M. Jean-Claude Lenoir. C’est la loi !
M. Daniel Raoul, rapporteur. Certes, monsieur Lenoir, mais nous pourrions discuter longuement de la façon dont certains opérateurs appliquent la loi, avec plus ou moins de bonne foi…
Le texte prévoit également certaines mesures d’accompagnement. Ainsi la composition du collège de la Commission de régulation de l’énergie a-t-elle été de nouveau revue. La proposition formulée par l’Assemblée nationale permettra de mieux harmoniser les qualifications demandées aux membres du collège avec les priorités de la nouvelle politique de l’énergie.
À cet égard, je vous proposerai un amendement de coordination avec une jurisprudence récente du Conseil constitutionnel, dont les députés n’avaient pas connaissance lors du vote du texte puisqu’elle date du 13 décembre 2012. Il vise à supprimer l’audition des membres de la CRE avant leur nomination par les commissions permanentes compétentes. L’audition du président de la CRE, prévue par l’article 13 de la Constitution, est en revanche maintenue.
Enfin, la présente proposition de loi favorise l’effacement à l’article 7 bis : en donnant une valeur économique à un comportement responsable de consommation d’énergie, elle pousse les acteurs du marché de l’énergie à éviter, lorsque c’est possible, la course à l’installation de nouvelles unités qui ne seront utilisées que quelques heures par an, autrement dit aux heures de pointe et dans les périodes de grand froid. C’est un dispositif novateur et ambitieux dont se dote notre pays.
J’en viens à présent à l’éolien.
L’article 12 bis prévoit la suppression des zones de développement de l’éolien, les ZDE. En effet, ces zones sont complexes et coûteuses à élaborer, ce qui les rend juridiquement fragiles – certains d’ailleurs en abusent –, et elles sont redondantes avec d’autres procédures. Les intérêts locaux et l’avis des communes sont en effet pleinement pris en compte aussi bien dans la procédure d’autorisation au titre des installations classées pour la protection de l’environnement, les ICPE, que dans les décisions d’urbanisme.
Je rappelle d’ailleurs que, d’une manière générale, les conditions de participation du public ont été récemment améliorées de manière notable pour les projets ayant un impact sur l’environnement, en particulier les projets éoliens : une réforme des enquêtes publiques est entrée en vigueur le 1er juin 2012, et la loi du 27 décembre 2012 a permis une mise en œuvre effective du principe de participation du public prévu par la Charte de l’environnement.
À l’article 12 bis, les députés ont retenu, sur la proposition du Gouvernement, une disposition que nous avions proposée ici en première lecture : l’autorisation ICPE devra tenir compte du schéma régional éolien.
L’article 12 ter permet de faciliter le raccordement au réseau électrique des éoliennes offshore. La commission a d’ailleurs approuvé ce matin des amendements visant à compléter ce dispositif. J’ai moi-même déposé un amendement tendant à étendre les raccordements à l’échelon européen ; je pense essentiellement aux interconnexions avec l’Espagne ou l’Allemagne. Cela nous évitera peut-être la construction de certaines centrales.
L’article 15 supprime la règle dite « des cinq mâts ». Instaurée par la loi Grenelle II, cette règle prévoit que l’obligation d’achat ne peut être accordée qu’à des unités de production constituées d’au moins cinq aérogénérateurs. Cette mesure s’étant révélé une source de blocage considérable, elle doit être aménagée.
Faut-il la supprimer complètement ? La commission a adopté la semaine dernière l’article 15 afin de pouvoir revenir sur cette question en séance plénière. À cet égard, je vous présenterai, avec le soutien de la commission, qui l’a approuvé ce matin, un amendement visant à revenir au texte adopté ici à l’unanimité dans le cadre de la loi Grenelle, à savoir l’instauration d’une règle mixte : soit trois mâts, soit une puissance minimale de 6 mégawatts. Il pourra être procédé à une extension d’un parc existant mât par mât. Autrement dit, la règle des trois mâts ne s’applique pas pour les parcs existants et une extension à l’unité est possible.
Je rappelle enfin que la limitation à trois mâts a déjà été proposée plusieurs fois au Sénat, notamment par le rapporteur de la loi Grenelle II, M. Bruno Sido, et par notre collège Roland Courteau, dans sa proposition de loi du 5 juillet 2012 relative au développement de la production d’énergie éolienne terrestre.
