Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, je tiens tout d’abord à vous exprimer les regrets de Mme la garde des sceaux, qui ne peut être présente en cet instant et m’a chargé de vous transmettre sa réponse. Mais le hasard fait que je connais bien votre territoire, ainsi que la nature des projets portés tant par la ville que par l’agglomération.
Vous avez interrogé Mme la garde des sceaux sur l’avenir du centre de détention de Melun, dont vous souhaitez la fermeture afin d’y construire une infrastructure à vocation différente. Cet établissement, doté d’une capacité théorique de 310 places réparties sur 310 cellules, héberge 289 personnes détenues, soit un taux d’occupation de 93,8 % en cellule individuelle.
Le précédent gouvernement avait en effet envisagé la construction de trois nouveaux grands établissements en Île-de-France et avait indiqué que, dans cette perspective, le centre de Melun pourrait être fermé à terme. Néanmoins, aucun financement n’était programmé à cette fin et les terrains restaient à trouver.
Le gouvernement actuel entend, quant à lui, concentrer les moyens d’investissement pénitentiaire sur la rénovation des établissements les plus dégradés plutôt que sur la construction de nouveaux établissements au nombre de places démesuré.
Je vais maintenant vous indiquer clairement les raisons pour lesquelles la fermeture du centre pénitentiaire de Melun ne paraît pas opportune.
Premièrement, afin d’améliorer les conditions de détention au sein de ce centre, l’établissement fait l’objet de travaux réguliers d’entretien et de maintenance. Ainsi, depuis 1999, 2,5 millions d’euros ont été investis sur le site.
Certes, le maintien durable de cet établissement va nécessiter des travaux de mise aux normes. C’est pourquoi Mme la garde des sceaux a demandé à ses services d’en évaluer le coût ainsi que la faisabilité.
Deuxièmement, l’établissement est exemplaire en matière de travail pénitentiaire, activité qui occupe d’ailleurs une place majeure dans l’organisation du site.
Troisièmement, l’établissement fonctionne également très bien sur le plan de la prise en charge des personnes détenues. La bonne articulation de l’intervention des personnels de surveillance et de direction, des personnels administratifs, du service pénitentiaire d’insertion et de probation, de l’Unité de consultation et des soins ambulants ainsi que des autorités extérieures, l’autorité judiciaire en particulier, favorise la qualité de l’accompagnement en détention et la préparation de la sortie, notamment dans le cadre des aménagements de peine, dont le nombre est relativement important.
Quatrièmement, enfin, au sein de l’établissement, les relations entre les différents intervenants sont particulièrement bonnes et participent à la qualité de la prise en charge.
S’agissant d’un établissement qui n’est pas surpeuplé et qui dispose de cellules individuelles non vétustes, offrant donc des conditions de réinsertion professionnelle reconnues par tous, il n’y a pas de raison, du point de vue pénitentiaire, de le fermer, même si le Gouvernement peut entendre le souhait légitime des élus locaux de récupérer le site.
Vous l’aurez compris, madame la sénatrice, la fermeture du centre pénitentiaire de Melun n’est pas envisagée par Mme la garde des sceaux, ni à court ni à moyen terme.
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le ministre, je vous remercie de la clarté de cette réponse. Je comprends fort bien les arguments que vous avez développés. Il est vrai que cet établissement, qui a été entretenu, est exemplaire. Les détenus peuvent y travailler dans des ateliers prévus à cet effet. Toutefois, vous devez aussi comprendre, monsieur le ministre, puisque vous connaissez notre territoire, que cet établissement occupe trois hectares dans le centre-ville et que, de nos jours, l’emplacement pourrait être dévolu à d’autres activités. Nous ne pouvons donc que regretter la non-fermeture de cet établissement.
Mme la présidente. Mes chers collègues, dans l’attente de l’arrivée de Mme la garde des sceaux, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures trente, est reprise à dix heures quarante-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
conditions de sortie des personnes détenues bénéficiant d'une mesure d’aménagement de peine sous écrou
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, auteur de la question n° 266, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Aline Archimbaud. Madame la garde des sceaux, je souhaitais attirer votre attention sur les conditions de sortie des personnes détenues bénéficiant d’une mesure d’aménagement de peine sous écrou – semi-liberté, placement à l’extérieur ou sous surveillance électronique.
Ces détenus, contrairement aux personnes libérées définitivement ou bénéficiant d’une mesure de libération conditionnelle, n’ont pas le droit de récupérer à leur sortie les sommes figurant sur leur compte nominatif en prison.
