M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Madame Lipietz, vous avez insisté, en reprenant les termes de votre collègue Joël Labbé, sur le coût titanesque des mesures aujourd’hui mises en œuvre. Vous nous avez appelés à la sagesse : pas de précipitation, avez-vous dit, travaillons dans la cohérence, regardons ce que l’on peut faire en matière d’expérimentation locale. Oui, mais toujours dans le même respect de la Constitution. Vous avez également rappelé l’importance du rôle des citoyens. C’est un point de vue que nous partageons. Ce n’est en effet qu’à l’issue d’un vrai débat que nous progresserons dans l’élaboration de la loi.
M. Jean Louis Masson a évoqué les lois sur l’eau et le curage des fossés. Voilà des problématiques que chacun de nous connaît bien en tant qu’élu local, pour les rencontrer au quotidien. Ces petits problèmes ponctuels sont aussi les nôtres !
Madame Troendle, nous vous avons écoutée avec le plus grand intérêt. Vous référant aux propos du Président de la République autant qu’à ceux du président du Sénat, vous avez évoqué la notion d’« intelligence des territoires »,…
Mme Catherine Troendle. Et d’adaptation !
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. … dont je viens de vous donner ma propre définition, laquelle, je le crois, est largement partagée ici. C’est bien cette intelligence des territoires qui nous relie et nous permettra de progresser vers un texte consensuel.
M. Jean-Pierre Michel a beaucoup insisté sur la qualité du travail parlementaire qui a conduit au débat de cet après-midi. Il a, au passage, suggéré une révision du règlement du Sénat. C’est, en l’espèce, un sujet un peu annexe, mais il est clair que, si vous souhaitez, mesdames, messieurs les sénateurs, travailler un jour dans des conditions différentes, il vous faudra vous atteler à cette question.
M. Michel a fait appel au bon sens et à la rationalité. Il a souhaité que l’on évite toute déréglementation sauvage et que l’on veille à accompagner les élus territoriaux, montrant combien, pour ceux-ci, les problèmes financiers constituent une véritable contrainte dans l’application de la norme.
Monsieur Maurey, ce texte mérite selon vous d’être complété. Vous avez signalé, en particulier, un problème relatif au coût des études préalable à l’implantation d’une passerelle destinée à enjamber une rivière. Il se trouve que j’ai connu un cas similaire dans mon village : nous avons été obligés de faire réaliser deux études coûteuses simplement pour construire un petit pont reliant les deux rives de l’Aveyron.
Vous avez également évoqué les très lourds problèmes que pose l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. Nous le savons, la date butoir de 2015 sera difficile à respecter. Pour autant, nous ne pouvons accepter qu’on ne fasse pas tout pour assurer l’accessibilité de ces personnes particulièrement fragilisées.
Vous avez aussi regretté que l’ambition de ce texte soit finalement limitée. Je ne peux que vous rejoindre sur ce point. Si nous avions pu prendre un peu plus de temps pour réfléchir tous ensemble, nous aurions certainement été en mesure de bâtir un texte plus global et plus cohérent, qui aurait pris en compte l’ensemble des contraintes auxquelles sont confrontées nos collectivités.
Monsieur Lefèvre, j’ai bien entendu votre « je réglemente, donc je suis ». (Sourires.) Vous avez souligné les difficultés rencontrées par les petites communes. Celles-ci souffrent peut-être plus que les autres du poids des normes. En effet, elles ne disposent ni des outils ni des ressources humaines nécessaires pour se mettre en conformité avec la loi. Lau moins le nécessaire débat d’idées qui se tient cet après-midi nous donne-t-il l’occasion d’échanger sur cette question.
Pour conclure, j’évoquerai vos propos, monsieur le président de la commission des lois. Vous avez insisté sur les conséquences paradoxales du principe de précaution, dont la mise en œuvre nous conduit aujourd’hui à ne jamais accepter le risque. Or le risque existe, et il nous faut nous y adapter.
Vous avez parlé de liberté, d’esprit d’initiative, d’esprit d’entreprise. C’est assurément ce dont nous avons besoin pour administrer. Permettez-moi, là encore, de revenir à mon cher latin : « administrer », c’est ad, « aller vers », et minister, « le petit ». Administrer, c’est donc s’occuper du plus petit, aller vers le citoyen : c’est notre rôle, plus que jamais. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)
Dans ce rôle, nous restons sous les regards vigilants de Charlemagne et de Saint Louis.
