M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, rapporteur.
M. Ronan Kerdraon, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, dans la continuité des propos de M. le rapporteur général, je veux saluer la triple ambition du Gouvernement : protéger les Français, alors que près d’un quart d’entre eux renoncent à se soigner faute de moyens, redresser les comptes de la sécurité sociale et réorganiser le système de protection sociale pour le rendre plus efficient.
Par là même, mesdames les ministres, vous affichez votre volonté d’assurer la pérennité de notre système de soins. La nouvelle majorité a choisi de jouer la carte de la solidarité ; je m’en félicite !
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 marque un effort important, dans un contexte économique et social particulièrement difficile.
Je veux apporter une précision concernant le champ d’activité qui m’a été confié : la loi de financement ne retrace chaque année qu’une partie de l’ensemble des crédits destinés au secteur médico-social, puisqu’il s’agit de l’ONDAM médico-social, c’est-à-dire de la contribution de l’assurance maladie au financement des établissements et services accueillant des personnes âgées et handicapées.
L’ONDAM médico-social affiche une progression plus soutenue que celle de l’ONDAM dans son ensemble et devrait s’établir l’année prochaine à 17,11 milliards d’euros.
Le secteur médico-social est préservé : les dépenses d’assurance maladie qui lui sont destinées augmentent de 4 % par rapport à l’année 2012. Cette progression est de 4,6 % dans le secteur des personnes âgées, où l’ONDAM s’élève à 8,39 milliards d’euros, et de 3,3 % dans celui des personnes handicapées, où il s’établit à 8,72 milliards d’euros.
L’objectif global de dépenses, ou OGD, quant à lui, est porté à 18,25 milliards d’euros, en hausse de 3,7 % par rapport à 2012.
Sur les 650 millions d’euros de crédits supplémentaires alloués à l’OGD pour l’année 2013, 255 millions d’euros portent sur la reconduction des moyens existants, 147 millions d’euros seront dédiés à la médicalisation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, et 100 millions d’euros à la création de places nouvelles dans le cadre de la poursuite des plans entamés lors des législatures précédentes.
Je me félicite de l’évolution des crédits alloués au secteur, mais je tiens cependant à vous faire partager deux préoccupations.
Ma première préoccupation concerne les mesures, désormais récurrentes, de mise en réserve de crédits.
Conformément à la loi du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, 100 millions d’euros, portant essentiellement sur des aides à l’investissement, ont ainsi été gelés en 2011, puis en 2012, au sein du budget de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
L’an dernier, je m’étais déjà étonné que « le secteur médico-social ait supporté 20 % des mises en réserve de crédits alors qu’il représente moins de 10 % de l’ONDAM ».
J’avais d’ailleurs souligné qu’un tel gel constituait « une entorse au principe de fongibilité asymétrique voulant qu’au sein des enveloppes gérées par les ARS, les crédits médico-sociaux ne puissent être ponctionnés au profit du secteur sanitaire ».
Un premier progrès a été réalisé au titre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. Mesdames les ministres, lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, vous avez présenté un amendement prévoyant que les mesures de gel prendront dorénavant la forme de minorations des tarifs, et non plus de mises en réserve de dotations budgétaires.
Tout en saluant cette disposition, qui va dans le bon sens, j’estime toutefois nécessaire d’aller plus loin. Je souhaite que l’ONDAM médico-social soit désormais exonéré de toute participation à la régulation de l’ONDAM dans son ensemble.
Ma seconde préoccupation porte sur la sous-consommation chronique de l’OGD, qui concerne essentiellement le secteur des personnes âgées.
Le bilan d’exécution du budget pour 2011 de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, montre ainsi un pourcentage de réalisation de l’OGD « personnes âgées » de 97,2 %, soit une sous-consommation de crédits d’environ 245 millions d’euros, et de 270 millions d’euros si l’on prend également en compte les crédits destinés aux personnes handicapées.
