M. Claude Bérit-Débat. Mais bien sûr !...
M. Philippe Marini. … de n’examiner que ces dispositions, quitte à laisser passer toutes les autres (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.),…
M. François Rebsamen. C’est trop tard !
M. Philippe Marini. … ce que nous serions susceptibles de faire ? Et je prends à témoin mes collègues, nous n’abuserions naturellement pas de la situation. (Murmures sur les mêmes travées.) Mais cela supposerait que vous retiriez en cet instant la motion tendant à opposer la question préalable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La situation est simple.
L’Assemblée nationale a adopté le projet de loi de finances pour 2013 en nouvelle lecture et a intégré un certain nombre de nos propositions. Malheureusement, elle n’a pas pu véritablement retenir tout ce que nous proposions en seconde partie, faute pour celle-ci d’avoir pu être examinée par le Sénat.
Mes chers collègues, nous aurons au total cet automne perdu treize journées de travail dans cet enchaînement d’examens de textes financiers et de programmation, treize journées de travail perdues parce que la première partie du projet de loi de finances n’a pas été votée, ici, au Sénat !
Face à ce constat, certains de nos collègues semblent soudain éprouver des remords : « Bon sang, mais c’est bien sûr ! Nous avons pris la mauvaise décision ; nous aurions dû voter autrement ; nous aurions dû laisser le Sénat travailler en totalité sur la première lecture et, ainsi, être en mesure d’expliquer aux députés la vision de notre assemblée sur l’ensemble des articles, en particulier sur tout ce qui concerne les collectivités. »
M. Yvon Collin. Très bien !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Et nos collègues de se désoler de n’avoir pas été en mesure de faire aussi finement qu’ils l’auraient souhaité ce travail de pédagogie.
J’entends bien les remords qui se sont exprimés en commission ce matin et qui ont conduit certains de nos collègues de l’opposition à dire qu’ils avaient changé de point de vue, qu’ils allaient se remettre au travail durant les quelques heures qui restent avant la fin de la session budgétaire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Alors donc que treize journées ont été perdues, on nous demande aujourd’hui de remettre l’ouvrage sur le métier et d’examiner en quelques heures une centaine d’articles !
Chers collègues, vous reconnaîtrez que la tâche est particulièrement difficile et, même si personne ici n’a peur de s’y atteler, je crains qu’elle ne soulève une objection majeure. En effet, mener ce travail – après tout, on pourrait s’accorder pour dire qu’il doit être fait – n’aurait de sens que si les amendements étaient adoptés et, en l’occurrence, si le projet de loi de finances était adopté en nouvelle lecture par le Sénat.
M. Philippe Marini. Vous ne pouvez pas demander à l’opposition de voter ce budget !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Or l’opposition nous a prévenus : à l’issue de tout ce travail d’examen, elle votera tout de même contre le projet de loi de finances !
M. Philippe Marini. Tournez-vous vers les responsables, monsieur le rapporteur général, pas vers nous !
M. Albéric de Montgolfier. Regardez à gauche !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. En d’autres termes, monsieur Marini, vous nous incitez à mener l’examen des articles à son terme, quitte à y consacrer des heures, des jours et des nuits,…
M. Philippe Marini. Pas tant que cela, vous exagérez !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … alors que, de toute façon, cela ne servira à rien puisque vous voterez contre l’ensemble du texte et qu’il n’y aura aucune possibilité d’inscrire dans ce PLF pour 2013 toutes les avancées qui auront été réalisées ici.
Je ne comprends donc pas la logique de votre démarche, monsieur Marini.
M. Philippe Marini. Soixante-trois amendements ont été votés en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Chacun l’aura compris, vous ne cherchez qu’à prolonger ce débat jusqu’au blocage afin de nuire au Gouvernement en l’empêchant de faire aboutir son projet de loi de finances et d’agir au plus vite pour redresser nos finances publiques, restaurer la croissance et remettre le pays d’aplomb.
Tel est bien l’enjeu en cet instant. Mais nous avons, nous, la volonté que le Gouvernement puisse agir au plus vite et nous ne nous satisfaisons pas de solutions de blocage telles que celle qui nous est proposée aujourd’hui.