Dans le magnifique triforium de l’abbatiale Sainte-Foy de Conques – pardonnez cette évocation à l’Aveyronnaise que je suis –, Charlemagne est représenté sur un chemin qui va de la terre au ciel ; c’est le chemin de la sagesse. Quant à Saint-Louis, il est presque inutile de le préciser, il représente le chemin de la justice.
C’est plus particulièrement à vous, monsieur Doligé, qui avez déposé cette très belle proposition de loi, que j’adresserai mes derniers mots : sagesse et justice, tel est le double chemin qu’il nous faudra suivre pour améliorer encore les dispositions que contient ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste. – M. Michel Le Scouarnec et Mme Marie-Thérèse Bruguière applaudissent également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 74.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de la législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales (n° 38, 2012-2013).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Christian Favier, auteur de la motion.
M. Christian Favier. Monsieur le président, madame la ministre, madame la ministre déléguée, le 15 février dernier, nous étions appelés à légiférer sur la proposition de loi, déposée par notre collègue Éric Doligé, de simplification des normes applicables aux collectivités territoriales.
Après son examen par la commission des lois, nous avions majoritairement suivi l’avis de Mme la rapporteur, Jacqueline Gourault, qui avait présenté une motion tendant au renvoi à la commission de ce texte, au motif que celui-ci méritait de faire l’objet d’une réflexion plus approfondie eu égard à l’ampleur des questions soulevées et de la multiplicité des domaines concernés.
J’avais soutenu cette motion, tout en soulignant la nécessité de clarifier l’arsenal normatif pesant sur les collectivités territoriales. Outre que de très nombreuses précisions d’ordre rédactionnel devaient être apportées, la portée de certaines mesures soulevait des interrogations et nous étions hostiles à plusieurs dispositions. Tout cela nécessitait un travail approfondi, en concertation avec les nombreuses institutions concernées.
Or, si les trois commissions sénatoriales saisies pour avis ont rendu leur rapport, il n’en reste pas moins que la commission des lois ne s’est réunie depuis lors qu’une seule fois, voilà quelques jours, pour étudier l’ensemble des rapports et la totalité des amendements déposés sur ce texte.
Pourtant, madame la rapporteur, vous le souligniez vous-même devant la commission le 8 octobre dernier, si la démarche de simplification des normes est une nécessité absolue, « elle doit toutefois se faire avec prudence, pour des raisons de sécurité juridique. Certains dispositifs de simplification contenus dans la proposition de loi présentent en effet des risques ou des lacunes qui auraient des conséquences importantes si l’on n’y remédiait pas. » C’est dire l’importance de nos décisions !
Je ne pense pas que nous ayons pris la pleine mesure des conséquences que nos décisions vont emporter. C’est le premier point motivant notre motion tendant au renvoi de ce texte à la commission.
Notre crainte est d’autant plus vive que certains sénateurs auraient, semble-t-il, eu à leur disposition des informations dont d’autres n’ont pu disposer.
En effet, le Conseil d’État s’est penché sur le texte d’Éric Doligé. Qu’il rende un avis sur une proposition de loi est suffisamment rare pour démontrer l’importance particulière des enjeux juridiques que recouvrent les articles de ce texte. Aussi, comment interpréter le fait que nous n’ayons pas eu connaissance du contenu de cet avis ? Pou, plus exactement, pourquoi seulement certains membres de la commission des lois et non l’ensemble de ceux-ci ont-ils pu en avoir connaissance ? Les explications de notre collègue Gérard Larcher n’ont pas fait disparaître toutes nos interrogations.
Pourtant, comme le faisait remarquer en commission notre collègue Alain Richard, il ne saurait y avoir « plusieurs catégories de législateurs ». Devant la complexité des questions abordées par ce texte et les enjeux qui y sont attachés, permettre que des sénateurs puissent disposer d’un tel document sans que les autres y aient eu accès apparaît comme un déni de droit.
Nous demandons donc solennellement le renvoi de ce texte à la commission afin de permettre à tous de prendre connaissance de l’ensemble de l’avis rendu par le Conseil d’État sur la totalité du texte.
Rien ne nous assure, en effet, que les amendements retenus par la commission suffisent à satisfaire les remarques du Conseil d’État. Finalement, notre commission, se fondant sur l’avis des autres commissions saisies et sur des informations dont nous venons de dénoncer l’opacité, a adopté un texte profondément modifié, celui qui est aujourd’hui soumis à notre examen.
Bien que le nombre d’articles de la proposition initiale ait été réduit, passant ainsi de trente-trois à vingt-trois, et malgré la modification de seize articles, le texte qui nous est présenté ressemble toujours à une proposition de loi portant diverses mesures législatives : il ne constitue pas un ensemble cohérent d’articles sur un objet défini.