Enfin, le texte comporte deux articles consacrés à la tarification de l’eau, qui seront présentés par notre collègue Michel Teston, rapporteur pour avis au nom de la commission du développement durable, à laquelle les articles 13 et 14 ont été délégués sur le fond.
Voilà donc, mes chers collègues, les principaux éléments du texte sur lequel notre assemblée est appelée, à présent, à se prononcer.
En complément des quelques explications relatives à la procédure législative propre à la nouvelle lecture que j’ai déjà apportées, je tiens à rappeler quelques points, afin que les choses soient parfaitement claires.
Nous discutons sur la base du texte voté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale, en suivant la règle non pas de l’entonnoir, mais de la seringue, comme je l’ai baptisée. En lecture définitive, l’Assemblée nationale pourra reprendre certains amendements votés au Sénat si un texte est adopté par notre assemblée. J’espère donc, mes chers collègues, que nous parviendrons à apporter notre contribution à l’élaboration de la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Teston, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en première lecture, la commission du développement durable s’était saisie pour avis des quatre articles de la proposition de loi relatifs à l’énergie éolienne. Elle était, en outre, saisie au fond sur les deux articles relatifs à la tarification de l’eau.
Nous retrouvons ces six articles en nouvelle lecture, dans une rédaction très légèrement différente en ce qui concerne l’éolien, et plus substantiellement modifiée pour ce qui concerne l’eau.
La commission du développement durable s’est déclarée favorable à l’adoption sans modification de l’article 12 bis, qui supprime les zones de développement de l’éolien, ou ZDE. En effet, avec l’instauration des schémas régionaux éoliens et la soumission des éoliennes au régime des installations classées pour la protection de l’environnement, ou ICPE, les ZDE apparaissent désormais comme une strate superfétatoire dans l’empilement des autorisations administratives qui conditionnent la réalisation des projets éoliens.
Par rapport à la première lecture, l’Assemblée nationale a simplement précisé l’articulation juridique entre le schéma régional éolien et l’autorisation ICPE, celle-ci devant tenir compte des zones favorables déterminées par le premier. Cette précision est tout à fait judicieuse.
La commission du développement durable a également émis un avis favorable à l’adoption sans modification de l’article 12 ter, qui autorise le passage des canalisations électriques de raccordement des éoliennes off shore en souterrain à travers les sites et espaces remarquables du littoral.
De même, elle a émis un avis favorable à l’adoption sans modification de l’article 12 quater, qui permet de déroger au principe d’urbanisation en continuité posé par la loi Littoral, pour implanter outre-mer des éoliennes terrestres.
Enfin, elle a émis un avis favorable à l’adoption sans modification de l’article 15, qui supprime le seuil minimum de cinq mâts par parc éolien, qui avait été instauré par la loi dite « Grenelle II ». J’ai bien entendu les propos tenus à ce sujet par le président et rapporteur de la commission des affaires économiques.
Mon intervention sera plus détaillée sur les articles 13 et 14, relatifs à la tarification de l’eau, parce qu’ils ont fait l’objet de nombreuses modifications en nouvelle lecture, tout d'abord, et parce que la commission des affaires économiques a décidé de les déléguer au fond à notre commission, surtout.
Pour rappel, l’article 13 de la proposition de loi complétait le code général des collectivités territoriales pour prévoir explicitement la tarification sociale du service de l’eau.
L’article 14 préparait, quant à lui, le lancement d’une grande expérimentation nationale, sur cinq ans, permettant aux collectivités territoriales de mettre en place un système de tarification sociale de l’eau.
Le Gouvernement a déposé six amendements sur ces deux articles. L’objectif général a été de garantir la sécurité juridique du dispositif d’expérimentation.
À l’article 13, tout d’abord, un amendement du Gouvernement a supprimé le troisième alinéa. Les premiers alinéas de l’article 13 prévoient, je le rappelle, que les ménages occupants d’immeubles à titre principal peuvent constituer une catégorie d’usagers, à laquelle un tarif spécifique est appliqué. Le troisième alinéa détaillait les modalités possibles de mise en œuvre de ce tarif spécial, citant notamment la possibilité d’une première tranche gratuite et la tarification différenciée en fonction des revenus du ménage ou de la composition du foyer.
