve les propos de M. Dallier. Les réserves qui s’expriment sur Paris ne servent pas le reste du débat, et la spécificité du cas parisien montre qu’il faudrait traiter de cette question à part.
Je ne suis pas un spécialiste de Paris, mais j’écoute les uns et les autres. Ceux qui s’intéressent à la vie de nos territoires et qui prennent l’exemple parisien ont le sentiment, avec l’émergence des métropoles et leur articulation avec les autres territoires, que prévaut une logique d’absorption un peu hypertrophiée. Pourtant, les villes interrégionales n’apparaissent pas comme des hypertrophies : en matière d’aménagement et de décentralisation, elles ont finalement acquis une lisibilité qui permet, petit à petit, des partenariats, y compris avec la ruralité environnante.
Dans notre pays, il est assez difficile d’expliquer ce qu’Olivier Guichard appelait les « métropoles d’équilibre ». On parle du concept de métropole depuis très longtemps, alors qu’il a en fait émergé depuis peu. Il faut donc le conforter et le valoriser comme un élément de nature locale et nationale, sans prévoir Paris.
L’un des enjeux majeurs de notre économie aujourd'hui, c’est l’attractivité de notre territoire. Les métropoles y participent pour elles-mêmes et pour leur environnement. Il faut expliquer cette dynamique avec pédagogie, car les territoires qui deviennent un peu dominants inquiètent inévitablement les autres.
Je suis donc pour une pédagogie nationale de la métropole. Pour cela, laissons Paris à part : ce cas est tellement spécifique et suscite tellement d’hostilité qu’en l’incluant on freine la dynamique.
Ceux qui, comme moi, étaient réservés sur ce phénomène urbain voilà dix ou quinze ans constatent aujourd'hui la réussite des métropoles interrégionales. Nous devons les intégrer à une réflexion globale sur l'aménagement du territoire et la décentralisation.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, sur l'article.
Mme Jacqueline Gourault. Même si les discussions sur Paris sont toujours complexes, il est bien que les provinciaux aussi s’expriment.
Je commencerai par faire remarquer à Jean-Pierre Raffarin qu’on a toujours fait de Paris une exception.
Mme Isabelle Debré. Eh oui !
Mme Jacqueline Gourault. Je sais qu’il s’agit d’un cas particulier, mais la conséquence en est qu’il ne s’y passe jamais rien, ou pas grand-chose,...
Mme Isabelle Debré. Oh !
Mme Jacqueline Gourault. … en matière d’intercommunalité.
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Tout à fait ! Bravo !
Mme Éliane Assassi. Non !
Mme Jacqueline Gourault. Lorsqu’on légifère, on dit toujours que Paris est à part, que Paris est ceci ou que Paris est cela.
Depuis 2010, l’intercommunalité s’est un peu développée dans la région parisienne, mais pas beaucoup. Dans ces conditions, je me demande pourquoi on n’agit pas dans le cadre du droit commun. Rien n’empêche les élus d’Île-de-France de décider de créer des intercommunalités !
Mme Jacqueline Gourault. Certains prétendent que 200 000 habitants, c’est trop petit ; d’autres estiment que 300 000 habitants, c’est trop grand. Bref, on nous dit qu’il faut tenir compte des réalités !
Les élus locaux – je me permets de les appeler ainsi, même s’ils sont dans la région parisienne – doivent prendre leur destin en main et essayer de construire quelque chose. Cette remarque est d’ailleurs vraie pour n’importe quel territoire.
Mes chers collègues, vous ne vivez pas sur une île ! L’Île-de-France a des implications extrêmement importantes sur la vie quotidienne des habitants d’autres régions, comme le Centre que je représente. Ceux qui vivent dans les départements limitrophes, l’Eure-et-Loir ou le Loiret par exemple, et qui travaillent dans la « métropole parisienne » rencontrent eux aussi des problèmes majeurs de transport. Par conséquent, il est impossible de répéter sans arrêt que Paris et la région parisienne sont à part.
Pour cette ville, qui est notre capitale à tous, il faut saisir le problème à bras-le-corps. Nous devons être dynamiques – je sais que Philippe Dallier se bat depuis des années pour faire bouger les choses –, car ce serait une erreur de maintenir en l’état la situation de Paris et de la région parisienne.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l'article.
