M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 217 rectifié bis.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe CRC et, l'autre, du groupe socialiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 171 :
Nombre de votants | 207 |
Nombre de suffrages exprimés | 205 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 103 |
Pour l’adoption | 20 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 6 est présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 569 rectifié est présenté par MM. Desessard et Placé, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéa 1
Après le mot :
salariés
insérer les mots :
et aux stagiaires
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 6.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Par cet amendement, nous proposons que l’ensemble des stagiaires soient couverts par une complémentaire santé, dans la mesure où ils contribuent par leur travail à la valeur ajoutée de l’entreprise.
Il convient de rappeler que 33 % des jeunes déclarent renoncer aux soins pour des raisons financières. Les articles 1er et 2, qui sont relatifs à la couverture complémentaire santé collective de branche ou d’entreprise, ont pour objectif de généraliser, à l’horizon de 2016, la complémentaire santé aux quatre millions de salariés non couverts actuellement.
Outre le fait qu’il s’agit là, on vient de le redire, d’une attaque larvée contre la sécurité sociale et sa philosophie universaliste et solidaire, puisque cette formule impose une couverture sociale professionnelle des risques de santé parallèle à celle offerte par la sécurité sociale, une telle mesure ouvre la porte à l’institutionnalisation d’une différenciation des niveaux de prise en charge des malades en fonction des branches d’activité et s’oppose de ce fait à une couverture universelle des assurés sociaux.
Par ailleurs, le cas de nombreuses personnes n’est pas envisagé dans le projet de loi, qui ne concerne que les salariés. Bon nombre de retraités, de professions indépendantes, de personnes sans emploi et d’étudiants ne sont pas considérés. Cette mesure est donc insuffisante pour permettre un réel accès aux soins.
Il est nécessaire de prendre en compte les jeunes. En effet, plus de 1,5 million de stages ont lieu chaque année en dehors du droit du travail. Un jeune sur quatre est au chômage, des centaines de milliers d’étudiants cumulent des mois de travail mal payés n’ouvrant droit à aucune protection sociale et de plus en plus de stages remplacent de vrais emplois.
Le Président de la République s’est engagé, on le sait, lors de sa campagne électorale du printemps 2012, à mieux encadrer les stages. Selon nous, cet encadrement devrait commencer par permettre aux stagiaires un accès à une couverture complémentaire de qualité, pour reprendre les mots qui étaient les siens il y a encore moins d’un an.
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé, pour présenter l’amendement n° 569 rectifié.
M. Jean-Vincent Placé. Cet amendement important, auquel mon collègue Jean Desessard est associé, vise à faire bénéficier les stagiaires de la couverture collective à adhésion obligatoire en matière de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident.
Dans la mesure où nous souhaitons généraliser la complémentaire santé, celle-ci doit s’appliquer le plus largement possible. Les CDD, même très courts, étant concernés par ce dispositif, pourquoi les stagiaires ne le seraient-ils pas ? Je ne souhaite pas faire ici l’amalgame entre salariés et stagiaires. Le stagiaire est en formation dans l’entreprise et dépend d’une université, d’une école ou d’un organisme de formation. C’est pourquoi d’ailleurs il reçoit une gratification et non pas un salaire. À mes yeux, une telle distinction protège le stagiaire. Il serait en effet très inquiétant de considérer le stagiaire comme un salarié de plein exercice que l’on peut exploiter à bas prix.
Toutefois, il faut bien voir la réalité quotidienne, à savoir la précarité dans laquelle sont plongés certains stagiaires. Vivant avec moins de 500 euros par mois, s’il ne touche que l’indemnité légale, l’étudiant doit arbitrer entre un logement décent, une alimentation correcte, les sorties, les frais liés à la scolarité et à la santé. Autant dire que, pour un jeune en pleine forme, la santé n’est pas une priorité. Pourtant, le jour où il est victime d’un accident ou d’une maladie, la situation devient vite très complexe s’il n’a pas pris de complémentaire santé individuelle. Faute de soins adaptés, il conservera d’un tel épisode des séquelles, parfois à vie.
Cette précarité est une réalité. Il est donc urgent de ne pas laisser les stagiaires de côté. Tel est le sens de cet amendement, qui nous semble extrêmement important.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Les auteurs de ces deux amendements identiques ont bien entendu raison d’appeler notre attention sur la situation parfois précaire des stagiaires. Malheureusement, je ne peux, au nom de la commission, qu’émettre un avis défavorable, dans la mesure où les stagiaires n’entrent pas dans le champ de l’accord, qui ne concerne que les salariés.