L’objectif était de favoriser la mise en œuvre du droit à l’eau et de sécuriser le dispositif de tarification progressive et sociale déjà mis en place dans certaines collectivités, comme à Dunkerque, par exemple.
Le Gouvernement justifie la suppression de cet alinéa par l’imprécision de ces dispositions, qui fragilisait le dispositif juridique mis en place. Il convient donc de ne pas modifier le droit existant sur ce point et, en contrepartie, de mieux encadrer l’expérimentation prévue à l’article 14. De cette manière, le droit existant reste précis, et les modalités expérimentales de mise en place d’une tarification progressive et sociale de l’eau sont laissées en dehors du code général des collectivités territoriales.
La commission du développement durable a émis un avis favorable sur cet article, qui sécurise l’articulation entre les dispositions du code et celles qui relèvent de l’expérimentation. La commission souhaite toutefois attirer l’attention du Gouvernement sur un point : en l’état actuel de la proposition de loi, les collectivités territoriales ayant mis en place une tarification progressive et sociale de l’eau, notamment celles qui ont opté pour une première tranche de consommation gratuite, risquent de voir leur situation juridique fragilisée en cas de recours. En revanche, les collectivités qui se lancent, à l’avenir, dans la tarification sociale bénéficieront incontestablement d’un cadre juridique sécurisé et renforcé.
À l’article 14, cinq amendements du Gouvernement ont précisé les contours de l’expérimentation sur quatre points principaux : l’entrée en vigueur de l’expérimentation, les modalités de calcul du tarif social, l’articulation de l’expérimentation avec les autres dispositifs d’aide existants, et la question sensible de l’accès aux données personnelles des abonnés.
Un premier amendement a visé à consacrer le report de la date de début de l’expérimentation. Celle-ci interviendra à compter de la promulgation de la loi, et non plus, comme il était initialement prévu, au 1er janvier 2013. Ce report est logique. L’amendement tend également à préciser que l’expérimentation porte non plus uniquement sur la tarification sociale de l’eau, mais aussi, et plus largement, sur les moyens de favoriser l’accès à l’eau. L’expérimentation servira à favoriser l’accès à l’eau de tous les publics en difficulté, et non uniquement des abonnés actuels du service.
Par ailleurs, il est précisé à l’article 14 que la modulation du tarif de l’eau est possible en fonction des revenus ou du nombre de personnes composant le foyer. Cette tarification peut être non seulement progressive, mais aussi sociale. Le tarif progressif peut inclure une première tranche de consommation gratuite, afin de tenir compte du caractère indispensable de l’eau potable pour les abonnés en situation particulière de vulnérabilité.
Je crois qu’il faut se féliciter que le Gouvernement ait précisé, par cet amendement, les modalités de répartition du surcoût induit par la tarification sociale. De nombreux sénateurs avaient souligné, en première lecture, le risque de rupture d’égalité devant le service public entre les abonnés, dont certains devaient payer un surcoût considérable pour compenser les tarifs gratuits ou très bas appliqués aux ménages les plus démunis.
Certes, les tarifs moins élevés appliqués aux ménages les plus démunis seront compensés en partie par une majoration du tarif pour les tranches supérieures de consommation et pour les foyers aux revenus plus élevés.
Cependant, un plafond est désormais prévu par la loi. Le tarif le plus élevé appliqué par mètre cube ne pourra excéder le double du prix moyen du mètre cube pour une consommation de référence fixée par arrêté. Ce plafond permettra de ne pas faire supporter la totalité du coût de la tarification sociale de l’eau par certains ménages. En outre, le texte donne désormais la possibilité aux communes s’engageant dans l’expérimentation de contribuer au financement de l’aide à l’accès à l’eau à partir des dépenses d’aides sociales du budget général.
Un autre amendement a été adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale. La subvention attribuée par les communes au fonds de solidarité pour le logement, le FSL, peut désormais être majorée et dépasser le plafond légal de 2 % des montants hors taxes des redevances d’eau ou d’assainissement perçues. L’objectif est de permettre de globaliser la gestion des aides aux impayés et des aides aux foyers à faible revenu entre le département et le service, s’ils le souhaitent, avec un versement unique, apporté par le FSL.