Ce compte est en effet divisé en trois parts : premièrement, la part dévolue à l’indemnisation des parties civiles ; deuxièmement, la « part disponible » laissée à la disposition du détenu pendant l’incarcération ; troisièmement, le « pécule de libération », somme bloquée jusqu’à la levée d’écrou.
Ce compte n’est liquidé qu’à la fin de l’exécution de la mesure d’aménagement, et les personnes qui en bénéficient ne peuvent accéder à l’intégralité des fonds de la part disponible avant ce terme.
L’article D. 122 du code de procédure pénale donne d’ailleurs pouvoir au chef d’établissement de déterminer le montant laissé à la disposition de la personne pour faire face à ses besoins à l’extérieur : « Le chef de l’établissement apprécie, au moment de la sortie des intéressés, l’importance de la somme qui doit leur être remise, par prélèvement sur leur part disponible […] ».
Or, selon les constats de l’Observatoire international des prisons, les sommes remises à la sortie des personnes bénéficiant d’aménagements de peine sous écrou sont souvent insuffisantes au vu de leurs besoins.
Ainsi, par exemple, en avril dernier, une personne placée sous surveillance électronique est sortie de la prison d’Annœullin avec 30 euros en poche, alors qu’elle disposait de 1 300 euros sur sa part disponible, somme acquise grâce à son travail en prison.
L’absence de ressources suffisantes pour « reprendre pied » à la sortie est dramatique.
La précarité de la condition de sortie est, en outre, souvent renforcée par un manque de préparation à la sortie. Comme l’a relevé le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son dernier rapport d’activité, le renouvellement des pièces d’identité n’est pas systématiquement organisé. De nombreuses personnes détenues sortent dès lors sans justificatif d’identité. Or il s’agit d’un préalable indispensable à de nombreuses démarches administratives : sans compte bancaire, il est impossible, par exemple, de contracter un abonnement mensuel de transport pour se rendre à Pôle emploi ou au travail.
Face à cette situation, madame la garde des sceaux, entendez-vous modifier l’article D. 122 du code de procédure pénale afin que les personnes sortant en aménagement de peine sous écrou puissent systématiquement bénéficier de l’intégralité des fonds relevant de leur part disponible ? Je suggère par ailleurs de leur permettre également de bénéficier des fonds figurant sur leur « pécule de libération », car il apparaît absurde et contre-productif, en termes de prévention de la récidive, d’attendre la fin de la mesure pour le leur remettre.
Enfin, je souhaiterais connaître votre position, madame la garde des sceaux, concernant la recommandation du Contrôleur général des lieux de privation de liberté d’instaurer un recensement des documents d’identité des personnes détenues, avec mention de leur date de validité, afin que leur renouvellement soit systématiquement organisé en détention par les services pénitentiaires d’insertion et de probation.
Mme la présidente. Madame la garde des sceaux, je vous remercie d’être présente pour répondre aux questions de nos collègues Aline Archimbaud et de Jean-Jacques Hyest, malgré un emploi de temps extrêmement chargé ce matin.
Vous avez la parole, madame la ministre.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de bien vouloir excuser mon retard ce matin, dû à une réunion avec le Premier ministre prévue de longue date. Nous avons des difficultés à faire coïncider nos agendas, mais, compte tenu de la diversité et de la lourdeur des dossiers relatifs à la justice en ce moment, nous nous sommes permis de maintenir ce rendez-vous. Encore une fois, mille pardons pour ce retard.
Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur la possibilité, pour les personnes détenues bénéficiant d’une mesure d’aménagement de peine, de disposer, d’une part, de l’intégralité des fonds de leur part disponible, et éventuellement, d’autre part, de leur pécule de libération.
Aux termes de l’article 728-1 du code de procédure pénale, les valeurs pécuniaires des détenus, inscrites sur un compte nominatif ouvert à l’établissement pénitentiaire, sont réparties en trois parts : une première part sur laquelle seules les parties civiles et les créanciers d’aliments peuvent faire valoir leurs droits ; une deuxième, laissée à la disposition de la personne détenue ; enfin, le pécule de libération.
Pour ce qui est de la part disponible du compte de la personne détenue, l’article D. 122 du code précité prévoit que les personnes condamnées bénéficiant d’une mesure d’aménagement de peine sous écrou peuvent en disposer d’une partie.
