Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il fallait surtout les mettre en œuvre dès le budget pour 2013 !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est un scoop !
M. Jean Germain. La TVA ne me semble pas être un impôt totalement injuste ; elle peut compléter utilement l’impôt sur le revenu, qui est évidemment l’impôt le plus juste, mais sur lequel on ne peut faire porter tous les efforts, sous peine d’avoir des effets d’éviction.
Je terminerai en disant qu’il nous faut aussi retrouver des valeurs de solidarité, et que l’on ne sortira pas de la crise pour revenir à la situation antérieure. C’est en tout cas le souhait que le groupe socialiste formule. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Roland du Luart.
M. Roland du Luart. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, mon intervention portera essentiellement sur la taxation des revenus du capital.
Vous proposez en effet, monsieur le ministre, de mettre en œuvre dans ce projet de loi de finances l’une des mesures phares du programme de François Hollande, à savoir l’alignement de la taxation des revenus du capital sur celle des revenus du travail.
Pour résumer, les revenus du capital, notamment les intérêts, dividendes et plus-values mobilières, ne bénéficieront plus désormais d’un taux forfaitaire plus favorable, mais seront soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu, au même titre que les revenus du travail.
Je n’irai pas par quatre chemins, monsieur le ministre : ces mesures de durcissement de la taxation du capital sont une erreur ; elles auront de fortes conséquences sur les détenteurs d’entreprise, c’est-à-dire les créateurs de richesses et d’emploi, et sont contre-productives économiquement.
Encore une fois, si je puis me permettre, vous faites les choses à l’envers : vous annoncez au bout de six mois, enfin, un geste en faveur des chefs d’entreprise, avec le crédit d’impôt compétitivité, mais vous avez préalablement assommé les entreprises avec 13 milliards d’euros d’impôt supplémentaire !
Le vent de la révolte a soufflé et vous a fait reculer sur la taxation des plus-values de cession de valeurs mobilières. Mais ce n’est clairement pas suffisant.
Dans sa version initiale, l’article 6 du projet de loi de finances, notamment, avait pour objet d’imposer au barème de l’impôt sur le revenu des personnes physiques les gains nets de cession de valeurs mobilières réalisés par des particuliers. Cette mesure conduisait à un quasi-doublement de la taxation des plus-values réalisées à l’occasion de cessions de valeurs mobilières, la faisant passer de 34,5 %, le taux proportionnel actuellement en vigueur, déjà largement augmenté dans la précédente loi de finances par le gouvernement Fillon, à 60,5 %.
Ce niveau de taxation des gains de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux des particuliers représente un effort démesuré et nuisible au bon fonctionnement de l’économie, car il découragerait les chefs d’entreprise de prendre des risques, sachant que la plus-value réalisée lors de la cession de leurs parts dans leur entreprise serait taxée à un niveau sans équivalent dans la zone euro.
M. Francis Delattre. C’est vrai !
M. Roland du Luart. Un tel niveau d’imposition des plus-values de cession est plus de deux fois, voire trois fois, supérieur aux taux d’imposition observés chez nos principaux partenaires européens : 28 % en Allemagne et au Royaume-Uni, 21 % en Italie, 13 à 20 % en Espagne.
Sans même évoquer les pays, comme la Belgique, qui exonèrent les plus-values, un tel différentiel d’imposition de plus de 30 à 40 points ne peut que décourager les investisseurs de long terme et favoriser la délocalisation des entrepreneurs.
En favorisant l’évaporation de la base imposable française, la mesure risque donc non seulement de manquer l’objectif budgétaire poursuivi, mais également de stériliser le financement des entreprises françaises par les capitaux privés.
N’oublions pas que les revenus du capital ont déjà supporté une première taxation au titre de l’impôt sur les sociétés. En outre, leur réalisation est par nature aléatoire, à la différence des revenus du travail, sur lesquels la partie variable ne concerne qu’une infime minorité des dirigeants.
Il faut également rappeler que la mise en place par Michel Rocard des prélèvements sociaux prenait alors en compte le fait que les plus-values étaient faiblement taxées. La hausse importante de leur taxation, additionnée aux prélèvements sociaux, aboutit aujourd’hui à une fiscalité confiscatoire.