Il convient de relever que ce taux est toutefois en amélioration ces deux dernières années, puisqu’il était encore de 90,6 % en 2007 et de 92,2 % en 2008.
Mais il est à craindre que cette sous-consommation systématique ne crée une certaine méfiance à l’égard des taux d’augmentation de l’ONDAM et de l’OGD affichés chaque année au moment de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Il serait regrettable que ces hausses finissent par n’être perçues que comme des mesures d’affichage politique, sans retombées pleines et entières sur les structures qui en ont pourtant un besoin crucial.
Depuis plusieurs années, nombreux sont les rapports ou débats qui font apparaître les raisons de cette sous-consommation.
La principale est sans aucun doute la lourdeur de la procédure de délégation des crédits aux ARS, à laquelle on peut ajouter les décalages récurrents dans la réalisation des opérations d’investissement.
Un autre facteur de retard réside dans le processus de médicalisation des EHPAD. Il porte sur le partage, imposé par circulaire, des dépenses relatives aux aides-soignants et aux aides médico-psychologiques entre l’assurance maladie, à hauteur de 70 %, et les départements, à concurrence de 30 %.
Or un tel partage suppose « que toute augmentation des crédits de l’assurance maladie alloués à la médicalisation puisse être complétée au niveau nécessaire par les départements, ce qui, compte tenu de la situation financière de certains d’entre eux, peut s’avérer difficile ».
Seule la publication du décret d’application de l’article L. 314-2 du code de l’action sociale et des familles prévoyant une déconnexion des enveloppes soins et dépendance permettrait de sortir de cette impasse, mais ce texte est attendu depuis 2009…
Je veux également saluer la prolongation du plan Alzheimer, annoncée le 21 septembre dernier par le Président de la République François Hollande. J’observe toutefois que nombreux sont les acteurs du secteur qui regrettent la lourdeur des procédures d’appel à projets et la rigidité des cahiers des charges exigés par les ARS.
J’en viens maintenant à l’examen des principaux articles portant sur le secteur médico-social.
Deux d’entre eux ne lui sont pas directement rattachés, mais jettent les bases de la réforme de la prise en charge de la perte d’autonomie, tant attendue et annoncée pour l’année 2014.
L’article 16 traduit la réelle volonté du Gouvernement de mobiliser dès à présent les ressources nécessaires au financement de cette réforme.
L’article 41, quant à lui, tend à expérimenter de nouveaux modes d’organisation des soins, de façon à améliorer le parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie.
En autorisant des dérogations aux règles de facturation et de tarification pour le parcours de santé dans son ensemble, cette expérimentation devrait contribuer au décloisonnement des secteurs sanitaire et médico-social.
Au sein même du secteur médico-social, des marges de manœuvre existent pour mieux faire travailler entre eux les intervenants auprès des personnes âgées dépendantes.
Pour cette raison, la commission des affaires sociales a adopté un amendement portant article additionnel et tendant à demander au Gouvernement la remise d’un rapport au Parlement sur le dispositif des services polyvalents d’aide et de soins à domicile, les SPASAD. Je remercie Mme la ministre de nous avoir donné son accord tout à l’heure.
Alors que ces structures pourraient être les vecteurs d’une meilleure articulation entre les services intervenant auprès des personnes âgées dépendantes, elles n’ont jusqu’à présent fait l’objet d’aucune évaluation.
L’article 53 a pour objet de limiter à un an le délai dont disposent les établissements accueillant des personnes handicapées et tarifés au prix de journée pour émettre et rectifier leurs données de facturation à l’assurance maladie. Il s’agit d’une mesure technique, et de bonne gestion, destinée à assurer un meilleur suivi de la consommation des crédits alloués à ces établissements.
Cet article a suscité des craintes quant aux difficultés que pourrait soulever son application immédiate.
En effet, pour réceptionner les factures qui leur sont transmises, certaines caisses primaires d’assurance maladie exigent les notifications des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, relatives à la décision d’orientation de la personne accueillie dans l’établissement concerné. Or les délais de notification de ces dernières sont généralement longs, ce qui peut rendre très difficile le respect du délai d’un an.
