M. le président. La parole est à M. André Reichardt. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. André Reichardt. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous le savons tous, les jeunes, qualifiés ou non, sont aujourd’hui les principales victimes du chômage et de la précarité sur le marché du travail. Je suis au regret, à mon tour, de rappeler ces chiffres, annoncés par les uns et les autres sur toutes les travées : au troisième trimestre de 2012, le taux de chômage des jeunes était très exactement de 24,2 %, selon l’INSEE. Quant au taux de chômage des personnes âgées de cinquante ans et plus, il était de 6,9 % au deuxième trimestre. Pour les seniors aussi, l’accès au travail est difficile et prend la forme de contrats provisoires. La part des recrutements en CDD et en intérim est très importante.
M. Alain Néri. Ce n’est pas une génération spontanée ; cela date de dix ans !
M. André Reichardt. Monsieur Néri, cela s’adresse aussi à vous ! (Sourires.)
M. Ronan Kerdraon. M. Néri n’était pas au courant ! (Nouveaux sourires.)
M. André Reichardt. Ainsi, à la fois le début et la fin du parcours professionnel sont marqués par l’instabilité, voire la précarité des formes d’emploi et du contrat de travail. Cette situation, tout le monde doit en convenir, est bien entendu inacceptable, et il faut tout mettre en œuvre pour y mettre fin.
C’est dans cet objectif, messieurs les ministres, que vous nous présentez aujourd’hui le concept de contrat de génération.
Ce fameux contrat nous est présenté comme l’un des deux piliers, avec les emplois d’avenir, de la politique du Gouvernement en direction des jeunes. Il y a une volonté et une conviction de François Hollande, nous l’avons bien compris lors des débats préparatoires aux primaires socialistes, mais aussi une volonté et une conviction du gouvernement actuel, de multiplier les dispositifs d’emplois aidés pour assurer des créations massives d’emplois. En cela, il n’est rien d’exceptionnel, car nombreux sont les gouvernements antérieurs, de droite comme de gauche, à avoir recouru à de tels dispositifs.
Pour autant, on le sait, et la Cour des comptes elle-même l’a confirmé récemment, les contrats aidés sont loin de constituer la panacée en matière de lutte pour l’emploi. Ce qui crée de l’emploi, il n’est jamais inutile de le rappeler, c’est le développement de l’activité dans un environnement juridique et fiscal favorable à l’investissement, à l’innovation et à la recherche.
Sur ce plan, comme j’ai pu le dire lors du récent débat sur la situation économique de nos PME dans cette même enceinte, les mesures que le Gouvernement a prises pour aider nos entreprises à gagner en compétitivité et, ainsi, remporter des marchés créateurs de plus d’activité, ne sont pas à la hauteur des attentes des entreprises intéressées.
Dès lors, et bien que ce ne soit pas dans vos compétences directes, messieurs les ministres, permettez-moi de plaider de nouveau pour une véritable mise en œuvre, et de façon urgente, du « choc de compétitivité » de 30 milliards d’euros sur un ou deux ans, tel que l’a proposé dans son rapport M. Louis Gallois, qui permettrait, bien mieux que les contrats aidés, une importante contribution à la lutte contre le chômage.
M. Jean Desessard. Gallois ? Il a délocalisé EADS !
M. André Reichardt. Puis, si, faute de mieux, il nous faut effectivement poursuivre sur la voie des contrats aidés, alors prenez en compte les quelques observations que j’ai à formuler sur votre projet de loi portant création du contrat de génération.
Vous prévoyez, messieurs les ministres, que pas moins de 500 000 contrats de génération seront conclus d’ici à 2017. J’aimerais vous croire, mais je crains à mon tour que ce chiffre ne soit pas réaliste compte tenu de la situation économique actuelle. Mme Debré vous l’a dit cet après-midi,…
Mme Nathalie Goulet. Quel hommage !