M. Jean-Vincent Placé. L’accord, rien que l’accord !
Mme Éliane Assassi. Qui est « historique » !
Mme Catherine Procaccia. Rien que l’accord ? Ce n’est pas toujours le cas !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Ces deux amendements identiques soulèvent la question des stagiaires, dont le sort sera également évoqué par d’autres amendements. Je me permets donc de donner dès à présent une réponse globale, afin de ne pas avoir à me répéter à chaque fois.
Les stagiaires rencontrent de vraies et graves difficultés, qui sont d’ailleurs de deux natures. Certains cherchent désespérément un stage et n’en trouvent pas,…
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Michel Sapin, ministre. … tandis que d’autres sont utilisés à des postes qui devraient revenir à des salariés. Ces deux situations sont anormales.
Mme Éliane Assassi. Nous sommes d’accord !
M. Michel Sapin, ministre. Les stagiaires ne sont pas salariés de l’entreprise. Ils ne peuvent donc bénéficier des mêmes droits que ces derniers, chacun voit bien pourquoi. Nous luttons justement pour que les stagiaires ne puissent pas rester trop longtemps au sein d’une même entreprise. Un stage qui dure six mois, puis encore six mois et à nouveau six mois, c’est une situation inacceptable ! Quand on est dans le long terme, on n’est pas stagiaire, mais salarié. Il faut réformer les choses, pour que les personnes concernées puissent bénéficier totalement des droits des salariés, non plus en tant que stagiaires, mais en tant que salariés.
Ainsi, si les problèmes posés sont réels, nous ne devons pas pour autant considérer les stagiaires comme des salariés. Et s’ils doivent être considérés comme des salariés, il faut les faire basculer du côté des salariés. C’est la raison pour laquelle il faut faire très attention à ne pas mélanger les deux statuts. Traitons les stagiaires comme des stagiaires dont les droits et les protections doivent être renforcés, y compris en termes de complémentaire santé, mais sans considérer qu’ils sont des salariés. Au bout du compte, une telle confusion ne serait d’ailleurs pas favorable aux stagiaires. Soit on considère que le stagiaire est un salarié, et il possède tous les droits qui s’attachent à ce statut, soit on estime qu’il est un stagiaire qui doit être protégé.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement s’opposera à l’introduction dans ce texte de toute mesure concernant les stagiaires, dans la mesure où celui-ci concerne uniquement les salariés.
En revanche – ceux qui ont suivi les travaux de l'Assemblée nationale le savent –, les groupes de l’Assemblée nationale, en particulier le groupe socialiste – mais il n’est pas interdit de travailler avec d’autres groupes au sein de la gauche –, vont faire des propositions pour améliorer le statut des stagiaires.
D’ailleurs, la question a été soulevée lors de la réunion du comité interministériel de la jeunesse et des propositions ont commencé à être élaborées en lien avec les organisations de jeunesse, et non pas seulement avec les organisations syndicales.
Nous progresserons donc, dans les mois qui viennent, sur la question des stagiaires, y compris sur la protection santé des stagiaires qui, en tant que tels, ont évidemment droit à des complémentaires santé. Mais ne souhaitant pas que soient introduites dans ce texte qui traite des salariés des dispositions concernant les stagiaires, je demande aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. J’aimerais obtenir une confirmation, parce que je ne comprends pas toujours très vite.
Monsieur le ministre, j’ai cru entendre que la question de la couverture des stagiaires serait très prochainement examinée dans le cadre d’un texte les concernant spécifiquement. (M. le ministre le confirme.)
Dans ces conditions, avec l’accord de mon collègue Jean-Vincent Placé, je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 569 rectifié est retiré.
Monsieur Laurent, l’amendement n° 6 est-il maintenu ?
M. Pierre Laurent. Pour notre part, nous maintenons notre amendement, et je vais expliquer pourquoi.
J’ai bien entendu les réponses de M. le rapporteur et de M. le ministre, qui sont d'ailleurs un peu différentes. On nous dit que les stagiaires ne sont pas des salariés. Pour autant, ne pourrait-on, à l’occasion de ce texte, faire évoluer leur statut vers celui des salariés ?