Je crains que ne se soit installé dans le paysage politique français, ces dernières semaines, un virus malfaisant, qui consiste, dans certaines organisations politiques, à faire durer éternellement les palabres et les votes. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Il ne faut pas accepter que le Sénat se fasse inoculer ce virus ; nous devons au contraire avoir le sens de l’efficacité et nous opposer à la démarche qui est la vôtre : il faut voter cette motion tendant à opposer la question préalable. C’est l’avis incontestable de la commission, qui l’a adoptée par vingt-trois voix contre treize. C’est donc ainsi que j’en rends compte à l’ensemble de nos collègues, en les incitant à voter la motion défendue par François Rebsamen. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Bricq, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le président du groupe socialiste, François Rebsamen, a très clairement décrit la situation et j’aurai peu de chose à ajouter.
La motion présentée est la réponse à une démarche d’obstruction – car c’est bien de cela qu’il s’agit –, visant à retarder l’adoption d’un texte, en prolongeant un débat de manière stérile, car il ne pourra pas aboutir, comme le rapporteur général vient de le rappeler.
L’adoption de cette motion tendant à opposer la question préalable est donc nécessaire pour assurer un vote rapide du projet de loi de finances par le Parlement dans les délais constitutionnels. Son dépôt est un acte de responsabilité, dont je remercie la majorité sénatoriale. Le Gouvernement y apporte son soutien plein et entier.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cette motion doit être votée.
Le rapporteur général l’a tout à l’heure rappelé, lors de la discussion générale, le Sénat, malgré le rejet de l’ensemble du texte en première lecture, a apporté sa contribution, qui a parfois pu être reprise par l’Assemblée nationale. La Haute Assemblée a donc pris toute sa place dans l’élaboration d’un projet de loi de finances qui reprend nombre de ses propositions.
C’est à la majorité de permettre la promulgation prochaine de ce texte et, surtout, sa mise en œuvre. Vous pouvez avoir des différences d’appréciation, mesdames, messieurs les sénateurs, mais le sens de ce texte, c’est celui de la justice sociale, objectif que nous avons en partage avec la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. J’ai noté la gravité de ton du président Rebsamen lors de ce moment très particulier où il a présenté sa motion, et c’est avec la même gravité que je veux m’exprimer.
Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, malgré un certain nombre de réserves – des réserves qui se veulent constructives, car, madame la ministre, avec le Gouvernement, avec le groupe socialiste, majoritaire, nous souhaitons vivement débattre afin d’avancer ensemble –, les écologistes, qui appartiennent à la majorité, souhaitaient voter ce projet de loi de finances.
En première lecture, toutefois, le Sénat a décidé d’en rejeter la première partie et, conséquemment, le texte tout entier. On peut, bien sûr, regretter que, de ce fait, le Sénat perde incontestablement de son influence dans le processus de « coconstruction » de la loi avec l’Assemblée nationale.
Il est en particulier profondément dommageable que le Sénat n’ait pu se prononcer, à l’occasion de la discussion de ce projet de loi de finances, sur les dispositions relatives aux collectivités territoriales, qui constituent le cœur de sa compétence et à propos desquelles son expérience est aussi reconnue qu’attendue.
Néanmoins, cette décision du Sénat est la conséquence des choix politiques des uns et des autres, et il convient naturellement de les respecter.
Le texte qui nous est présenté aujourd’hui en nouvelle lecture ne diffère de celui que nous avons étudié en première lecture qu’à la marge. Or ce ne sont pas des détails qui ont pu décider les uns et les autres à se prononcer sur ce texte. Comme l’équilibre politique de notre chambre est identique à celui qu’il était il y a quelques jours à peine, il va de soi que les positions des différents groupes politiques ne peuvent pas avoir changé.
Mais, ce matin, j’ai appris qu’en commission – je ne m’y trouvais pas, et pour cause –, nos collègues de l’opposition avaient décidé, contre toute attente, de s’abstenir sur la première partie du projet de loi de finances, qu’ils fustigent pourtant, au seul motif qu’ils souhaiteraient avoir maintenant un débat sur la seconde partie !
J’ai tout à l'heure écouté avec attention l’intervention du président Marini : c’était un grand numéro d’acteur. Mais, l’actualité nous en fournit un exemple qu’il s’agit de ne pas imiter, on peut être un grand acteur de théâtre et de cinéma et ne pas faire honneur à la France… (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini. Je n’ai nullement l’intention de partir ! Je compte bien rester en France ! (Sourires.)
