M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’adoption de la Charte de l’environnement fut un signe fort pour une meilleure prise en compte des préoccupations environnementales dans les textes. Elle a notamment marqué la reconnaissance du droit de toute personne d’accéder aux informations et de participer à la prise de décision des autorités publiques dans le domaine environnemental. La valeur juridique de cette charte a été reconnue par plusieurs décisions du Conseil constitutionnel.
Aujourd’hui, par le présent projet de loi, nous en tirons les conséquences législatives, notamment s’agissant des dispositions qui ont été censurées, censure qui exige une action rapide du Gouvernement.
Ainsi, la Charte de l’environnement, en son article 7, impose la participation du public à toute décision ayant des incidences environnementales.
Vous vous êtes engagée, madame la ministre, durant la Conférence environnementale qui s’est tenue les 14 et 15 septembre à Paris, à renforcer le rôle du public dans la mise en œuvre et le suivi des politiques publiques en reconnaissant la nécessité d’une participation effective du public.
Nous sommes favorables à cet objectif, qui permet une plus grande transparence et une démocratisation des politiques publiques en matière d’environnement, et nous sommes donc favorables aux objectifs définis dans le présent projet de loi, qui opère une clarification de la procédure et permet une meilleure lisibilité pour nos concitoyens.
Il faut savoir, au préalable, que ce projet de loi définit la procédure minimale de participation du public, un certain nombre de décisions relevant de procédures particulières, notamment de l’enquête publique Bouchardeau.
Le travail approfondi effectué en commission a permis d’enrichir très sensiblement le texte. À cet égard, nous souhaitons souligner ici le climat constructif instauré par Mme la rapporteur, ainsi que par M. le président de la commission, animés l’un et l’autre par la volonté de parvenir au meilleur consensus. Par ailleurs, certains de nos amendements ayant été adoptés en commission, nous étions satisfaits de ses travaux.
Toutefois, la situation ayant évolué depuis l’adoption du texte en commission – nous avons découvert de nouveaux amendements voilà une demi-heure à peine –, mes propos ne seront sans doute pas exactement ceux que je souhaitais tenir initialement.
J’en viens maintenant au contenu du projet de loi.
Même si nous prenons acte de l’élargissement du périmètre d’application de cette procédure aux décisions d’espèce, à savoir celles qui concernent un domaine restreint, nous continuons de regretter que la procédure ainsi définie ne traite pas des décisions individuelles, lesquelles feront l’objet, vous nous l’avez expliqué, madame la ministre, d’une ordonnance, prévue à l’article 7 du projet de loi. Nous contestons habituellement, et très régulièrement, le recours aux ordonnances.
M. Charles Revet. Et vous avez raison !
Mme Évelyne Didier. Nous ne procédions pas autrement lorsqu’elles étaient prises par le précédent gouvernement, qui a usé et abusé de cette procédure !
M. Charles Revet. Mais non !
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
Mme Évelyne Didier. C’est pourquoi nous avons demandé en commission les raisons pour lesquelles la procédure ainsi définie ne pouvait pas s’appliquer aux décisions individuelles.
Vous avez indiqué tout à l’heure, madame la ministre, vouloir associer la commission à la rédaction des ordonnances. Je vous en donne acte et je n’irai pas plus loin sur cette question. Toutefois, cela ne m’empêchera pas de continuer à contester les ordonnances d’une manière générale.
Le périmètre des actes visés doit être étendu aux actes émanant des autorités administratives indépendantes, dont les conséquences en matière environnementale sont importantes. Il s’agit notamment des actes de la Commission de régulation de l’énergie, de l’Autorité de sûreté nucléaire ou encore de l’Agence nationale des fréquences. Nous avons déposé un amendement en ce sens, mais je n’en dis pas plus à ce stade, le Gouvernement ayant lui-même déposé des amendements qui auront un impact sur le nôtre.
Sur la procédure telle qu’elle est définie à l’article L. 120 - 1, nous avons évolué. Ainsi, nous étions satisfaits que la commission soit convenu avec nous de la nécessité de porter à trente jours, au lieu de quinze, le délai octroyé au public pour disposer de l’information et formaliser un avis, cette période étant ramenée à vingt et un jours pour les avis rendus par voie postale, pour des raisons techniques. Depuis, le Gouvernement a déposé un amendement sur ce point. Nous reviendrons donc sur cette question également.