Devant cette situation, le Gouvernement s’est engagé, à juste titre, à mettre en place des mesures d’accompagnement des établissements et des caisses primaires d’assurance maladie.
Afin de laisser à ces mesures le temps de produire pleinement leurs effets, la commission des affaires sociales a adopté un amendement tendant à reporter du 1er janvier au 1er juillet 2013 la date d’entrée en vigueur de l’article 53.
L’article 55 fixe, pour l’année 2013, le montant du plan d’aide à l’investissement financé par la CNSA à près de 50 millions d’euros. Sur la période 2006-2011, ce sont environ 1,6 milliard d’euros qui ont été mobilisés pour accompagner 2 296 opérations d’investissement. Cet article permet à la CNSA de continuer dans cette voie, au service de la modernisation des établissements médico-sociaux. Je ne reviendrai pas sur les mesures de gel des crédits évoquées précédemment.
L’article 55 bis, inséré à l’Assemblée nationale sur l’initiative du Gouvernement, instaure un fonds de restructuration de 50 millions d’euros à destination des services d’aide à domicile, les SAAD.
Un premier dispositif doté de 50 millions d’euros a été créé par la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012. Ce montant est destiné à être versé en deux temps, cette année puis en 2013. Au mois de septembre dernier, 576 services d’aide et d’accompagnement à domicile avaient bénéficié de la première tranche.
Contrairement au premier fonds, alimenté à partir du budget de l’État, ce nouveau dispositif sera financé par un prélèvement effectué sur les réserves de la CNSA. Comme en 2012, il donnera lieu à la signature de conventions de financement pluriannuelles devant organiser le retour à l’équilibre pérenne des comptes des services concernés.
Ce fonds est indispensable dans l’attente d’une réforme plus profonde du secteur des SAAD, qui devra notamment porter sur leur tarification.
Or, en même temps qu’elle créait le premier fonds d’urgence, la loi de finances pour 2012 a autorisé des expérimentations sur ce sujet. Plusieurs conseils généraux se sont d’ores et déjà engagés dans de telles démarches ; je pense notamment à celui du Doubs, département cher à notre collègue Claude Jeannerot, ou à celui des Côtes d’Armor, présidé par le président de l’Assemblée des départements de France, M. Claudy Lebreton.
Afin que le nouveau fonds constitue un outil à part entière de restructuration du secteur, la commission des affaires sociales a adopté un amendement prévoyant que les conventions de retour à l’équilibre soient conclues en tenant compte, pour partie, de ces expérimentations.
L’année dernière, j’avais exprimé ma grande déception devant l’abandon du projet de réforme de la prise en charge de la dépendance par le gouvernement précédent, alors même que le débat national organisé au cours du premier semestre de 2011 avait permis de dégager les grandes lignes d’une telle réforme.
Aujourd’hui, je veux dire notre grande satisfaction qu’un projet de loi sur la prise en charge de la perte d’autonomie soit clairement annoncé pour l’année 2014.
Nombreux sont les enjeux, s’agissant notamment du reste à charge pour les personnes âgées dépendantes en établissement ou du vieillissement des personnes handicapées.
L’un d’entre eux me semble devoir être abordé plus spécifiquement dans le cadre de l’examen du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale : celui de la tarification dans les EHPAD.
Aujourd’hui, le processus de tarification au « GIR moyen pondéré soins » est encore loin d’être achevé. La tarification à la ressource prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 reste ineffective, faute de publication du décret nécessaire à sa mise en œuvre.
Enfin, l’expérimentation d’une modulation du forfait soins en fonction d’indicateurs de qualité et d’efficience, inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, demeure au point mort, faute, là encore, de la parution des textes réglementaires indispensables à sa mise en place.
Le sujet est complexe, mais force est de constater que le gouvernement précédent n’a pas fixé de cap clair pour une réforme pourtant essentielle. Ce chantier doit être repris.