M. Albéric de Montgolfier. M. Marini n’est pas Depardieu !
M. Joël Labbé. Alors que le droit d’amendement est désormais restreint par la règle de l’entonnoir, alors que l’Assemblée nationale a fortement imprimé sa marque sur ce texte, voilà que vous sollicitez un débat devenu impossible, quelques jours seulement après l’avoir refusé, quand il pouvait encore se tenir dans de bonnes conditions.
Mes chers collègues, nous devons être attentifs au regard que porte sur nous le peuple français. Aujourd’hui, c’est notre assemblée qui ne sort pas grandie de ces petites manœuvres politiciennes.
M. Philippe Marini. Parlez aux responsables !
M. Joël Labbé. Je vous le dis du fond du cœur, nous devons prêter attention au peuple français et cesser de jouer à ces petits jeux. Ce temps est révolu. On a à discuter au sein de la majorité. Il peut arriver qu’une majorité ait besoin de se construire ; on va la construire. On aura à discuter afin d’avancer dans l’intérêt supérieur de la nation et du peuple français.
M. Philippe Marini. Priez Notre-Dame des Landes !
M. Joël Labbé. C’est parce que le groupe écologiste ne veut pas laisser notre institution se faire instrumentaliser par une opposition qui, aujourd’hui, se comporte d’une manière indigne (Protestations sur les travées de l'UMP.), je suis désolé de devoir le dire,…
M. Philippe Marini. Respectez l’opposition !
M. Joël Labbé. … c’est parce que nous souhaitons que soient respectés les équilibres politiques de notre assemblée dans toute leur diversité et c’est également parce que nous considérons que le débat parlementaire est une affaire sérieuse que nous, écologistes, voterons la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Nouveau sénateur, j’avoue être un peu surpris par ces débats.
J’ai fait partie, en commission, de ceux qui prônaient l’abstention sur l’article d’équilibre, non pas que j’approuvais le projet de loi de finances pour 2013, mais parce que, convaincu que les efforts doivent être beaucoup plus importants sur les dépenses, il me semblait que le Sénat devait débatte de la seconde partie en séance publique,…
Mme Michèle André. Eh oui !
M. Vincent Delahaye. … et ce d’autant plus que j’avais beaucoup travaillé sur les crédits des missions, et, avec mon groupe, déposé un grand nombre d’amendements.
Lors du débat qui a eu lieu au sein du groupe UDI-UC, une majorité s’est dégagée pour refuser les augmentations d’impôts particulièrement élevées proposées dans cette première partie. Je rappelle qu’il s’agit de 20 milliards d’euros, à ajouter aux 7 milliards votés en juillet, soit 27 milliards d’euros au total. Conscients que ce matraquage fiscal – je n’ai pas peur du terme – allait malheureusement peser sur l’économie française et accentuer les effets récessifs que nous connaissons aujourd’hui, et ne pouvant pas l’accepter, nous avons décidé de voter contre.
Ce qui nous a surpris, c’est qu’il n’y ait pas de majorité au sein du Sénat.
M. Philippe Marini. En effet !
M. Vincent Delahaye. Car, comme l’a dit le président Marini tout à l’heure, ce n’est pas l’UDI-UC, ni l’UMP, qui a empêché l’adoption de la première partie, c’est le groupe communiste, qui a voté avec nous contre l’article d’équilibre !
M. Philippe Marini. Tout à fait !
M. Vincent Delahaye. Voilà pourquoi le Sénat n’a pas pu discuter de la seconde partie, consacrée aux dépenses, au contraire de l’Assemblée nationale, qui a même introduit dans le texte des modifications, à la marge, je le reconnais, en ce qui concerne les collectivités territoriales.
Je pense que nous pourrions nous entendre ; nous n’avons nullement l’intention de bloquer le processus institutionnel, ni de nous livrer à une bataille d’arrière-garde à coups d’amendements. Nous aimerions simplement pouvoir discuter d’un certain nombre de points.
Si vous retiriez cette motion (Mme Marie-France Beaufils s’esclaffe.), nous pourrions nous engager à ne discuter que de ces points-là et à aller très vite sur le reste. Nous retirerions nos amendements, qui sont d’ailleurs peu nombreux, et le Sénat pourrait ainsi donner l’image d’une assemblée de gens sérieux, qui savent travailler sur le fond, notamment à propos des collectivités territoriales.
