Mme Laurence Rossignol. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crains qu’il ne m’appartienne aujourd’hui d’être la porte-parole du lobby des poissons, encore que mon collègue du groupe Europe-Écologie-Les Verts se soit employé à les défendre tout à l’heure. Ce lobby étant peu bruyant, vous me l’accorderez, et peu actif devant les sous-préfectures, il faut bien que quelqu’un assume ce rôle ! (Sourires.)
Il me paraît d’autant plus important de le faire que je ne suis pas sûre que le monde des pêcheurs, parce qu’il s’agit de la ressource qui assure son activité économique, soit a priori porté à veiller à la reproduction de cette ressource, de même qu’il n’est pas sûr que les agriculteurs aient toujours su se protéger et protéger les terres et les nappes phréatiques des intrants phytosanitaires, de même qu’il n’est pas sûr que les constructeurs automobiles aient été les mieux placés pour nous protéger des émissions de CO2 !
Notre rôle consiste d’ailleurs à réguler ce qui n’est pas spontanément régulable, dans un monde où la surpêche est le corollaire de la surconsommation de poisson. Il faut le dire, nous consommons trop de poisson !
La pêche, d’un point de vue économique, présente la spécificité d’être la dernière activité de cueillette sur un stock sauvage, dont nous ne contrôlons ni la production ni la reproduction.
Il est nécessaire de rappeler quelques chiffres concernant la réserve halieutique : 47 % des stocks évalués dans le nord-est de l’Atlantique et 80 % des stocks évalués en Méditerranée sont menacés de surpêche.
J’y ajouterai quelques chiffres traduisant le poids macroéconomique de la pêche dans notre pays. Cette activité est certes importante, mais elle est subventionnée à hauteur de 80 % de son chiffres d’affaires : 875 millions d’euros de subventions sont versés, alors que l’ensemble du secteur dégage un chiffre d’affaires de 1,1 milliard d’euros. Ce taux est très élevé : l’agriculture, qui est souvent montrée du doigt, n’est subventionnée qu’à hauteur de 30 % !
L’objet de mon propos n’est pas de dénigrer les marins-pêcheurs, mais de faire remarquer que ce secteur perçoit environ 6 000 euros de subventions par emploi, sachant que les subventions sont réservées à la pêche industrielle et semi-industrielle, la pêche artisanale côtière n’en bénéficiant pas.
En effet, la France a adopté une définition de la pêche artisanale un peu particulière : alors que, partout ailleurs, la taille des bateaux de cette catégorie est limitée à douze mètres, en France la limite est fixée à vingt-quatre mètres. Notre pêche « artisanale » est donc en large partie semi-industrielle, et c’est elle qui draine la grande majorité des subventions.
Je rappelle ces éléments, parce qu’un tel niveau de subventions nous permet de disposer des outils économiques, financiers et budgétaires d’intervention pour penser l’accompagnement et la transition d’une activité qui, aujourd’hui, n’est plus adaptée aux nécessités de la préservation de la biodiversité.
Envisager la politique commune de la pêche suppose donc de penser la pêche à l’horizon de 2020 et non pas de continuer simplement à subventionner les pêcheurs pour préparer leur propre disparition. Il nous faut penser la pêche durable comme on pense l’agriculture durable : l’agriculture intensive a exploité les sols, la pêche intensive exploite la ressource ! Or ce que fait aujourd’hui Stéphane Le Foll pour l’agriculture prouve qu’il est possible de promouvoir une agriculture biologique en partenariat avec le monde agricole traditionnel.
C’est la raison pour laquelle j’estime que nous n’aurions rien eu à perdre à soutenir la position du Parlement européen, qui permet de viser la fin de l’érosion des écosystèmes à l’horizon de 2015 et la reconstitution des stocks à partir de 2020.
Il faut d’abord réduire puis éliminer les captures indésirées. Je ne comprends pas la crispation de certains de nos collègues sur la question de l’interdiction des rejets…
Mme Odette Herviaux. Vous ne travaillez pas sur un bateau !
Mme Laurence Rossignol. Peut-être, mais il existe de très nombreuses activités que je n’exerce pas et sur lesquelles je suis appelée à légiférer. Fort heureusement, je ne suis pas supposée les exercer pour être compétente et légitime en tant que parlementaire !
Je sais simplement que, selon les évaluations des scientifiques, un quart du prélèvement est aujourd’hui rejeté. L’interdiction des rejets est indispensable, ne serait-ce que pour garantir la transparence nécessaire aux travaux des scientifiques.
