M. François Calvet. Vous voyez que je ne suis pas complètement négatif, madame la ministre !
Concernant le logement intermédiaire, je me suis déjà exprimé. Nous sommes très favorables à la mixité de l’habitat urbain et nous avons dénoncé le risque d’effet de ghettoïsation sous-jacent à votre précédente loi. L’imposition d’un taux de logements sociaux de 25 %, sous peine d’amendes multipliées par cinq, rendra inefficace votre volonté nouvelle de favoriser les logements intermédiaires, si ceux-ci ne rentrent pas dans le quota des 25 %. Vous ne pouvez pas fixer de nouveaux objectifs qu’aucune commune ne sera en mesure de tenir.
Vous vous rendez compte que vous avez oublié les classes moyennes qui n’ont accès ni au logement social ni au logement privé. C’est une bonne nouvelle, à condition de desserrer le carcan du logement social que vous avez imposé aux communes.
Enfin, vous proposez de modifier les règles sur les délais de paiement des entreprises du bâtiment, qui sont nombreuses à connaître des difficultés de trésorerie. Cette mesure est certainement bonne, mais je ne crois pas à son efficacité. La France doit être championne du monde pour le nombre de lois sur les délais de paiement adoptées depuis trente ans, toujours pour le même motif.
Ces lois n’ont malheureusement jamais changé la précarité des TPE françaises en matière de trésorerie, ni leur manque récurrent de fonds propres.
En réalité, la France ne dispose pas d’un tissu d’entreprises de taille moyenne suffisamment solides pour survivre à une crise. Aujourd’hui, les entreprises les plus solides, qui n’ont plus de marchés, acceptent les petits marchés de rénovation, cassent souvent les prix et tuent le tissu des TPE. Une énième réforme des délais de paiement n’y changera rien, surtout qu’elle ne touchera que les marchés privés, quand ce sont les collectivités publiques qui paient avec le plus de retard. Le problème des marchés privés, aujourd’hui, n’est plus de savoir à quelle date l’entreprise sera réglée, mais bien si celle-ci réussira à se faire payer.
En conclusion, ces ordonnances, motivées par l’urgence de la situation de la construction, ne pourront résoudre à elles seules la crise que nous traversons.
Sur les deux premiers mois de l’année, le nombre de logements neufs mis en chantier ne s’élève qu’à 52 750 unités, contre 63 430 sur la même période en 2012, soit un recul de l’ordre de 16 %. Le nombre de permis de construire accordés en 2012 a diminué de 7,3 % en un an et de 24,1 % sur le seul quatrième trimestre. Pour l’année 2012, l’INSEE estime à 22 300 le nombre des emplois perdus dans le secteur du bâtiment, et il est probable que l’année 2013 soit bien pire.
Madame la ministre, la situation est suffisamment grave pour vous laisser toutes les chances de réussir et vous accorder le bénéfice du doute quant à la réalité du contenu de ces ordonnances et aux orientations du futur projet de loi. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UMP s’abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de remercier notre rapporteur, Claude Bérit-Débat, et de le féliciter de la précision de son rapport et de la qualité de son écoute lors de la réunion de notre commission.
C’est pour répondre à l’aggravation d’une crise du logement et de la construction sans précédent dans les cinquante dernières années que le Gouvernement a mis en œuvre, dès son installation, une politique volontariste dans ce domaine. Cette priorité a en effet été énoncée par le Premier ministre dès sa déclaration de politique générale, le 3 juillet 2012. Elle répond à un constat d’urgence, admis par les représentants de toutes les tendances politiques.
Nous nous trouvons dans une situation qui ne pénalise pas seulement les plus pauvres de notre société, les plus marginalisés de notre système, même s’ils sont particulièrement touchés. Des classes moyennes, dont les charges locatives obèrent la capacité à consommer et faire tourner l’économie, aux entreprises de toutes tailles et de tous corps de métier, souffrant des baisses préoccupantes des mises en chantier, c’est dans leur ensemble que notre société et notre économie sont fragilisées par les problèmes rencontrés dans les secteurs du logement et de la construction.