Par ailleurs, il me semble erroné de considérer une plus-value comme un revenu : les dividendes d’actions, les intérêts d’obligations sont des revenus du capital, mais la plus-value issue de leur cession est un simple « désinvestissement », qui sera probablement suivi par un « réinvestissement », lequel générera de nouveaux revenus taxables, issus du même capital.
Sur Internet, cette mesure a entraîné une fronde très médiatique d’entrepreneurs, qui se sont eux-mêmes surnommés les « pigeons », fronde qui a abouti à un recul partiel du Gouvernement, preuve, s’il en est, de l’impréparation de la disposition qu’il nous soumet, ce que je ne peux pas croire, ou de son manque de prise avec les réalités économiques, ce que je crois, en revanche.
Ce recul demeure néanmoins insuffisant, car il subsiste plusieurs problèmes.
Citons, par exemple, le seuil de 10 % : imaginons le cas de deux co-entrepreneurs, l’un détenant 9,5 % du capital et le second 10,3 %, et qui céderaient leurs parts au bout de quelques années, à la suite du développement de leur entreprise : avec l’effet de seuil, le premier pourrait être imposé à 45 % et le second à 19 %, soit moins de la moitié.
Les plus petits actionnaires sont donc pénalisés. Ce fait peut décourager les entrepreneurs de diminuer leurs parts au profit de leurs salariés et de tenter d’augmenter leur capital et la taille de leur entreprise, car cela diminuerait leurs parts également.
Certes, la majorité a revu sa copie sur certains points : ainsi, afin de limiter un exil massif du capital-investissement français qui aurait des conséquences dramatiques pour notre économie, à l’Assemblée nationale, Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, a exclu les revenus issus du carried interest du champ de la taxation à 75 % des revenus d’activité : imposés comme des salaires, ils sont déjà soumis à une contribution sociale spécifique de 30 %, qui porte leur imposition totale à hauteur de 73,5 % en 2012.
Si l’alignement de la fiscalité des revenus du capital sur celle des revenus du travail peut paraître en théorie séduisante à certains, un problème demeure. En effet, en pratique, en taxant également le capital lui-même, via l’ISF notamment, en plus des revenus de ce capital, les socialistes appliquent la double peine : taxation du flux et du stock de capital. Au final, le capital sera plus taxé que le travail…
Sans ouvrir la polémique, pour être juste, il eût peut-être fallu supprimer l’ISF, auquel s’ajoute désormais la taxation à 75 %...
M. Serge Dassault. Bien sûr !
M. Roland du Luart. Taxer à 75 % n’a aucune logique économique : ce n’est qu’une mesure d’affichage politique, la volonté de tenir une promesse électorale, ce qui, pour certains, peut paraître louable ; mais, sur le fond, c’est un contresens économique. Non seulement, sur le papier, une telle mesure rapporte très peu au budget de l’État, mais encore, elle fait fuir le capital.
Les appels du pied à l’exil fiscal se multiplient. Après le Premier ministre britannique David Cameron, c’est un ancien gouverneur du Mississipi, Haley Barbour, qui, au mois d’août dernier, s’est dit prêt à dérouler le tapis rouge aux « millionnaires français surtaxés ».
De surcroît, seuls les très riches contribuables ne songent pas à quitter la France. Les professionnels de certaines activités particulièrement visées par des hausses d’impôts envisagent, eux aussi, une délocalisation à Londres, Bruxelles, Luxembourg ou Genève. C’est le cas de ceux du capital-investissement français, secteur qui compte quelque 3 000 professionnels gérant un total de 80 milliards d’euros, investis dans 5 000 entreprises, dont 80 % sont des PME françaises. Ces entreprises vont, pour la plupart, se transplanter à la City.
Dans une interview au journal Le Parisien du 3 octobre dernier, le ministre de l’économie et des finances affirmait péremptoirement : « Il n’y a aucun indice d’exil fiscal massif aujourd’hui. »
Au regard de ce propos, il n’y a qu’une seule alternative : soit le ministre est de mauvaise foi, ce que je ne peux pas croire, soit nous ne vivons pas dans le même monde !
J’ai recueilli de nombreux témoignages d’avocats fiscalistes : tous m’ont confirmé que beaucoup de grandes fortunes, de sièges sociaux, de grands cadres dirigeants, de managers de fonds sont en train, aujourd’hui, de se délocaliser ou songent à le faire. Au cours de leur carrière – elle s’étale sur plusieurs décennies pour certains d’entre eux –, ils n’ont jamais vu autant de personnes envisager de quitter la France.