Madame la rapporteur, vous nous avez entendus dans notre demande de motivation de la décision définitive. Il nous semble en effet que la motivation permet de rendre compte concrètement des observations du public.
Le projet de loi a par ailleurs été enrichi grâce à l’adoption d’un amendement déposé par notre groupe visant à permettre d’affirmer le principe d’information et de participation des élus locaux aux décisions ayant une incidence sur l’environnement. Là encore, les choses ont évolué. Nous y reviendrons donc aussi.
J’ai évoqué cette question en commission, car la commune dont je suis maire a eu à subir – j’emploie ce mot à dessein – une enquête de pure forme : elle s’est en effet déroulée en été, sans que nous ayons été informés que notre commune était incluse dans le périmètre de l’enquête. Il a fallu la vigilance d’une association pour que nous en soyons informés et que le conseil municipal puisse se prononcer, ce qui explique les amendements que j’ai déposés.
J’aimerais, madame la ministre, même si ces amendements ne sont pas adoptés en l’état, car ils posent visiblement des problèmes, qu’une réponse concrète soit apportée à cette question.
Telle qu’elle est définie à l’article 1er, la mise à disposition du projet de décision, ainsi que de la note de présentation au public, se fera uniquement de manière numérique. Cela nous semble encore insuffisant pour garantir l’information de tous : même si nous reconnaissons qu’Internet a grandement contribué à informer un nombre croissant de personnes - c’est indéniable -, trop de nos concitoyens ne disposent cependant pas d’un accès à Internet. Nous attendons donc, madame la ministre, que vous preniez l’engagement de favoriser l’accès de tous aux technologies numériques, afin de permettre une participation effective du plus grand nombre aux prises de décisions ayant des incidences environnementales.
De la même manière, le lancement de ce type de procédure doit faire l’objet d’une publicité affichée dans les mairies concernées, ainsi qu’en préfecture. Les discussions en commission ont montré que cette préoccupation était partagée. Nous souhaitons que vous y apportiez une réponse.
Par ailleurs, la définition de l’urgence, cas dans lesquels le public ne serait pas consulté, nous semble trop large. Elle pourrait donner lieu à des abus.
Enfin, nous attendons avec impatience la refonte annoncée du code minier, qui permettra, nous le demandons, de rendre publiques les décisions d’accorder des permis d’explorer ou d’exploiter le sous-sol. Nous reviendrons également sur cette question, le Gouvernement ayant apporté des précisions à ce sujet. Un amendement rectifié vous sera présenté tout à l’heure.
À cet égard, nous sommes soulagés, madame la ministre, que vous persistiez à maintenir votre position concernant l’exploration des gaz et des huiles de schiste. Nous espérons que la remise du rapport Gallois, qui prône le développement de la recherche sur les techniques d’exploitation des hydrocarbures de roche, considérant la présence de cette ressource fossile comme une opportunité pour la compétitivité de notre pays, ne vous fera pas changer d’avis.
Interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures de roche est un impératif environnemental auquel les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que les élus et les habitants des territoires concernés, sont particulièrement sensibles.
M. Ronan Dantec. Bravo !
Mme Évelyne Didier. Dans l’attente de la refonte du code minier, et parce que nous nous sommes accordés en commission sur le fait qu’il existait un vide juridique préjudiciable, nous proposons que l’octroi des permis de recherches soit soumis à la procédure définie à l’article L. 120-1 ; quant à l’octroi des concessions, on verra qu’il est déjà soumis à procédure.
En tous les cas, il nous faut trouver une solution pour que les élus, comme la population, soient informés.
La transition écologique que nous appelons de nos vœux ne se fera pas sans associer les citoyens aux procédures de décisions publiques. Nous espérons que nos travaux en séance publique permettront d’enrichir encore ce texte qui, dès à présent, reçoit notre approbation. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet.
M. Henri Tandonnet. Monsieur le président, madame le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté était pour le moins attendu.
Il était attendu par le Conseil constitutionnel, qui s’est déjà exprimé à quatre reprises sur la question de la participation du public aux décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. Il était donc nécessaire de légiférer pour limiter l’insécurité juridique liée aux décisions du Conseil.
Mais le projet de loi était également attendu par les législateurs que nous sommes, car la Charte de l’environnement nous sommait de légiférer pour encadrer les dispositifs d’information et de consultation du public. Nous devions donc nous saisir de ce sujet.
