M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission des finances a considéré que l’objectif de parité revendiqué pour le Parlement et le Gouvernement devait également s’appliquer, si possible, aux institutions telles que le Haut Conseil. De fait, les auteurs de l’amendement, par leurs rectifications successives, ont résolu les difficultés techniques que posait leur amendement.
Cela étant, sur le fond, la commission des finances a décidé de s’en remettre à l’avis du Gouvernement… (Rires.)
Mme Michelle Demessine. Ce n’est pas comme cela qu’on va avancer !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. L’existence de plusieurs instances de désignation entraînera une grande complexité, d’autant que, lors de l’installation du Haut Conseil, certains de ses membres seront désignés par tirage au sort pour n’effectuer qu’un mandat de trente mois.
La mise en œuvre de ce dispositif sera donc d’une grande technicité, à laquelle le Gouvernement a peut-être déjà réfléchi. C’est la raison pour laquelle son avis nous sera des plus utiles.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est très habile !
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je vous remercie, monsieur le rapporteur général ! (Nouveaux rires.)
Nous voyons bien, tout d’abord, qu’avec cet amendement l’objectif de parité recherché ne serait qu’imparfaitement atteint puisqu’il n’affecterait que les seuls membres nommés par les autorités parlementaires. Je constate d’ores et déjà que vous faites l’impasse sur les membres de la Cour des comptes, qui sont, vous le savez, désignés par le premier président de la Cour et non par le Gouvernement. Par conséquent, rien ne garantirait que l’objectif de parité au sein du Haut Conseil soit respecté puisque, pour au moins la moitié de ses membres, il ne serait pas inscrit dans la loi. C’est la première difficulté.
Ensuite, afin que la parité soit respectée dans le champ que vous avez défini, il faudrait une négociation entre le président de l’Assemblée nationale et le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, le président du Sénat et le président de la commission des finances du Sénat, négociation qui pourrait être limitée à chaque assemblée, ou, pourquoi pas, conjointe. Mais rien ne garantit que ces négociations puissent intervenir. On pourrait d’ailleurs parfaitement imaginer qu’une assemblée nomme deux femmes, ce qui ferait que l’autre ne pourrait en nommer aucune.
Au regard de ces difficultés et de l’objectif de parité qui ne serait que très imparfaitement atteint, je ne crois pas qu’il soit raisonnable d’adopter cet amendement, sauf à entrer dans des difficultés pratiques qui me semblent très difficiles à surmonter.
Le Gouvernement ne peut donc émettre qu’un avis défavorable, en ayant parfaitement conscience du « merveilleux » rôle qu’il est chargé d’assumer en l’occasion !
De toute façon, le dessein que vous poursuivez ne pourrait être atteint par l’amendement que vous avez déposé, monsieur le sénateur. Mais, même si vous décidiez de modifier votre amendement pour étendre le champ de la mesure à l’ensemble des membres du Haut Conseil, je me permettrais de faire remarquer que les nominations doivent se fonder sur le seul critère de compétence. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Jean-Vincent Placé. Le sujet serait trop technique pour les femmes ?...
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Allons, je vous en prie ! L’objectif de compétence a été le seul critère retenu par le Gouvernement lorsqu’il a présenté son projet. (Mme Michelle Demessine s‘exclame.) On peut être choqué ou non par cet objectif, mais c’est en tout cas celui du Gouvernement. Puisque je sens que le débat va s’animer, je me permets simplement de vous faire remarquer qu’il serait choquant que, dans l’hypothèse où, au regard de cet objectif de compétences, seules des femmes seraient nommées, il faille en exclure certaines pour faire place à des hommes.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. François Trucy. Remarquable !
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Si nous n’avons pas imposé la parité à l’ensemble du Haut Conseil des finances publiques, c’est tout simplement parce que cinq de ses membres émanent de la Cour des comptes, quatre de ces derniers étant désignés par le premier président. Or la Cour des comptes est une juridiction indépendante et, je peux me tromper, mais il me semble que le Conseil constitutionnel invaliderait une disposition tendant à lui imposer la parité.
