M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Je ne vais pas paraphraser ce que M. le ministre a si bien exprimé, mais je souhaite rappeler quelques éléments.
M. Legendre nous dit qu’il n’est pas utile d’inscrire ces précisions dans la loi, puisque tout figure déjà dans le code de l’éducation ; mais le code est si bien respecté que la scolarisation des enfants de moins de trois ans a diminué de façon spectaculaire ces dernières années ! Tout cela parce que l’on a prétendu qu’il n’était pas possible d’accueillir au sein des écoles maternelles les enfants âgés de deux à trois ans comme les autres enfants.
Les dispositions qui vous sont proposées sont donc très importantes, mes chers collègues. Nous fixons une priorité pour un certain nombre de zones défavorisées, où les parents, qui rencontrent souvent des difficultés financières et sont parfois sans emploi, n’ont pas accès aux crèches ni aux structures d’accueil payantes. L’école publique est donc le seul lieu qui puisse accueillir ces enfants pour leur apporter ce surcroît de culture, ce bain de langage, et leur permettre de partir du même pied que les autres enfants.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Oui, il faut développer la scolarisation des enfants de deux à trois ans dans les zones prioritaires ! Nous passerons plus tard à la deuxième étape. Agissons en gardant à l’esprit l’exigence d’une école maternelle de qualité, selon les règles établies dans le texte qui vous est proposé.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur les amendements nos 190 et 22 rectifié. En revanche, la commission est favorable à l’amendement n° 377 du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 190 et 22 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote sur l’amendement n° 190.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le ministre, vous avez pris un risque en mettant en évidence des différences d’appréciation entre les sénateurs du groupe UMP. Ce débat va être assez long et nous aurons l’occasion de vous interroger, à notre tour, sur la cohérence des positions de la majorité sénatoriale sur un certain nombre de points essentiels de ce projet de loi.
Mes chers collègues, nous discutions d’un sujet qui a déjà fait l’objet d’une décision du ministre, puisqu’il a adressé à ses services, dès décembre 2012, une circulaire mettant en application les dispositions dont nous débattons maintenant. D’habitude, la circulaire suit la loi, aujourd’hui, c’est le contraire !
Sur le fond, l’appréciation que nous pouvons porter dépend beaucoup des régions que nous représentons. Comme l’a relevé Michel Le Scouarnec, dans l’ouest ou dans la région Nord-Pas-de-Calais, la scolarisation précoce est beaucoup plus affirmée que dans d’autres régions, notamment la région parisienne ou Paris même.
L’Union nationale des associations familiales, l’UNAF, dès le mois de janvier 2013, a adopté une position intéressante que l’on retrouve dans l’amendement de Jacques Legendre. Cet amendement, tout à fait concis et modéré, développe l’idée simple que la scolarisation des enfants de moins de trois ans doit s’adresser en priorité aux enfants des familles défavorisées, notamment dans les zones d’éducation prioritaire – on a aussi évoqué les territoires ultramarins.
Il faut également reconnaître que, dans nos régions, un accueil est organisé par les collectivités territoriales. Sur ce point, l’UNAF souligne la nécessité de développer la scolarisation des très jeunes enfants en accord avec les collectivités locales et les parents. Ces derniers doivent être étroitement associés à la démarche qui conduit des enfants de moins de trois ans à l’école, pour des raisons évidentes et auxquelles vous souscrivez tous, j’en suis sûr.
J’ajoute une dernière observation. Qu’en est-il de la scolarisation des enfants dans le monde ? Je dois attirer l’attention du Sénat sur le fait que l’accueil des enfants de moins de trois ans n’est organisé que dans quatre autre pays : la Norvège, le Danemark, l’Islande et la Belgique. Nous sommes donc une exception. Dans la plupart des pays, l’âge de scolarisation est fixé à quatre ans ou à cinq ans.
Je ne dis pas qu’ils ont raison – c’est leur affaire ! –, mais n’avançons pas l’idée que plus tôt les enfants sont scolarisés, mieux ils réussissent…
M. Roland Courteau. Mais si !
M. Jean-Claude Lenoir. Malheureusement, le taux de réussite scolaire n’est pas très probant en France. Les résultats observés tendraient à prouver l’inverse de ce que prétendent ceux qui voudraient scolariser les enfants beaucoup plus tôt !