M. André Reichardt. … selon les économistes de l’Observatoire français des conjonctures économiques, le contrat de génération ne devrait pas créer plus de 100 000 emplois nets sur l’ensemble du quinquennat – on parle d’un minimum de 50 000 emplois.
M. Jean Desessard. Ce n’est pas si mal !
Mme Isabelle Debré. Pour un milliard d’euros ?
M. André Reichardt. Pourquoi ? Certes, une aide de 4 000 euros peut paraître importante à certaines entreprises, notamment aux plus petites. Mais, en réalité, l’effet incitatif du dispositif ne sera que limité. Nous savons bien qu’une prime annuelle de 4 000 euros n’est que peu de chose comparée au coût salarial de deux salariés qui dépassera assurément 30 000 euros par an, comme l’a indiqué notre collègue Jean-Noël Cardoux.
Dès lors, on a beau examiner la question sous tous ses angles, seules les entreprises qui comptaient déjà embaucher le feront, et le contrat de génération ne créera donc pas véritablement de nouveaux emplois.
Car, oui, comme pour tout emploi aidé, il faut être capable de le reconnaître, on n’échappera pas, ici aussi, aux effets d’aubaine. Certaines des embauches qui auront été effectuées via les contrats de génération auraient de toute façon eu lieu, sans ce dispositif, tout simplement parce qu’elles correspondent à un besoin de l’entreprise.
M. Jean Desessard. Pas en CDI !
M. André Reichardt. C’est malheureusement le vice des contrats aidés, dont j’ai dit tout à l’heure qu’il était le fait des gouvernements non seulement de gauche, mais aussi de droite. Ayons la franchise de le reconnaître.
De plus, aucune condition de diplôme n’étant prévue dans le dispositif, ce sont en priorité les jeunes diplômés, ceux qui justement s’insèrent le plus facilement sur le marché du travail, qui bénéficieront en priorité de cette mesure.
Je suis aussi au regret de le dire, ce ne sont pas les dispositions qui ont été ajoutées au texte pour, précisément, éviter cet effet d’aubaine, telles que l’interdiction de licenciement dans les six mois précédant l’embauche sur les postes de la même catégorie professionnelle, qui permettront de prévenir le risque d’un détournement de l’objectif initial.
Un autre point important m’inquiète, qui a déjà été évoqué à plusieurs reprises tout à l’heure : je ne vois vraiment pas la plus-value apportée par ce concept de contrat de génération par rapport aux contrats aidés traditionnels.
Mme Anne Emery-Dumas. Alors, pourquoi les partenaires sociaux ont-ils signé ?
M. André Reichardt. J’avais cru comprendre, dans les explications données en son temps par le candidat à la Présidence de la République, que l’intérêt de ce contrat de génération résidait dans une sorte de « rencontre professionnelle » entre le senior dont l’emploi est maintenu et le jeune qui rejoint l’entreprise, une sorte de tutorat du second par le premier.
M. Alain Néri. Il a raison !
Mme Isabelle Debré. Oui !
M. André Reichardt. Or il n’y a rien de tel dans ce projet de loi. Ou j’aimerais en trouver trace, monsieur Néri !
M. Michel Sapin, ministre. Vous allez le retrouver, monsieur le sénateur, si vous nous accompagnez !
M. André Reichardt. À telle enseigne, monsieur le ministre, que votre collègue Thierry Repentin a indiqué souhaiter « pouvoir mobiliser les leviers de la formation continue au service des jeunes bénéficiaires d’un contrat de génération ». Et d’ajouter qu’une convention devrait être signée ultérieurement à cet égard avec les partenaires sociaux...
N’aurait-il pas été préférable, messieurs les ministres, de prévoir dès l’origine un dispositif de tutorat pour donner une vraie qualification au jeune qui n’en bénéficie pas ou un accompagnement professionnel dans l’entreprise à celui qui est déjà diplômé ? En fait, un tel dispositif existe déjà, c’est celui du contrat d’apprentissage et fonctionne particulièrement bien : je rappelle ici que huit jeunes sur dix formés en apprentissage trouvent un travail rapidement.