Cependant, si les nominations au sein du Haut Conseil qui émanent du Parlement respectent la parité, je pense que cela incitera le premier président de la Cour des comptes à procéder volontairement à des nominations féminines.
S'agissant d’une institution qui a vocation à être pérenne, dont le pouvoir est amené à se renforcer au fur et à mesure du développement de l’union budgétaire et de la construction européenne, ne pas prendre en compte le critère d’une représentation féminine, qui constitue selon nous le minimum minimorum de la conception d’une démocratie moderne, me semble constituer une erreur politique.
C’est pourquoi nous maintenons cet amendement, et j’invite le Gouvernement à y réfléchir à deux fois avant de s’y opposer. (M. Jean-Vincent Placé applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je remercie M. Gattolin et les membres du groupe écologiste d’avoir déposé cet amendement, notre échange – sidérant – montrant la nature des freins qui existent encore dans notre société.
Monsieur le ministre, vous avez tenu des propos extrêmement choquants. Vous venez en quelque sorte, si vous me permettez l’expression, de nous « resservir la soupe » de tous ceux qui, depuis des siècles, trouvent des arguments pour expliquer que les femmes n’ont pas leur place dans la société d’une manière générale et dans les institutions en particulier !
Mme Nathalie Goulet. Mais non, il n’a pas dit cela !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. N’exagérons rien ! Vous avez l’esprit mal tourné !
M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis. Il n’a pas du tout dit cela !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. En tout cas, c’est ainsi que j’ai ressenti vos propos, monsieur le ministre, et je tenais à vous le dire.
La concrétisation de la parité dans toutes les institutions de la République est extrêmement urgente et il faut à présent la mettre en acte. Nous, législateurs, avons un rôle évident d’exemplarité. Écrivons d’abord la loi et ensuite nous devrons trouver les moyens de dépasser les difficultés auxquelles nous serons confrontés.
Notre débat est d’autant plus surréaliste que nous sommes en train d’essayer d’affirmer la parité, ce qui est juste, dans un organisme qui, de toute façon, demeurera extrêmement anti-démocratique dans son mode de désignation et sa composition.
Une fois de plus, ce type de débat ne nous honore pas ! Je vous invite vivement à considérer que les femmes sont des êtres humains à part entière…
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Voyons !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … et qu’elles ont autant de compétence que vous, messieurs ! (Mme Laurence Cohen applaudit.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est complètement déplacé !
M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.
Mme Michèle André. Mes chers collègues, en 1999, le Parlement réuni en Congrès à Versailles a inscrit dans la Constitution, à l’article 1er : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». Le dispositif a été complété récemment lorsque nous avons débattu de la place des femmes dans les conseils d’administration des entreprises du CAC 40.
D’une manière générale, nous pouvons dire que la France progresse en la matière dans la loi et dans l’intention.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Pas dans la réalité !
Mme Michèle André. Laissez-moi aller jusqu’au bout de mon raisonnement !
Vous dites, monsieur le ministre, que ce dispositif de parité serait difficile à mettre en œuvre. Mais, dans cette enceinte, entre les deux guerres, il paraissait impossible que les femmes puissent être des électrices, voire des élues. Pourtant, nous y sommes parvenues. J’ai même relevé certains propos qui ont été prononcés alors et qui tiennent du plus haut comique ou du plus grand tragique, selon l’humeur avec lesquels on les considère. L’un de nos collègues sénateurs avait ainsi soutenu qu’il serait dangereux que les femmes votent parce qu’elles deviendraient alcooliques : tout le monde sait, sans doute, que les hommes en campagne électorale boivent de l’alcool et deviennent alcooliques ; il fallait donc protéger les femmes de ce danger !
Eh bien, aujourd'hui, nous sommes là et nous faisons notre travail de parlementaire ! Nous avons montré que le chemin était, de tout de façon, inévitable.