Ces derniers mois, ils ont constaté que les colloques qui traitaient, notamment, du transfert de résidence fiscale au Royaume-Uni, en Belgique ou en Suisse étaient inhabituellement fréquentés. L’effet de l’alourdissement de la fiscalité est faible sur les finances publiques, mais très fort sur les mentalités des personnes visées.
L’exil fiscal est une chose, mais le plus grave tient essentiellement au fait que cette stigmatisation de la fortune, de la réussite, du mérite décourage également les investisseurs étrangers de venir en France et, surtout, décourage les jeunes Français, pour lesquels notre pays a supporté le coût d’une éducation exceptionnelle, de prendre des risques, de réussir et d’entreprendre en France – je connais d’ailleurs plusieurs jeunes créateurs de start-up très prometteurs qui songent à partir.
Avant de conclure, je voudrais souligner que la Chine, régime communiste converti au libéralisme, est, elle, fière de ses millionnaires et sait les faire rester au pays. Nous devrions nous inspirer de cette social-démocratie.
Mme Marie-France Beaufils. Ils ont aussi une banque publique très efficace que nous avons perdue en 1973 !
M. Roland du Luart. Peut-être mènerons-nous le même combat au cours du présent débat, madame Beaufils ! (Sourires.)
Quoi qu’il en soit, pour toutes ces raisons, comme l’ensemble du groupe de l’UMP, je ne pourrai voter ce projet de loi de finances pour 2013. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Georges Patient. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Georges Patient. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget pour 2013 est un budget de combat contre la crise, une nécessité tant la situation de nos finances publiques est dégradée.
Il est en même temps un acte important de redressement du pays, redressement qui doit rassurer quant à la volonté du Gouvernement d’établir ou de rétablir des marges de manœuvre.
À ce titre, dès ce premier budget du quinquennat, le cap fixé par le Président de la République se décline dans de nombreuses mesures prises en matière d’emploi, pour les jeunes en particulier, de réforme fiscale dans la justice, de préservation du pouvoir d’achat des classes populaires et des classes moyennes, de préservation de nos PME, mais aussi en matière d’éducation, de sécurité, de justice et de logement.
Des efforts équilibrés sont faits en faveur du changement que nos concitoyens attendent. C’est un vrai changement de politique car, cette fois, les outre-mer ne sont pas oubliés. Cela rompt avec le traitement budgétaire que leur a infligé le précédent gouvernement, à savoir une diminution constante de l’effort total consenti par l’État en direction des territoires ultramarins.
En effet, durant la période 2007-2012, les outre-mer ont été doublement pénalisés, au titre, d’une part, de la crise et, d’autre part, des coups de rabot successifs pratiqués sur les niches fiscales.
Tel n’est pas le cas dans le présent budget pour 2013. En dépit de la crise, l’effort total consenti par l’État en direction des territoires ultramarins tel qu’il est retracé dans le document de politique transversale, le DPT, s’élève à 16,98 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 16,4 milliards d’euros en crédits de paiement. À l’intérieur de ce montant, la mission « Outre-mer », croît de 4,5 % en autorisations de programme et de 5 % en crédits de paiement. Les dépenses fiscales, elles, sont maintenues à 3,1 milliards d’euros.
Il faut tout de même observer que cette présentation territoriale des crédits à l’intérieur d’un document de politique transversale unique est réservée à l’outre-mer. La raison officielle invoquée est la traduction de la mise en œuvre budgétaire des politiques publiques conduites par l’État dans les outre-mer, mais il n’en demeure pas moins que cette pratique traduit le coût des outre-mer. Cela peut donner lieu à des interprétations cartiéristes qui se limiteraient à remarquer que les outre-mer pèsent 4,52 % des dépenses du budget général et représentent 27,3 % du déficit budgétaire.
Vous le constatez, mes chers collègues, à certains moments, on n’hésite pas à compter les outre-mer de façon exceptionnelle, unique, alors que, à d’autres, l’on sait trop facilement les oublier !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !
M. Georges Patient. Rappelons que la population des outre-mer, soit 2,7 millions d’habitants, représente 4,5 % de la population française, soit l’équivalent de son poids dans les dépenses publiques. Il convient donc de rompre avec cette vision cartiériste trop répandue.
