Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Madame la sénatrice, dans un contexte de hausse générale du niveau des qualifications, il est apparu nécessaire de réformer la filière technologique pour élargir l’éventail des études et l’accès aux diplômes de l’enseignement supérieur.
En prenant un peu de distance avec les événements et les polémiques, on constate qu’en vingt ans les filières technologiques et professionnelles ont considérablement contribué à l’accès aux études longues des publics concernés. Ce sont d’ailleurs elles qui supportent l’essentiel de la démocratisation des études longues.
Pour parvenir à cet objectif, qui demeure, les disciplines enseignées dans le cadre de l’enseignement technologique doivent être plus transversales et moins spécialisées afin de rendre possibles des choix d’orientation plus ambitieux qu’auparavant. Cela se traduit, par exemple en classe de terminale, par une organisation pédagogique hebdomadaire qui réserve quinze heures aux enseignements généraux – français, histoire-géographie, mathématiques, langues vivantes – et quinze heures aux enseignements technologiques.
Je suis personnellement très attaché à cet équilibre entre les matières générales et les matières plus techniques – nous aurons ce débat dans l’avenir –, et cela vaut également pour les lycées professionnels.
Cet équilibre concilie trois impératifs : la possibilité de poursuivre des études plus longues, qui correspond d’ailleurs à une demande des entreprises, l’accès à l’emploi, mais aussi le développement de compétences et de connaissances qui font d’un individu un citoyen.
S’agissant des critiques et des craintes que vous relayez, madame la sénatrice, elles sont en grande partie le résultat de la méthode choisie par le précédent gouvernement pour mettre en œuvre cette réforme. La nouvelle voie technologique fut imposée aux enseignants comme aux collectivités territoriales de façon extrêmement brutale, sans aucun dialogue ni concertation. C’est l’inverse de la méthode que nous avons adoptée avec le Premier ministre. Surtout dans le domaine éducatif, une réforme qui n’est portée ni par les personnels ni par les collectivités locales et qui ne se construit pas dans la concertation a des effets pervers, induit des échecs et engendre, comme vous l’avez montré, des résistances.
C’est la raison pour laquelle, dès mon arrivée au ministère de l’éducation nationale, pour atténuer les effets négatifs de cette méthode très douloureuse pour un certain nombre de personnels et pour leur redonner confiance, j’ai demandé aux recteurs d’être particulièrement attentifs à chaque situation individuelle. Un plan de formation spécifique doit ainsi accompagner et soutenir les enseignants dans la procédure de changement de discipline.
J’ai demandé à mes services de réaliser une évaluation du dispositif. En effet, en visitant les établissements, j’ai eu le sentiment que mes consignes n’avaient malheureusement pas été suffisamment mises en œuvre et qu’un certain nombre de professeurs n’ayant pas démérité étaient encore dans l’inquiétude et la souffrance.
Je souhaite aussi, madame la sénatrice, répondre à vos interrogations sur la situation du lycée polyvalent Pierre-Caraminot d’Égletons, qui est spécialisé dans les métiers du génie civil et qui connaît une importante diminution du nombre d’élèves suivant la filière technologique et industrielle.
La baisse indéniable des effectifs s’explique non par la réforme de la voie technologique, mais par des particularités locales ayant un peu d’ancienneté.
On constate, d’abord, un très faible taux de passage de la troisième vers la seconde générale et technologique durant les années précédentes dans le collège de la ville : 45 % pour une moyenne nationale de 60 %.
On constate, ensuite, une baisse du recrutement hors académie, du fait de la création dans les régions voisines de lycées des métiers du génie civil.
Enfin, on relève des contraintes, que vous connaissez mieux que quiconque, liées aux transports scolaires. Elles ne sont pas négligeables pour un lycée rural.
Pour revaloriser leur lycée, les équipes pédagogiques ont intégré trois nouvelles dimensions : premièrement, la dimension européenne, le lycée Caraminot étant devenu « pôle européen », ce qui permet aux élèves volontaires de faire un voyage d’étude à l’étranger ; deuxièmement, l’extension des formations, par l’ouverture d’une nouvelle discipline, « Création et activités artistiques », avec une option « Patrimoine » ; troisièmement, la confirmation du lycée dans le dispositif des « cordées de la réussite ».