Telles sont, mesdames les ministres, mes chers collègues, les observations que voulais vous présenter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, rapporteur.
Mme Isabelle Pasquet, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, traditionnellement excédentaire en raison de la structure particulière de ses recettes et de ses dépenses, la branche famille est entrée, depuis 2008, dans une spirale déficitaire.
À cela, deux causes principales : en premier lieu, la crise économique, qui a engendré la perte de près de 3 milliards d’euros de recettes entre 2008 et 2010 ; en second lieu, les transferts de charges au titre des droits familiaux de retraite, qui ont représenté une dépense de près de 22 milliards d’euros sur cette même période.
Après un déficit record de 2,7 milliards d’euros en 2010, aucune amélioration notable ne se dessine, contrairement à ce que l’on constate pour les autres branches de la sécurité sociale. Le déficit pour 2012 atteindrait encore le niveau très élevé de 2,5 milliards d’euros.
Comme si cela ne suffisait pas, dans ce contexte financier particulièrement contraint, la branche famille a connu une fragilisation inédite de ses recettes sous le précédent quinquennat. Lors de l’élaboration de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, il a en effet été décidé de transférer 0,28 point de CSG qui lui était précédemment affecté à la CADES, pour financer la dette sociale.
Ce transfert s’est révélé un marché de dupes puisque, sur les trois taxes affectées à la CNAF en contrepartie de cette perte de CSG, une voit son rendement diminuer d’année en année et une autre ne rapportera plus rien à compter de 2013.
Certes, le bilan de cette opération a été quasiment neutre pour la CNAF en 2011, mais dès cette année, le compte n’y est plus : le manque à gagner devrait s’élever à 100 millions d’euros, et à 400 millions d’euros l’an prochain !
Fort heureusement, l’actuel gouvernement a pris le contrepied de cette politique, en décidant d’affecter 1 milliard d’euros de recettes supplémentaires à la branche famille.
Dans un premier temps, par le biais de la loi de finances rectificative votée cet été, un surcroît de recettes de 400 millions d’euros par an lui a été attribué, provenant principalement du maintien de la hausse de deux points du prélèvement social sur les revenus du capital. Ce montant couvre intégralement le coût de la majoration de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire entrée en vigueur en septembre dernier.
Dans un second temps, le présent texte tend à garantir environ 600 millions d’euros de recettes supplémentaires à la branche famille – sur les 3,4 milliards d’euros prévus pour la sécurité sociale –, dont 400 millions d’euros au titre de la réforme de la taxe sur les salaires et 200 millions d’euros au titre de la réduction des niches sociales et de la hausse de la fiscalité sur les tabacs.
Cet apport de recettes nouvelles constitue une véritable bouffée d’oxygène pour la branche. Cela va lui permettre de stabiliser son déficit à 2,6 milliards d’euros en 2013, au lieu des 3,3 milliards d’euros initialement prévus.
C’est une première étape dans le redressement des comptes, mais tout n’est pas réglé pour l’avenir. En effet, les prévisions disponibles montrent combien il sera difficile, pour la branche famille, de revenir à l’équilibre financier à moyen terme, dans un contexte de progression modeste des recettes et de relatif dynamisme des dépenses. Sur la période 2013-2016, le solde continuerait à s’améliorer mais à un rythme très lent. En 2017, il afficherait encore un déficit de 1,2 milliard d’euros.
Je souhaite, madame la ministre, à cet instant de mon intervention, exprimer mon regret que le Gouvernement maintienne le report de trois mois de la date de revalorisation des prestations familiales décidé par la précédente majorité. Ces trois mois sont donc définitivement perdus pour les familles.
Pour 2013, il est envisagé une revalorisation de 1,75 % au 1er avril, mais, en réalité, la hausse ne sera que de 1,6 % en moyenne sur l’année, puisque le report de trois mois de la date de revalorisation minore d’un quart l’effet de celle-ci en moyenne annuelle.