Comme dans la proposition de loi originelle, les modifications législatives envisagées ne sont pas des mesures de portée générale visant à simplifier les normes applicables aux collectivités locales. En effet, comme vous le déclariez en commission, madame la rapporteur, mis à part les articles 1er et 2 du texte déposé par Éric Doligé, « cette proposition de loi prévoit également des dispositions d’importance inégale, destinées à simplifier le fonctionnement des collectivités territoriales ».
En fait, il s’agit bien souvent de nouvelles règles, dont les vertus simplificatrices restent parfois, et même souvent, à démontrer.
Certes, cette proposition de loi est issue d’un travail considérable, que nous avons tous salué. Éric Doligé a réalisé un volumineux rapport de mission, à la demande du président Sarkozy. À l’issue de ses investigations, il a formulé plus de 260 propositions, dont la pertinence relevait, pour partie, de l’objectif qui lui avait été assigné.
Dans sa lettre de mission, le Président de la République dénonçait en effet ces normes qui « génèrent par leur complexité des coûts très lourds ». Il demandait à notre collègue de proposer des mesures propres à desserrer les contraintes et à alléger les coûts excessifs. En fait, l’objectif de réduction des coûts semblait être l’élément central de la mission, plus que les tracasseries et contraintes supportées par nos élus locaux, dont ceux-ci se plaignent régulièrement et que les états généraux qui viennent de se dérouler ont bien mis en relief.
Cependant, il faut le reconnaître, notre collègue a su élargir le champ de ses investigations et de ses propositions. Nous considérons d’ailleurs que ce travail mérite un débat plus large que celui auquel peut donner lieu la simple proposition de loi qu’il a déposée, un cadre qui semble bien étroit quant aux objectifs, si l’on exclut, bien sûr, son article 1er, qui constituait le cœur du texte d’origine.
En effet, cet article devait ouvrir la voie à une remise en cause de la notion même de norme, puisque, de fait, les normes auraient pu, dans certaines conditions, ne pas être réellement appliquées. Ainsi, le législateur voterait des lois créatrices de normes nouvelles et, dans le même temps, permettrait leur non-application, alors qu’il a la possibilité – sinon l’obligation – de préciser les conditions d’application de la loi.
Nous voilà bien loin de la simplification des normes ! C’est au contraire une nouvelle complexification, pouvant entraîner des suites juridiques, procédurales et jurisprudentielles sur la justification de la non-application de telle ou telle norme.
Par ailleurs, l’application de cette dérogation aux normes relevant de chaque autorité locale compétente en la matière, l’égalité des citoyens sur tout le territoire serait mise à mal, chacun en conviendra.
Autrement dit, si la proposition de loi d’origine avait été adoptée, il aurait mieux valu être handicapé dans une ville riche que dans une ville pauvre, en zone urbaine dense que dans une ville moyenne, au cœur d’une métropole que dans sa périphérie.
Cette disposition a disparu. Dont acte ! Il n’en demeure pas moins qu’elle a été envisagée sur certaines travées de cette assemblée.
Cela étant, une préconisation de ce type demeure dans le texte qui nous est présenté aujourd’hui, à l’article 18 : elle vise les CCAS. La commission aurait pu supprimer purement et simplement l'article en question ; elle ne l’a pas fait et nous le regrettons vivement. Cet article, le plus long du texte, fait, curieusement, partie du chapitre V, intitulé « Simplification des procédures », alors qu’il fait éclater le principe même de l’action sociale obligatoire dans toutes les communes.
En fait, en rendant facultatifs les centres communaux d’action sociale dans les communes de moins de 1 500 habitants, vous donnez la possibilité de supprimer ces centres dans près de 30 000 communes de France : cela pourrait toucher plus de 13 millions d’habitants !
On comprend mieux, dès lors, que le fossé ne cesse de se creuser entre les élus et la population. C’est tout sauf une simplification de procédure ! C’est un recul grave des services publics de proximité.
Je ne dresserai pas ici la liste des avis pour le moins dubitatifs que nous portons sur les autres articles, d’autant que nombre de ceux qui ont été supprimés par la commission feront malgré tout l’objet d’une discussion par le jeu normal des amendements, si la discussion se poursuit. Or, sur la plupart d’entre eux, le moins que l’on puisse dire est qu’ils mériteraient un examen approfondi, et d’abord en commission, où cet examen n’a pas été suffisant. Il faut que leur impact sur la vie des gens soit réellement étudié, en tenant compte des besoins de la population, et non pas en ayant une simple vision comptable.