J’en profite pour féliciter la vitalité et l’esprit d’anticipation de l’équipe pédagogique.
Madame la sénatrice, vous abordez également le baccalauréat professionnel. Vous le savez, la réforme ayant fait passer la préparation de ce diplôme de quatre années à trois années a permis d’augmenter de 80 % le nombre de bacheliers professionnels, malgré un taux de réussite en légère baisse.
Demeurent tout de même des difficultés.
D’abord, et nous le voyons dans le cadre de cette réforme, un jeune sur trois en situation de décrochage scolaire est issu du lycée professionnel. Et les choses se jouent dès le début.
Ensuite, l’accès aux formations post-bac, notamment au BTS, des bacheliers professionnels reste un parcours du combattant.
Les causes du décrochage scolaire des élèves sont liées à une orientation souvent plus subie que choisie, à la faible mobilité des jeunes de cette filière et à une absence de passerelles entre les différentes formations.
Cela fait partie des éléments importants de la loi d’orientation et de programmation que nous vous présenterons bientôt ; des dispositions résultent d’ailleurs des travaux de la concertation auxquels vous avez participé. Il s’agit de hisser l’enseignement professionnel à la hauteur du formidable atout qu’il représente pour la France.
Les élèves de cette filière sont nos futurs artisans, commerçants, ouvriers qualifiés, techniciens, ingénieurs. Ils contribueront à la richesse et au redressement de notre pays.
Je souhaite donc que la voie professionnelle offre des parcours fluides du CAP jusqu’au baccalauréat professionnel et que les bacheliers professionnels puissent avoir un meilleur accès aux formations de BTS et de techniciens supérieurs, en étant accompagnés pour y réussir. C’était d’ailleurs un engagement du Président de la République. Cela figurera évidemment dans le texte législatif.
Nous voulons changer le système d’orientation, avec la création du service public territorialisé de l’orientation et la mise en place d’un parcours d’orientation individualisé, qui commencera dès la sixième pour l’ensemble des élèves. Il faut aussi permettre des avancées à des rythmes différents pour les élèves de l’enseignement professionnel.
Par conséquent, et je vais dans votre sens, madame la sénatrice, je souhaite que la possibilité d’un parcours en quatre ans soit rétablie pour les élèves les plus fragiles, en leur permettant d’obtenir d’un diplôme intermédiaire en deux ans, puis leur baccalauréat deux ans après. Nous le voyons bien, tous les élèves n’arrivent pas à cheminer du même pas ; cela a causé trop de décrochages.
Ces différentes propositions figureront dans la loi d’orientation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.
Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse très circonstanciée et de l’attention que vous portez à la situation de nombreux élèves et enseignants qui souffrent.
Ce que vous venez de manifester faisait, à mon avis, largement défaut à votre prédécesseur. Je l’avais interrogé sur le même sujet, mais je n’ai jamais obtenu de réponse ; je le regrette, surtout quand je constate les dégâts sur le terrain.
La méthode que vous avez développée, celle de la concertation, permettra effectivement, je le crois, à l’éducation nationale de se reconstruire et de se redéployer. Vous pouvez compter sur ma volonté de vous aider dans cette entreprise.
situation de l'emploi dans le pas-de-calais
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, auteur de la question n° 142, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
M. Dominique Watrin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, près de 850 emplois sont supprimés chaque mois dans le Nord-Pas-de-Calais. Et cette véritable saignée s’opère dans une région qui souffrait déjà d’un fort taux de chômage !
Je voudrais d’abord souligner la lutte exemplaire des 250 salariés de l’entreprise Doux à Graincourt-lès-Havrincourt, qui occupent leur abattoir de volailles depuis plus d’un mois. Ces salariés ne se résignent pas, et pour cause : cette unité de production, qui irrigue le tissu économique rural en fournissant une activité importante aux éleveurs, fait des bénéfices, ainsi que l’atteste le rapport comptable fourni par les liquidateurs. Au demeurant, cette activité a des débouchés : la France importe 40 % de ses besoins en volailles.
Cependant, le tribunal de commerce, composé exclusivement de dirigeants d’entreprise, n’a pas validé cette thèse. Rappelons à ce sujet le potentiel conflit d’intérêts soulevé par les syndicats et la presse à propos de la présence dans la formation de jugement de sept juges qui seraient en lien avec Doux...