Le texte était attendu par les citoyens eux-mêmes, à qui ce projet de loi confère de nouveaux droits, mais aussi une nouvelle responsabilité dans la prise de décisions publiques.
Je ne reviendrai pas intégralement sur les dispositions qui ont été exposées avant moi. Dans un premier temps, j’aimerais simplement apporter mon soutien aux objectifs de ce texte ; ensuite, je pointerai du doigt les difficultés juridiques tenant au champ d’application de ce texte, dues au fait qu’on légifère par ordonnance, ce que l’on ne peut accepter. Enfin, la commission du développement durable a soulevé différents problèmes que nous devons résoudre en séance, avec, je l’espère, l’éclairage du Gouvernement.
Tout d’abord, ce projet de loi répond à une double exigence, constitutionnelle et de développement durable.
Comme Mme la rapporteur l’a rappelé, le principe de participation du public est au cœur des exigences en matière de développement durable.
Lorsqu’elle a un impact environnemental, la décision publique, qu’elle vienne de l’État, de ses établissements publics ou des collectivités territoriales, concerne chaque citoyen, plus que dans toutes les autres matières.
Ainsi, la participation active des citoyens au processus décisionnel constitue un progrès démocratique et une avancée dans la transparence que chacun peut saluer et soutenir.
Du sommet de Rio en 1992 à la loi Barnier de 1995, en passant par l’adoption de la Charte de l’environnement en 2004, des progrès ont été réalisés dans cette matière, ce dont nous nous réjouissons. Ce projet de loi s’inscrit dans ce même axe d’évolution, et nous ne pouvons que soutenir les objectifs de fond de ce texte.
Il nous faut néanmoins bien mesurer l’impact du projet de loi que nous nous apprêtons à voter. Nous devons trouver un chemin, et il est étroit, entre la consultation publique, qui doit tenir compte des observations des citoyens, et la nécessaire efficacité de la décision publique, qui ne doit pas être bloquée à cause des dispositions que nous allons imposer.
Par ailleurs, ce projet de loi tire la conséquence de quatre décisions du Conseil constitutionnel rendues dans le cadre de la procédure de question prioritaire de constitutionnalité. Le dispositif des QPC est à mettre au rang des progrès institutionnels voulus par la majorité précédente et portés par le groupe centriste du Sénat. Certes, cela nous contraint à légiférer, mais nous le faisons pour améliorer la sécurité du cadre juridique de notre société.
Ainsi, même si les délais sont parfois courts, les QPC permettent de justifier, pour une fois, le recours à la procédure accélérée. En effet, les quatre décisions du Conseil constitutionnel sont applicables au 1er janvier 2013 pour les décisions d’ordre réglementaire, et au 1er septembre 2013 pour les décisions individuelles. Le délai concernant ces dernières est donc suffisamment long pour que ni la procédure accélérée ni le recours à une ordonnance ne se justifient ; j’y reviendrai tout à l’heure.
J’en viens maintenant au champ d’application juridique du dispositif, qui a besoin d’être clarifié, afin de supprimer le recours à une ordonnance pour légiférer.
Je pense principalement à l’article 1er. Le processus de consultation du public proposé à cet article ne concerne que les décisions publiques de niveau réglementaire et les décisions d’espèce. Les décisions dites « individuelles » en sont très clairement exclues ; elles relèvent de l’habilitation à légiférer par ordonnance demandée à l’article 7 du projet de loi.
Je ne comprends pas un tel découpage. Toutes les décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement sont concernées par les décisions du Conseil Constitutionnel. Comme je le rappelais lors de nos débats en commission, le découpage est artificiel. Certaines décisions n’appartiennent à aucune catégorie. Mieux vaut parler de « décisions publiques ayant une incidence environnementale ». J’ai donc déposé un amendement sur l’article 1er tendant à élargir le dispositif à toutes les décisions.
Cela répond également à une demande apparue dans le cadre de la consultation publique sur ce projet de loi, procédure nouvelle à laquelle vous êtes soumis. Selon l’étude d’impact du texte, un quart des remarques concernent le champ matériel d’application du texte, notamment l’inclusion des décisions individuelles.