M. Pierre-Yves Collombat. Vous permettrez à un provincial amoureux de Paris de mettre son grain de sel ! (Sourires.)
Quel paradoxe ! L’endroit où se justifie le plus la création d’une métropole serait justement celui où il ne faudrait pas la faire. C’est là où elle devrait être le plus intégrée – au moins dans certaines de ses parties – qu’il faudrait encore surseoir ? C’est tout de même un peu curieux !
Je ne suis pas particulièrement enthousiasmé par les propositions de ce texte. Pour ma part, je pense que, sur la partie urbaine la plus dense, les intuitions de Philippe Dallier sont les bonnes.
M. Philippe Dallier. Merci !
M. Pierre-Yves Collombat. Reste qu’il est assez déplorable de ne pas avoir réussi à progresser sur ces questions.
Commençons par délibérer pour modifier le projet initial dans un sens qui me paraîtrait plus satisfaisant, sans le renvoyer aux calendes grecques. Nous verrons bien ce que la discussion donnera.
M. le président. La parole est à M. Claude Dilain, rapporteur pour avis.
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je commencerai par corriger une petite erreur qu’a commise Philippe Dallier concernant la création de la communauté d’agglomération de Clichy-Montfermeil. Celle-ci n’a rien à voir avec le renouvellement urbain, puisqu’elle a été créée le 1er janvier 2000. J’apporte cette précision non par formalisme, mais parce que ce qui s’est passé à Clichy-Montfermeil illustre l’un des problèmes de l’Île-de-France : deux villes extrêmement pauvres ont cherché – je ne dirai pas désespérément, parce que n’était pas par désespoir, elles ont au contraire fait preuve de beaucoup de volontarisme – à s’unir pour essayer de surmonter leurs difficultés structurelles. Nous sommes là au cœur du problème, et je m’étonne d’être le premier à en parler, alors que je ne suis pas le premier à intervenir sur cet article.
La caractéristique de la région d’Île-de-France n’est pas d’être en retard par rapport au schéma, c’est le fait que l’intercommunalité s’est constituée d’une drôle de façon : les riches se sont mariés entre eux pour leur plus grand bonheur, obligeant les pauvres à rester entre eux.
M. Philippe Dallier. Et ça va continuer !
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Cette situation est extrêmement choquante, non seulement pour la politique du logement, question qui nous préoccupe dans ce texte, mais également pour le rayonnement de la région d’Île-de-France, de la région métropolitaine. Qui peut ici penser une seconde que cette région pourra continuer à rayonner et à progresser si elle conserve de telles poches d’extrême pauvreté et exclusion ? C’est impossible !
M. Roger Karoutchi. Je suis d’accord !
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. J’entends bien qu’il faut se donner du temps pour réfléchir, mais, et cela vient d’être souligné, cela fait des années – des années, mes chers collègues ! – que Paris Métropole est l’objet de réflexions, sans aucun résultat.
M. Philippe Dallier. Et sans aucune proposition !
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Je reconnais que le texte proposé n’est pas parfait. Ce n’est pas la première fois que cela se produit et rien ne nous empêche de faire évoluer le dispositif. Toutefois, remettre cette question à plus tard serait pour le moins inquiétant.
Notre proposition ne fait pas l’unanimité,...
Mme Catherine Procaccia. Si, contre elle !
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. ... mais quelle solution le pourrait ?
Il me semble très dangereux de revenir au statu quo, car ce que je viens de dénoncer va perdurer.
MM. Philippe Dallier et Roger Karoutchi. Non, cela va s’aggraver !
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Au moins Philippe Dallier a-t-il le mérite de proposer une réponse, mais ce n’est pas forcément la seule. Pourquoi remettre à plus tard la discussion ?
M. Philippe Dallier. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. En effet !
Je crois en l’adage selon lequel il faut donner du temps au temps, mais pas à chaque fois ! À trop attendre la solution idéale qui fera l’unanimité, nous ferons comme au théâtre : nous attendrons Godot... mais il n’est jamais venu ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Germain, rapporteur pour avis.
M. Jean Germain, rapporteur pour avis de la commission des finances. Encore un élu de province qui s’exprime…
Le moment n’est-il pas venu de traiter cette question ? Si une telle réforme ne concernait pas l’Île-de-France, ce serait à n’y rien comprendre. Où doit-il y avoir une métropole sinon dans cette région ?
M. Roger Karoutchi. Pas comme ça !
Mme Éliane Assassi. Il ne faut pas être manichéen !