Monsieur le ministre, même si vous trouvez la chose difficile aujourd'hui, il faut aller dans le sens de la parité et demander à toutes les instances de notre pays qui relèvent de la loi de s’astreindre à cette obligation. Épargnons-nous le ridicule dont se sont couverts les Parlementaires européens qui ont avalisé la composition entièrement masculine du directoire de la BCE au prétexte qu’il n’y avait pas de femmes compétentes… Je m’inscris en faux contre cette conception : les femmes sont aussi compétentes que les hommes, et il y a des incompétents chez les hommes, admettez-le !
Pour ma part, je considère que cet amendement va dans le bon sens et je le voterai ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Nous arrivons à un moment imprévu de notre débat, mais important et d’une vraie portée symbolique. Je remercie à mon tour M. Placé d’avoir présenté cet amendement car, au fil du temps, nous oublions les engagements que nous avons pris quant à la progression de la parité dans notre société.
La proposition qui est formulée aujourd'hui ne mérite pas la dramatisation qui en est faite. Le Haut Conseil des finances publiques est un organisme de faible effectif. Autant on peut redouter, s’il s’agit d’appliquer la parité à une très grande échelle, de se heurter à un certain nombre de limites, le corps social n’étant pas encore mur, autant, s’agissant d’un organisme de haute compétence et de très faible effectif, on ne voit pas quelle difficulté il y aurait à trouver les quelques femmes qui permettraient d’adresser un signe fort en direction de la parité.
L’argument de la compétence, monsieur le ministre, il vaudrait mieux éviter de l’employer…
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Arrêtez, c’est insultant à la fin ! Je n’ai jamais dit ce dont vous m’accusez !
Mme Catherine Tasca. Comment, vous ne l’avez pas dit ?
MM. François Trucy et Joël Bourdin. Il ne l’a pas dit !
Mme Catherine Tasca. Dès lors, je ne vois pas pourquoi, s'agissant d’un organisme aussi restreint, sur lequel les autorités de nomination peuvent parfaitement adhérer à l’objectif de parité, on s’opposerait à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Ce débat est extrêmement important. La parité est un outil destiné à nous permettre d’obtenir l’égalité entre les femmes et les hommes dans les institutions, mais elle a été imposée de haute lutte, si je puis dire. Nous constatons qu’il nous faut sans cesse interroger nos pratiques, à tous les niveaux, pour que l’objectif de la représentation des femmes dans toutes les instances, vers lequel nous tendons, devienne une réalité.
Ce soir, en tant que législateurs, nous nous heurtons à des difficultés objectives : les modalités de désignation des membres du Haut Conseil sont assez complexes, proches de l’usine à gaz, si vous me pardonnez l’expression. Du coup, nous peinons à imaginer un dispositif qui permette d’assurer la parité.
Il faut que nous parvenions ensemble à dépasser cet état de fait et à créer chaque fois les conditions permettant d’obtenir la parité dans les organismes dont les membres sont nommés.
Les mots ont un sens. Si le seul critère retenu dans la loi est celui de la compétence, il doit être appliqué à égalité aux hommes et aux femmes. Ce qui est navrant, ce qui froisse, c’est que l’argument de la compétence n’est le plus souvent invoqué que lorsqu’il s’agit de parité.
C’est un réel problème, un problème de culture, de société. Dans notre société, les femmes doivent continuer de se battre et de faire leurs preuves pour être respectées et appréciées à leur juste valeur, à l’aune de leurs compétences, lesquelles sont égales à celles des hommes.
Voilà pourquoi cette question est très sensible. Une assemblée telle que le Sénat se doit de trouver les moyens de faire en sorte que la parité existe à tous les niveaux.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il n’y a aucun problème de compétence. Tous ceux qui évoluent dans le milieu économique savent qu’il existe d’excellentes macro-économistes. Le débat ne se situe absolument pas là. M. le ministre ne l’a d’ailleurs en aucun cas situé sur ce plan. Le problème soulevé est une simple question d’arithmétique.