De plus, le dispositif relatif aux décisions individuelles est renvoyé à une loi d’habilitation à prendre une ordonnance. Cette procédure dessaisit le législateur de son rôle ; nous ne pouvons pas nous en satisfaire. Le groupe centriste du Sénat s’est toujours opposé aux ordonnances. J’ai donc déposé un amendement « miroir » par rapport à mon amendement sur l’article 1er, tendant à supprimer intégralement l’article 7.
Comme Mme la rapporteur le souligne dans son rapport, le Conseil constitutionnel reconnaît, dans une décision de 1999, que « l’urgence est au nombre des justifications que le gouvernement peut invoquer pour recourir à l’article 38 de la Constitution ». Or le texte que nous examinons a été approuvé en conseil des ministres le 3 octobre dernier. Le dispositif relatif aux décisions individuelles doit être adopté avant le 1er septembre 2013. Je ne suis pas sûr que les onze mois séparant ces deux dates permettent véritablement de parler d’une « urgence » justifiant le recours à une ordonnance… Je pense que votre édifice présente une fragilité importante à cet égard, madame la ministre.
En outre, selon deux décisions du Conseil constitutionnel, l’une de 1977 et l’autre de 1986, le Gouvernement doit « indiquer avec précision au Parlement, lors du dépôt d’un projet de loi d’habilitation et pour la justification de la demande présentée par lui, quelle est la finalité des mesures qu’il se propose de prendre ».
Sur cette base, je ne suis pas convaincu que l’article 7 présente suffisamment de garanties de précisions du dispositif pour nous inciter à nous dessaisir aveuglément de notre pouvoir, qui plus est sur un texte relatif à la consultation du public. La démarche est plus que surprenante ; c’est manifestement un réel manquement vis-à-vis du Parlement.
En conséquence, et pour éviter toute censure du Conseil constitutionnel sur cette habilitation, je ne peux que vous inviter à supprimer l’article 7, à moins que le Gouvernement ne nous fasse connaître plus précisément ses intentions en termes de décisions individuelles.
Enfin, le dispositif de consultation du public soulève en lui-même encore quelques questions, comme le démontrent les modifications apportées par notre commission.
Au-delà du champ d’application, de nombreuses questions restent en suspens après nos débats en commission.
Concernant d’abord les délais minimaux de consultation, notre commission les avait, dans un premier temps, doublés. À présent, on s’oriente vers une solution médiane de vingt et un jours. Il me semblerait totalement contre-productif de doubler les délais : nous bloquerions tous les décideurs publics, en les incitant à recourir plus souvent à la procédure d’urgence.
La commission a également souhaité, sous l’impulsion de nos collègues du groupe CRC, que les conseils municipaux concernés soient informés et consultés. C’est une bonne mesure. Il faudra néanmoins régler la question des délais de consultation, qui est, là encore, problématique.
Enfin, sur l’initiative de Mme la rapporteur, les mots « tenu compte » ont été introduits dans le texte. Même si une telle notion est séduisante, je suis convaincu qu’elle suscitera un grand nombre de recours juridiques de la part de nos concitoyens contre les décisions prises.
Selon l’étude d’impact du Gouvernement, la synthèse prévue « permettra à toute personne de constater dans quelle mesure ces observations ont influencé la décision adoptée ». Cette remarque de bon sens me semble suffisante et devrait nous éviter l’ajout voulu par Mme la rapporteur.
« L’important, c’est de participer », disait Pierre de Coubertin. Il faut tout de même ajouter l’art et la manière pour que la participation soit utile et efficace. En ce début d’examen du texte, je ne suis pas sûr que les conditions soient totalement réunies.
Ainsi, le groupe UDI-UC se prononcera sur ce texte en fonction du sort qui sera réservé aux amendements que je viens d’évoquer, notamment celui qui porte sur l’article 7.
Madame la ministre, vous avez parlé de « démocratie participative ». À mon sens, il faudrait commencer par parler de démocratie tout court ! (M. François Zocchetto applaudit.) Cela suppose de respecter les fondements de la répartition des pouvoirs. Et le droit de légiférer appartient au Parlement.
MM. François Zocchetto et Charles Revet. Très bien !
M. Henri Tandonnet. Je suis vraiment très déçu que l’article 7 nous écarte de la discussion des décisions individuelles, d’autant que cela concerne essentiellement les collectivités territoriales, dont la défense est au cœur des missions du Sénat ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.