M. Jean Germain, rapporteur pour avis. Philippe Dallier a déposé un amendement visant à proposer une solution de rechange : il s’agit de créer en 2020 un département regroupant les actuels départements de Paris et de la petite couronne. D’aucuns l’ont dit, cette réforme paraît plus audacieuse que la proposition initiale. Elle règle le problème de la solidarité entre départements à l’échelon de Paris et de la petite couronne.
M. Jean-Pierre Caffet. Si l’on rétablit l'article 14 !
M. Jean Germain, rapporteur pour avis. Bien sûr !
Toutefois, monsieur Dallier, les enjeux métropolitains concernent les compétences des communes et des agglomérations plus que celles des départements. En outre, votre dispositif renvoie cette nouvelle organisation à 2016, sans prévoir de généralisation de l’intercommunalité ni préciser ce que deviennent les compétences de la ville de Paris. Il a des aspects entraînants et positifs – je ne le juge pas, je me rappelle les auditions qui ont été organisées –, et il peut rassurer les élus de la grande couronne, mais inquiéter la région et d’autres acteurs.
Comment imaginer que le Sénat renvoie ce sujet en écartant les propositions du Gouvernement, au prétexte qu’il faut se donner du temps ? Dix ans déjà, ce n’est pas rien !
Comment adopter un texte sur les métropoles sans aucune disposition concernant la région d’Île-de-France ?
Pour en avoir discuté avec des géographes, des architectes ou des aménageurs français et étrangers – c’est l’avantage que permet un réseau d’anciens universitaires –, je pense qu’il faut profiter de cette discussion pour formuler des avancées qui nous permettent d’aller plus loin et qui permettent au Gouvernement de mieux expliciter ses intentions.
Pourquoi ne pas accepter un dispositif plus volontariste que l’actuel texte gouvernemental, qui différerait de votre proposition, monsieur Dallier, mais en conserverait l’esprit, en s’inspirant du modèle lyonnais ?
Mme Éliane Assassi. Ah !
M. Jean Germain, rapporteur pour avis. Le problème, comme on l’a entendu au cours des auditions, c’est que la région d’Île-de-France n’a qu’une seule ville métropole. On pourrait donc créer trois nouvelles collectivités territoriales, en 2015 ou 2016, sur le fondement de l’article 72 de la Constitution, sur le territoire des trois départements de la petite couronne. Elles prendraient les compétences des communautés d’agglomération, avec une large subsidiarité laissée aux communes, et pourraient former, dans quelques années, une métropole avec Paris, selon un modèle voisin de celui que propose le présent texte. Les agglomérations de la grande couronne rejoindraient alors la métropole sur la base du volontariat et pourraient recomposer leurs intercommunalités, sans obligation toutefois.
Ce dispositif, qui se traduirait par la suppression des EPCI en petite couronne, me semble plus simple ; la métropole serait aussi plus équilibrée entre ses quatre composantes, avec 2 millions d’habitants pour Paris et 1,5 million pour les trois départements.
Ne soyons pas seulement négatifs : avançons des propositions ! La conclusion de ce débat ne peut pas seulement être qu’il faut attendre dix ans de plus. Cette proposition, qui n’est pas contraire à celle du Gouvernement, rejoint peu ou prou la vôtre, monsieur Dallier.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. René Vandierendonck, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je n’ai jamais fait mystère d’une nette préférence, à titre personnel, pour l’orientation donnée, depuis longtemps d’ailleurs, par M. Dallier. Reste que dès que l’on veut passer à l’acte et organiser les conditions d’une fusion des départements, les choses deviennent beaucoup plus compliquées, y compris au sein de nos formations politiques.
De façon pragmatique, la commission des lois a estimé que, dans un domaine en particulier, le logement, l’Île-de-France accusait un retard important en termes de développement économique et d’urgence sociale. Le dernier rapport de la Banque de France vient incontestablement apporter de l’eau à notre moulin. À titre de comparaison, si la production de logements en Île-de-France était proportionnelle à celle de la métropole lyonnaise, il se construirait 2,5 fois plus de logements qu’actuellement. Je vous laisse aussi entrevoir, mes chers collègues, les incidences macroéconomiques qu’une telle accélération pourrait avoir.
Mme Isabelle Debré. Encore faut-il avoir des réserves foncières !
M. René Vandierendonck, rapporteur. Sur ce plan-là, ma chère collègue, je vous renvoie à l’utilité de rationaliser les outils fonciers dans le secteur. Nous avons estimé – j’associe bien volontiers les autres commissions qui ont travaillé sur le sujet –…
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Merci !