Les outre-mer disposent aussi d’importants atouts qui leur offrent des perspectives de développement susceptibles d’améliorer les conditions de vie de leurs citoyens. Mais il faut, pour cela, laisser aux acteurs locaux la latitude nécessaire pour valoriser ces atouts dans l’intérêt de leurs territoires et mettre à leur disposition des moyens appropriés afin de leur permettre d’exploiter leurs richesses.
Or demeurent beaucoup de freins et de blocages, que François Hollande a décidé de lever en prenant trente engagements spécifiques aux outre-mer. Je me réjouis de constater que bon nombre d’entre eux prennent forme dans le présent projet de loi de finances.
Le premier de ces engagements portait sur la relance de la production et de la croissance. Si les départements et collectivités d’outre-mer sont touchés, comme les autres territoires, par les difficultés économiques internationales, celles-ci s’ajoutent à leurs propres difficultés structurelles. D’importants écarts subsistent, en effet, avec la métropole. Selon les départements, le taux de chômage est encore trois à cinq fois plus élevé et le niveau de vie y est plus faible, avec un PIB moyen par habitant estimé à 17 000 euros en 2010 pour les quatre DOM initiaux, alors qu’il atteignait 29 000 euros en métropole en 2010. Par ailleurs, au 31 décembre 2010, le nombre de bénéficiaires des minima sociaux, RMI et RSA, s’élevait à 7,6 % de la population des quatre DOM, contre 2,9 % dans l’Hexagone. En 2009, le revenu disponible brut par habitant en métropole était 1,7 fois supérieur à la moyenne des quatre DOM.
La politique de soutien à l’emploi doit donc constituer la priorité de l’action publique en outre-mer. À cet égard, je me réjouis de l’augmentation des crédits du Fonds exceptionnel d’investissement, qui passera de 17 millions d’euros en 2012 à 50 millions d’euros en 2013, et surtout du maintien de la défiscalisation et des plafonnements spécifiques dans les outre-mer. Ce sont là des signaux très marquants qui illustrent le sérieux du Président de la République.
La situation économique et sociale très difficile à laquelle sont confrontés nos compatriotes appelle des réponses fortes. La défiscalisation en est une. Elle sous-tend des équilibres fragiles, que l’on ne saurait déstabiliser par des réformes dont l’on n’aurait pas pesé toutes les conséquences. Cela ne signifie pas que ces dispositifs sont immuables ; il y a des critiques qu’il faut pouvoir entendre. Mais cela ne veut pas dire non plus qu’il faut supprimer ou plafonner indifféremment ces dispositifs. En réalité, leur évolution devra être pensée dans le souci d’en améliorer le fonctionnement, au profit d’une croissance durable et pourvoyeuse d’emplois outre-mer. Ce travail sera mené en 2013 et devra l’être dans un esprit d’ouverture, de pragmatisme, de concentration, autant que de sagesse dans l’usage de la dépense publique.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. Georges Patient. Un autre engagement très fort du Président de la république était de redonner espoir aux nouvelles générations des outre-mer en « combattant le chômage [qui] frappe particulièrement les jeunes » et en remettant l’éducation et la jeunesse au cœur de l’action publique. Je rappelle que 30 % de la population outre-mer est âgée de moins de vingt ans. Là aussi, je suis satisfait de constater que les dispositions figurant dans le projet de loi de finances pour 2013 n’oublient pas les outre-mer, contrairement aux années précédentes.
C’est ainsi que 10 000 emplois d’avenir leur sont réservés, soit 10 % de l’enveloppe, et que 50 postes de professeurs des écoles leur ont été accordés.
S’agissant du service militaire adapté, qui obtient des résultats significatifs en termes d’insertion en fin de contrat, l’augmentation des crédits de 40 % dès 2013 justifiée par les investissements nécessaires pour accueillir des stagiaires supplémentaires mérite d’être soulignée.
Pour ce qui concerne le logement social, dont les besoins dans les outre-mer sont considérables – près de 100 000 demandes ne sont pas satisfaites en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à la Réunion et à Mayotte –, je suis, de même, satisfait que la ligne budgétaire unique connaisse une augmentation, même légère. Je salue également le fait que le mécanisme de défiscalisation spécifique au logement social, à l’origine d’une relance effective de la construction de logements sociaux dans les DOM, ait été maintenu.