Vous nous avez indiqué hier, monsieur le ministre, qu’il était possible, à l’occasion de la transcription de l’accord et tout en respectant celui-ci, d’introduire des améliorations. Nous avons ici une majorité pour le faire. Je ne pense pas que les organisations syndicales signataires soient opposées à ce progrès, sinon il faudra nous dire lesquelles.
Lorsque les conditions sont réunies pour accomplir un progrès, faisons-le ! Ou alors le seul argument qui vaut est celui qui a été avancé par M. le rapporteur : l’accord, rien que l’accord, et l’on ne peut toucher à rien ! Dès lors, le débat parlementaire est caduc.
Pourquoi ne pas faire un progrès quand on en a la possibilité ? C’est la raison pour laquelle nous maintenons notre amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Afin de lever toute ambiguïté, je vous confirme qu’une proposition de loi est en cours d’élaboration. Ce texte important sera considéré par le Gouvernement comme un élément de son programme législatif. La contrainte de la « niche » parlementaire, terme que je n’aime pas beaucoup, ne sera donc pas de mise.
Je vais être très clair : les stagiaires ne figurent pas dans l’ANI, mais reconnaissez que ce n’est pas l’argument que je vous ai opposé. Les organisations syndicales cosignataires sont les premières à demander des avancées en faveur des stagiaires et beaucoup de choses peuvent être faites plus largement avec l’ensemble des organisations syndicales et des organisations de jeunesse.
Attention, nous ne sommes pas dans le champ du salariat ! Il n’est bien entendu nullement interdit à des organisations syndicales de se préoccuper de la défense des stagiaires, mais il s’agit normalement – sauf en cas d’abus – d’étudiants. Les problèmes sont donc de nature différente. Par conséquent, il convient non pas de refuser un progrès pour les stagiaires, mais d’envisager la question dans son ensemble. Hormis la santé, d’autres problèmes se posent, qui ont d’ailleurs fait l’objet de nombreux amendements à l’Assemblée nationale.
Je le répète, il me paraît souhaitable d’engager une réflexion d’ensemble afin de définir un statut qui protège véritablement les stagiaires, en particulier de l’exploitation dont ils sont trop souvent victimes.
Mme Isabelle Pasquet. Il y a urgence !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je trouve chez vous une certaine constance, monsieur le ministre, puisque lorsque j’avais proposé d’intégrer les stagiaires dans les contrats de génération, vous m’aviez opposé les mêmes arguments. La différence, c’est que les groupes dont sont issus les auteurs de ces deux amendements ne m’avaient pas suivie à l’époque, ce qui prouve qu’on se préoccupe des stagiaires au gré des circonstances.
Sur la question de la complémentaire santé et de son extension aux stagiaires, qui, pour la plupart, sont des étudiants, je souligne que, si le problème de la couverture de sécurité sociale de base et de la complémentaire était réglé, peut-être n’y aurait-il pas besoin de proposer d’intégrer les stagiaires dans l’ANI.
M. Jean Desessard. Voilà !
Mme Catherine Procaccia. Je pense à certaines de nos recommandations, telles qu’une complémentaire réelle correspondant aux besoins des étudiants.
Enfin, je veux rappeler que c’est quand même l’ancienne majorité qui a fait voter une loi obligeant à rémunérer les stages de plus de deux mois. C’est bien nous qui avons fait avancer les choses ! Vous avez dit que les stagiaires peuvent enchaîner les périodes de six mois. Or – sauf si les décrets n’ont pas été publiés –, il me semble bien que c’est encore nous qui avons fait passer une loi interdisant qu’un même stagiaire puisse occuper un poste pendant plusieurs années consécutives.
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé, pour explication de vote.
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu vos arguments, qui ont d'ailleurs convaincu mon collègue Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Eh oui, que voulez-vous… (Sourires sur les travées du groupe écologiste.)
M. Jean-Vincent Placé. Sans vouloir être en contradiction avec lui ni discourtois à l’égard du Gouvernement, je préfère tenir que courir.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Jean-Vincent Placé. Siégeant pourtant depuis peu dans cette assemblée, j’ai trop souvent entendu le Gouvernement nous inviter à retirer nos amendements, au motif qu’ils seraient examinés dans un autre texte. Ce fut le cas lors d’un précédent collectif budgétaire, le ministre d’alors renvoyant au projet de loi de finances à venir nos amendements sur la fiscalité écologique.