Les salariés sont prêts à soutenir la poursuite de l’activité de l’unité du Pas-de-Calais. Il a donc été acté que, si cette unité était jugée « modernisable » au terme de l’expertise financée par l’État, ce dernier investirait avec la région. Dans le cas contraire, il s’engagerait à ce que tous les salariés licenciés bénéficient d’un maintien de salaire à 100 % pendant un an. Pour le même coût, une aide à la reprise permettrait de pérenniser 250 emplois. C’est mieux.
Pourtant, les salariés ont l’impression que, malgré quelques avancées, qu’il faut souligner, il y a un manque de volonté politique au sommet de l’État pour finaliser ce projet. Que pouvez-vous leur répondre ?
Même questionnement pour les salariés de Durisotti : quels engagements le Gouvernement peut-il peut prendre sur la nécessité de revoir le contenu des appels d’offres de l’État afin de ne pas défavoriser les entreprises françaises qui, comme celle-ci, recherchent également des financements ?
Meca Stamp International bénéficie d’un savoir-faire unique en France et ses débouchés sont assurés : le carnet de commande est plein. Un plan de reprise est en cours d’élaboration avec plusieurs associés. Que comptez-vous faire pour éviter toute cessation d’activité hâtive et apporter à ce projet le renfort financier nécessaire pour maintenir le plus possible d’emplois ?
Arc International a vu ses effectifs passer de 12 000 salariés à 5 680 en dix ans. L’entreprise a prévu une nouvelle baisse de ses effectifs à l’échéance de l’accord de méthode, fin 2012. Les salariés s’inquiètent d’une nouvelle réduction en raison de la priorité affichée par l’actionnaire de produire en Chine, aux Émirats arabes unis et aux portes mêmes de l’Europe, en Russie. D’où 880 départs à la retraite programmés d’ici à 2015, dont un sur deux seulement sera remplacé. Sans parler des 1 500 salariés qui pourraient « opportunément », aux yeux de la direction s’entend, bénéficier de « retraites anticipées amiante », mais sans être remplacés. Confirmez-vous une telle information ?
Monsieur le ministre, d’une manière plus générale, quelle action déterminante le Gouvernement compte-t-il entreprendre pour stopper une telle hémorragie d’emplois et assurer la pérennisation de toutes les entreprises que j’ai citées ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur Dominique Watrin, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser mes collègues Michel Sapin et Thierry Repentin, qui sont en ce moment même auditionnés par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale sur les crédits de la mission « Travail et emploi ».
Les entreprises que vous avez citées, et qui relèvent de secteurs d’activité très différents, ont effectivement supprimé de nombreux postes dans votre département. Le nombre total de licenciements économiques cette année est sensiblement supérieur à celui de l’année précédente à la même période : 3 041 à la fin du mois de septembre 2012, contre 2 799 en 2011, ce qui traduit une dégradation sérieuse de la situation économique depuis de très nombreux mois.
Une telle situation est préoccupante pour tous les travailleurs concernés et pour toutes les familles touchées directement ou indirectement par le chômage. Le Gouvernement veille donc à ce que les salariés victimes d’un licenciement économique soient accompagnés le mieux possible pour retrouver au plus vite un emploi.
Les salariés victimes de licenciement économique dans les entreprises de moins de 1 000 salariés et dans les entreprises en redressement ou liquidation judiciaire peuvent être accompagnés dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle, le CSP. Ce dispositif, dont je reparlerai, vise à favoriser le retour à un emploi durable, le cas échéant au moyen d’une reconversion. L’allocation versée dans le cadre du CSP pendant un an équivaut à la quasi-intégralité du salaire net antérieur. Dans le Pas-de-Calais, à la fin du mois de juillet 2012, 2 267 salariés licenciés pour motifs économiques sont entrés dans le dispositif.
N’en doutez pas, monsieur le sénateur, le Gouvernement se mobilise ; tous les outils de la politique de l’emploi sont mis en œuvre pour aider les salariés.