Je ne comprends pas non plus le débat sur les farines animales, car les mêmes qui s’opposent à l’interdiction des rejets y voient une monstruosité voulue par les groupes industriels.
L’Union européenne, dans un souci d’équité avec les nouveaux États membres, a autorisé l’aquaculture et contribué à son développement. Nous importons aujourd’hui 92 % des farines utilisées pour l’aquaculture : quel problème y aurait-il à fabriquer ces farines en Europe, avec nos propres rejets ?
S’agissant de la pêche profonde, l’Union européenne va en effet être amenée à se déterminer par rapport aux préconisations de l’ONU.
En six ans, la pêche profonde a épuisé plus de 80 % des ressources halieutiques en eau profonde dans l’Atlantique Nord-Est.
En outre, je signale que, pour la pêche en eau profonde, le ratio s’établit à 3,5 kilogrammes de fioul par kilogramme de capture, alors que ce ratio s’établit à 1,5 pour les autres activités de pêche.
Le lien doit donc être établi entre le développement de cette activité et le dérèglement climatique, et nous serions bien inspirés de soutenir les préconisations de l’ONU dans ce dossier !
Pour conclure, dans ce débat sur la politique européenne de la pêche, notamment sur la question de l’interdiction des rejets, je ne peux m’empêcher de percevoir comme l’expression d’une forme de scepticisme à l’égard de la pertinence des conclusions des scientifiques sur l’épuisement des ressources halieutiques. Cette attitude n’est pas sans me rappeler celle des climato-sceptiques, qui ont longtemps retardé la mise en œuvre d’une politique destinée à combattre le dérèglement climatique, politique encore relativement insuffisante compte tenu des projections établies pour les trente années à venir.
Je crains donc que la défense à tout crin des marins-pêcheurs et de la pêche comme activité industrielle ne soit pas le meilleur service à rendre à cette activité, au moins dans une perspective durable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. André Gattolin et Marcel-Pierre Cléach applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la pêche constitue une activité essentielle dans l’ensemble de nos outre-mer, y compris en Guyane, seul territoire non insulaire.
C’est un secteur traditionnel, mais porteur d’innovations, qui joue un rôle économique et social vital. Je rappelle que la pêche ultramarine représente une part importante de la pêche nationale, avec près de 35 % de la flotte artisanale française et 20 % des effectifs de marins-pêcheurs.
Pêche hauturière, pêche palangrière, pêche côtière, comme dans d’autres secteurs économiques, cette activité est marquée par la diversité des situations, selon les bassins maritimes et les collectivités considérées, et par de fortes différences avec la pêche des flottes européennes.
Comment assimiler pêches ultramarines et pêche européenne ? Il y a là une aberration, quelles que soient les perspectives : de l’état de la ressource à la structure de la flotte, en passant par les techniques de pêche ou la sociologie du monde de la pêche, le décalage est manifeste ! Pourtant, nous avons le plus grand mal à le faire admettre à Bruxelles en vue d’obtenir un traitement différencié.
C’est pourquoi notre délégation à l’outre-mer, inquiète du sort qui serait réservé à la pêche des régions ultrapériphériques dans la réforme de la politique commune de la pêche, a pris l’initiative, en mai 2012, il y a presqu’un an déjà, de faire adopter par le Sénat une résolution européenne, afin d’épauler le Gouvernement dans ses négociations à Bruxelles et d’obtenir une meilleure prise en compte des réalités différentes de la pêche dans les outre-mer.
L’élaboration de cette résolution avait été confiée à nos excellents collègues Maurice Antiste et Charles Revet. (M. André Gattolin applaudit.)
Avec la commission des affaires européennes, nous avions demandé l’organisation d’un débat, qui a eu lieu le 12 juillet dernier. Qu’est-il advenu depuis ?
Le ministre des outre-mer, Victorin Lurel, qui a été entendu par notre délégation le 19 mars dernier, a annoncé des négociations bien engagées. Il semble cependant que la Commission européenne, tout en faisant quelques concessions de principe, campe sur son hostilité envers les aménagements quand on passe aux mesures concrètes. Elle refuse d’ailleurs obstinément l’insertion dans le règlement de base de toute référence à l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notre « Graal », qui constitue le socle juridique permettant des mesures dérogatoires pour les RUP.