M. Raymond Vall. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, je m’exprime aujourd'hui au nom du groupe RDSE, mais sans oublier que je préside également la commission du développement durable.
Madame la ministre, notre commission a travaillé avec beaucoup de conviction, et dans des conditions difficiles. Je tiens à remercier tous ses membres, qui ont, me semble-t-il, gardé le sens de l’intérêt général tout en ayant la volonté de préserver l’efficacité de l’action.
Le présent projet de loi tire les conséquences des décisions rendues à l’occasion de quatre questions prioritaires de constitutionnalité récentes : l’une du mois d’octobre 2011, et les trois autres du mois de juillet dernier. Ces quatre décisions présentent un trait commun : la méconnaissance du principe de participation du public, principe qui trouve ses origines, en droit international, avec la déclaration de Rio de 1992 et la convention d’Aarhus du 25 juin 1998, ratifiée par la France en 2002. En droit national, nous disposions déjà d’enquêtes publiques ou de concertations publiques, et la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, dite « loi Barnier », a appliqué ce principe aux projets ayant une incidence importante sur l’environnement ou l’aménagement du territoire.
Si nous devons tous nous réjouir de la confirmation de la valeur constitutionnelle du principe de participation du public prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement de 2004, le législateur doit à nouveau se pencher sur son application, et notamment sur son effectivité.
En effet, le Conseil constitutionnel a jugé certaines dispositions du code de l’environnement contraires à ce principe. Cela concerne les décrets de nomenclature, les projets de prescriptions générales et techniques des installations classées pour la protection de l’environnement - les fameuses ICPE -, les décrets sur la délimitation des zones de protection des aires d’alimentation des captages d’eau potable et des zones d’érosion, ainsi que leurs programmes d’action. Enfin, une décision concerne les dérogations à la protection des espèces animales et végétales.
Dans tous les cas, les Sages du Conseil constitutionnel ont considéré que l’application du principe de participation du public n’était pas garantie.
Pour les décisions réglementaires, qui ont une portée générale, la publication du projet de décision avant la saisine de l’organe consultatif concerné n’a pas été jugée suffisante. Actuellement, ces procédures ne prévoient pas le recueil des observations du public et ne consacrent qu’une branche du principe de participation, à savoir le droit à l’information. La participation à proprement parler est ignorée par ces dispositions. Or il revient à la loi de définir les conditions et les limites de la participation à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement.
Le projet de loi aurait pu se borner à « rectifier le tir » et, en quelque sorte, à régulariser les dispositions du code de l’environnement qui seront abrogées à partir du 1er janvier 2013.
Mais le texte proposé va plus loin, puisqu’il anticipe d’éventuelles censures inspirées par les mêmes motifs. En effet, l’article L. 120-1 du code de l’environnement prévoit une procédure analogue à celles qui ont été censurées pour les décisions réglementaires de l’État et de ses établissements publics, c’est-à-dire une publication du projet de décision avant saisine de l’organe consultatif compétent.
Cependant, il convient de garder en mémoire que cette procédure est seulement supplétive ; elle s’applique uniquement en l’absence de dispositions particulières.
Ainsi, l’article 1er procède à la réécriture de cet article L. 120-1 en rendant systématique le recueil des observations des citoyens dans un délai qui permette à ces derniers de participer pleinement et à l’administration de les prendre en compte. L’article L. 120-1 du code de l’environnement prévoyait déjà cette modalité de participation ; elle sera désormais généralisée, mais aussi améliorée. En outre, le champ d’application de l’article L. 120-1 du code de l’environnement est étendu aux décisions d’espèce, catégorie d’actes administratifs qui ne sont ni réglementaires ni individuelles.
Il convient de saluer l’obligation pour l’administration de produire une note de présentation du projet de décision non technique. Cette note a vocation à expliquer clairement les enjeux environnementaux et à associer l’ensemble des citoyens aux décisions de l’État et de ses établissements publics.
Un délai minimal de vingt et un jours est instauré pour les observations qui parviendraient à l’administration par voie postale, et il a été demandé que le délai minimal soit porté de quinze à trente jours pour les observations émises par voie électronique. Nous en rediscuterons tout à l’heure, mais ce délai nous paraît un peu long et risque d’allonger les procédures administratives.