Je rappelle que nous avons reçu les simulations faisant suite aux décisions prises par l’Assemblée nationale voilà quelques minutes seulement.
M. Philippe Marini. Absolument !
M. Vincent Delahaye. Tout cela mérite d’être étudié sérieusement.
S’il ne vaut maintenant plus la peine que nous examinions les crédits de chaque mission et que nous présentions toutes les propositions de diminution de dépenses que nous aurions pu formuler, il serait bon tout de même que nous nous penchions sur les dispositions relatives aux collectivités territoriales.
Pour ma part, je suis surpris que le groupe qui soutient le Gouvernement ait déposé une motion tendant à opposer la question préalable et veuille ainsi nous priver d’un débat intéressant.
Mme Michèle André. Formidable !
M. Vincent Delahaye. J’étais prêt à travailler quelques heures, quelques jours supplémentaires au sein de cette institution, comme, je le crois, tous mes collègues de l'UDI-UC.
M. Jean-Claude Lenoir. Nous aussi !
M. Jean-Jacques Mirassou. Nous ne sommes pas à votre disposition !
M. Vincent Delahaye. Cela étant dit, chacun aura conclu de lui-même que nous étions contre cette motion : nous espérons qu’elle sera repoussée ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. J’observe que la procédure choisie par le groupe socialiste n’est ni nouvelle ni originale. Un projet de loi d’habilitation bien connu, déposé à l’automne 1995, avait fait l’objet de cette même procédure en vue d’une entrée en application accélérée. Nous ne sommes donc pas dans une situation totalement inédite, quand bien même il ne s’agit pas de textes du même type puisque, à l’époque, étaient en jeu les ordonnances Juppé sur la sécurité sociale, vaste sujet tout de même !
M. Philippe Marini. Combien d’amendements ?...
Mme Marie-France Beaufils. L’adoption de la motion conduit donc à une conclusion plus rapide des débats sur le projet de loi de finances pour 2013, à tout le moins au sein de notre assemblée, où le texte avait déjà été rejeté à la suite de la non-adoption, je le rappelle, de la partie consacrée aux recettes.
Son caractère éminemment défensif ne doit cependant pas nous faire oublier quelques-uns des éléments essentiels du débat.
Nous avons constaté la difficulté – pour ne pas dire plus – du Gouvernement, en particulier du ministère des finances, à faire preuve de l’audace nécessaire en ces temps difficiles pour conduire une authentique réforme fiscale, durable et profondément progressiste, s’inspirant à la fois de ce qui fut accompli ici l’an dernier et faisant la part des choses.
Une telle réforme fiscale ne peut se résumer selon nous à un partage du poids de l’effort entre ménages et entreprises ; elle consiste bel et bien à faire le choix de mettre un terme aux inégalités fiscales les plus évidentes, et uniquement à celles-ci !
La plus-value, mes chers collègues, et je ne vous renvoie pas ici à la lecture des grands classiques, c’est d’abord le produit du travail des salariés avant d’être celui de l’imagination débordante de l’entrepreneur. Il est juste, dès lors, que son éventuelle fiscalisation se fasse au bénéfice de tous et c’est bien pourquoi il ne fallait surtout pas céder aux « pigeons » qui ont tenu la plume de Bercy à l’article 6 !
Nous pensons que ceux qui ont réalisé une importante plus-value et qui, bien souvent, vendent leur activité avant qu’elle soit moins rentable, ne peuvent exiger d’être moins imposés qu’un salarié dont les revenus auraient progressé dans les mêmes proportions.
La justice fiscale est un élément indispensable de notre système de prélèvements obligatoires. Nous ne pouvons décidément pas accepter que certains continuent, sans que la moindre preuve du bien-fondé de la chose ait jamais été apportée, à revendiquer, comme vous venez de nouveau de le faire à l’instant, monsieur Delahaye, une baisse des dépenses publiques pour retrouver l’équilibre budgétaire qu’exige le Mécanisme européen de stabilité, voté dans cette assemblée sans notre participation.