En l’absence d’intervention du FSL, la subvention peut être versée au centre communal d’action sociale, le CCAS, qui reversera les aides pendant la durée de l’expérimentation. Cette disposition permet de toucher les départements dans lesquels le FSL n’a pas de volet « eau ».
Enfin, le service assurant la facturation de l’eau peut procéder au versement d’aides pour l’accès à l’eau, s’il signe une convention avec les gestionnaires de services et les collectivités territoriales dont il perçoit les redevances.
Plusieurs modalités d’articulation avec le versement d’aides par le FSL, les CCAS, et les services de facturation de l’eau ont ainsi été intégrées à l’expérimentation, pour couvrir la diversité des situations en matière de gestion du service public de l’eau sur le territoire, et offrir un large choix aux collectivités territoriales participant à l’expérimentation.
La question de l’accès aux données personnelles des abonnés, nécessaire pour déterminer les bénéficiaires du tarif social de l’eau, avait fait l’objet de nombreux débats en première lecture. Un amendement du Gouvernement a visé à sécuriser cet aspect du dispositif.
Les organismes devant fournir les données nécessaires à la mise en place d’une tarification sociale de l’eau ou à l’attribution de l’aide sont désormais clairement identifiés dans la loi. Il s’agit des organismes de sécurité sociale, de gestion de l’aide au logement, ou de l’aide sociale. Par ailleurs, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, sera consultée avant l’application de loi, pour veiller à la protection des données confidentielles.
Avec l’adoption de ces cinq amendements du Gouvernement, le dispositif expérimental est désormais bien encadré, et la question de la répartition du surcoût induit par la tarification sociale se trouve précisée.
En revanche, je ne peux que déplorer que les amendements adoptés par notre commission en première lecture n’aient pas été repris. Il s’agissait de reporter la date limite de dépôt des demandes d’expérimentation au 31 décembre 2014, afin de permettre aux nouvelles équipes municipales, élues en mars 2014, d’entrer, si elles le souhaitent, dans le dispositif.
La commission du développement durable a donc donné un avis favorable à l’article 14, sous réserve de l’adoption de deux amendements qu’elle vous propose, mes chers collègues, pour reporter le délai limite d’entrée dans l’expérimentation.
Au bénéfice de ces observations, et sous réserve de ces modifications, la commission du développement durable est favorable à l’adoption de la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici à nouveau devant un texte que nous avons rejeté il y a quelques mois. C’est, en quelque sorte, le retour en deuxième semaine d’un texte que l’on nous dit profondément remanié, et même amélioré. Il s’agit là d’une façon plaisante de présenter les choses : confus lors de la première lecture, il est maintenant complètement illisible ! (Rires sur les travées de l’UMP. – M. Jackie Pierre applaudit)
Mes chers collègues, je vais vous livrer quelques observations sur les points forts du texte qui nous est soumis, connu sous le nom de « proposition de loi Brottes ».
Auparavant, je tiens à vous dire que nous aurions sûrement pu nous accorder sur quelques sujets.
Nous sommes pour une politique énergétique assise sur les économies et la sobriété. Nous sommes pour une politique qui maîtrise la demande en énergie, qui encourage la réglementation thermique et donc la performance énergétique. Nous sommes pour une politique visant à effacer la pointe électrique, sujet majeur pour le système électrique français. Nous sommes, enfin, favorables à une politique qui renforce la cohésion sociale à travers deux outils : la péréquation tarifaire et les tarifs sociaux.
M. Jean-Jacques Mirassou. On est d’accord !
M. Jean-Claude Lenoir. Nous aurions pu nous accorder si nous avions trouvé, ensemble, les bonnes solutions.
Au départ, François Brottes s’est assigné une mission : donner suite à une demande du Président de la République, qui, quand il n’était encore que candidat, s’était déclaré favorable à la mise en place d’un système de tarification progressive de l’électricité, du gaz et de l’eau.
François Brottes, nous le connaissons ; nous savons que c’est un puissant travailleur.