Ainsi la Commission a-t-elle proposé un accord sur le principe d’une meilleure association des RUP au sein des comités consultatifs existants, alors que la France formule une demande plus ambitieuse : la constitution d’un comité propre aux RUP, subdivisé en bassins maritimes permettant de présenter des avis éclairés sur les évolutions de la réglementation.
En outre, la Commission européenne donne son accord à la modernisation de la flotte, mais à la stricte condition que cela n’entraîne pas d’augmentation de la capacité de pêche eu égard à l’état de la ressource. Or il n’existe pas, dans nos outre-mer, d’évaluation scientifique fiable de l’état de la ressource, l’IFREMER n’ayant fait aucune estimation dans ce domaine. Il est donc fort à craindre que la généreuse avancée de la Commission sur la question de la modernisation des équipements ne reste qu’une pétition de principe.
Dans le processus de codécision, peut-on compter sur l’appui du Parlement européen pour aller de l’avant et aboutir à une réelle prise en compte des spécificités ultramarines ? Je vous pose la question, monsieur le ministre.
Mon optimisme est également nuancé par le retard du processus de révision du règlement FEAMP. Le vote du Parlement, qui était prévu le 22 avril, a été reporté à l’été… Le calendrier prend du retard et l’échéance de la fin 2013 s’approche, avec le risque que de nouveaux programmes ne puissent être engagés !
Concernant l’instrument financier, la France demande que le futur fonds comporte une enveloppe dédiée à la zone de convergence, avec des procédures assouplies et des mécanismes d’avances de fonds : où en est-on sur ces points dans la négociation ? Il semble que la Commission ait simplement, là encore, donné un accord de principe sur une simplification des règles de gestion !
Enfin, la rumeur enfle s’agissant des intentions du commissaire européen à l’agriculture de modifier en profondeur le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité agricole. Ne risque-t-on pas de priver de modèle la démarche française, qui tendait justement à instaurer pour la pêche un dispositif équivalent de compensation des surcoûts subis par la filière, en somme une sorte de « POSEI pêche » ?
Une autre évolution à venir, celle du règlement fixant le cadre des aides de minimis, accroît encore le risque encouru par nos petites entreprises artisanales, déjà confrontées à de lourdes difficultés, notamment la concurrence illégale des bateaux de pays tiers, en particulier brésiliens, et parfois même des actes de piraterie, toujours de la part des Brésiliens, ainsi qu’à la pollution à la chlordécone ou au mercure.
Monsieur le ministre, est-il aujourd’hui en votre pouvoir de dissiper toutes les ombres venues masquer les lueurs d’espoir qui se dessinaient ? Nous avons conscience de la difficulté de la tâche et de la dureté du combat, pour reprendre les termes de mon collègue Maurice Antiste, mais nous comptons sur votre vigilance et votre pugnacité pour défendre un secteur à fort potentiel de développement dans nos outre-mer, porteur de sens et de lien social. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à excuser mon excellent collègue et ami Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, qui accompagne aujourd’hui le Président de la République en Chine. Chacun comprendra, je n’en doute pas, les raisons de son absence, compte tenu de l’importance pour l’économie française de l’industrie des transports et du marché chinois pour celle-ci.
Vous connaissez son implication, sa compétence et son intérêt marqué pour la pêche et la mer en général. Je l’ai croisé lundi dernier à Luxembourg, où il participait à un nouveau tour de table sur la réforme de la politique commune de la pêche, la PCP, tandis que je me rendais au conseil Affaires générales et au conseil Affaires étrangères. Dans la mesure où l’initiative de M. Jean-Claude Merceron visait à provoquer un débat européen sur la PCP, il me semble que j’ai toute légitimité, en tant que ministre chargé des affaires européennes, pour être le porte-parole de mon collègue.
Frédéric Cuvillier avait eu l’occasion d’échanger longuement avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, le 12 juillet dernier, dans le cadre d’un débat portant sur la réforme de la politique commune de la pêche. L’intérêt du Sénat pour ce sujet est connu. Le rapport de M. Cléach, à la fin de l’année 2008, est d’ailleurs une des illustrations de cet intérêt.
Vous avez constitué un groupe de travail, il y a de cela un an, dans lequel des sénatrices et sénateurs de sensibilités politiques différentes et de commissions diverses avaient travaillé ensemble, comme c’est souvent le cas dans cette assemblée, pour définir la position du Sénat sur ce sujet essentiel pour la pêche française.