Il s’agit d’une question lourde. Pour la plupart d’entre nous, nous nous la posons en tant que parents ou qu’élus locaux ; nous allons aussi nous la poser maintenant parce qu’elle figure dans la loi. En conclusion, l’amendement de notre collègue Jacques Legendre, que j’ai cosigné, me semble exprimer une forme de sagesse qui devrait nous réunir.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.
M. Jacques Legendre. La question de savoir quelle est actuellement la manière la plus efficace d’utiliser nos moyens en faveur des jeunes devrait pouvoir nous rassembler.
Monsieur le ministre, vous avez placé beaucoup d’espoirs dans la scolarisation précoce, dans l’ouverture d’écoles maternelles accessibles dès l’âge de deux ans. Certains départements sont traditionnellement attachés à l’idée de démocratiser l’enseignement en y recevant très tôt les jeunes. Ainsi, dans le département du Nord, le taux de scolarisation des enfants de deux ans est encore relativement élevé. Pour autant, les résultats de l’académie de Lille ont-ils fortement progressé ? Avons-nous compensé par ce biais les difficultés sociales spécifiques de notre département ? Très honnêtement, nous n’en sommes pas sûrs.
Faut-il alors renoncer à la scolarisation dès deux ans ? Comme je l’ai dit, dans ce département, le taux de scolarisation est élevé et, après tout, si l’on n’est pas sûr que la scolarité précoce fasse du bien aux jeunes issus des milieux défavorisés, il n’est pas sûr non plus qu’elle leur fasse du mal. Par conséquent, s’ils peuvent être admis à l’école dès deux ans, pourquoi pas ?
Il n’y a donc pas de contradiction, monsieur le ministre, entre l’idée que, s’il faut scolariser les enfants dès deux ans, il vaut mieux s’adresser en priorité aux milieux défavorisés et l’idée qu’il faut s’interroger sur la forme d’accueil la plus adaptée aux enfants âgés de deux ans à trois ans et la forme d’école maternelle la plus efficace possible.
Enfin, j’ai bien écouté Mme Cartron. J’ai du mal à saisir, ma chère collègue, la divergence qui nous sépare. L’amendement que je présente est ainsi libellé : « L’accueil des enfants de deux ans révolus est organisé en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé », etc. Le texte de l’article 5 qui nous est soumis dispose : « Dans les classes enfantines ou les écoles maternelles, les enfants peuvent être accueillis dès l’âge de deux ans révolus », etc. Pour nous, il s’agit d’une priorité, pour vous d’une possibilité, mais pas d’une obligation. Pourrait-on m’expliquer quelle est la différence fondamentale sur ce point, s’il y en a une ?
Nous avons déposé un amendement n° 191 rectifié tendant à ce qu’une grande enquête sérieuse soit menée sur ce point difficile, pour savoir s’il est essentiel de faire porter l’effort national sur l’accueil en maternelle des enfants de deux ans ou s’il ne serait pas plus utile de le faire porter sur la fin de l’école maternelle ou le début de l’école élémentaire. (M. Michel Savin applaudit.)
M. Jean-Claude Lenoir. C’est la bonne question !
M. Jacques Legendre. Nous posons ces questions de bonne foi. Si on nous démontre le contraire, eh bien, nous en tirerons les conséquences et nous nous rallierons à cette analyse ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.
M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est un bon débat que celui que nous sommes en train d’avoir. Monsieur Legendre, vous citez un rapport sénatorial de 2008 commis par Mme Papon et M. Martin. Ce rapport était quelque peu orienté puisqu’il était destiné à préparer les esprits au projet des jardins d’éveil, lequel s’opposait à l’école maternelle. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Je dis bien « contre l’école maternelle », car l’objectif, messieurs de l’opposition, était d’essayer de privatiser l’accueil des enfants de moins de trois ans !