Il aurait dès lors été éminemment utile de conforter ce modèle de formation en le faisant évoluer vers un CDI, tel que le préconise le futur contrat de génération.
Enfin, que dire du coût et du financement de ce nouveau dispositif ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Je ne répéterai pas ce qu’ont dit mes collègues précédemment, d’autant plus que j’ai déjà dépassé mon temps de parole.
En conclusion, messieurs les ministres, mes chers collègues, je reste persuadé que les contrats aidés, si coûteux pour un bien faible résultat – cet argument n’est ni de droite ni de gauche – ne sont pas la bonne solution. Développons l’apprentissage et la formation professionnelle au maximum, utilisons mieux l’argent disponible dans ces domaines, parce qu’il y en a, et là, nous aurons des résultats probants.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Que ne l’avez-vous fait !
M. André Reichardt. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je ne pourrai malheureusement pas voter ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.–Protestations sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nos concitoyens ont placé l’emploi au premier rang de leurs préoccupations. C’est qu’ils connaissent la gravité de la situation. Voilà dix-neuf mois qu’ils voient le nombre de demandeurs d’emploi augmenter inexorablement et sans discontinuer. L’année 2012 aura été incontestablement une année noire pour l’emploi, mais surtout, derrière les chiffres et les statistiques – ils ont été abondamment rappelés ce soir –, nous le savons bien, il y a surtout ces femmes et ces hommes dans l’incapacité aujourd’hui de pouvoir se doter d’un avenir.
Ce sont précisément les seniors et les jeunes qui sont les plus touchés. En effet, le nombre de jeunes de moins de vingt-cinq ans sans emploi a augmenté de près de 11 % en une année, et vous le savez, près d’un quart de ces jeunes n’ont pas d’emploi ; parmi les moins qualifiés d’entre eux, le chômage est encore plus dévastateur.
Quant aux seniors sans emploi, leur nombre a augmenté davantage encore, puisqu’il a connu une hausse de 17 % en un an.
L’heure est donc, plus que jamais, à la mobilisation. C’est pourquoi l’ensemble de la politique du Gouvernement n’a qu’une seule priorité, qui transcende toutes les autres : l’emploi !
Dans ces conditions, le contrat de génération a vocation à être l’un des outils majeurs de cette politique. Engagement de campagne du candidat François Hollande devant les Français, il est en quelque sorte l’emblème – vous l’avez dit, monsieur le ministre, avec toute votre conviction – d’une belle et grande idée : celle de l’alliance des âges, au service de la transmission des savoirs et des savoir-faire. C’est pourquoi je vous confirme que cette idée est bien au cœur du texte.
Or, force est de le reconnaître, notre pays aujourd’hui se prive précisément de compétences et de ressources en maintenant les jeunes et les salariés âgés à l’écart du marché du travail. Seul un jeune salarié sur deux, vous l’avez rappelé, est en contrat à durée indéterminé.
Les jeunes qui terminent leurs études ne se voient proposer, dans le meilleur des cas, que des stages, des contrats courts ou des missions d’intérim. Ce n’est qu’après plusieurs années de contrats précaires qu’ils peuvent – peut-être ! – prétendre à un CDI. Ces délais retardent d’autant l’accès à l’autonomie, car obtenir un logement indépendant, construire une famille ou, tout simplement, bâtir des projets de vie sont choses difficiles, sinon impossibles, sans accès à un emploi stable.
Les salariés seniors sont globalement moins touchés par le chômage que la moyenne de la population, mais, comme les précédents orateurs l’ont déjà souligné, le nombre de demandeurs d’emploi seniors est en forte augmentation. De surcroît, pour ces derniers, il est très difficile de retrouver un emploi lorsqu’ils perdent leur travail à quelques années de la retraite.