J’en viens maintenant aux mesures du PLFSS concernant les dépenses de la branche famille. Le projet de loi initial n’en contenait qu’une : l’expérimentation sur deux ans du versement en tiers payant du complément de mode de garde pour les familles modestes.
Ce dispositif, déjà expérimenté par la caisse d’allocations familiales de l’Essonne, a un double objectif : d’une part, faciliter l’accès des familles dont les ressources sont inférieures au revenu garanti dans le cadre du revenu de solidarité active à un mode d’accueil individuel, en les dispensant d’une avance de frais ; d’autre part, permettre aux assistants maternels en sous-activité au regard du nombre d’enfants pour lequel ils sont agréés par le conseil général d’en accueillir davantage.
Cette expérimentation, dont un bilan sera dressé avant la fin des deux ans, me semble être une initiative très intéressante. J’insiste néanmoins sur le fait qu’elle nécessitera, à l’heure où le climat social dans les CAF est fortement dégradé – j’y reviendrai –, un dialogue renforcé entre les différents services chargés de sa mise en œuvre.
Après son examen par nos collègues députés, la partie « famille » du PLFSS s’est trouvée enrichie de deux dispositions.
La première prévoit le rétablissement automatique des droits aux allocations de logement à caractère familial et social, l’ALF et l’ALS, lorsqu’un dossier a été déclaré recevable par la commission de surendettement.
Un tel droit existe déjà pour les bénéficiaires de l’aide personnalisée au logement, l’APL, depuis la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation. Son extension va permettre d’éviter les expulsions des familles en grande difficulté dont le dossier de surendettement aura été déclaré recevable ; je m’en réjouis.
La seconde disposition a trait à la transformation du congé de paternité en un « congé de paternité et d’accueil de l’enfant », ouvert à la personne vivant avec la mère.
Cette mesure d’équité permettra de reconnaître, pour la première fois, le rôle du ou de la partenaire de la mère dans l’éducation de l’enfant. Je rappelle, à ce titre, que le congé de paternité a été conçu pour permettre une meilleure répartition des tâches éducatives au moment de la naissance et favoriser ainsi le développement d’un lien entre l’enfant et la personne qui l’élève.
Il est donc logique que le ou la partenaire de la mère, qui va vivre quotidiennement avec l’enfant, puisse y être éligible au même titre que le père de l’enfant. Un tel élargissement est, en outre, conforme à la préconisation formulée en 2007 par la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE.
J’ajoute que certaines entreprises et collectivités – SFR, Eau de Paris, les conseils généraux de Seine-et-Marne et de l’Essonne, par exemple – ont déjà mis en place un tel congé d’accueil de l’enfant.
En revanche, je m’interroge, madame la ministre, sur le choix du Gouvernement de ne pas étendre le congé de paternité et d’accueil de l’enfant aux couples homosexuels masculins, qui crée une nouvelle rupture d’égalité en fonction du genre.
À l’occasion de l’examen de ce PLFSS, je souhaite enfin alerter sur la situation extrêmement préoccupante des caisses d’allocations familiales, à l’heure où se négocie la prochaine convention d’objectifs et de gestion entre la CNAF et l’État.
Les représentants syndicaux des salariés des caisses, que j’ai reçus à l’occasion d’une table ronde, ont unanimement identifié trois principaux facteurs de dégradation des conditions de travail : la politique de l’emploi menée ces dernières années, qui s’est traduite par la réduction des effectifs et la généralisation du recours aux contrats à durée déterminée, ainsi qu’aux heures supplémentaires ; l’augmentation de la charge de travail induite par l’évolution de la législation, jugée par ailleurs de plus en plus complexe, et par la crise économique ; l’érosion du « cœur de métier » des agents, au profit du développement des missions de gestion des processus.
Tous dénoncent également une réduction de l’offre de service : fermeture, dans certaines CAF, du service d’accueil des allocataires plusieurs jours par mois, développement d’un système d’accueil sur rendez-vous, généralisation des réponses téléphoniques, suppression des antennes locales.