Nous, nous citons des faits : alors que seulement 4,3 % des enfants scolarisés à deux ans redoublent la classe de CP, ce pourcentage atteint 11,1 % des enfants quand la scolarisation intervient après quatre ans. Rappelons que seuls 8 % de ceux qui redoublent à ce niveau obtiennent le bac par la suite. Oui, la scolarisation précoce a un impact déterminant sur l’ensemble du parcours scolaire de l’élève et constitue un moyen préventif de lutte contre l’échec scolaire ! C’est bien ce dont nous essayons de parler dans ce projet de loi pour la refondation de l’école : la lutte contre l’échec scolaire, c’est d’abord cela, ne vous en déplaise !
En matière d’acquisition du langage et d’accès à la pensée abstraite, la scolarisation précoce est très bénéfique, on le sait, aux élèves les moins favorisés, au premier rang desquels se situent ceux qui connaissent un déficit dans la maîtrise du langage, car ils auront plus de difficulté à développer et à construire les outils du traitement de l’information.
Selon le Conseil d’analyse stratégique, « de nombreuses études sociologiques et des travaux de psychologie, de neurobiologie et science cognitive montrent que les inégalités s’établissent dès la petite enfance. Homogénéiser le milieu d’apprentissage dès l’âge préscolaire est une dimension essentielle des politiques d’égalité des chances ».
La scolarisation des enfants de moins de trois ans est un facteur de réduction des inégalités sociales et scolaires. C’est pourquoi, M. le ministre l’a rappelé tout à l’heure, 3 000 postes lui sont dédiés dans la programmation des 60 000 emplois supplémentaires prévus sur le quinquennat.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Monsieur Legendre, vous m’avez interpellée pour me demander ce qui nous différencie. Ce qui nous différencie, monsieur Legendre, c’est ce que vous supprimez dans le troisième alinéa de l’article 5, à savoir les conditions éducatives et pédagogiques adaptées à l’âge des enfants, visant leur développement moteur, sensoriel et cognitif, précisées par le ministre chargé de l’éducation nationale.
M. Jean-Claude Lenoir. Cela va de soi !
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Cela va de soi, mais cela va mieux en l’écrivant ! Donc, je ne comprends pas pourquoi vous déposez un amendement tendant à supprimer cette mention.
M. Jean-Claude Lenoir. On est en train d’écrire la circulaire !
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Nous n’avons jamais défendu une scolarisation des enfants de deux ans dans n’importe quelles conditions ! Nous savons au contraire que, si nous voulons que cette scolarisation soit favorable, il faut poser des conditions particulières. Posées par l’article 5, elles sont un gage de qualité. Et connaissant votre attachement à la qualité de l’enseignement, je m’étonne, monsieur Legendre, que vous défendiez un amendement tendant à gommer cette phrase !
Vous mentionnez le fait qu’il est prévu par le texte que l’accueil des enfants donne lieu à un dialogue avec les familles. Et je vous réponds, monsieur, que l’école maternelle à deux ou trois ans n’est absolument pas obligatoire !
Mme Annie David. Bien sûr !
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Donc, quand un enfant de deux à trois ans est scolarisé, c’est le fait, bien sûr, d’une démarche des parents. Et c’est ainsi que les choses peuvent être bénéfiques.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est dans l’amendement de M. Legendre !
Mme Françoise Cartron, rapporteur. En supprimant cette exigence de qualité que constituent les conditions particulières adaptées à l’âge des enfants, il me semble qu’on affaiblit le texte. C’est la raison pour laquelle, monsieur Legendre, j’ai émis, au nom de la commission, un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Peillon, ministre. Sans vouloir insister, je souhaiterais, pour la clarté de nos débats, que vous défendiez, mesdames, messieurs de l’opposition, non les textes que nous avons écrits, mais les amendements que vous avez déposés. Or votre amendement, monsieur Legendre, vise à supprimer ces conditions éducatives et pédagogiques dont d’autres demandaient, au contraire, qu’elles figurent dans le texte de loi. J’ai un respect absolu de toutes les positions, mais, en l’occurrence, si vous pouviez vous rallier à la nôtre, les discussions gagneraient en clarté.
Mon ami Pierre Martin a défendu la position qu’il avait exprimée dans un rapport. Très bien. Pour votre part, monsieur Legendre, votre demandez la suppression de ces conditions particulières tout en maintenant le reste du texte.