Rappelons que le Haut Conseil, tel que nous sommes en train de le constituer, comptera dix membres, plus un président, qui sera de droit le premier président de la Cour des comptes, lequel peut être un homme ou une femme. Quatre des dix membres seront issus de la Cour des comptes, désignés sur proposition de son premier président. Ils devront s’astreindre, nous l’avons décidé tout à l’heure, à la procédure de l’audition publique. Quatre membres seront désignés par les autorités parlementaires et un par le président du Conseil économique, social et environnemental. Enfin, le dernier membre sera le directeur général de l’INSEE, qui, selon la sagesse du conseil des ministres du moment, sera soit un homme, soit une femme.
La démarche de nos collègues du groupe écologiste est tout à fait légitime. Il serait toutefois logique que le principe de parité s’applique à l’ensemble de l’effectif, du moins à l’ensemble de l’effectif sans le président, c'est-à-dire aux dix membres du Haut Conseil : cinq hommes, cinq femmes. Mais ici, ce qu’on nous propose, c’est d’appliquer la parité à quatre des membres d’un organe qui en compte onze.
Au demeurant, si l’on devait appliquer la parité totale, ce qui est concevable, cela impliquerait une modification du mécanisme de désignation. Les autorités de désignation devraient se consulter les unes les autres et former une liste commune. On ne pourrait pas s’en sortir autrement.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Or nous avons vu qu’en d’autres situations, pour le CSA par exemple – et Mme Tasca le sait bien – lorsqu’il s’est agi d’établir une liste commune, chacun a eu du mal à retrouver ses petits… ou ses petites le cas échéant.
Il faut donc, mes chers collègues, que nous réfléchissions à cette question. La parité est certes un mouvement de la société – personne ici ne saurait le nier –, mais, compte tenu de la composition du Haut Conseil des finances publiques, la proposition qui nous est faite ne semble pas satisfaisante. Imposer la parité pour l’effectif global ne permettrait pas selon moi de préserver la nature du Haut Conseil, dont on peut souhaiter que les membres soient indépendants, c'est-à-dire non interdépendants.
Or si chacun doit consulter l’autre, il en résultera des négociations, des mouvements pas très transparents – l’exemple du CSA est là pour le montrer –, toutes choses que l’on aura de la peine à expliquer et qui nuiront à la bonne réputation de ce Haut Conseil.
Il ne s’agit donc en aucune façon, je le répète, de la compétence des hommes ou des femmes. Tel n’est pas le sujet. Le problème est simplement d’ordre pratique : comment parvenir à la parité dans un organisme aussi complexe, tel que nous l’avons défini ?
Permettez-moi de vous dire qu’il me semble vraiment préférable de soutenir M. le ministre et de rechercher une autre formule que celle que nous ont présentée nos collègues André Gattolin et Jean-Vincent Placé. (M. Joël Bourdin applaudit.)
M. François Trucy. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé, pour explication de vote.
M. Jean-Vincent Placé. Je vous ai connus plus en verve, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, vous avez d’habitude recours à une meilleure dialectique ! L’argument selon lequel si on ne peut pas atteindre un objectif, il vaut mieux ne rien faire est bien connu. Il ne permet pas, hélas, de résoudre les problèmes ! Il est dommage d’y avoir recours alors qu’on a vanté pendant des mois la politique des petits pas dans de multiples autres domaines qui concernent plus directement nos concitoyens. Puisqu’on ne peut atteindre le cinquante-cinquante, faisons zéro ! Tel est votre argument….
André Gattolin l’a dit, nous avons essayé de tenir compte des réalités. Il est vrai que contraindre dans la loi le premier président de la Cour des comptes à procéder à des nominations paritaires aurait posé une difficulté juridique. Nous nous sommes donc dit que nous devions faire preuve de volontarisme politique. Quatre membres du Haut Conseil étant nommés par le Parlement, il nous a semblé que nous pouvions au moins faire un effort en ce qui les concerne.
Je suis d’ailleurs prêt à rectifier mon amendement afin qu’il tende à prévoir une obligation de parité pour l’ensemble des membres nommés. (Mme Laurence Cohen applaudit.) Je serai ainsi vraiment en phase avec votre volontarisme, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances. Vous le voyez, je vous écoute attentivement ! Ainsi modifié, cet amendement permettra, je le pense, de répondre largement aux préoccupations dont vous venez de nous faire part.