Dans le cas de l’abattoir du pôle frais de Doux situé à Graincourt-lès-Havrincourt, dès le début du mois d’août, et parallèlement aux efforts déployés par le Gouvernement pour préserver au mieux l’emploi du pôle frais, l’État a mis en place une cellule d’appui à la sécurisation professionnelle pour l’ensemble des 253 salariés, afin qu’ils bénéficient d’un accompagnement particulier pour les soutenir et les aider dans leurs démarches de reconversion.
La mise en place de ce type de cellule est exceptionnelle, mais elle répond à une situation elle-même exceptionnelle, sur un bassin d’emploi qui souffre. Les salariés licenciés sont ensuite pris en charge dans le cadre du CSP.
Le Gouvernement s’est également engagé à débloquer un million d’euros pour le fonds de revitalisation permettant de soutenir des projets économiques créateurs d’emplois sur ce territoire.
Monsieur le sénateur, nous sommes particulièrement conscients de la situation préoccupante de l’emploi dans le Pas-de-Calais et de la nécessité d’agir rapidement. C’est pourquoi nous avons attribué 1 442 contrats d’accompagnement dans l’emploi supplémentaires au Pas-de-Calais pour le second semestre de 2012, en plus de l’enveloppe initiale de 5 902 de juillet 2012, soit une enveloppe totale de 7 344 contrats d’accompagnement pour le second semestre.
Notre action est tout entière tournée vers l’emploi. Vous le savez, dès le mois de juillet, une grande conférence sociale réunissant l’ensemble des partenaires s’est tenue à l’initiative du Gouvernement. Elle donne déjà ses premiers résultats. Les partenaires sociaux – c’est la méthode de la concertation, celle que j’évoquais tout à l’heure – viennent de conclure un accord interprofessionnel sur le contrat de génération, et la loi créant les emplois d’avenir vient d’être enfin promulguée. Ce sont plusieurs centaines de milliers d’emplois qui seront créés ou sauvegardés dans les mois à venir. D’autres négociations importantes sont en cours, y compris sur la sécurisation de l’emploi.
Monsieur le sénateur, j’espère vous avoir convaincu que le Gouvernement est mobilisé pour faire de l’emploi sa priorité et qu’il porte une attention particulière au département du Pas-de-Calais.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Je suis heureux d’entendre M. le ministre confirmer ce que j’ai évoqué.
La situation de l’emploi dans le Pas-de-Calais est en effet préoccupante.
À mes yeux, le nombre d’entreprises concernées par des menaces de fermeture ou des réductions d’activité et d’emploi justifie la demande, formulée dès le mois de juillet par le secrétaire national du parti communiste français et par la présidente d’alors de notre groupe, Nicole Borvo, d’un moratoire général sur l’ensemble des plans de licenciement collectifs.
Un tel moratoire serait d’autant plus légitime que, les exemples que j’ai mentionnés le montrent, il faut parfois laisser du temps au temps, afin que les projets de reprise puissent être menés à terme pour devenir effectifs, en obtenant tous les soutiens nécessaires.
En outre, on ne peut ignorer que, dans les cas que j’ai cités, s’illustrent aussi des stratégies financières.
Monsieur le ministre, vous affirmez que le Gouvernement est mobilisé. Pour ma part, j’ai le sentiment qu’il ne prend pas la juste mesure de l’impatience des salariés confrontés à de telles situations. Ils attendent beaucoup plus du Gouvernement, notamment des mesures nettement plus vigoureuses, afin qu’ils ne soient plus considérés comme de simples variables d’ajustement des difficultés rencontrées. En disant cela, je ne vous adresse pas un reproche personnel, monsieur le ministre ; j’exprime une demande très vive à l’égard de l’ensemble du Gouvernement.
Je suis convaincu qu’un certain nombre de lois doivent être adoptées, notamment pour donner plus de pouvoirs aux salariés dans les entreprises. C’est, me semble-t-il, le seul moyen d’éviter certaines dérives patronales que l’on a pu constater et de répondre à des stratégies financières qui jouent contre l’emploi.
Je m’étonne tout de même que le ministre du redressement productif n’ait pas pu, ou pas voulu, répondre à ma question, alors qu’il était là voilà quelques instants.
Je prends néanmoins acte des quelques éléments que vous avez fournis, monsieur le ministre. Je relève que, sur les contrats aidés, il s’agit d’un simple rattrapage : j’avais en effet écrit à M. Sapin pour indiquer que nous étions fortement pénalisés dans la répartition de l’enveloppe nationale des contrats aidés. Je me réjouis donc que mon intervention ait porté.