Les progrès sociaux, les questions de réforme globale, fiscale, seront examinés ultérieurement, nous répond-on, alors qu’il s’agit parfois de dispositions que nous avions votées tous ensemble, y compris le groupe socialiste, lorsque nous étions dans l’opposition. Le projet de loi de finances venant, on nous dit alors que ces questions seront peut-être examinées dans un collectif qui aura lieu en juillet prochain. Il paraît qu’il n’y en aura plus, mais peut-être sera-t-il nécessaire d’en faire un à un moment…
Mon collègue Jean Desessard est plus convaincu que moi. Sans doute est-ce le fait de sa plus longue expérience.
M. Jean Desessard. Mais non ! Mais non !
M. Jean-Vincent Placé. Je peux vous assurer que notre numéro de duettistes n’était pas du tout préparé. (Sourires.)
Je ne vais pas manquer à la parole de mon collègue, puisqu’il a retiré l’amendement. Reste qu’étant un homme de synthèse et de compromis qui essaie, par tous les moyens possibles, de faire progresser nos positions politiques, d’y rallier les esprits, afin qu’elles se traduisent dans les faits, je voterai l’amendement proposé par nos amis du groupe CRC.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste et, l'autre, du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 172 :
Nombre de votants | 208 |
Nombre de suffrages exprimés | 206 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 104 |
Pour l’adoption | 32 |
Contre | 174 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 5, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 1
Remplacer l’année :
2016
par l’année :
2015
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Si un mécanisme de renforcement de l’accès aux soins était adopté lors de nos débats, nous ne pourrions comprendre que la généralisation des complémentaires d’entreprise puisse n’être appliquée qu’à compter de 2016. En effet, la flexibilité voulue par le MEDEF et prévue dans le reste du texte sera immédiate ou presque, alors que ce qui est vendu comme une « grande avancée sociale » pour les salariés ne sera, elle, effective qu’en 2016, voire en 2018 pour les employeurs qui voudront jouer la montre.
De même, si le mécanisme que vous proposez est véritablement une avancée considérable, comme vous l’avez répété, monsieur le ministre, alors ce délai est trop long !
Trop long pour les 400 000 salariés qui n’ont rien – je reprends vos chiffres –, parce que n’ayant pas les moyens de se payer une complémentaire santé.
Trop long pour que nous ne doutions pas de la volonté du Gouvernement. Cette disposition apparaît seulement comme un moyen de favoriser l’acceptation des reculs sociaux contenus dans le projet de loi. Cela revient à se donner bonne conscience.
Nous avons déjà eu l’occasion d’expérimenter la méthode lors du débat sur le bonus-malus énergétique. Or l’interrogation est permise si l’on considère que ce dispositif n’a pas sa place dans un texte supposé sécuriser l’emploi.
Trop long encore, car en remettant à 2016 l’obligation de conclusion de ces accords, vous donnez le sentiment que l'ambition initiale est déjà fortement diminuée. Il est toujours dangereux de renier les espoirs que l'on suscite.
Voilà pourquoi nous proposons que l'article 1er, s’il venait à être modifié, soit applicable dès 2015.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Au regard de l'urgence que vous avez relevée à juste titre, mon cher collègue, on comprend le sens de votre amendement, qui vise à anticiper le bénéfice de la complémentaire santé au 1er janvier 2015. Cependant, il ne vous aura pas échappé que le projet de loi fixe un processus de négociation de douze mois au niveau de la branche et, en cas d’absence d’accord, de dix-huit mois au niveau des entreprises.
Ce temps en deux mouvements, si vous me passez l'expression, est largement nécessaire pour permettre d'aboutir à une mise en place au 1er janvier 2016, date qui nous semble réaliste. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Monsieur le sénateur, le dispositif ne sera pas mis en œuvre « à compter de 2016 », mais au plus tard en 2016. Cela fait une grande différence !
Le processus de négociation qui vient d'être rappelé par M. le rapporteur est très important. Pour votre part, vous considérez que c’est l’accord de branche qui doit être recherché, car c’est là que se situent les marges de manœuvre entre les partenaires, particulièrement du côté syndical. L’argument que vous invoquez souvent selon lequel ce type d’accord est d’une autre nature et peut permettre d’aboutir à davantage de sécurité dans la négociation, je peux tout à fait le partager. Nous aurons d’ailleurs l’occasion d’y revenir à d’autres moments de l’examen de ce texte.