La mise en œuvre de la politique de l’exécutif se traduit par la mobilisation de tous les instruments dont disposent le Gouvernement et le Parlement pour répondre avec diligence aux attentes et aux besoins de nos concitoyens. Il s’agit d’outils législatifs, avec la loi de janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement, ou encore d’outils fiscaux, avec le nouveau dispositif en faveur de l’investissement locatif, dit « dispositif Duflot ».
Le recours aux ordonnances, rigoureusement encadré et limité dans le temps, relève aussi de cette volonté de mobiliser tous les instruments disponibles pour mettre en œuvre la politique voulue par le chef de l’État.
Le 21 mars dernier, notre rapporteur l’a rappelé, le Président de la République a présenté le deuxième temps de sa réponse à la crise du logement et de la construction, avec l’annonce du plan d’investissement pour le logement, qui témoigne d’un renforcement et d’une intensification des efforts du Gouvernement afin de résorber, à un horizon rapproché, les manifestations les plus destructrices de la crise actuelle.
Ce plan d’investissement se décline en vingt engagements ; huit d’entre eux seront tenus rapidement grâce à l’adoption du présent projet de loi. Je ne reviendrai pas dans le détail sur chacun d’entre eux, mais il me semble important d’insister, notamment, sur les dispositions montrant la cohérence et le volontarisme affiché dans le cadre d’un important souci de simplification.
En réponse à un tel travail concernant les normes et à la mise en place d’un moratoire de deux ans sur l’instauration de nouvelles normes techniques, les ordonnances que prendra le Gouvernement témoignent bien d’une volonté de simplification des procédures et des dispositifs. Je pense en particulier à la mise en place d’une procédure intégrée pour le logement. Celle-ci pourrait diviser par deux les délais précédant la mise en construction de logements d’intérêt général.
Je songe également à l’instauration d’un portail numérique de l’urbanisme visant à améliorer l’accessibilité des règles d’urbanisme opposables. Cette mesure obéit par ailleurs à une logique de fond qui consiste, pour l’État et les collectivités locales, à ouvrir les données publiques sans frais à tous les acteurs. Il s’agit de s’inscrire dans une stratégie définie par le Premier ministre, qui consiste à faire de l’open data, donc de la transparence, un levier non seulement d’innovation, mais également de croissance et de rétablissement de notre économie.
Il revient également au Gouvernement, et avec notre soutien, d’offrir un environnement sécurisant aux différents acteurs du secteur de la construction. Ainsi, les collectivités territoriales pourront accorder aux aménageurs des garanties d’emprunt allant jusqu’à 100 %. Je veux saluer ici une disposition qui intervient dans un contexte de restriction des crédits bancaires et qui témoigne de toute la confiance de notre majorité dans l’action des élus de nos territoires, qu’ils soient urbains, ruraux ou périurbains.
Le soutien aux acteurs de la construction suppose aussi de faciliter la gestion de trésorerie des entreprises du bâtiment, en adaptant les règles sur les délais de paiement aux exigences particulières de ce secteur ou en sécurisant les opérations de vente en l’état futur d’achèvement.
La fluidification du traitement du contentieux en matière d’urbanisme répond, quant à elle, à une urgence de nature différente. En effet, les recours déposés contre des projets de construction de logements se sont multipliés au point que 30 000 logements, bien qu’ils aient été autorisés, sont aujourd’hui bloqués par un recours contentieux. Entre 2009 et 2011, par exemple, le nombre de requêtes a plus que triplé dans une ville comme Rennes. Trop souvent, c’est l’intérêt très particulier qui prédomine face à l’intérêt collectif. Un rééquilibrage était nécessaire, indispensable. Ces ordonnances le permettront, avec justice, bien entendu.
L’adaptation de l’offre de logement sera, enfin, facilitée par la construction de logements en zone tendue, en jouant notamment sur des dérogations concernant l’obligation de créer des places de parking ou encore sur l’alignement de la hauteur entre bâtiments mitoyens.