Je souhaiterais tout de même que vous transmettiez les questions précises que j’ai soulevées aux différents ministres chargés de ces dossiers, afin que je puisse obtenir des réponses plus détaillées et les transmettre à mon tour aux salariés concernés.
protection des consommateurs
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, auteur de la question n° 64, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.
M. Yannick Vaugrenard. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, ma question porte sur la protection des consommateurs, et notamment sur le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs.
Alors que ce projet avait été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale au mois d’octobre 2011, puis au Sénat en décembre, il n’a malheureusement pas été inscrit à l’ordre du jour en deuxième lecture avant l’interruption des travaux parlementaires, c'est-à-dire avant les élections présidentielles et législatives.
Pourtant, ce texte traitait de sujets majeurs pour notre économie. Il avait été amélioré de manière significative par le travail des deux assemblées, qui l’ont enrichi d’une quarantaine d’articles. Le Sénat, en particulier, a adopté un certain nombre de mesures renforçant les droits des consommateurs et dynamisant la concurrence dans de nombreux secteurs. J’ajoute que la qualité du rapport présenté par notre collègue Alain Fauconnier a été soulignée par tous.
Par ailleurs, un groupe de travail a été mis en place afin d’étudier l’opportunité de créer un fichier positif permettant de prévenir le surendettement des ménages. Il devrait rendre ses conclusions très prochainement. Nous aurons à les examiner avec une grande attention, tant les situations de détresse dues, notamment, au surendettement sont de plus en plus fréquentes, compte tenu de la crise économique et sociale que nous traversons.
Cependant, plutôt que d’inscrire à l’ordre du jour ce projet de loi en deuxième lecture, le gouvernement précédent a préféré soumettre au Parlement des textes plus « médiatiques ». De ce fait, ce projet de loi sur la protection des consommateurs est finalement tombé aux oubliettes, ce qui est fort regrettable.
La nécessité d’adopter des mesures concrètes visant à améliorer les conditions dans lesquelles les citoyens opèrent leurs choix de consommation, et donc souvent leur pouvoir d’achat, est pourtant plus que jamais d’actualité. Particulièrement durant cette période de crise, nous devons envoyer un message fort de soutien aux consommateurs de notre pays.
Le Gouvernement a annoncé, au début du mois de septembre, que des réflexions allaient être engagées sur l’action de groupe ; nous nous en félicitons. C’est une procédure très attendue par nos concitoyens, qui leur permettra d’obtenir réparation des préjudices qu’ils subissent dans leurs relations commerciales. Le bon sens conduit en effet à considérer que les consommateurs sont plus forts à plusieurs que chacun seul dans son coin.
Vous avez également indiqué travailler à l’encadrement du crédit renouvelable, qui favorise, nous le savons, le surendettement des ménages les plus précaires.
Pouvez-vous nous détailler, monsieur le ministre, l’ensemble des actions que le Gouvernement met en place dans le cadre de l’amélioration de la protection des consommateurs, et nous présenter le calendrier suivant lequel ces actions seront présentées au Parlement, en particulier au Sénat ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur Vaugrenard, je vais m’efforcer de vous répondre de la manière la plus précise possible.
M. le Premier ministre m’a confié la mission de protéger les consommateurs et de préparer un projet de loi sur la consommation, qui figurera, je l’espère, à l’ordre du jour du Parlement au printemps prochain.
À cet égard, vous avez raison de le souligner, le travail commencé sous la précédente législature au travers du projet de loi présenté par M. Lefebvre, alors secrétaire d’État à la consommation, qui avait été largement enrichi par le Sénat, n’a pas été mené à son terme.
Dans le cadre du projet de loi « consommation » sur lequel je travaille actuellement, il n’est pas question de faire table rase des travaux qui ont été menés par le Sénat. J’entends en tout cas, au travers de ce texte, viser deux objectifs principaux, qui en constitueront, si j’ose dire, les morceaux de choix.
Le premier a trait aux voies de recours ouvertes aux consommateurs afin qu’ils puissent obtenir réparation des préjudices qu’ils auraient subis. Comme vous l’avez dit, il y a des « trous dans la raquette » en matière de protection des consommateurs, notamment pour ce qui relève des contentieux de masse.