Madame la sénatrice, je vous remercie de cette alerte. Ayant examiné la situation avec attention, je ne vois aucune raison de principe permettant de s’opposer à ce que la personne puisse disposer de l’intégralité de la part disponible de son compte. J’entends donc donner très prochainement des instructions pour que cette pratique soit effective, sous réserve des restrictions de l’article 22 de la loi pénitentiaire liées à la prévention de la récidive, notamment la protection de l’intérêt des victimes.
S’agissant du pécule de libération, je serai un peu plus prudente. J’ai demandé à l’administration pénitentiaire de me présenter une analyse précise des risques éventuels d’une modification du décret en vigueur. Je consulterai également d’autres personnalités sur le sujet avant de prendre une décision. Vous en serez avisée dès que mes idées seront arrêtées en la matière.
Le second problème que vous soulevez dans votre question, et qui concerne les documents d’identité, a été signalé par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son rapport de 2011.
J’ai donné des instructions, par une circulaire du 23 octobre 2012, afin qu’une attention particulière soit portée à la demande et à la délivrance de la carte d’identité aux personnes détenues, ainsi qu’à son renouvellement. Par exemple, sur signalement possible du greffe de l’établissement, le service pénitentiaire d’insertion et de probation peut vérifier que, y compris en permission temporaire, les détenus disposent bien, s’ils le demandent, de leurs papiers d’identité.
Pour le reste, l’administration pénitentiaire a l’obligation d’être vigilante sur l’état de ces documents d’identité et de faire en sorte que les personnes détenues dont la libération est prévue dans un délai de six mois disposent bien d’une carte nationale d’identité en cours de validité ou, qu’à défaut, la procédure de renouvellement est en cours.
Par ailleurs, j’ai également donné des consignes concernant les passeports et les titres de séjour afin que le nécessaire soit fait pour que les détenus puissent en disposer.
Madame la sénatrice, je vous remercie tout particulièrement d’avoir posé ces questions et je remercie de manière plus générale toutes celles et tous ceux ici qui, bien que de sensibilités diverses, avec constance se préoccupent de la situation au sein de nos établissements pénitentiaires et de l’effectivité des dispositions que nous prenons, toujours dans le souci d’améliorer la prévention de la récidive et de faire en sorte que les personnes détenues passent un temps utile en prison et parviennent à se réinsérer dans la société dans les meilleures conditions possibles.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Madame la garde des sceaux, je tiens tout d’abord à vous remercier d’être présente ce matin, en dépit d’un emploi du temps que nous savons très chargé.
Je vous sais gré également de votre réponse et des décisions tout à fait encourageantes que vous avez déjà prises. Votre démarche va dans le sens de ma préoccupation, car je vous ai posé ces questions afin que la prévention de la récidive soit favorisée à l’aune des dispositions prises en faveur de la réinsertion, les deux étant fortement liées.
L’ancien gouvernement n’avait pas adopté une telle position : seule la prévention de la récidive était prise en compte et aucun objectif de réinsertion n’était fixé.
Cette question du pécule de sortie et des documents d’identité des détenus, comme l’accès à la formation et à l’emploi ou les moyens donnés aux services pénitentiaires d’insertion et de probation, entre autres, vont dans le même sens.
données du ministère de la justice sur le pacte civil de solidarité
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, auteur de la question n° 238, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jean-Jacques Hyest. Madame la garde des sceaux, je tiens à vous remercier à mon tour d’être présente ce matin au Sénat, malgré votre emploi du temps extrêmement chargé.
Je souhaiterais que vous nous donniez des informations sur les statistiques détenues par le ministère de la justice relatives au pacte civil de solidarité.
En effet, si ce pacte avait été initialement prévu pour les couples homosexuels, au fil des années, et sans doute en raison des modifications qui y ont été apportées, notamment en matière de droit civil, de nombreux couples hétérosexuels se sont engagés dans cette voie.
Je souhaiterais savoir combien de personnes, depuis la création du PACS, ont fait le choix d’en contracter un, quelle est la proportion des couples hétérosexuels et homosexuels, et quelle est la durée moyenne de ces engagements dans les deux types d’union.
Plus précisément, je souhaiterais obtenir le pourcentage de PACS rompus pour mariage, et de ceux qui le sont pour cause de séparation chez les hétérosexuels.
Enfin, madame la garde des sceaux, j’aimerais connaître le pourcentage de rupture de cet engagement chez les personnes de même sexe. Je vous remercie par avance de votre réponse.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur les données statistiques relatives au pacte civil de solidarité, et plus précisément sur le nombre de contrats qui ont été conclus dans ce cadre, sur leur durée moyenne, sur le sexe des partenaires et les motifs de rupture.