Je le dis par avance, car je ne reprendrai pas la parole : je suis favorable aux études. Je suis même pour un conseil d’évaluation indépendant du ministre, dans lequel siègeront, pour la première fois, des sénateurs et des sénatrices.
Dans votre amendement à venir, vous proposez que la scolarisation à partir de l’âge de deux ans révolus fasse l’objet d’une étude nationale préalable. Votre amendement ne porte pas sur l’étude. Il vise à interrompre notre projet en attendant une nouvelle étude. Ce n’est pas exactement la même chose.
Pour la clarté des débats et pour préserver l’honnêteté intellectuelle, je souhaiterais que vous défendiez vos amendements et pas autre chose.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. La phrase que M. Legendre propose de supprimer comporte un élément important. Il s’agit des conditions adaptées à l’âge des enfants. Je veux préciser que cet élément figurait dans l’amendement de Mme Duchêne, intégré par Mme la rapporteur.
M. le président. La parole est à M. Claude Haut, rapporteur pour avis.
M. Claude Haut, rapporteur pour avis de la commission des finances. J’interviens pour la coordination des débats. L’adoption de l’amendement n° 377 du Gouvernement rend caduc l’amendement n° 30, que j’ai déposé, au nom de la commission des finances, à l’article 1er. En effet, il concerne le même principe.
Par conséquent, je retire cet amendement.
M. le président L’amendement n° 30 est retiré.
L'amendement n° 85, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Le Scouarnec, P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Des compléments spécifiques de formation sont dispensés aux enseignants qui prennent en charge les enfants accueillis dès deux ans.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Si la mention de formations spécifiques pour les enseignants de maternelle a été introduite par Mme la rapporteur à l’article 30 du projet de loi, conformément à notre demande, aucune précision n’est apportée dans ce projet de loi quant à la formation des enseignants chargés de la scolarisation des enfants de deux à trois ans.
Pourtant, la scolarisation des enfants de deux à trois ans comporte des enjeux spécifiques, car, à cet âge, il y a une très grande hétérogénéité dans le développement affectif, émotionnel, cognitif et moteur des enfants.
Cette hétérogénéité nécessite une prise en considération au niveau de la formation des enseignants afin qu’ils soient en capacité d’appréhender et de répondre aux besoins de chaque enfant.
Françoise Dolto, dans La cause des enfants, ne disait pas autre chose quand elle affirmait : « Quand on dit 2 ans et 3 ans, c’est comme si on disait 12 ans et 25 ans. À 2 ans, de trois mois en trois mois, les enfants évoluent énormément, leurs intérêts, leur mode de langage au sens large du terme sont en continuelle mutation. »
La formation des enseignants, tant initiale que continue, doit, dans ce domaine comme dans les autres, être renforcée, abordant les enjeux propres au développement du jeune enfant.
L’État doit s’assurer qu’une formation spécifique de qualité soit dispensée afin que l’accueil des enfants de 2-3 ans puisse se faire dans de bonnes conditions et apporter l’effet escompté en termes de correction des inégalités sociales et scolaires et participer ainsi à la réussite.
L’école maternelle constitue non une anticipation des apprentissages dispensés par l’école primaire, mais un temps d’apprentissage propre, spécifique, centré sur le développement de l’enfant, qui nécessite des modules spécifiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Je demande le retrait de cet amendement. En effet, il est satisfait par un amendement que nous avons retenu à l’article 30 et qui prévoit, dans les ESPE, des compléments de formation pour l’enseignement à la maternelle.
M. le ministre l’a précisé dans son discours. Il a bien dit qu’il y aurait, au sein des ESPE, des modules de formation qui contribueraient à permettre cette approche spécifique de la pédagogie et de l’enseignement à l’école maternelle.
Au nom de cela, nous demandons le retrait de l’amendement n° 85.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Vincent Peillon, ministre. Le Gouvernement a la même position que la commission, même si nous considérons, sur le fond, qu’il est tout à fait déterminant qu’il y ait de nouveau des modules spécifiques consacrés à l’enseignement en maternelle.
Cela me donne le plaisir de saluer dans la tribune Bernard Paquaux, maître-formateur qui m’a tout appris sur l’enseignement en maternelle à l’époque où l’on n’avait pas encore supprimé la formation.