Je pense par ailleurs que nos échanges reposent sur un malentendu. Quand d’un côté on déclare que le seul critère retenu sera la compétence et que, de l’autre, on refuse d’instaurer la parité, cela peut être ambigu, équivoque. Sachez toutefois que ni Mme Tasca ni moi n’avons voulu vous blesser inutilement, monsieur le ministre, ou susciter votre colère. L’heure tardive explique sûrement les choses…
Pour toutes ces raisons, j’attire l’attention de la Haute Assemblée sur cette question importante. Nous sommes regardés par la population. Parmi elle, il y a des gens très attentifs à la question de la parité, comme d’autres le sont au non-cumul des mandats et à l’exemplarité dans les pratiques. Ne pas voter notre amendement serait envoyer un très mauvais signal à l’extérieur.
J’ajoute que cela me fait de la peine que le Gouvernement de la France, que je soutiens, soit contre la mesure que nous proposons ce soir. J’espère que nos amis parlementaires choisiront, en leur âme et conscience, individuellement ou collectivement, d’aller dans le sens de l’histoire et de soutenir notre amendement dans sa nouvelle rédaction.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce n’est pas une rédaction, c’est un discours !
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président de la commission des finances, je vous ai connu plus indulgent à d’autres moments concernant la procédure et la rédaction !
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 42 rectifié ter, présenté par MM. Gattolin, Placé et les membres du groupe écologiste, et qui est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
L’ensemble des membres nommés au titre du précédent alinéa doit comporter au moins autant de femmes que d’hommes. Pour tenir compte du renouvellement par moitié décrit aux dixième et onzième alinéas, les deux membres qui sont renouvelés concomitamment, tous les trente mois, comportent au moins une femme. Les deux personnalités chargées de les nommer s'entendent pour parvenir ainsi à cette parité.
M. François Trucy. C’est kafkaïen !
Plusieurs sénateurs sur diverses travées. Cela fera plus de femmes que d’hommes !
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. La proposition qui nous est faite par notre collègue Jean-Vincent Placé me paraît intéressante. Si elle n’est pas totalement au point, nous aurons le temps de l’améliorer d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire et de proposer alors un texte plus élaboré. Nous avons procédé ainsi de nombreuses fois dans d’autres cas. Il me paraît donc tout à fait possible de le faire encore aujourd'hui.
De la même façon, on pourrait aussi demander à la Cour des comptes de tenir compte de la parité lorsqu’elle proposera des candidats. Cela serait tout à fait normal et logique pour faire de la parité une réalité. Si nous ne le faisons pas, nous chercherons toujours des adaptations. On nous prêtera toujours des arrière-pensées, qu’il sera difficile de lever si nous ne faisons pas les choses très simplement.
Je suis donc d’avis de voter le texte tel qu’il vient d’être rectifié, en attendant d’améliorer la rédaction d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Je me demande comment l’équilibre pourra être respecté en pratique ! Le Haut Conseil comptera dix membres. Dans la mesure où ils seront désignés par des organismes différents, cela suppose que, si les cinq premiers nommés sont des hommes, les cinq derniers devront être des femmes, ou inversement.
J’aimerais bien savoir comment cela se passera pour respecter les équilibres. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bonne question !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je comprends que l’on défende certaines causes et je souscris à bien des propos qui ont été tenus concernant la parité. Je rappellerai simplement qu’en tant que parlementaire j’ai voté la modification constitutionnelle de 1999, à laquelle Mme André a fait allusion, et ce sans le moindre état d’âme. J’ai même le souvenir très précis de l’avoir votée avec beaucoup d’enthousiasme.
Je renvoie celles et ceux des membres la Haute Assemblée qui pourraient douter de mes propos à la lecture attentive du compte rendu. Une telle lecture me paraîtrait d’ailleurs une précaution élémentaire avant d’accuser quelqu’un de déclarations indignes, accusation que, pour ma part, je juge insultante ; je me permets de vous l’indiquer, madame Tasca.