Permettez-moi de vous dire, monsieur Hyest, que si je ne connaissais pas votre rigueur juridique et la constance avec laquelle vous travaillez sur des questions sociétales notamment, qui sont pour moi autant de garanties, je trouverais la démarche quelque peu intrusive. (M. Jean-Jacques Hyest s’étonne.)
Je tiens néanmoins à vous remercier de cette question, car elle nous donne l’occasion de nous rappeler que, voilà une quinzaine d’années, lorsque le pacte civil de solidarité a été débattu et voté, il avait suscité des inquiétudes très vives, suivies de déclarations extrêmes, parfois même extrémistes.
Aujourd’hui, ce pacte civil de solidarité est totalement installé dans notre droit ainsi que dans notre société. Votre question, monsieur le sénateur, nous permettra de constater, à partir des chiffres, l’évolution de ce contrat et, surtout, l’adhésion des couples français au PACS.
En 2000, 22 276 PACS ont été enregistrés. Onze ans plus tard, en 2011, on en totalise 1 055 192. Nous ne disposons pas encore des chiffres pour l’année 2012, mais cela ne saurait tarder.
Je ne cite que les chiffres disponibles pour le ministère de la justice, car depuis la loi du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées, vous le savez, les notaires, lorsqu’ils rédigent la convention de PACS, procèdent eux-mêmes à l’enregistrement de ce contrat. Les statistiques des notaires pour l’année 2012 ne seront disponibles qu’à la fin de 2013.
En ce qui concerne la durée moyenne d’un PACS, elle était, en 2011, de 32,7 mois – les décimales ne veulent rien dire, mais c’est l’absurdité des statistiques ! –, contre 27,8 mois en 2007, sans qu’une différence substantielle selon la composition du couple ait pu être relevée : 32,7 mois pour les couples hétérosexuels et 32,6 mois pour les couples de même sexe.
S’agissant de la proportion respective de couples hétérosexuels et de couples homosexuels, on estime que, en 1999, 42 % des couples étaient constitués de partenaires de même sexe, alors qu’en 2011 cette proportion est de 4,7 %. Cela signifie que 95 % des PACS sont conclus par des personnes de sexes différents.
On peut relever que, de façon générale, les couples d’hommes ont plus recours au PACS que les couples de femmes : environ deux tiers des couples de même sexe ayant conclu un PACS sont des couples d’hommes.
J’en arrive à la dissolution du PACS et à ses motifs. C’est sur cet aspect que j’ai évoqué le caractère peut-être intrusif de votre question, monsieur le sénateur, car nous ne nous sentons pas autorisés à nous interroger sur les raisons pour lesquelles les couples mariés, par exemple, divorcent.
Nous disposons toutefois de quelques données : en 2011, 42 176 PACS ont été dissous et 144 000 déclarations enregistrées.
Pour les couples hétérosexuels, la dissolution est intervenue à la suite de l’accord commun des partenaires ou sur décision unilatérale de l’un ou de l’autre – comme cela se passe habituellement – dans plus de 55 % des cas, et dans 40 % des cas pour cause de mariage, mais parfois avec une autre personne…Mais, après tout, c’est aussi une liberté dans notre société que de pouvoir quitter un partenaire pour convoler avec un autre !
Pour les couples homosexuels, qui n’ont pas encore accès au mariage, toutes les ruptures sont définitives. La situation va probablement évoluer dans les prochaines années, puisque, normalement, les assemblées parlementaires devraient adopter prochainement le projet de loi relatif au mariage et à l’adoption que le Gouvernement s’apprête à présenter.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Pour ce qui concerne l’avenir, nous allons débattre de cette question au cours des prochaines semaines, et peut-être même au cours des prochains mois !
circulaire sur la prestation de service unique
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Piras, auteur de la question n° 188, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Bernard Piras. Madame la ministre, je souhaitais attirer votre attention sur les grandes difficultés financières des communes, contraintes d’appliquer la nouvelle circulaire n° 2011-105 du 29 juin 2011, signée entre la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, et l’État, relative à la prestation de service unique d’accueil du jeune enfant, qui impose aux collectivités ou aux établissements publics disposant de structures d’accueil pour les petits enfants de fournir l’intégralité des repas ainsi que le nécessaire de toilette – dont les couches – à chaque enfant accueilli en halte-garderie ou en jardin d’enfants.
Cette nouvelle circulaire emporte de lourdes conséquences financières pour les communes – coûts des fournitures et dépenses d’investissement liées à la construction de lieux de stockage. Il semble également difficile d’organiser techniquement ce nouveau mode de gestion, en particulier dans les micro-crèches, en raison de l’exiguïté des locaux.