L’adaptation de l’offre de logements sera également facilitée par l’encouragement d’une offre de logements intermédiaire.
Pour conclure, mes chers collègues, ce projet de loi répond à un triple objectif : tout d’abord, augmenter au plus vite la construction de logements, tant les besoins sont aujourd'hui criants ; ensuite, soutenir le bâtiment et les travaux publics, et, à travers eux, notre important tissu de petites et moyennes entreprises, ainsi que nos entreprises artisanales ; enfin, participer, de ce fait, à la nécessaire croissance économique dont notre pays a tant besoin.
Madame la ministre, au cours de votre audition devant la commission des affaires économiques, vous avez répondu de manière très précise aux dernières interrogations.
Vous l’avez souligné, le temps n’est plus aux hésitations ou aux atermoiements, mais à la détermination et à l’action. C’est ce qui guide précisément ces ordonnances. Telles sont les raisons pour lesquelles vous avez notre soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c’est le 21 mars dernier que le Président de la République a annoncé qu’un texte habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour accélérer les projets de construction serait présenté.
Nous avons attendu ce texte pendant près de deux mois et, en moins d’une semaine, nous devons l’examiner en commission, puis en séance !
Nous sommes d’accord sur un point : l’urgence est réelle. Qu’il s’agisse de l’offre de logements pour les Français ou de la situation des professionnels de la construction et du bâtiment, la situation est grave et s’est considérablement détériorée depuis que vous avez la responsabilité du pays, madame le ministre. (Exclamations sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
François Hollande avait promis la construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. Cette promesse est loin d’être tenue. En 2012, 340 000 logements neufs seulement ont été mis en chantier, soit 100 000 de moins qu’en 2011. On ne peut expliquer une nouvelle fois un tel échec par l’héritage du gouvernement précédent.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Et pourtant !
M. Jean-Jacques Mirassou. Mais si !
M. Ladislas Poniatowski. En cinq ans, je vous le rappelle, mes chers collègues, nous avions construit deux millions de logements, dont 600 000 logements sociaux.
M. Rémy Pointereau. Eh oui !
M. Jean-Claude Lenoir. C’est bien de le rappeler !
M. Ladislas Poniatowski. Vous nous avez dit, madame la ministre, avoir noté une reprise au cours du premier trimestre 2013. La Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB, note, pour sa part, une baisse d’activité de 2,5 % au cours du dernier trimestre de 2012. Et elle annonce une nouvelle baisse de 3 % au premier trimestre 2013.
Nous ne connaissons pas, madame la ministre, les facteurs qui expliquent votre optimisme. Nous savons, en revanche, comment le Gouvernement a participé à la dégradation de la situation !
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Dégradation bien entamée !
M. Ladislas Poniatowski. Bien évidemment, la complexité des normes, la lourdeur des procédures, la rigidité des documents d’urbanisme, la rigueur touchant au zèle des administrations pour les appliquer comptent, comme la question du foncier, parmi les facteurs qui participent clairement à cette crise du logement. Ils n’avaient cependant pas empêché vos prédécesseurs de tenir leurs objectifs. Ces différents facteurs n’expliquent donc pas, à eux seuls, la fragilité des entreprises du secteur du bâtiment.
Vous connaissez, madame la ministre, pour avoir entendu des représentants de ces entreprises, l’effet destructeur de la refiscalisation des heures supplémentaires, le manque de flexibilité dans la gestion des emplois, la concurrence déloyale de l’auto-entreprenariat, voire une certaine concurrence des entreprises d’autres pays européens.
La vérité, c’est que les entreprises ont été malmenées et que les Français n’ont pas confiance dans votre politique. Devant le chômage, la stagnation de la croissance et, maintenant, la récession, forcément, ils n’investissent plus ! J’en veux pour preuve, malheureusement, l’échec que constituent, pour le moment – il est encore un peu tôt pour le dire, il est vrai –,…
M. Michel Vergoz. Ah ! Tout de même !
M. Ladislas Poniatowski. … les logements qui portent votre nom, madame la ministre.
M. Joël Labbé. Ce n’est pas un échec !
M. Ladislas Poniatowski. Comment peut-il en être autrement dès lors que l’on promet une fiscalité de plus en plus lourde, une réduction des prestations familiales, une hausse de la TVA et que des menaces pèsent même sur la CSG ?