À cela s’ajoute la départementalisation du réseau, achevée fin 2011 avec la création de treize CAF départementales en lieu et place de trente-quatre CAF infra-départementales. Présentée aussi bien par la CNAF que par l’État comme une « réussite technique », cette réforme a engendré de nombreuses difficultés sur le terrain – je pense en particulier à la CAF du Nord – et exacerbé les tensions sociales.
Madame la ministre, comptez-vous dresser un état des lieux exhaustif de cette opération de départementalisation ? Plus globalement, quelles sont vos intentions quant au règlement de la situation de crise qui secoue depuis plusieurs mois le réseau des CAF ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, en remplacement de Mme Christiane Demontès, rapporteur.
M. Ronan Kerdraon, en remplacement de Mme Christiane Demontès, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames les ministres, mes chers collègues, s’agissant de la branche vieillesse, ce PLFSS s’inscrit clairement dans la continuité des décisions prises l’été dernier avec un double objectif : remédier aux insuffisances des régimes de retraite en matière d’équité et amorcer le redressement de l’assurance vieillesse.
Le décret du 2 juillet 2012 a ainsi élargi aux personnes ayant commencé à travailler avant 20 ans la possibilité de partir à la retraite à 60 ans lorsqu’elles ont cotisé une carrière complète. Il s’agit d’une première mesure de justice ; elle est largement financée.
Parallèlement, dès cette année, grâce à la loi de finances rectificative du 16 août 2012, le déficit du régime général d’assurance vieillesse et du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, sera réduit de près de 1 milliard d’euros par rapport à ce qu’il aurait été en l’absence de mesures correctrices.
Le PLFSS poursuit dans cette voie : l’année prochaine, la branche vieillesse, FSV compris, bénéficiera au total d’environ 7 milliards d’euros de recettes supplémentaires, compte tenu des mesures adoptées au cours de l’été dernier et de celles des lois financières pour 2013.
Ce surcroît de recettes fera plus que compenser la croissance des prestations d’assurance vieillesse, qui restera très soutenue.
Le déficit de la branche retraite, tous régimes de base confondus, sera ainsi ramené à 5,4 milliards d’euros en 2013, contre 7,1 milliards d’euros en 2012. Celui du FSV sera réduit à 2,6 milliards d’euros, contre 4,1 milliards d’euros en 2012.
Contrairement à l’an passé, où nous avions d’ailleurs manifesté nos inquiétudes à ce sujet, le PLFSS pour 2013 apporte également des réponses aux difficultés financières croissantes d’autres régimes de retraite de base que le régime général. Je pense à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL, à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales, au régime de retraite des exploitants agricoles et au régime spécial de retraite des industries électriques et gazières. Ils se verront attribuer plus de 1 milliard d’euros de recettes supplémentaires en 2013.
En outre, ce PLFSS comporte de nouvelles mesures d’équité en faveur de certains assurés. Il prévoit notamment de renforcer les droits à la retraite des exploitants agricoles qui ont été contraints d’interrompre leur activité pour cause de maladie ou d’infirmité graves. Il améliore aussi les modalités d’attribution des pensions de réversion pour les professions médicales et dans le régime de retraite des marins. Nous pouvons nous en féliciter.
Ces évolutions positives étant soulignées, je souhaite néanmoins formuler trois observations.
La première porte sur les perspectives pluriannuelles de l’assurance vieillesse après 2013.
Contrairement aux effets attendus de la réforme des retraites de 2010, ces perspectives font apparaître une nouvelle détérioration des comptes de la branche à partir de 2014. En l’absence de mesures correctrices nouvelles, les déficits de la branche vieillesse passeraient de 5,6 milliards d’euros en 2014 à 7,9 milliards d’euros en 2017 pour l’ensemble des régimes obligatoires de base. En 2017, la branche vieillesse représenterait ainsi plus de 85 % du déficit consolidé de l’ensemble des régimes de base. Le poids des déficits de l’assurance vieillesse mis à la charge de la Caisse d’amortissement de la dette sociale se maintiendrait donc à un niveau très élevé.