Dans cette période budgétaire contrainte, ces nouvelles modalités vont obliger les communes à surseoir à la création de nouveaux équipements et services pourtant essentiels. Une fois de plus, les communes sont obligées de dépenser, alors que les édiles ont de plus en plus de mal à faire face à ce surcroît de charges.
Je vous demande donc de bien vouloir m’indiquer si vous entendez prendre en considération les conséquences de cette circulaire et mettre en œuvre les mesures qui s’imposent.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le sénateur, vous souhaitez savoir comment le ministère des affaires sociales et de la santé compte appliquer la lettre-circulaire du 29 juin 2011, relative à la prestation de service unique, la PSU.
Cette circulaire rappelle que, pour bénéficier de cette prestation, les crèches doivent appliquer le barème des participations fixé par la CNAF, lequel couvre la prise en charge de l’enfant pendant son temps de présence dans la structure, y compris les repas et les soins d’hygiène.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille, a déjà eu l’occasion de le rappeler, notamment devant le Congrès des maires, cette prestation correspond à une prise en charge par la branche famille, à hauteur de 66 %, du prix de revient horaire d’un établissement d’accueil pour un jeune enfant. Cela signifie que la CNAF assume, à hauteur de 66 %, ce que la prise en charge d’un enfant coûte à la structure collective.
En échange de cette participation, la CNAF tient à ce que certaines règles soient observées. Elle exige notamment que la couverture de l’enfant soit intégralement assurée. Pour parler très concrètement, il faut que, pendant le temps de présence de l’enfant, la crèche fournisse, en particulier, les repas et les couches.
C’est au nom de l’équité, de la mixité sociale, de la bonne gestion, au nom de l’égalité territoriale et sociale aussi, que ces règles doivent être appliquées dans les mêmes conditions partout sur notre territoire. Nous ne pouvons pas admettre que certains services et certaines prises en charge soient assurés dans tel endroit et non dans tel autre.
Je comprends parfaitement votre préoccupation, qui est de ne pas mettre en difficulté les structures d’accueil de jeunes enfants, et le Gouvernement la fait sienne. Toutefois, nous ne pouvons pas reporter les difficultés sur les parents. Or c’est ce qui arrive lorsque des structures n’accordent pas leur soutien à la prise en charge des frais relatifs à l’hygiène ou aux repas.
Face à ces difficultés, dont nous avons pleinement conscience, Dominique Bertinotti a demandé à la CNAF de réaliser une enquête pour comprendre pourquoi certaines structures se heurtent à des difficultés, et pour identifier les obstacles auxquels certains territoires sont plus confrontés que d’autres. De son côté, l’Association des maires de France a également lancé une enquête.
Le Gouvernement est prêt à accorder un délai supplémentaire aux structures qui ne respectent pas encore les règles applicables, afin de leur laisser le temps de la concertation et de permettre qu’une démarche positive soit engagée.
J’ajoute à ce titre que la négociation de la prochaine convention d’objectifs et de moyens de la branche famille sera, pour le Gouvernement, l’occasion de réaffirmer ses objectifs en matière d’accueil de la petite enfance. Cette négociation doit constituer le cadre naturel d’une réflexion sur la PSU, qui constitue l’un des éléments de cette politique.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras. Madame la ministre, je tiens à apporter quelques éléments complémentaires.
Si nous sommes sollicités par différentes communes sur ce sujet, c’est parce que les surcoûts financiers de 33 % qui demeureront à leur charge se combinent à tout ce que les gouvernements précédents leur ont enlevé depuis 2002. Je n’énumérerai pas les différentes mesures : les collectivités territoriales n’ont plus d’autonomie financière, compte tenu de la réforme de la taxe professionnelle, et les dotations de l’État, auparavant réduites, semblent désormais stagner. Bref, les collectivités vont subir un véritable effet de ciseaux. Certaines d’entre elles s’en sortiront, mais, pour d’autres, notamment les plus modestes, la situation est assez délicate.
S’ajoute à cela un autre problème, qui n’est pas d’ordre financier. Certains parents, qui ne peuvent inscrire leurs enfants en crèche faute de places disponibles, protestent et s’interrogent : « Pourquoi pas nous ? Pourquoi ne bénéficierions-nous pas, nous aussi, des couches et des repas ? »
Bref, la situation née des différents modes de garde d’enfants dans notre société suscite un certain nombre de questions, et un sentiment d’injustice chez certaines familles.
sortir les laboratoires publics départementaux de la concurrence
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 214, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Mme Marie-France Beaufils. Madame la ministre, la loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006, dans son article 52, a signé la programmation de l’arrêt de mort de nombreux laboratoires publics départementaux au profit du développement croissant de véritables monopoles privés.