Vous savez combien les services publics sont indispensables à la vie des plus modestes. Tout le monde a reconnu, en 2008, que ces services publics et la dépense publique avaient permis à la France de mieux passer le cap que d’autres pays qui n’avaient pas de tels outils à leur disposition.
Il suffirait que vous renonciez à l’un des principes fondamentaux les plus discutables du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, à savoir l’interdiction faite aux États de l’Union de se refinancer auprès de la Banque centrale européenne, pour que nous puissions faire immédiatement l’économie de plusieurs milliards d’euros d’intérêts, actuellement versés aux marchés financiers, en ramenant le coût apparent de la dette publique au niveau du taux directeur de la BCE.
Vous qui demandez une lecture de la seconde partie, imaginez ce que serait une dette d’un montant compris entre 1 300 milliards et 1 400 milliards d’euros supportant un taux d’intérêt moyen de 0,75 % ou de 1 %, à comparer aux 48 milliards d’euros que nous consacrons aujourd’hui au paiement de ces intérêts…
Aussi, quand les membres du groupe UMP nous proposent, comme d’ailleurs ceux du groupe UDI-UC, de discuter le projet de loi de finances pour nous présenter des amendements qui, prétendument, nous permettront de satisfaire aux exigences du traité de stabilité, nous savons que ce ne sont pas, comme ils l’ont souvent déclaré pendant les débats, les choix qu’ils feraient eux-mêmes.
Quant à la dépense publique, ils veulent la réduire encore plus.
Alors que la limitation de la création monétaire n’empêche ni la récession économique ni les dévaluations de fait, il convient de s’interroger. Évidemment, c’est compliqué quand on est un partisan convaincu de cette construction européenne qui s’appuie sur la concurrence entre les pays, et non sur la coopération !
En même temps, il est toujours plus commode de crier haro sur le baudet fonctionnaire ou allocataire social que de s’attaquer à la rente des marchés financiers.
Aussi, l’abstention sur les recettes envisagée en nouvelle lecture par le groupe UMP ne serait en rien liée à une amélioration du texte dans le sens attendu par notre groupe.
En tout état de cause, nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable, quand bien même nous étions parfaitement disposés à examiner plus avant les arguments invoqués par les uns et les autres pour étayer leurs positions ; notre présence lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, alors que, sur d’autres travées, les rangs étaient bien éclaircis, démontre d’ailleurs notre volonté de participer au débat. Oui, nous voterons la motion, quand bien même nous ne souscrivons pas à son dernier paragraphe.
Nous la voterons aussi, parce qu’il convient d’en appeler demain au dialogue, nécessaire tout simplement pour que la gauche sénatoriale, dans sa pluralité et dans sa diversité, puisse pleinement se retrouver dans la politique de réussite du changement attendu par nos compatriotes, afin de construire la politique de justice sociale et fiscale à laquelle nous sommes particulièrement attachés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.
M. Albéric de Montgolfier. À cette heure un peu tardive d’une séance prolongée, je me contenterai, pour répondre à quelques questions simples, de rappeler certains chiffres.
Y a-t-il encore une majorité dans notre assemblée ?
Mme Michèle André. Vous allez le voir !
M. Claude Haut. Attendez un peu !
M. Albéric de Montgolfier. Oui, mais c’est une majorité négative !
La vraie réponse, nous l’avons eue lors du vote d’une mesure importante, la création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui a été rejetée par 203 voix contre 144.
Ce vote explique peut-être à lui seul cette motion : il semblerait que le Gouvernement ait peur de sa propre majorité…
M. Jean-Claude Lenoir. Voilà la vérité !
M. François Rebsamen. Mme Bricq ne donne pas l’impression d’avoir peur !
M. Albéric de Montgolfier. J’ai entendu les arguments des uns et des autres, notamment ceux de M. Rebsamen.
Nous ferions de l’obstruction ? Là encore, citons les chiffres. Sur ce projet de loi de finances, 76 amendements ont été déposés, ce qui est relativement raisonnable, dont 23 par le groupe UMP.
Où est l’obstruction ?
Nous n’aurions déposé que des amendements de suppression ? Nous en avons, c’est vrai, déposé 11, ainsi que 12 amendements purement techniques.
Quant à pousser à l’examen de la seconde partie uniquement pour faire de l’obstruction, je rappelle que, sur cette partie, le groupe UMP n’a déposé que 2 amendements ; le RDSE en a déposé 2, les rapporteurs spéciaux, notamment Jean Germain et Pierre Jarlier, 4. M. Patriat en a déposé, à lui seul, 3.