M. Jean Besson. C’est vrai !
M. Jean-Claude Lenoir. Il a consacré une partie de l’été dernier à imaginer le dispositif. Et c’est au mois de septembre que nous avons découvert ses propositions.
Malheureusement, les débuts de l’examen de son texte se sont déroulés dans un cafouillage total. Le Gouvernement a, d’emblée, décidé d’engager la procédure accélérée sur la proposition de loi alors que – nous le verrons lors de la discussion des articles – le texte ne pourra s’appliquer que dans plusieurs années !
M. Jean-Claude Lenoir. Où était l’urgence ? Pourquoi nous avoir privés, avec cette procédure d’urgence, de la possibilité de discuter normalement la proposition de loi, en première, puis en deuxième lecture, ce qui nous aurait épargné cette nouvelle lecture, cas de figure qui se présente somme toute assez rarement ?
Nous aurions pu, là aussi, trouver un accord.
M. Jean-Jacques Mirassou. Votre attitude en première lecture n’y a pas tellement aidé !
M. Jean-Claude Lenoir. J’en viens aux solutions proposées. Je ne vous le cache pas, nous y sommes défavorables.
M. Jean-Jacques Mirassou. On avait bien compris !
M. Jean-Claude Lenoir. La première disposition majeure, celle qui constitue l’ossature du texte, c’est le bonus-malus.
Nous y sommes tout à fait opposés. C’est un système incompréhensible pour le consommateur, illisible, je l’ai dit, kafkaïen, qui ne produira évidemment pas les résultats attendus.
Outre sa complexité, le dispositif présente plusieurs défauts majeurs.
D’abord, il rompt avec le principe de la péréquation tarifaire.
M. Jean-Claude Lenoir. Cela signifie que le prix du kilowattheure variera selon la commune de résidence.
M. Jean-Claude Lenoir. Je voudrais relever une erreur d’appréciation.
Pour certains, dont vous ne faites pas partie, madame ministre, puisque vous maîtrisez parfaitement le sujet, la péréquation tarifaire ne porte que sur l’acheminement, c'est-à-dire qu’elle s’arrête au compteur. Or ce n’est pas exact.
En France, nous avons des tarifs régulés intégrés. En d’autres termes, il y a un seul tarif – je dis bien : un seul tarif –, qui comprend à la fois les charges de production, les charges d’acheminement par le réseau de transport ou de distribution et les frais de commercialisation. À partir de là, le kilowattheure doit être du même montant quelle que soit la commune où il est consommé.
M. Jean Besson. Nous sommes d'accord !
M. Jean-Claude Lenoir. Or vous êtes en train d’instituer un système où il y aura presque autant de tarifs que de communes ! On pourrait ainsi avoir 36 000 tarifs différents ; certes, j’exagère un peu… (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Si peu !
Mme Bernadette Bourzai. À peine !
M. Jean-Claude Lenoir. Il y aura une multiplication des points de livraison, comptés différemment selon la commune, en fonction des stations de relevé des températures.
Voilà une grave atteinte au principe que j’ai évoqué, et cette atteinte justifie évidemment la saisine du Conseil constitutionnel à laquelle nous songeons.
M. Jean-Jacques Mirassou. Déjà ?
M. Ladislas Poniatowski. Nous y travaillons !
M. Jean-Claude Lenoir. Il est vrai que nous faisons un peu plus que d’y songer.
Le deuxième défaut important de ce système est qu’il pénalisera les plus démunis et les personnes en situation de précarité.
D’après ce qui nous est affirmé, tout sera fait pour empêcher les personnes qui vivent dans des passoires thermiques d’être les victimes du dispositif. Mais il ne suffit pas de le proclamer ; encore faut-il proposer des solutions pour s’en assurer !
M. Ladislas Poniatowski. Eh oui !
M. Jean-Claude Lenoir. Or, à l’évidence, beaucoup de foyers seront pénalisés par le malus dès l’entrée en vigueur du dispositif.
Certes, M. le rapporteur a avancé tout à l’heure des chiffres plutôt flatteurs pour expliquer que la situation serait satisfaisante pour tout le monde. Mais son enthousiasme était celui d’un rapporteur s’acquittant de la tâche qui lui a été confiée… D’après ce que nous entendons ou lisons, nous savons que nombre de personnes commencent à s’inquiéter, et à juste titre ! Demain, les personnes les plus démunies ou en situation de précarité et les ménages les plus modestes paieront plus cher leur électricité.