Reste qu’il faut du temps pour permettre un accord de branche, que je considère comme le meilleur procédé possible. Si l'on va trop vite, cet accord ne pourra pas être conclu ou il le sera dans de mauvaises conditions. C’est pourquoi le temps qui a été fixé est le plus adapté pour mettre en place, dans de bonnes conditions, cette avancée, terme que vous avez d’ailleurs repris à votre compte.
Sachez que cette disposition ne vient pas équilibrer un autre aspect de l'accord, qui serait en quelque sorte mauvais pour les salariés. Je comprends tout à fait que vous puissiez avoir une position différente – je respecte la démocratie, et donc les convictions de chacun –, mais je vous montrerai point par point que chaque article constitue une avancée pour les salariés. Il s'agit donc non pas d'un donnant-donnant, mais, comme je le dis souvent de façon peut-être quelque peu facile, d'un gagnant-gagnant. En l’espèce, nous pourrions tous être d'accord pour dire que les salariés vont y gagner.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Mme Catherine Procaccia. Encore !
Mme Éliane Assassi. Et l’on parle d’accord « historique » !
M. le président. Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 173 :
Nombre de votants | 165 |
Nombre de suffrages exprimés | 163 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 82 |
Pour l’adoption | 20 |
Contre | 143 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 627 rectifié bis, présenté par Mmes Procaccia, Troendle et Bruguière, MM. Savary et Dulait, Mme Deroche, MM. Cardoux, Husson et Pinton, Mme Giudicelli, MM. Buffet, Gilles et Cambon et Mme Debré, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le salarié bénéficiant à titre personnel ou en tant qu’ayant droit d’une assurance complémentaire santé à la date de signature de l’accord de branche bénéficie obligatoirement d'une dispense d'affiliation.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. À la demande de la commission, je rectifie mon amendement en remplaçant « obligatoirement » par « à sa demande ».
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 627 rectifié ter, présenté par Mmes Procaccia, Troendle et Bruguière, MM. Savary et Dulait, Mme Deroche, MM. Cardoux, Husson et Pinton, Mme Giudicelli, MM. Buffet, Gilles et Cambon et Mme Debré, et ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le salarié bénéficiant à titre personnel ou en tant qu’ayant droit d’une assurance complémentaire santé à la date de signature de l’accord de branche bénéficie à sa demande d'une dispense d'affiliation.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Catherine Procaccia. Certains salariés bénéficient déjà d’une couverture complémentaire santé grâce à leur conjoint ou à leurs parents. Nous souhaitons qu’ils puissent continuer à être assurés par cette complémentaire si celle-ci leur donne satisfaction. Nous voulons surtout éviter qu'ils paient deux fois sans que cela leur apporte quoi que ce soit.
Les salariés doivent eux aussi avoir un libre choix. Je laisse le soin au pouvoir réglementaire de fixer la liste des justificatifs que ceux-ci devront fournir pour montrer qu'ils sont effectivement couverts par une complémentaire santé.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les salariés bénéficiant d’une couverture plus favorable auprès de leur conjoint peuvent ne pas souscrire à cette couverture collective.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à inscrire explicitement dans le projet de loi que les salariés bénéficiant déjà d’une couverture plus favorable auprès de leur conjoint ou conjointe ne seront pas obligés de souscrire à l’assurance collective de leur entreprise. Une telle disposition semble assez logique.
Lors des débats à l’Assemblée nationale, le rapporteur a estimé, comme le Gouvernement, que l’objet de cet amendement était satisfait par les dispositions prévues à l’article R. 242-1-6 du code de la sécurité sociale.
Je ne partage pas complètement cette interprétation. L’article 1er prévoit en effet qu’un décret fixera la liste des catégories de salariés pouvant être dispensés de l’obligation d’affiliation, sans faire mention ou référence à l’article précité.
Cette disposition réglementaire définit en réalité les catégories pour lesquelles la dispense d’affiliation ne fait pas obstacle à la qualification de régime obligatoire pour le bénéfice des exonérations sociales.
L’étude d’impact, elle, se veut plus précise, en indiquant que seront concernés par la possibilité de dispense d’affiliation « les salariés couverts en tant qu’ayants droit par le régime collectif de leur conjoint, des salariés apprentis ou à temps partiel pour lesquels la cotisation obligatoire représenterait une part excessive de leur revenu, ou encore des salariés assurés à titre obligatoire au régime complémentaire applicable en Alsace-Moselle ».
Il serait donc plus lisible de l’écrire directement dans le projet de loi. C’est ce que tend à prévoir cet amendement.