Le contrat de génération prévoit non seulement un changement de regard mais aussi et surtout une véritable inversion des pratiques. Les jeunes, c’est une évidence, sont notre richesse : ils préfigurent notre avenir. Les seniors, eux, constituent le capital premier de l’entreprise. Ainsi, permettre la transmission des savoirs, ce n’est pas seulement croire en l’avenir, c’est organiser l’avenir et, d’une certaine manière, le garantir.
Toutefois, pour être pleinement efficients, ces processus de transmission nécessitent d’être valorisés, organisés et structurés. C’est évidemment l’un des objets du contrat de génération. Le Gouvernement ne s’y est pas trompé !
On le pressent du même coup, ce dispositif constitue un enjeu essentiel, pour notre société comme pour la compétitivité de nos entreprises.
De plus, les prévisions démographiques nous donnent raison. C’est sans doute là le premier facteur clef de succès sur lequel nous pouvons compter pour espérer la réussite de ce dispositif. En effet, d’ici à 2020, plus de 5 millions d’actifs aujourd’hui en poste seront partis à la retraite et, parallèlement, près de 6 millions de jeunes auront fait leur entrée sur le marché du travail. Anticiper ce renouvellement des compétences et assurer leur transmission intergénérationnelle constitue donc une nécessité tout à la fois économique et sociale.
Le second facteur clef de succès réside, à mon sens, dans les modalités mêmes de construction de la mesure. Nombreux sont ceux qui l’ont déjà relevé à cette tribune : parce qu’issu du dialogue social national et interprofessionnel du 19 novembre dernier, ce dispositif répond à la volonté unanime des partenaires sociaux, ce qui est évidemment un gage de succès. De fait, sa montée en charge sur le terrain dépendra de sa capacité à mobiliser l’ensemble des partenaires économiques et sociaux.
À cet égard, les conditions du succès sont désormais réunies.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, je veux le croire, le contrat de génération, porté par ailleurs par une politique de croissance et de compétitivité, sera créateur d’un vaste mouvement de négociation et de mobilisation dans les entreprises de toute taille, pour répondre au plus décisif des enjeux de notre pays : celui de l’emploi !
Voilà pourquoi, messieurs les ministres, vous l’avez compris, les sénateurs socialistes seront à vos côtés, au cœur de cette mobilisation, pour permettre, dans les meilleurs délais, un recul rapide et significatif du chômage. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.
M. Jean-Étienne Antoinette. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la rapporteur, mes chers collègues, pour le sénateur d’outre-mer que je suis, ce projet de loi portant création du contrat de génération est triplement réconfortant.
Ce texte est d’abord réconfortant sur le plan économique : après les emplois d’avenir, un outil supplémentaire vient s’ajouter aux instruments de lutte contre le chômage, dont on sait qu’il touche proportionnellement, dans nos territoires, deux à trois fois plus de personnes qu’en France hexagonale.
Le présent projet de loi est également réconfortant sur le plan social : il s’adresse simultanément – et c’est une innovation – aux deux extrémités de la pyramide des âges. Précisément, dans nos territoires, les plus jeunes comme les seniors sont encore plus durement frappés qu’en métropole par l’exclusion du marché de l’emploi. Dans les régions ultramarines, ce sont en effet 60 % des moins de vingt-cinq ans et 20 % des seniors qui sont à la recherche d’un emploi. Ces chiffres sont intolérables et suicidaires pour les outre-mer.
Ici, en métropole, on s’inquiète d’un taux de chômage de 24 % chez les moins de trente ans. Que dire, dès lors, face à la réalité du chômage outre-mer qui, comme je viens de le souligner, culmine à 60 % pour la même strate ?
Mme Gisèle Printz. Soixante pour cent ?...