Voilà une première raison de nous opposer à ce texte.
J’aimerais dire aussi quelques mots du fameux organisme ad hoc chargé de collecter les informations et de faire fonctionner le système du bonus-malus.
M. Ladislas Poniatowski. Encore des fonctionnaires ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Nous le savons, au départ, c’était l’administration fiscale qui en était chargée. Mais elle a, disons-le, renâclé. Le ministre ayant autorité sur elle a fait connaître son opposition, et il a obtenu gain de cause. Il a donc fallu trouver un nouvel organisme pour s’en charger.
On aurait pu se donner le temps de réfléchir à la question, mais la proposition de loi fait référence à un organisme ad hoc. Quel est-il ? Quel est son statut ? Quels sont ses moyens ? Quel est son budget ?
Madame la ministre, tout à l’heure, vous avez indiqué qu’il pourrait s’agir d’ERDF.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est la première fois que nous entendons ce propos. Jusqu’à présent, et j’ai relu les débats de l’Assemblée nationale, cela n’avait pas été le cas.
Mes amis et moi avons réfléchi à la question.
Pour ma part, d’une manière générale, je n’aime pas que l’on parle d’un organisme ad hoc. En l’espèce cela m’apparaît d’autant plus ennuyeux que la mission de celui-ci sera considérable. Pensez donc : 30 millions de clients seront gérés par un organisme ad hoc dont nous ne savons rien ! Il est, en quelque sorte, né sous X !
Je lui ai trouvé un nom cohérent avec sa configuration, sa taille, voire son embonpoint ; certes, je ne peux guère le critiquer sur ce point. (Sourires.)
M. Alain Néri. Il vaut mieux faire envie que pitié ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Claude Lenoir. Et c’est dans la littérature, sous la plume d’Edmond Rostand, que je lui ai trouvé un nom de baptême !
M. Jean-Jacques Mirassou. Après Kafka, voici Rostand !
M. Jean-Claude Lenoir. J’ai en effet trouvé mon inspiration dans la tirade du nez de Cyrano de Bergerac :
« L’animal seul, monsieur, qu’Aristophane
« Appelle Hippocampéléphantocamélos
« Dut avoir sous le front tant de chair sur tant d’os ! »
M. Jean-Jacques Mirassou. Et à la fin de l’envoi…
M. Jean-Claude Lenoir. J’ai donc failli déposer un amendement tendant à baptiser l’organisme : « Hippocampéléphantocamélos » !
M. Alain Néri. C’est un peu long !
M. Jean-Claude Lenoir. C’est le nom qu’il mérite !
Il s’agit d’un organisme dont vous ne maîtrisez ni le périmètre ni le coût. Puisque nous aurons le temps de débattre – l’examen du texte ne sera pas interrompu par la discussion d’une question préalable ou d’une motion de renvoi en commission –, je vous démontrerai chiffres à l’appui que le malus perçu par l’organisme lui permettra à peine de payer son propre fonctionnement.
J’en viens au deuxième point de mon intervention : la tarification sociale.
En l’occurrence, les mots ne manquent pas, et ils sont inspirés par une grande générosité. Ce n’est pas la première fois que vous nous faites le coup !
Comme je l’avais déjà indiqué en première lecture,…
M. Jean-Claude Lenoir. … c’est vous qui avez engagé l’ouverture du marché de l’électricité et la libéralisation en 1999 ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Claude Lenoir. C’est devenu la loi du 10 février 2000, relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, texte dont l’un des articles institue le tarif social de l’électricité.
M. Jean Besson. Vous y étiez favorables !
M. Jean-Claude Lenoir. J’étais évidemment favorable à un tarif social de l’électricité, mon cher collègue.
M. Ladislas Poniatowski. Et nous le sommes toujours !
M. Jean-Claude Lenoir. Simplement, il fallait un décret d’application.
La loi est adoptée le 1er février 2000. L’année 2000 se passe, l’hiver est très rigoureux… et le gouvernement d’alors n’adopte aucun texte réglementaire. Idem en 2001. Arrive l’année 2002.