En 2011, le nombre de logements financés dépassait de près de 70 % la moyenne enregistrée au cours des années allant de 2006 à 2009 ; 90 % des logements sociaux financés ont eu recours, au moins partiellement, à l’aide fiscale et un tiers à la seule défiscalisation.
La sécurité, grand sujet d’inquiétude, est aussi prise en considération, notamment avec la création de quatre zones prioritaires de sécurité en Guyane. C’est un triste record, mais il répond à la demande de sécurité des habitants de ce département.
J’apprécie que, dans le présent projet de loi de finances, de réelles réponses aient été apportées aux problèmes que rencontrent les outre-mer. En cette période difficile, nous comprenons néanmoins que toutes les demandes ne puissent être satisfaites et qu’un classement par priorité soit la règle.
En ces temps de raréfaction des recettes provenant de l’État et de gel des finances des collectivités locales, nous savons qu’il est illusoire d’escompter obtenir des dotations supplémentaires, même si celles-ci paraissent justifiées.
Pour cette raison, il est essentiel que la totalité des droits financiers et fiscaux des collectivités d’outre-mer soit rétablie, car les recettes fiscales demeurent pour elles la seule possibilité d’améliorer leur situation financière. Mais il faut pour cela que leur gestion soit correctement assurée !
Or à ce sujet, un rapport de la chambre régionale des comptes, daté du mois de juillet 2011, est révélateur. Il constate que, contrairement à la métropole, l’outre-mer n’a connu aucune actualisation des bases fiscales en 1980, que de nombreux abattements et exonérations ne sont, pour l’essentiel, pas compensés par l’État, que des bases cadastrales sont peu ou mal renseignées faute de géomètres, d’où des pertes financières très lourdes pour les collectivités locales. À titre d’exemple, la cour des comptes prend le cas de la Guyane, mon département, dont l’écart potentiel mobilisable s’élève à 32 millions d’euros, selon la direction régionale des finances publiques, ce qui se traduirait par une perte annuelle d’environ12 millions d’euros pour les communes.
Monsieur le ministre, donnez les moyens nécessaires aux directions des finances publiques dans les outre-mer ! À population équivalente, elles sont beaucoup moins bien loties en ressources humaines que les directions métropolitaines. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d’abord vous rappeler que, depuis lundi, la situation financière de la France a été profondément dégradée (Protestations sur les travées du groupe CRC.)…
M. Michel Berson. Pas la situation, la notation !
M. Serge Dassault. … par la baisse de notre notation – elle est passée du triple A au double A1 – par l’agence Moody’s, qui a formulé des commentaires très inquiétants. Cette agence a affirmé que « sans réformes, la note de la France sera encore dégradée », elle a sanctionné « l’incapacité de la France à se réformer » et mis notre pays « sous haute surveillance ». Tout cela est très inquiétant ! Le Gouvernement ne semble pas encore avoir pris conscience des raisons de cette dégradation, puisque le Président de la République a déclaré qu’il fallait « tenir le cap » de la politique suivie, c’est-à-dire ne rien changer au budget pour 2013, déjà voté par l’Assemblée nationale. C’est très regrettable !
Or la cause principale, et la plus grave, de la décision de Moody’s est que les prévisions de croissance pour 2013 sont trop élevées, et qu’il existe donc un risque important de dérapage budgétaire. Autrement dit, le budget pour 2013 ne pourra pas permettre de limiter le déficit à 3 %, quoi que vous en disiez, alors que c’est un engagement répété du Président de la République. Et ce sera la catastrophe !
En effet, comment relancer la croissance en augmentant de façon sans précédent les impôts pesant sur les entreprises et les entrepreneurs, qui continuent à partir pour investir ailleurs et ne pas perdre leur patrimoine, ou encore en maintenant des coûts de production trop élevés dus aux 35 heures, fétiche mortel de votre idéologie dont vous ne voulez pas vous départir ? On ne travaille pas assez en France, et vous ne voulez pas le comprendre !
Mme Marie-France Beaufils. M. Sarkozy non plus n’a pas supprimé les 35 heures !
M. Serge Dassault. Pour l’État, cette mesure correspond chaque année à un coût de 21 milliards d’euros d’allègements de charges consentis aux entreprises, sans limite de durée ! Cela ne cessera que lorsque l’on sera revenu aux 39 heures !