Dès juillet 2012 – mon collègue François Calvet l’a rappelé –, vous avez porté un premier mauvais coup à la construction en supprimant la faculté conférée quelques mois auparavant à toutes les communes de densifier l’habitat sans modifier le PLU.
Au lieu de faire évoluer cette mesure, par exemple en l’amendant, vous l’avez écartée, au motif qu’elle avait été adoptée par la majorité précédente.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. C’était un échec ! Personne ne l’a votée !
M. Ladislas Poniatowski. Et, aujourd’hui, vous venez nous en présenter une nouvelle version limitant aux seules zones tendues les dérogations aux documents d’urbanisme.
Vous avez fortement encouragé les entreprises publiques et l’État à mettre le foncier à disposition, gratuitement si possible, pour des opérations de logements en zone tendue. Nous sommes impatients, madame la ministre, de connaître les résultats de cette injonction !
Vous avez aussi imposé ce que vous considériez comme l’arme absolue pour accroître la production de logements sociaux, c’est-à-dire la hausse du pourcentage opposable aux communes, comme s’il suffisait d’incantations, d’obligations et d’amendes pour atteindre un tel objectif.
Enfin, vous avez augmenté le taux de TVA applicable à la construction de logements privés, de 19,6 % à 20 %, tandis que la TVA applicable à la construction de logements sociaux passait de 7 % à 10 %. À présent, vous allez devoir envisager de la ramener à 5 %, comme vous l’a demandé le Président de la République.
M. Rémy Pointereau. Eh oui !
M. Ladislas Poniatowski. Que de temps perdu, d’incohérences et de signaux contradictoires, suis-je tenté de dire !
M. Jean-Claude Lenoir. Et d’atermoiements !
M. Ladislas Poniatowski. Temps perdu, incohérences, mauvais outils : voilà ce qui justifie l’urgence aujourd’hui et qui vous conduit à légiférer par ordonnances quelques semaines avant la discussion de la grande loi, annoncée depuis des mois, que l’on nous présente comme la nouvelle loi universelle. Ce texte résoudra, nous dit-on, tous les problèmes du logement, de l’urbanisme et de l’aménagement, dans un ouvrage qui va contenir, ai-je cru comprendre, de cent à cent cinquante articles.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Plus que cela !
M. Ladislas Poniatowski. Merci de la précision, monsieur le président de la commission.
Je m’étonne que, en attendant la discussion aussi proche d’une loi aussi fondamentale, on puisse vouloir gagner du temps par des ordonnances dont le délai cumulé de publication et de ratification attendra, pour certaines d’entre elles, treize mois !
Nous ne contestons pas l’urgence, bien réelle. Légiférer par ordonnances pour mettre en place une procédure d’instruction intégrée des opérations d’aménagement et de construction ou pour décider d’un portail national de l’urbanisme, pourquoi pas ? Le faire pour permettre aux collectivités qui le souhaitent, et celles-là seulement, de densifier plus facilement l’habitat en revenant à l’esprit des dispositions abrogées en juillet 2012, pourquoi pas ?
Nous regrettons, en revanche, le recours aux ordonnances pour modifier le champ et les procédures de recours contentieux en matière de construction et d’urbanisme, même si nous partageons totalement la nécessité de réduire les possibilités de recours abusifs de pure aubaine économique. Il nous semble nécessaire de traiter cette question dans le cadre d’un vrai débat dans cet hémicycle.