M. Jean-Étienne Antoinette. À ce titre, il est intéressant de noter que, contrairement aux emplois d’avenir, le contrat de génération concernera toutes les zones géographiques et tous les niveaux de qualification. En effet, par les temps qui courent au sein de nos territoires, ni le diplôme pour les uns, ni l’expérience pour les autres ne protègent de ce fléau social et de ce drame humain qu’est le chômage, menace constante et endémique qui pèse sur la cohésion et le développement des sociétés ultramarines.
Enfin, à un niveau encore plus élevé, le présent projet de loi est réconfortant sur le plan des valeurs : il donne une traduction concrète à la notion de « solidarité intergénérationnelle ». Nos sociétés sont attachées à cette valeur aujourd’hui mise à mal du fait de l’évolution des modalités de transmission des savoirs, mais aussi du fait des fractures de plus en plus fréquentes entre les jeunes et leurs aînés.
En fait, peut-être la symbolique de ce texte réside-t-elle précisément dans le message qu’il traduit sur le lien d’interdépendance et de solidarité entre les générations, au cœur de notre pays, au cœur d’un monde économique qui fait la part belle à la concurrence, voire à la rivalité entre les générations…
Pour l’ensemble de ces raisons, je salue le présent projet de loi. Je relève également avec satisfaction que, sur des questions aussi cruciales que celles de l’emploi, du pouvoir d’achat ou de l’égalité des chances – enjeux très prégnants dans nos territoires – les régions d’outre-mer sont traitées de manière simultanée avec l’ensemble du territoire national. J’ose croire qu’il s’agit là d’une mesure de lucidité et d’une attention redoublée du Gouvernement pour les réalités de nos territoires comme pour l’égalité républicaine.
J’ai même la prétention d’espérer que cette attention sera désormais constante, à toutes les phases et dans toutes les instances d’élaboration des lois de la République, produisant ainsi, lorsqu’il le faut, des dispositions prenant en compte les réalités des outre-mer sans les renvoyer pour autant à un examen ultérieur ou au pouvoir d’ordonnance du Gouvernement.
C’est à cause de telles démarches sacrifiant les outre-mer que l’ancien gouvernement, sous la pression des mouvements sociaux de 2009, avait avancé la date d’entrée en vigueur du RSA en outre-mer, initialement fixée deux ans après le début de son application en France hexagonale.
C’est ainsi que j’aime à entendre la suppression par la commission de l’article 1er bis adopté à l’Assemblée nationale.
Le rapport relatif aux modalités d’application du contrat de génération dans les départements et régions d’outre-mer peut tout à fait s’inscrire dans un rapport plus général concernant à la fois la France hexagonale et les collectivités d’outre-mer,…
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Bien sûr !
M. Jean-Étienne Antoinette. … qui, ne se voyant pas appliquer ce dispositif, pourraient trouver à l’intégrer selon leurs compétences propres.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Tout à fait, c’est la France !
M. Jean-Étienne Antoinette. Parallèlement, j’apprécie la référence faite à l’outre-mer via la formule de l’article 6.
Le présent projet de loi est donc réconfortant. Toutefois, il ne peut suffire à susciter, à lui seul, l’embauche des jeunes ou à soutenir le maintien dans l’emploi des seniors outre-mer.
D’une part, il s’agit de diversifier nos activités économiques en transformant nos économies dites « de comptoir » en économies de production et de valorisation de nos ressources.
D’autre part, sans carnets de commandes ni marchés, il n’y aura pas d’embauches et on continuera à licencier les moins productifs et les moins rentables à court terme.
Il y a donc lieu d’associer à ce dispositif des mesures volontaristes pour structurer et consolider les filières économiques émergentes ou en souffrance.
Ainsi, une politique d’investissements soutenue s’annonce indispensable dans les régions ultramarines pour combler les déficits infrastructurels. Celle-ci participerait à la relance de l’activité économique et, partant, de l’emploi.
Enfin, si en France hexagonale le dispositif du contrat de génération cible les PME, dans les outre-mer, ce sont les TPE qu’il s’agirait d’accompagner en priorité,…
M. Jean-Étienne Antoinette. … puisque ces dernières y représentent 98 % des entreprises, constituant ainsi la quasi-totalité du tissu économique.