Encore une fois, où est l’obstruction ?
M. François Rebsamen. C’est de l’argutie !
M. Albéric de Montgolfier. Il me faut dans le même temps signaler qu’à l’Assemblée nationale le Gouvernement a déposé 63 amendements en nouvelle lecture !
Qui est raisonnable ? Où est la vérité ?
À ce stade, je formule une proposition, pour le coup extrêmement raisonnable, proposition sur laquelle nous pourrions peut-être nous mettre d’accord dans cette enceinte puisque, tous, nous regrettons de ne pas pouvoir examiner les amendements techniques, notamment ceux qui concernent les collectivités.
Le groupe UMP a, pour cette raison, retiré tous ces amendements sur la première partie et souhaiterait que nous nous consacrions maintenant exclusivement à l’examen des amendements de la seconde partie relatifs aux collectivités territoriales,…
M. Jean-Pierre Caffet. Trop tard !
M. François Rebsamen. Il fallait le faire avant !
M. Claude Haut. Ce sont des manœuvres !
M. Albéric de Montgolfier. … en particulier les amendements de nos collègues Jean Germain et Pierre Jarlier, qui sont absolument essentiels pour les départements.
Les conseils généraux et les collectivités concernées nous en remercieraient, parce que la version issue des travaux de l’Assemblée nationale est catastrophique.
M. Philippe Marini. On peut avoir fini à minuit !
M. François Rebsamen. Nous allons nous méfier de vous maintenant que nous vous savons si manœuvriers !
M. Albéric de Montgolfier. Comme le dit M. Marini, nous pouvons avoir fini à minuit. Le texte serait amélioré et ce serait à l’honneur du Sénat de s’être ainsi attaché à défendre les collectivités. Voilà pourquoi nous faisons cette proposition à laquelle je crois que chacun ici peut souscrire.
Dans ces conditions, j’imagine que le groupe socialiste reviendra sur sa position. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UDI-UC.)
M. Jean-Claude Lenoir. Suspension de séance !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Philippe Marini. Retirez la motion !
M. Jean-Pierre Caffet. Il est vrai qu’il peut paraître insolite…
M. Albéric de Montgolfier. C’est un euphémisme !
M. Jean-Pierre Caffet. ... que le principal groupe de la majorité dépose une motion tendant à poser la question préalable contre un texte – et quel texte ! – du gouvernement qu’il soutient.
Ce n’est donc pas de gaîté de cœur que nous voterons la motion, mais, si nous l’avons déposée, mes chers collègues, c’est parce que nous avons pour objectif de préserver cette loi de finances.
Nous voulons qu’elle s’applique parce que nous sommes convaincus que les crédits qu’elle prévoit, par exemple pour l’éducation, pour l’enseignement supérieur et la recherche, pour l’emploi – je pense aux contrats d’avenir -, seront utiles aux Français.
Nous sommes convaincus que la stratégie que ce texte incarne est la bonne pour le redressement de la France.
Je ne dirai pas que vous avez conduit le pays dans l’abîme, mais, franchement, comment pouvez-vous nous faire la leçon aujourd'hui sur la politique qu’il conviendrait de mener alors que notre pays a accumulé 600 milliards d’euros de dettes supplémentaires en cinq ans, que son déficit du commerce extérieur s’élève à 70 milliards d’euros, que 700 000 emplois ont été détruits en cinq ans ?
Eh bien, je le répète, nous avons vraiment l’intention que cette loi de finances s’applique et, ma foi, même s’il est regrettable que nous ne puissions pas discuter du texte et notamment de sa seconde partie, peu importe finalement qu’il ne soit pas adopté par le Sénat, s’il l’est par l’Assemblée nationale.
Ce qui nous importe à nous, c’est le redressement du pays. Il faut, je l’ai dit, que les Français puissent bénéficier des crédits que le texte prévoit, mais aussi qu’ils renouent avec la justice fiscale, car ils en ont bien besoin !
La droite feint aujourd'hui, pour s’en étonner, de découvrir que la première partie du projet de loi de finances pour 2013 sera rejetée et que donc les recettes ne seront pas adoptées.