Pour les observations émises par voie postale, il me semble important d’associer les personnes qui ne sont pas équipées d’une connexion internet ou qui ne peuvent pas s’en servir : les mêmes droits doivent leur être accordés.
C’est pourquoi un amendement du RDSE, et ma collègue Évelyne Didier a formulé la même demande, vise à rendre obligatoire dans les mairies et les préfectures concernées l’affichage des consultations prévues pour les projets de décisions administratives. Seuls les horaires et les lieux de consultation seront affichés ; cela ne concernera pas l’ensemble du document.
L’article 1er, modifié par la commission du développement durable, qui a dû examiner en début d’après-midi les amendements proposés par le Gouvernement, améliore également la transparence du processus de décision – nous verrons comment nous avons pu conjuguer les amendements du Gouvernement et ceux de la commission – par la publication de ces observations. Cela sécurise juridiquement cette modalité de participation. En effet, il devient alors difficile de reprocher à l’administration de ne pas avoir consulté les citoyens en bonne et due forme.
Par ailleurs, lorsque la saisine d’un organe consultatif est prévue, la synthèse de ces observations lui sera communiquée. C’est, à mes yeux, une avancée importante.
Il est donc incontestable que ces modifications de fond renforcent l’effectivité du principe de participation, auquel nous sommes tous attachés. L’association des citoyens aux décisions ayant une incidence sur l’environnement est garante non seulement de leur transparence, mais également de leur acceptabilité.
Ainsi, le projet de loi ne constitue pas seulement une réponse urgente et ponctuelle à des décisions de justice. Il convient de citer l’obligation de communication du projet de décision administrative aux conseils municipaux concernés. Toutefois, nous ne sommes pas favorables à ce que l’avis de ces derniers soit obligatoire, même s’il est réputé favorable en cas d’absence de réponse au bout de trente jours. Il faut trouver un équilibre entre l’information des élus locaux et le risque de contentieux que peut susciter un cadre trop rigide.
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Raymond Vall. Dans nos territoires, nous sommes tous concernés par des décisions de l’État ayant une incidence locale importante. Mais les conséquences de ces décisions ne justifient pas toujours une telle mesure.
Mes chers collègues, comme cela a été rappelé tout au long de nos débats en commission, il ne faut pas que l’on étale dans le temps la prise de décision sous couvert de participation et de transparence. Je pense notamment à l’éolien terrestre, domaine dans lequel se multiplient les recours abusifs sur les zones de développement de l’éolien, alors que les recours sont dans la plupart des cas rejetés par les tribunaux. Mais, en attendant, ces décisions de justice font perdre un temps considérable.
Si nous sommes favorables à une participation du public effective et à la transparence des décisions qui ont une incidence sur l’environnement, il ne convient pas d’instaurer un système dans lequel les seules voix qui s’expriment sont celles des opposants aux projets. En effet, nous sommes malheureusement confrontés aux mêmes personnes, alors que les projets, souvent, ne les concernent que de très loin ; mais cette opposition est devenue leur seule raison d’être.
N’oublions pas que le principe de participation est avant tout censé assurer la prise en compte de l’intérêt de tous et non de certains intérêts particuliers.
Enfin, le Gouvernement sera habilité, par voie d’ordonnance, à adopter les modifications nécessaires pour rendre effective la participation du public en ce qui concerne les décisions individuelles – mon collègue Henri Tandonnet y reviendra tout à l’heure –, ainsi que toutes les autres décisions publiques qui ont un impact sur l’environnement et qui ne sont pas incluses dans l’article L. 120-1 du code de l’environnement. Je pense, par exemple, aux décisions des collectivités locales. Je comprends donc que le Sénat puisse s’émouvoir de ces ordonnances !
Si le procédé peut être contesté, malgré vos engagements - nous aurons l’occasion d’en reparler tout à l’heure -, madame la ministre, il est vrai que l’abrogation des dispositions qui autorisent les dérogations à la protection des espèces animales et végétales, qui sont des décisions individuelles, interviendra le 1er septembre 2013. Il faut donc réagir.
Pour conclure, le présent projet de loi vise à renforcer la démocratie environnementale participative sans ignorer la représentation nationale. Il est, à ce titre, équilibré, car si les citoyens doivent disposer du droit de décider des projets qui peuvent avoir un effet sur leur santé et leur bien-être, les membres du groupe RDSE considèrent que la démocratie représentative demeure la meilleure expression de l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)