Il nous semble aussi nécessaire de garantir que les droits des associations de patrimoine et de défense de l’environnement demeureront inchangés. Nous appuyons, madame la ministre, les dispositions en faveur de la trésorerie des entreprises. Il faudra, toutefois, veiller à ce qu’elles n’affectent pas, par ricochet, celles des collectivités locales, qui sont de plus en plus tendues, je vous le rappelle, mes chers collègues. Nous appuyons aussi la suppression de la garantie intrinsèque pour les opérations de vente en l’état futur d’achèvement, les VEFA, qui aurait pu éviter des scandales du type de l’Apollonia.
En revanche, si nous pensons qu’il faut définir la notion même de logement intermédiaire, nous ne comprenons pas que des communes puissent être exclues du dispositif d’aide à leur réalisation.
On peut, par ailleurs, se demander si les délais de publication et de ratification prévus ne sont pas trop généreux. En effet, il faudra tenir compte de la bonne volonté mise par les administrations déconcentrées dans l’application des lois après leur promulgation. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé des amendements visant à diminuer les délais maximum de publication et de ratification.
Nous sommes favorables aux ordonnances qui améliorent la trésorerie des entreprises. Nous sommes également favorables à l’esprit de simplification des procédures d’aménagement, à l’amélioration de l’accès à l’information et à la dérogation aux règles des PLU en zone tendue. Toutefois, compte tenu des délais que j’évoquais tout à l’heure, pourquoi ne pas en discuter dans le cadre de la loi à venir ?
Madame la ministre, je vous dirai, en guise de conclusion, que nous sommes, vous le voyez, favorables à de nombreuses mesures envisagées. Nous sommes cependant hostiles au recours aux ordonnances pour d’autres mesures qui pouvaient attendre le grand texte de loi que vous allez nous présenter.
Toutefois, comme nous voulons dire notre solidarité avec les Français qui attendent un logement, comme avec les entreprises du secteur de la construction et du bâtiment public, qui vont mal, nous ne voterons pas contre ce texte habilitant le Gouvernement à prendre des ordonnances. Nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le texte dont nous discutons aujourd'hui est l’une des pièces essentielles du dispositif que le Gouvernement met en place depuis son arrivée au pouvoir dans le cadre de sa politique de lutte contre la crise du logement et de la construction.
En accord avec sa majorité, le Président de la République a choisi de faire de cet enjeu une véritable cause nationale. Il l’a, d’ailleurs, rappelé lorsqu’il a détaillé les vingt mesures du plan d’investissement pour le logement, en mars dernier.
Ce faisant, il a renforcé la mobilisation de sa majorité, déjà très largement investie dans ce débat. Notre rapporteur, Claude Bérit-Débat, s’est attaché, avec le talent qu’on lui connaît, à faire transparaître, à travers son travail, à la fois ce dynamisme, ce volontarisme et cet état d’esprit. (Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.)
Il y a urgence, elle a été reconnue par tous. Et il est impossible de tolérer que, dans notre nation, au XXIe siècle, le manque de logements soit en passe de devenir un sujet de préoccupation majeure pour une très grande partie de la population, qu’il s’agisse, bien sûr, des familles à faibles revenus, mais aussi de celles qui appartiennent aux classes moyennes. Il n’est donc pas exagéré, mes chers collègues, de parler d’une véritable cause nationale !
Pour autant, rappelons que, en cinquante ans, la population de la France métropolitaine s’est accrue de 17,2 millions d’habitants, soit une augmentation de près de 40 %. Le nombre de ménages a, quant à lui, augmenté bien davantage, passant de 14,6 à 27 millions. L’écart entre l’offre de logements et la demande n’a donc cessé de se détériorer.
Au début de 2013 – cela a été évoqué avant moi –, le ralentissement de la construction de logements observé en 2012 se poursuivait. L’année dernière déjà, les ventes au détail de logements neufs avaient baissé de 18 % par rapport à l’année 2011 et les mises en chantier, quant à elles, avaient chuté de 20 %.
Corrélativement, cette préoccupation a un impact sur le front de l’emploi, puisque, pour 2013, la Fédération française du bâtiment prévoit quelque 40 000 pertes d’emplois et une baisse du chiffre d’affaires de 3 % pour le secteur de la construction. Il s’agit là, mes chers collègues, d’une donnée objective.