Ce travail avait abouti à l’adoption à l’unanimité, plusieurs d’entre vous l’ont rappelé, de deux propositions de résolutions européennes, l’une sur la réforme elle-même, l’autre sur ses incidences sur la pêche dans les zones ultramarines. Le Gouvernement s’en était d’ailleurs félicité.
En tant que membre du Gouvernement, je tiens à dire ici tout l’intérêt que celui-ci attache à une telle implication des parlementaires, notamment des sénateurs, alors qu’il s’agit d’une politique très largement communautarisée.
La pêche constitue une activité économique importante et structurante pour notre littoral. L’un d’entre vous a parlé du « plus beau métier du monde », tandis qu’un autre orateur me rappelait que nous accueillions, voilà peu, quelques apprentis ayant choisi de vivre une grande partie de leur vie sur un bateau.
Cette activité a engendré en 2010 plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires et représente plus de 90 000 emplois directs et induits. Je prends le risque de citer ces chiffres devant les spécialistes, bretons, vendéens ou martiniquais, que vous êtes. Heureusement, il y a ici quelques continentaux…
M. Marcel-Pierre Cléach. Je suis breton !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Peut-être vous, monsieur Gattolin ? J’ai cru comprendre que vous veniez de l’Isère, qui alimente en quelque sorte la mer…
M. André Gattolin. Il y a le lac Léman ! (Sourires.)
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Où on peut pêcher la féra !
L’aquaculture ne doit pas être laissée de côté : son chiffre d’affaires de 680 millions d’euros parle de lui-même. Ce constat nous oblige : la France doit participer aux discussions européennes sur cette réforme pour promouvoir l’objectif que nous partageons tous, fondé sur une approche équilibrée du développement durable.
La future politique commune de la pêche doit en effet permettre de maintenir un taux d’emploi élevé sur le littoral et au sein de la filière pêche.
La France défend aussi un renforcement du droit social des marins-pêcheurs et plaide notamment en faveur de l’harmonisation des conditions de vie et des conditions sociales ainsi que de l’amélioration de la sécurité à bord des navires, sujet auquel M. Bocquet est particulièrement attaché.
Vous le savez, la période que nous traversons est une période charnière pour la pêche et l’aquaculture françaises et européennes.
C’est pourquoi, dès sa nomination, le Gouvernement s’est mobilisé sur ce dossier d’actualité majeur pour l’avenir de la pêche et de l’aquaculture françaises et européennes qu’est la réforme de la PCP.
La politique commune de la pêche est en effet très intégrée au niveau européen. Il est essentiel que nous soyons constamment présents aux Conseils des ministres de l’Union européenne, pour défendre nos positions et pour parvenir à des résultats concrets. Frédéric Cuvillier est particulièrement conscient de cet enjeu. C’est la raison pour laquelle il a participé, depuis sa prise de fonction, à huit Conseils, qu’il s’agisse de négociations sur les quotas de pêche ou sur la réforme de la PCP. Lors de quatre d’entre eux, les discussions se sont achevées au petit matin, après des heures de négociations…
Vous le savez, la réforme engagée est une réforme d’ampleur portant sur tous les volets de la PCP, dans le cadre de trois règlements : un règlement de base, afin de définir les grands principes pour les dix prochaines années ; une organisation commune des marchés, afin d’améliorer la structuration de la filière et de favoriser une meilleure valorisation des produits de la pêche et de l’aquaculture ; la création du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, instrument financier indispensable pour accompagner le secteur face aux enjeux auxquels il est confronté.
Pour la première fois, des textes d’importance dans le domaine de la pêche seront adoptés selon la procédure législative ordinaire, celle de la codécision entre le Conseil des ministres et le Parlement européen.
Les deux institutions ont adopté leurs positions respectives à une large majorité. Si elles partagent les mêmes grands objectifs pour cette réforme, à savoir la promotion d’une pêche durable et responsable, elles révèlent parfois leurs divergences sur les modalités pratiques de mise en œuvre.
Les négociations sont désormais bien entamées sur ces trois textes fondamentaux. Vous avez mentionné l’accélération du calendrier, avec un mandat révisé souhaité par le Président du Conseil. Nous sommes prêts à soutenir ce nouveau calendrier, mais la forme ne doit pas prendre le pas sur le fond : nous avons nos lignes rouges.
Premièrement, le règlement portant organisation commune des marchés est le texte le plus avancé. Le Conseil a finalisé sa position le 12 juin dernier et le Parlement européen l’a fait en septembre 2012. Nous sommes désormais dans la phase finale du trilogue, et les deux institutions s’approchent d’un accord sur les principaux points du compromis : le renforcement des organisations de producteurs, la reconnaissance des interprofessions et de leurs missions, l’amélioration de l’information du consommateur et une concurrence équilibrée entre les produits européens et importés.