M. le président. Madame Gonthier-Maurin, l'amendement n° 85 est-il maintenu ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Mme la rapporteur et M. le ministre considérant qu’il est satisfait, nous allons le retirer, monsieur le président. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Nous aurons de toute façon l’occasion de revenir sur l’importante question que vous venez de poser, monsieur Legendre.
Au fond, dites-vous, même si nous avons sincèrement essayé de consacrer des moyens à l’école maternelle, nous n’en tirons peut-être pas toutes les conclusions positives que nous aurions aimé en tirer.
Cela nous renvoie, monsieur Legendre, au débat que nous avions tout à l’heure, sur un fameux plateau média, à propos des moyens supplémentaires qu’il faudrait consacrer à l’éducation nationale. De mon point de vue, ils sont nécessaires, car l’on constate les effets déstructurants des suppressions d’emplois.
Mais, je le reconnais, les moyens ne sont pas une condition suffisante de la réussite. Si nous n’arrivons pas à obtenir un résultat aussi positif que nous le souhaitons avec la scolarisation précoce, nous devrions peut-être nous interroger sur la nature des échecs rencontrés dans les apprentissages. La formation initiale et continue des enseignants est-elle l’une des clés qui nous permettrait de valoriser tous les effets positifs d’une scolarisation précoce ? C’est une voie à laquelle je crois beaucoup !
M. le président. L’amendement n° 85 est retiré.
L'amendement n° 340, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
Dans les écoles qui les scolarisent
par les mots :
Dans ces écoles
La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Peillon, ministre. La commission de la culture a souhaité préciser, dans cet article dédié à la scolarisation des enfants de moins de trois ans, que ceux-ci peuvent être comptabilisés dans les prévisions d’effectifs de toutes les écoles qui les scolarisent.
Cela crée une difficulté par rapport aux autres exigences qui sont les nôtres, que nous venons de rappeler, à savoir les 3 000 postes et la circulaire du 18 décembre 2012.
Comme vous le savez, comme nous l’avons rappelé à plusieurs reprises, nous souhaitons que cette scolarisation soit comptabilisée dans les effectifs des écoles situées dans un environnement social défavorisé. Cette priorité, nous tenons à la conserver. Sinon, on s’exposera au risque d’une dilution de la mesure, alors que les études que vous avez évoquées, qui existent depuis 1995, montrent bien qu’en réalité, s’il y a une efficacité reconnue par tous, c’est précisément pour les enfants qui connaissent des difficultés dans leur milieu d’origine. Cette scolarisation est, en effet, moins utile pour les autres, y compris pour des raisons de structuration affective et de bain langagier.
Nous souhaitons mettre en cohérence et garder cette idée des écoles situées dans un environnement social défavorisé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Favorable.
M. le président. L'amendement n° 84, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Le Scouarnec, P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Le maire établit une liste des demandes de scolarisation des enfants de moins de trois ans effectuées sur leur territoire qui n’ont pas abouti à une scolarisation effective. Cette liste est transmise à l’autorité académique. »
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. L’alinéa 5 du présent article a été introduit en commission sur notre demande, afin de prendre en compte les enfants de moins de trois ans dans les prévisions d’effectifs d’élèves pour la rentrée.
L’objectif était de rompre avec la pratique du précédent gouvernement, qui ne les prenait pas en considération afin de justifier des suppressions de postes en arguant d’une absence de demandes. Pour notre part, nous souhaitons aller plus loin en comptabilisant toutes les requêtes formulées, même si elles ne débouchent pas sur une scolarisation effective.
C’est un premier pas de dénombrer les enfants scolarisés pour prévoir les postes nécessaires à leur scolarisation. Mais il faudrait aller plus loin et comptabiliser la demande effective de scolarisation des moins de trois ans en France.
Pour ce faire, il faut prendre en compte toutes les demandes et particulièrement celles qui n’ont pu aboutir effectivement, faute de places disponibles. Ce système permettrait de prévoir les postes nécessaires pour satisfaire toutes les demandes et, donc, tous les besoins.