Pour autant, je dirai, en m’adressant à mes collègues de l’opposition, qu’il en va de la politique comme des grands bateaux.
M. Francis Delattre. On reparle du capitaine de pédalo ?
M. Jean-Jacques Mirassou. Cela veut dire très clairement que lorsqu’on coupe les machines, mes chers collègues, le bateau continue à avancer ! Et vous n’arriverez pas aussi facilement, par des effets de tribune, à vous débarrasser de votre héritage, tout en essayant à grand-peine de vous exonérer de vos responsabilités ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Pour l’instant, c’est vous qui êtes aux responsabilités !
M. Jean-Jacques Mirassou. Chers collègues de l’opposition, quand on entend stigmatiser les auto-entrepreneurs, que votre propre majorité a fabriqués, et quand on se souvient des conséquences de la loi Scellier, on est à la fois un peu plus modeste et un peu plus lucide sur son propre bilan ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Claude Lenoir. Calmez-vous ! Le débat était serein.
M. François Calvet. Vous mettez le feu aux poudres !
M. Rémy Pointereau. Mirassou, démission ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Pour autant, et en réponse à cette situation critique, le texte de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, celui qui a été promulgué en janvier 2013, témoigne, que vous le vouliez ou non, de la rapidité et du sérieux de la réponse mise en œuvre et, en même temps, de la réactivité de Mme la ministre.
Il s’agissait là, à travers ce que l’on pourrait appeler la loi « Duflot 1 », du premier étage d’une fusée. Et nous avons été très nombreux à souligner tout l’intérêt de ce premier texte, qui va permettre, pour peu qu’on lui donne un peu de temps, chers collègues de l’opposition,…
M. Rémy Pointereau. Oh ! ça va !
M. Jean-Jacques Mirassou. … de construire 500 000 logements par an, en procédant en même temps au toilettage de la loi SRU.
Ce mouvement enclenché il y a huit mois connaîtra à l’automne prochain de nouvelles avancées, inscrites dans une loi bien plus large, qui viendra prolonger le débat et que nous appelons tous de nos vœux, en portant des ambitions fortes en matière de logement et d’urbanisme en général. Il s’agira alors de finaliser le projet de loi Duflot 2, qui constituera le deuxième étage de la fusée. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Aujourd’hui, afin de gagner en rapidité et en efficacité, le Gouvernement a choisi – je vous rassure, en accord avec la majorité ! – de mettre en place les mesures techniques les plus urgentes en recourant aux ordonnances.
M. Francis Delattre. C’est une conversion !
M. Jean-Jacques Mirassou. Avant toute chose, et pour répondre de nouveau aux remarques formulées par l’opposition, je tiens à mon tour à insister avec force sur le caractère sincère et légitime du choix du Gouvernement, qui s’est engagé à prendre ces mesures législatives pour un temps restreint et pour des enjeux parfaitement définis, de manière à être conforme à la Constitution.
À ce stade de la discussion, je demanderai à notre excellent collègue Daniel Dubois d’être en accord avec lui-même. En effet, il ne peut pas, dans la même phrase, commencer par dénoncer la main sur le cœur le risque constitutionnel, puis expliquer que l’effet de ces ordonnances ne serait pas assez immédiat.
Au-delà des arguties juridiques, qui trouveraient toute leur place dans une discussion universitaire, je veux affirmer ici que ce qui justifie la démarche du Gouvernement, c’est l’urgence, encore l’urgence, toujours l’urgence...
M. Joël Guerriau. Elle a bon dos, l’urgence !
M. Jean-Jacques Mirassou. ... d’une crise sociale et économique dont l’une des conséquences, et donc la solution, intéresse au plus haut point le secteur du logement, de la construction et de l’emploi.
Ce projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction a donc, je le répète, un périmètre précisément délimité, et doit permettre de procéder rapidement à des ajustements qui nous paraissent indispensables.
Il reprend, c’est vrai, huit des vingt mesures mises en avant par le Président de la République dans le cadre du plan d’investissement pour le logement. Je vais très rapidement évoquer quelques-unes d’entre elles.