Ces perspectives confirment, si besoin était, la nécessité de définir de nouvelles évolutions structurantes pour le retour à l’équilibre des comptes de l’assurance vieillesse. Elles ne préjugent donc pas des décisions qui seront prises à l’issue de la concertation prévue au premier semestre de 2013.
Deuxième observation, la place de la solidarité et le rôle du FSV dans notre système de retraite feront inévitablement partie des thèmes des réflexions qui seront engagées dès le début de l’année prochaine dans la perspective d’une réforme globale.
L’un des objectifs de la constitution du FSV était d’isoler clairement les avantages à caractère non contributif et de leur garantir un financement adapté par des impôts généraux bien identifiés.
Cependant, le FSV a été maintenu dans une situation de déficit durable au cours des dernières années et son financement est devenu à la fois insuffisant, instable et illisible.
Cette situation déstabilise les mécanismes de solidarité mis en place au profit des assurés dont les parcours professionnels sont les moins favorables.
Or, compte tenu des tendances démographiques et économiques, le financement des avantages non contributifs successivement mis à la charge du fonds engendrera des dépenses croissantes au cours des prochaines années. Comme l’a récemment indiqué la Cour des comptes, l’arrivée à l’âge de la retraite d’un nombre croissant de personnes ayant eu des carrières incomplètes pourrait contribuer à augmenter le nombre de personnes éligibles, en particulier, à l’allocation de solidarité aux personnes âgées.
En outre, le FSV a surtout servi à réduire artificiellement les déficits des régimes d’assurance vieillesse, notamment depuis 2011, lorsque lui a été transférée la charge d’une partie des dépenses jusqu’alors engagées par le régime général et les régimes alignés pour le financement du minimum contributif.
Enfin, ma dernière observation porte sur les craintes que nous avions formulées à l’occasion de la réforme des retraites de 2010. Elles se sont, hélas ! confirmées.
Je pense d’abord à la prise en compte de la pénibilité au titre du droit à la retraite. Si l’on en juge d’après le maintien de fortes inégalités d’espérance de vie entre catégories socioprofessionnelles, celle-ci constitue un enjeu de grande importance en matière d’équité.
Cependant, comme nous le redoutions, les critères réglementaires de mise en œuvre de la retraite pour pénibilité se sont révélés trop restrictifs et le nombre de demandes très inférieur aux prévisions. À la mi-octobre, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, recensait moins de 5 500 demandes de retraite pour pénibilité : nous sommes loin – très loin ! – des 30 000 demandes annuelles que prévoyait le précédent gouvernement.
Ensuite, le volet « prévention » de la pénibilité ne donne pas toute satisfaction. L’obligation de négocier des accords de prévention de la pénibilité ne s’applique pas aux entreprises comptant moins de 50 % de leurs effectifs exposés à des facteurs de risque.
Je pense enfin, plus généralement, à la situation des seniors.
Les mesures d’âge contenues dans la réforme de 2010 avaient pour ambition, au-delà de l’objectif de dégager des ressources supplémentaires pour les régimes de retraite, d’améliorer le taux d’emploi des seniors. C’était d’ailleurs l’une des conditions du retour à l’équilibre ; on conviendra qu’elle est loin d’avoir été remplie.
Dans ce contexte, la suppression par le précédent gouvernement de l’allocation équivalent retraite, l’AER, n’a pu qu’accroître les situations de grande précarité parmi les demandeurs d’emploi les plus âgés lorsqu’ils arrivent en fin de droits. Des évolutions devront donc nécessairement intervenir rapidement.
Telles sont, monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, les principales observations sur l’assurance vieillesse que Christiane Demontès, rapporteur, souhaitait formuler à l’occasion de l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)