Aussi, seul un accroissement de l’activité permettra des créations d’emploi susceptibles de répondre aux objectifs du présent projet de loi, car ce sont plus des deux tiers des entreprises ultramarines qui n’emploient aucun salarié.
Par ailleurs, pour être viable, le binôme jeune-senior devra être performant, ce qui, dans les outre-mer, renvoie non seulement à la question de la formation du tuteur mais aussi à celle de la formation en général, et à tous les âges.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, je tenais à porter à votre connaissance la réalité de nos économies ultramarines, notamment pour ce qui concerne leur aptitude à accueillir ce type de dispositifs.
Il ne s’agit pas de remettre en cause les valeurs que traduit ce texte, bien au contraire. Il était temps que les notions de solidarité intergénérationnelle et de transmission interpersonnelle des savoirs et des savoir-faire soient portées au plus haut et prennent place au cœur des principes de gestion des ressources humaines dans l’entreprise. Il était temps d’innover en utilisant un outil facilitant l’insertion de nos jeunes par l’emploi.
Pour conclure, et par souci de réalisme, je souhaite encourager le Gouvernement et le Sénat à inscrire ce dispositif dans un système plus global, s’appuyant sur tous les leviers favorables à la production économique et aux performances humaines, sans négliger la prise en compte des enjeux différenciés entre la France hexagonale et les outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, je me réjouis d’intervenir aujourd’hui à propos d’une mesure phare du programme présidentiel de François Hollande, même si je suis le dernier orateur à m’exprimer à cette tribune.
Mme Patricia Schillinger. Après les emplois d’avenir, le pacte de compétitivité, les accords sur la sécurisation de l’emploi et la création de la Banque publique d’investissement, nous examinons un nouveau dispositif tourné vers l’emploi.
Cet arsenal, déployé en quelques mois, témoigne de la volonté du Gouvernement de faire de la lutte contre le chômage et la précarité sa priorité. Cette politique traduit un engagement fort.
En cette période difficile, l’économie et l’emploi doivent être placés au cœur de notre action, et la mise en place de ces contrats s’inscrit dans cette volonté forte du Gouvernement d’inverser la courbe du chômage. Ce dispositif permettra d’embaucher des jeunes et de maintenir des seniors en activité. Il est ambitieux et novateur, car tout doit être fait pour l’emploi.
Ces trente dernières années, dans un contexte de concurrence accrue et de croissante mobilité des capitaux, doublées d’une recherche de productivité de plus en plus orientée vers le court terme, le pacte social dans l’entreprise a été profondément bouleversé.
Les jeunes sont exclus du marché du travail, tandis que les seniors sont écartés des entreprises.
Comme mon collègue Joël Bourdin et moi-même l’avons évoqué dans notre rapport sur le pacte social, un véritable malaise s’est installé dans l’entreprise avec, d’un côté, des inégalités salariales qui se creusent et, de l’autre, des salaires qui stagnent. Cette situation est liée au développement des emplois atypiques, à la persistance du chômage, à l’effet des restructurations du tissu d’entreprises et à l’envolée des plus hautes rémunérations salariales.
Bien souvent, les jeunes et les seniors sont discriminés via les mécanismes de marché.
On ne peut que saluer le présent projet de loi portant création du contrat de génération, car il prend en compte ces enjeux et permet enfin d’apporter des réponses aux jeunes et aux seniors qui sont victimes des inégalités professionnelles.
En effet, ce contrat s’adresse aux personnes de moins de vingt-cinq ans, classe d’âge dont le taux de chômage atteint 24,2 %, en même temps qu’il prévoit d’augmenter le taux d’emploi des 55-64 ans, qui est actuellement de 41,5 %. Ces chiffres nous placent loin derrière l’Allemagne et les pays d’Europe du Nord, et en deçà de l’objectif européen, fixé à 50 %.