Les gouvernements précédents ont certes accentué leur effort pour améliorer la production de logements, mais le plus souvent dans des zones difficiles d’accès et mal desservies, ce qui, convenons-en, n’est pas satisfaisant.
Le présent texte, bien au contraire, nous donnera à court terme des moyens pour construire les nouveaux logements dont nous avons besoin, mais pas n’importe comment et n’importe où. Il s’agit de procéder à la densification intelligente de la ville, en favorisant la construction de logements en zone tendue. On va ainsi favoriser la surélévation d’immeubles d’habitation, ou encore transformer des bureaux en logements, notamment avec l’objectif affiché de rompre avec les logiques de mitage de nos campagnes, victimes de l’étalement urbain.
Dans le même esprit, la procédure intégrée pour le logement, la PIL, prend en compte les incidences environnementales du nouveau bâti, en favorisant une démarche globale dont les maîtres mots sont « efficacité » et « simplification ». Elle bénéficie ainsi d’une vraie stratégie de développement durable et solidaire.
M. Francis Delattre. Rien que ça !
M. Jean-Jacques Mirassou. Aujourd’hui, l’efficacité et la durabilité sont conditionnées par la dématérialisation et l’accessibilité des données. C’est pourquoi il faut particulièrement souligner la volonté d’améliorer l’accessibilité aux règles d’urbanisme opposables, en instaurant le fameux portail national de l’urbanisme.
En l’état actuel des choses, on l’a dit, la fourniture intégrale d’un PLU représente en moyenne un coût de 150 à 200 euros, facturé par les communes aux entreprises ou aux particuliers qui en font la demande. Toutes les parties prenantes aux projets de construction ont pourtant besoin, c’est une évidence, d’accéder à de telles pièces.
L’accessibilité à ces documents publics doit être facilitée au travers de procédures moins coûteuses et plus simples. La création d’un géoportail de l’urbanisme répond à cette nécessité et permettra, en outre, de donner le coup d’accélérateur que vous appelez de vos vœux, mes chers collègues, au secteur de la construction.
Dans le même registre, je veux enfin attirer l’attention sur une dernière mesure de ce texte de loi, celle qui tend à fluidifier le traitement du contentieux en matière d’urbanisme, car chacun sait que le déroulement des procédures contentieuses relatives aux autorisations d’urbanisme est terriblement pénalisant pour la réalisation des projets de construction.
L’épuisement des voies de recours peut ainsi parfois n’intervenir qu’au terme de plusieurs années, retardant d’autant le début de la construction.
Il existe à cette situation de nombreuses raisons, et la Fondation Abbé-Pierre observe à juste titre une déperdition de 10 % à 15 % entre le nombre de logements autorisés et le nombre de logements livrés, qui pourrait être liée à l’existence de recours. Il faut donc intervenir le plus rapidement possible, en opérant autant que faire se peut une distinction entre les recours dits « ordinaires » ou « légitimes », et ceux que l’on peut qualifier de « mafieux », dans la mesure où ils sont destinés à monnayer un avantage financier contre un désistement.
Il est donc plus que temps, mes chers collègues, de supprimer les angles morts de nos procédures et de notre droit qui permettent de telles dérives. C’est pourquoi les mesures proposées me semblent devoir faire, enfin, l’unanimité en leur faveur.
Tels sont, madame la ministre, mes chers collègues, les quelques points que je voulais évoquer pour affirmer, à mon tour, la nécessité de voir appliquer ces mesures le plus rapidement possible, ce qui justifie en soi la pratique des ordonnances.
Pour conclure, je tiens à réaffirmer que ce texte, même s’il est concis (Marques de scepticisme sur les travées de l'UDI-UC.) et relativement technique, constitue l’un des éléments d’une stratégie globale, durable et solidaire en faveur du logement dans notre pays. Il est donc parfaitement indissociable des deux étages de la fusée que sont la loi Duflot 1 et la future loi Duflot 2.