Je n’ai jamais dit, et je vous mets au défi de prouver le contraire, que la parité était impossible pour des questions de compétence. Il faudrait être fou pour dire cela et renier ainsi des combats politiques, qui n’ont peut-être pas l’ancienneté des vôtres, madame la sénatrice, mais qui sont néanmoins entrés dans l’histoire, je me permets de vous le signaler.
On ne peut pas dire n’importe quoi, même quand on défend la parité, à l’adresse d’un membre du Gouvernement qui tente de défendre un texte en faisant en sorte que l’institution qui en sortira, clé de voûte du dispositif, soit bien composée pour pouvoir bien fonctionner. Les observations techniques qui ont été faites par un certain nombre de vos collègues ne me paraissent pas devoir être écartées d’un revers de la main, fût-ce pour privilégier la parité, concept que, non seulement je comprends, auquel j’adhère, mais pour la défense duquel j’ai également combattu.
Les difficultés ont été soulignées. L’une d’entre elles, qui a été levée, consistait à étendre le champ de la parité à la totalité des membres du Haut Conseil, ce qui me paraît le minimum quand on prétend défendre la parité. L’amendement précédemment présenté par M. Placé la restreignait à une minorité de ses membres. C’est une des raisons pour lesquelles j’avais indiqué que le Gouvernement y était hostile. On peut en effet se donner bonne conscience à peu de frais, mais il me semble que, si l’on veut vraiment défendre la parité, il faut l’étendre à l’institution tout entière, ce que fait l’amendement modifié. Je crois d’ailleurs vous avoir suggéré cette modification, monsieur Placé. (M. Jean-Vincent Placé acquiesce.)
Une deuxième difficulté technique apparaît alors. Le respect des exigences de parité suppose de ne pas totalement dédaigner la faisabilité du processus. Voici comment le système doit fonctionner. Une première liste est établie par le premier président de la Cour des comptes. Une deuxième, uninominale, par le président de chacune des deux assemblées. Les autres membres sont désignés par les présidents des commissions des finances des deux chambres. Comment voulez-vous garantir la parité si ces désignations se font indépendamment les unes des autres ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Et si chacun fait un effort, monsieur le ministre ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. On peut s’en remettre à la pratique et faire confiance à l’usage… On peut faire le pari que ceux qui auront à désigner ces membres s’entendront, mais cela reste un pari, et rien ne garantit que la loi s’appliquera. Or il me semble que la moindre des choses que le législateur puisse espérer est que la loi s’appliquera sans attendre que la grâce touche les uns et les autres et qu’ils s’entendent pour garantir la parité au-delà de divergences que l’on peut supposer. En effet, ce n’est pas pour rien qu’il a été prévu que ces nominations se fassent dans chacune des deux assemblées par des élus de sensibilités politiques différentes.
Adopter un dispositif dont rien ne garantit qu’il sera appliqué n’est pas forcément faire œuvre de bonne législation. Mais vous êtes souverain, mesdames, messieurs les sénateurs, et vous voterez comme vous l’entendrez…
Si la totalité du champ est couverte par les exigences de parité, si, en outre, la version adoptée par le Sénat diffère de celle adoptée par l’Assemblée nationale, ce qui signifie que la commission mixte paritaire aura à y réfléchir, j’espère que la grâce saisira cette dernière et que les parlementaires réunis trouveront les voies et moyens pour que la parité ne reste pas un vœu pieux, formé un soir, à une heure tardive par la Haute Assemblée.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est méprisant !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. La parité doit trouver une application tout à fait concrète dans la loi, et cette dernière doit pouvoir être mise en œuvre.
M. François Trucy. Très bien !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En conséquence, le Gouvernement émet un avis de sagesse, en espérant que les procès d’intention, qui peuvent être insultants, cessent.
Mme Catherine Tasca. Je souhaite prendre la parole pour répondre à une mise en cause personnelle.
M. le président. Vous avez la parole, ma chère collègue.