Je souhaite souligner l’excellente méthode employée par le Gouvernement, celle du dialogue social. Comme l’ont souhaité les partenaires sociaux, ce texte a privilégié la recherche d’accords collectifs au sein des entreprises mettant en œuvre les contrats de génération, après avoir réalisé préalablement un diagnostic de la situation de l’emploi des jeunes et des salariés. Ce projet de loi est donc la transposition de l’accord national interprofessionnel du 19 octobre dernier, signé unanimement. On peut parler d’un véritable succès du dialogue social.
Comme l’ont déjà dit mes collègues, le contrat de génération répond à trois objectifs. Il s’agit d’abord de donner l’accès aux jeunes à un emploi stable avec un CDI, ensuite de favoriser le maintien des seniors dans l’emploi et enfin de favoriser la transmission des savoirs et des compétences. L’objectif est de parvenir à 500 000 embauches en cinq ans. Loin d’être un contrat au rabais, le contrat de génération permet aux jeunes d’entrer véritablement dans le monde professionnel en leur garantissant la signature d’un CDI.
Ce dispositif prévoit un véritable renforcement du lien intergénérationnel dans les entreprises. On observe aussi un nouveau changement : au lieu d’opposer les générations, le contrat de génération les rassemble !
Parmi les jeunes, certains souffrent particulièrement de l’exclusion. Il s’agit des jeunes en situation de handicap, qui rencontrent d’importantes difficultés pour s’insérer dans le marché du travail. Il existe des pénalités, mais les résultats ne sont pas encore satisfaisants. Cette loi prévoit donc une disposition particulière pour l’intégration des personnes handicapées en fixant la limite d’âge à trente ans, quel que soit le niveau de qualification. Ce texte prend donc la mesure du problème et encourage leur insertion professionnelle. Les travailleurs handicapés seniors pourront également bénéficier de ce dispositif dès cinquante-cinq ans, au lieu de cinquante-sept.
Une autre particularité de ce texte tient à l’importance accordée à la formation et à la transmission des savoirs vers la génération montante. La préservation de ces savoir-faire constitue un enjeu capital de notre développement économique. Ces savoir-faire sont ceux de notre industrie, de notre artisanat et de notre agriculture. Il s’agit bien, ici, d’envisager et de garantir sur le long terme la transmission des savoirs, la compétitivité de nos entreprises ainsi que maintien de nos emplois sur notre territoire. Il est important de prévoir l’avenir sans laisser sur le côté des exclus.
Dans ce contexte de transmission au sein de l’entreprise, l’artisanat jouera un rôle important, car c’est un secteur où la transmission est cruciale. Ces cinq dernières années, 600 000 emplois ont été créés dans l’artisanat, le dispositif sera donc bien accueilli. Par ailleurs, l’Union professionnelle artisanale prévoit la signature de 75 000 contrats de génération. De plus, selon un sondage réalisé par OSEO en juillet 2012, 63 % des employeurs envisagent de recourir au contrat de génération.
Une autre particularité tient au fait que ce contrat s’adaptera à la situation de chaque entreprise. Des modalités adaptées à la taille des entreprises sont prévues et des garde-fous ont été mis en place pour limiter les effets d’aubaine.
Pour conclure, je tiens à souligner que, dès sa prise de fonctions, le Gouvernement a mené une véritable bataille pour favoriser l’emploi. La lutte contre le chômage est menée sur tous les plans et elle reste une priorité. Nous sommes tous mobilisés.
Nous devons en finir avec la précarité, les stages répétitifs, les contrats temporaires, le temps partiel, ou l’intérim… Nous devons tout mettre en place pour que les jeunes puissent se construire un avenir et reprendre confiance, confiance en eux-mêmes, confiance dans les politiques mises en place par le Gouvernement et confiance dans le futur. Offrons-leur un espoir et permettons-leur de croire en ce futur ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)