Le dernier point de discussion concerne les informations obligatoires en matière d’étiquetage. La France, à l’instar du Conseil, n’est pas favorable à l’inclusion de la date de capture dans les informations à destination du consommateur. Cela pourrait en effet induire le consommateur en erreur, notamment pour le poisson capturé à l’occasion de sorties de plusieurs jours et qui est conservé à bord. Le poisson frais et de qualité, ce n’est pas nécessairement le poisson du jour.
Deuxièmement, les discussions sont en revanche plus longues et les négociations plus difficiles en ce qui concerne le règlement de base de la PCP. Vous en connaissez les thèmes principaux, qui suscitent tout particulièrement l’inquiétude des pêcheurs.
Les positions de la France ont été prises en compte dans le cadre de la position du Conseil, laquelle a été adoptée après de longues nuits de négociation les 12 juin et 26 février derniers.
Cette position reflète le compromis délicat trouvé sur tous ces sujets-clés entre les différents États membres. Elle fait droit aux demandes de la France, soucieuse d’une vision équilibrée de la pêche, qui doit à la fois permettre le maintien de nos emplois sur le littoral et au sein de la filière et préserver les ressources halieutiques.
Sur le rendement maximum durable tout d’abord, la position du Conseil est à la fois ambitieuse et équilibrée. Pour la première fois, cette notion de gestion des pêches sera inscrite dans le règlement de base de la politique commune.
Le rendement maximum durable sera atteint de manière progressive en 2015 lorsque ce sera possible ou en 2020 au plus tard en vue d’assurer tout à la fois une exploitation durable des ressources permettant leur renouvellement et la gestion des impacts socioéconomiques d’une adaptation qui pourrait sinon être trop brutale.
Il est essentiel en effet de prendre en compte la réalité des pêcheries françaises, qui sont le plus souvent mixtes et polyvalentes. Cette flexibilité permettra donc une transition en souplesse, dans un contexte d’amélioration progressive de la situation des stocks dans les eaux de l’Union européenne.
À cet égard, monsieur Gattolin, les chiffres de la Commission européenne elle-même sont éclairants : en Atlantique du Nord-Est, la surexploitation des stocks, qui était de 75 % en 2010, est passée à 47 % en 2012. Des efforts restent à faire, mais reconnaissez que nous sommes sur la bonne voie !
Les résultats très positifs obtenus lors du dernier Conseil de décembre sur les quotas de pêche en témoignent : de plus en plus de stocks de poissons sont ainsi au rendement maximum durable. C’est une évolution positive, à laquelle le rapprochement entre scientifiques et pêcheurs a beaucoup contribué. À cet égard, je tiens à souligner l’intérêt des travaux menés par l’IFREMER, que vous avez été plusieurs à saluer.
Le Parlement européen est favorable à une rédaction encore plus contraignante, qui nécessiterait des ajustements importants pour nos pêcheries si elle était adoptée, mais, M. Retailleau ayant présenté la situation dans le détail, je n’y reviens pas.
Je tiens cependant à dire que la rédaction que retiendra le Conseil fait partie de nos lignes rouges dans la négociation, et Frédéric Cuvillier l’a une nouvelle fois répété lundi, lors du dernier Conseil à Luxembourg.
Nous sommes également fermement opposés à l’introduction obligatoire d’un système de concessions de pêche transférables.
Un tel système convient peut-être aux caractéristiques de la pêche dans d’autres États membres, mais il est parfaitement incompatible avec la conception et l’organisation françaises en matière de gestion des pêches.
Il entraînerait une privatisation des droits d’accès incompatible avec les spécificités de la ressource halieutique, qui constitue un bien public.
En outre, il favoriserait la spéculation et la concentration des possibilités de pêche, au détriment des unités artisanales les plus fragiles, ce qui n’est pas conforme à notre souhait de préserver la diversité de la pêche française dans toutes ses composantes et tous ses métiers, comme l’a souligné Frédérique Espagnac.
C’est pourquoi nous avons obtenu que chaque État membre définisse son propre système d’attribution des droits de pêche, conformément au principe de subsidiarité.
Le Parlement européen s’est lui aussi opposé à l’adoption de concessions de pêche transférables.
M. Jean-Claude Merceron. Très bien !