Notre perte de compétitivité est aussi due aux charges sur salaires finançant la maladie et la politique familiale, qui coûtent aux entreprises 220 milliards d’euros chaque année. Et, je peux vous l’assurer, la baisse envisagée de 20 milliards d’euros, soit 10 % des charges sociales patronales, n’y changera pas grand-chose. D’autres formules permettraient de reporter ces charges en frais généraux des entreprises, de réduire de 55 % les charges sur salaires, de favoriser l’emploi tout en améliorant la compétitivité. Je vous en reparlerai lorsque nous examinerons une proposition de loi relative à ce sujet. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Par ailleurs, l’une des réformes préconisées par Moody’s serait de développer la flexibilité de l’emploi, autre fétiche dont vous ne voulez pas, …
Mme Odette Herviaux. Mais Moody’s, c’est qui ?
M. Serge Dassault. … mais qui permettrait aux entreprises de ne pas supporter des augmentations de dépenses en cas de pertes de recettes. Pourtant, une telle disposition faciliterait les embauches et réduirait le chômage. Aujourd’hui, sachez-le, les entreprises n’embauchent pas par crainte de l’avenir. Une libération des contraintes pesant sur les contrats à durée déterminée ou la mise en place de contrats d’exécution de tâches seraient des solutions immédiates et faciles à appliquer pour flexibiliser l’emploi.
Par ailleurs, les hausses d’impôts destinées à financer les augmentations de dépenses auxquelles vous avez procédé ― vous n’en parlez pas ! ― et l’absence d’économies sont une faute grave, que la Cour des comptes a déjà soulignée. Mais le Gouvernement n’en a tenu aucun compte.
Telles sont les réformes immédiates que nous demande Moody’s, sans lesquelles nous risquons une augmentation considérable de nos taux d’intérêts qui nous mettrait en cessation de paiement. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.) Apparemment, cela ne vous inquiète pas !
Or sachez qu’une augmentation de nos taux d’intérêts – de l’ordre de 1,8 %, à 3,6 % – affectant nos emprunts annuels, qui s’élèvent à 180 milliards d’euros, dont 100 milliards d’euros servent à rembourser le capital et 48 milliards à 50 milliards d’euros à financer le déficit budgétaire, pourrait augmenter la charge de notre dette de 48 milliards d’euros, voire plus si les taux passent à 5 % !
Nous ne pourrons pas payer et personne en Europe ne pourra payer pour nous. Personne ! Nous serons alors dans la situation de la Grèce ! Si nous ne faisons rien, cela peut arriver demain ; pas après-demain, demain ! Bientôt, il sera trop tard pour réagir !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Qui a gouverné pendant dix ans ?
M. Serge Dassault. Mais peu importe ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Aujourd'hui, c’est vous qui êtes au pouvoir ; c’est donc à vous de résoudre les problèmes. Si vous ne vouliez pas vous en charger, il ne fallait pas demander le pouvoir.
M. Gérard Longuet. Voilà !
M. Serge Dassault. D’autres ont, il est vrai, commis des erreurs, mais c’est à vous d’y remédier à présent. (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il a raison, pour une fois ! C’est à nous de réparer les erreurs des autres ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Serge Dassault. Votre boulot, c’est de faire ce qu’il faut pour résoudre les problèmes. Si vous ne vouliez pas l’assumer, il ne fallait pas gagner les élections !
Cela étant, il est extrêmement urgent de réaliser les réformes exigées par Moody’s. Je ne suis pas le seul à le dire.
Il faudrait revenir aux 39 heures,…
Mme Gisèle Printz. Et pourquoi pas aux 40 ? (Sourires sur les mêmes travées.)
M. Serge Dassault. … supprimer 21 milliards d’euros de déficit, ce qui faciliterait la tâche de M. le ministre délégué chargé du budget, instaurer une certaine flexibilité de l’emploi pour permettre des embauches, supprimer des augmentations de dépenses non urgentes – nous n’avons pas de quoi les financer – et annuler les impôts supplémentaires que vous avez mis en place depuis six mois et qui vont tuer toute croissance.
Et puis, comme je vous l’ai déjà indiqué, il existe une méthode simple pour assurer le financement des dépenses indispensables. Portons le taux de TVA à 23 %, comme l’ont fait les Allemands. Il ne s’agit pas de diminuer les charges sur salaires ; là, ce serait juste une pichenette. Le véritable objectif, c’est de réduire…