Certains établissements publics résistent encore, comme dans le département d’Indre-et-Loire, mais souffrent du contenu de ce texte, qui impose la passation de marchés pour la réalisation des contrôles obligatoires. C’est là, au nom de la concurrence dite « libre et non faussée », la conséquence directe d’une transposition abusive d’une directive européenne.
De nombreux pays européens ont fait le choix de ne pas livrer aux laboratoires privés un secteur aussi sensible, lié à la protection de la santé de leurs citoyens. La France est le seul pays à procéder de la sorte en Europe pour le contrôle de la qualité des eaux fournies aux consommateurs.
Ainsi, en instaurant via cet article l’agrément automatisé des laboratoires, la porte a été ouverte pour que puissent s’engouffrer deux laboratoires privés, qui font actuellement la loi sur le marché.
Les laboratoires publics ont pour mission d’assurer un service de proximité et de qualité. La loi sur l’eau, en prônant la concurrence, a imposé d’autres critères relevant des recettes de l’entreprise privée, comme la rationalisation, la compression des coûts ou la compétitivité. La course au profit et à la productivité remplace ainsi l’objectif essentiel de santé publique, fondé sur un travail scientifique de qualité. À mes yeux, ces méthodes sont aux antipodes de l’exigence d’esprit critique que doivent observer les analystes.
Le dumping devient une méthode utilisée couramment. Dans notre département d’Indre-et-Loire, les concurrents privés baissent volontairement les prix du marché pour mettre en difficulté les laboratoires publics jusqu’à un effondrement des tarifs : par rapport au tarif historiquement fixé par le ministère de la santé, cet effondrement s’établit, pour le premier des deux laboratoires concernés, CARSO, à 75 %, et pour le second, Eurofins, à 81 %. Ces derniers souhaiteraient voir disparaître le laboratoire de Touraine, qui résiste encore grâce à la volonté politique du conseil général et maintient un outil performant et indépendant capable d’assurer le contrôle de la salubrité des eaux.
La situation créée au niveau national est inquiétante, puisque de nombreux laboratoires publics disparaissent et que d’autres sont exposés à des difficultés financières les mettant en position de fragilité, au profit des deux grands laboratoires que je viens de citer.
Les salariés sont inquiets, et leurs représentants m’ont alertée. Des associations qui regroupent les directeurs et cadres des laboratoires publics départementaux lancent un véritable cri d’alarme quant aux contrôles de la qualité de l’eau.
Il est inacceptable que les laboratoires privés bénéficient, parallèlement, d’argent public et mettent ainsi en difficulté les laboratoires publics en les contraignant à aligner leurs tarifs. La société CARSO, acteur majeur de ce dumping commercial, a obtenu en 2010, pour financer son développement, 20 millions d’euros au titre du Fonds stratégique d’investissement, détenu à 51 % par la Caisse des dépôts et consignations et à 49 % par l’État. Il faut mettre un terme à ces pratiques !
À cette fin, madame la ministre, je vous propose que soit amendée la loi sur l’eau, tout particulièrement l’article L. 1321-5 du code de la santé publique, où il est fait mention du processus de choix des laboratoires.
À l’heure actuelle, aux termes de cet article, l’État « est chargé de l’organisation du contrôle sanitaire des eaux. » On pourrait ajouter : « Il conclut à cet effet, avec un ou des laboratoires agréés, le marché nécessaire. Il est la personne responsable du marché. »
Je vous propose également d’abroger, dans les plus brefs délais, l’arrêté du 9 novembre 2011 portant modalités d’agrément des laboratoires effectuant des analyses dans le domaine de l’eau et des milieux aquatiques au titre du code de l’environnement.
En effet, il est urgent de confier aux seuls laboratoires publics départementaux agréés et accrédités par le COFRAC les analyses relatives aux contrôles officiels d’alimentation – pour les eaux brutes comme pour les eaux traitées – et des eaux de loisirs dans le cadre d’un service public.
De surcroît, en inscrivant les missions assurées par les laboratoires départementaux, qui pourraient se coordonner à l’échelle régionale, dans les compétences des conseils généraux, il serait possible de consolider le maillage territorial sanitaire français.