Le second objectif concerne les pouvoirs donnés à l’administration chargée de faire respecter les droits des consommateurs. Dans ce domaine, nous constatons que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, qui est l’administration chargée de la protection des consommateurs, la police de la consommation en quelque sorte, ne dispose pas forcément des mesures administratives indispensables.
Je vous confirme donc qu’avec le ministre de l'économie, M. Pierre Moscovici, et en lien avec la garde des sceaux, Mme Christiane Taubira, nous introduirons dans le droit français les actions de groupe afin de permettre aux consommateurs ayant subi de petits dommages individuels de se coordonner et d’obtenir efficacement réparation.
Aujourd’hui, nombreux sont les consommateurs qui subissent un préjudice. En agissant isolément, il est très compliqué d’obtenir réparation, ou l’énergie qu’il faut déployer est telle qu’on hésite, voire qu’on renonce à tenter d’obtenir réparation du préjudice subi. Avec les actions de groupe, nous allons permettre à ces consommateurs de mutualiser les démarches, de se coordonner de façon à obtenir réparation auprès d’un professionnel, d’une entreprise, qui aurait commis une telle faute. C’est un tort majeur fait à la société. Ce moyen de recours qui n’existe pas aujourd'hui sera introduit dans le droit français si ce projet de loi est adopté.
Pour autant, nous voulons éviter les dérives « à l’américaine » qui, globalement, aboutissent à enrichir davantage encore les cabinets d’avocat plutôt qu’à protéger les consommateurs.
Il faut aussi réfléchir au champ d’application de cette disposition : pour être comprise, l’action de groupe doit être réservée aux préjudices matériels et économiques ; à ce stade, son champ d’application ne doit pas être étendu aux préjudices liés à l’environnement ou à la santé.
Je veux aussi améliorer et renforcer dans ce projet de loi les moyens de la DGCCRF. En effet, pour certains types d’infraction, la sanction administrative est préférable à l’encombrement des tribunaux. Par ailleurs, certains types d’infraction peuvent difficilement être constatés par les agents de la DGCCRF. Ainsi, pour l’agent de la DGCCRF, il est très compliqué de vérifier qu’un vendeur agissant pour un établissement de crédit met en œuvre l’obligation qui lui est faite par la loi de proposer au consommateur un crédit amortissable ou un crédit renouvelable dès lors que cet agent est obligé de notifier sa qualité avant de procéder au contrôle. Bien sûr, dans ce cas, le vendeur proposera les deux crédits, mais on constate aujourd’hui que, dans 90 % des cas, c’est un crédit renouvelable qui est contracté par le consommateur.
Je souhaite donc le renforcement, dans le projet de loi « consommation », de l’encadrement du crédit renouvelable, qui avait été engagé au travers de la loi Lagarde.
De ce point de vue, nous allons réfléchir à la meilleure manière de mettre en œuvre l’obligation de l’offre alternative crédit amortissable ou crédit renouvelable pour tout bien d’équipement de plus de 1 000 euros.
La formation des forces de vente et les cartes de fidélité sont également des points de préoccupation. Aujourd’hui, lorsqu’on souscrit une carte de fidélité, on souscrit souvent aussi un crédit renouvelable. Dans ces domaines-là également, nous allons étudier de quelle façon nous pouvons améliorer la protection des consommateurs
Enfin, puisque vous avez évoqué le fichier positif, j’ajoute que nous réfléchissons aussi à la meilleure manière d’éviter le « crédit de trop », celui qui mène au surendettement. La mise en place d’un registre regroupant les crédits contractés par les emprunteurs, que les établissements de crédit auraient l’obligation de consulter au moment de l’examen de toute demande, est une des voies à l’étude.
Ce sera l’objet du travail du Parlement et du Gouvernement de faire de ce projet de loi un instrument de protection des consommateurs. Vous avez à juste raison insisté, monsieur le sénateur, sur la nécessité d’informer les consommateurs dans une période où le pouvoir d’achat est contraint par la crise. Qu’ils puissent disposer du maximum d’informations est en effet essentiel. C’est ce à quoi je travaillerai au nom du Gouvernement, en bonne intelligence, je l’espère, avec le Sénat.