Nous avons bien compris que le Gouvernement n’avait pas l’intention de permettre la scolarisation de tous les enfants de deux ans sur la simple base d’une demande émise par leur famille, mais qu’il souhaitait limiter cette possibilité aux zones prioritaires, du moins pour l’instant. Nous le regrettons bien sûr. Toutefois, il n’en est pas moins intéressant de disposer de données statistiques concernant les demandes de scolarisation, que nous ne pouvons mesurer à l’heure actuelle.
Je le répète, ces éléments chiffrés permettraient de mieux adapter le système scolaire aux besoins et aux demandes des familles selon les territoires. Dans cette perspective, nous souhaitons que le maire de chaque commune établisse une liste des demandes de scolarisation des enfants de moins de trois ans enregistrées sur son territoire qui n’ont pas abouti à une scolarisation effective. Ensuite, il convient que ce document soit transmis à l’autorité académique.
M. Michel Savin. C’est ça, créons un fichier !
M. Michel Le Scouarnec. Ce dispositif s’inspire des dispositions prévues par la loi sur le service minimum à l’école, et ne contrevient donc aucunement au principe de libre administration des collectivités territoriales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Cette question est liée à celle que nous venons d’évoquer : en effet, la scolarisation des enfants de deux à trois ans est décidée après un dialogue constructif avec leurs parents. À cet égard, j’évoquerai rapidement mon expérience de maire.
Dans un premier temps, sachant qu’elles disposent de cette opportunité, les familles peuvent se présenter dans le but d’inscrire leurs enfants auprès de services municipaux. Puis, le dialogue se noue, d’autres solutions peuvent se faire jour au fil de la discussion et certains choix peuvent être différés.
M. Michel Savin. Bien sûr !
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Ainsi, on ne peut considérer ces demandes comme un critère unique, et les relier au seul manque de places : précisément, ce n’est pas le seul angle sous lequel il faut analyser le différentiel entre le nombre d’enfants pour lesquels les parents auraient fait une démarche préalable et le nombre d’enfants réellement scolarisés.
De plus, cette comptabilité ne permettrait pas d’obtenir une vision exacte de la situation, dans la mesure où certains parents, potentiellement concernés, ne formulent pas cette demande : dire que ce chiffre nous renverrait à un manque de places ne serait pas exact, étant donné qu’un nombre parfois important de familles n’accomplissent pas cette démarche.
En conséquence, cette comptabilité ne nous paraît pas suffisamment significative, du moins pour que des enseignements puissent en être tirés.
M. Michel Le Scouarnec. Ces chiffres seraient utiles, même si la réalité peut être difficile à évaluer !
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Mon cher collègue, vous en convenez vous-même ! Vous comprendrez donc que la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Le Scouarnec, l’amendement n° 84 est-il maintenu ?
M. Michel Le Scouarnec. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 181, présenté par M. Dantec, Mmes Bouchoux et Blandin, M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Si la famille souhaite inscrire l'enfant dans une classe qui propose un enseignement en langue régionale, il est accueilli dans l'établissement le plus proche proposant ce type d'enseignement. »
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Au-delà de notre souhait de voir les enfants de moins de trois ans accueillis au sein des structures scolaires de la République, nous estimons que fournir une offre d’enseignement en langues régionales adaptée et suffisante doit être un des objectifs de ce projet de loi de refondation de l’école de la République. Cette politique doit être mise en œuvre dès le plus jeune âge, ce qui sera du reste un juste retour de l’histoire !
Comme l’a pertinemment souligné notre collègue Corinne Bouchoux lors de la discussion générale, nous ne sommes plus en 1880 : la diversité linguistique n’est plus une crainte à entretenir mais une richesse culturelle patrimoniale et, partant, un atout.
Pour mettre en œuvre ce principe, l’offre d’enseignement de langues régionales ou en langue régionale devra être progressivement généralisée dans les aires géographiques où elle est en usage. Lorsque les familles demandent que leurs enfants puissent bénéficier d’un enseignement en langue régionale, leur requête doit être satisfaite de manière appropriée, c'est-à-dire dans le respect des principes de proximité et de continuité. Aussi cet amendement tend-il à permettre aux familles ne pouvant bénéficier de cet enseignement dans leur commune de résidence de voir leurs enfants accueillis dans une commune voisine. (Mme Corinne Bouchoux applaudit.)