Ces mesures sont si nombreuses que le temps imparti par notre ordre du jour ne permettra pas de les discuter sérieusement. C’est la troisième raison qui motive cette motion.
Il ne s’agit pas pour autant d’enterrer ces questions qui, chacun le sait, méritent un véritable débat. Nous pourrons l’avoir très prochainement, lorsque nous examinerons le futur projet de loi de décentralisation préparé par le Gouvernement et annoncé pour le premier trimestre de 2013. Les propositions de notre collègue Doligé pourront ainsi être étudiées dans un ensemble plus large et cohérent.
Enfin, la dernière raison qui motive le dépôt de cette motion de renvoi s’appuie sur les suites que le président Bel entend donner aux travaux des états généraux de la démocratie territoriale, qui viennent de se dérouler sur l’initiative de la Haute Assemblée et de tous les groupes politiques qui la composent. En effet, le président du Sénat a décidé de demander à la commission des lois ainsi qu’à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de se pencher sur cette question des normes et de proposer un texte afin de réduire le flux normatif qui pèse sur nos élus locaux. Nous sommes tout à fait favorables à cette proposition.
Pour mener à bien ce travail législatif qui est devant nous, nous devrons prendre en compte non seulement la proposition de loi de notre collègue Doligé, mais aussi le rapport de mission qu’il a rédigé ainsi que le rapport d’information de notre ancien collègue Claude Belot, « La maladie de la norme », qui avait une vision élargie des problématiques posées et formulait des propositions de portée générale, prenant en compte la question des stocks et celle de la création perpétuelle de nouvelles normes.
Dans cette perspective, si les élus locaux se plaignent régulièrement du poids des normes, ils affirment aussi qu’ils auraient besoin de plus de conseils techniques. Ces deux exigences, me semble-t-il, se répondent. Les élus demandent en effet plus de conseils, conscients que ces normes sont pour la plupart d’entre elles des règles de sécurité, de qualité et d’égalité et constituent de ce fait un élément de notre pacte social et républicain qu’il serait dangereux de disloquer.
Il serait, en effet, particulièrement grave que, sous couvert de simplification des normes, on favorise de nouvelles ségrégations spatiales et sociales. Nous irions alors vers de nouvelles disparités entre collectivités locales et entre citoyens, au moment où le Gouvernement vient de créer un ministère de l’égalité des territoires.
Il faudra éviter ces écueils, mais nous restons persuadés qu’un important travail est à réaliser pour desserrer des exigences normatives qui ne s’imposent pas et veiller à ce que les tracasseries administratives n’ajoutent pas des contraintes excessives et inutiles. Pour y parvenir, nous avons besoin de temps et de débats approfondis.
Aussi, mes chers collègues, je vous invite à ne pas céder à la précipitation et, pour cela, à adopter cette motion tendant au renvoi à la commission, ce qui permettra de joindre l’examen du présent texte à la future proposition de loi que le président Bel nous a demandé d’écrire. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, contre la motion.
M. Éric Doligé. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je me permettrai de faire d’abord une remarque d’ordre général sur l’organisation de nos travaux et ses conséquences.
Je constate que nous disposons de quatre heures pour examiner cette proposition de loi : or ce délai arrivera à son terme dans vingt minutes, alors que nous venons seulement d’entamer la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission. Et encore, aujourd'hui, une seule motion de procédure a-t-elle été déposée ! Il est clair que, avec un tel délai, si trois motions de procédure sont déposées sur une proposition de loi – ce que notre règlement autorise –, et quand bien même celle-ci ne comporterait qu’un article affecté d’un seul amendement, aucune proposition de loi ne pourra jamais être complètement discutée et, a fortiori, adoptée.
Jean-Pierre Michel nous a aimablement proposé de revoir le règlement du Sénat. Mais rappelez-vous, mes chers collègues : il n'y a pas si longtemps – le changement de majorité avait déjà eu lieu –, lors de l’examen de la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial, à l’issue des quatre heures imparties, comme nous n'avions guère avancé, une réunion s'est tenue de manière subreptice pendant cinq minutes, vers 19 heures, et il a alors été décidé que nos travaux se poursuivraient la nuit, ce qui a permis d'aller bien au-delà des quatre heures : le débat a duré sept ou huit heures ! Cela prouve bien que le règlement, tout comme les normes, peut faire l’objet d’adaptations : il suffit de le vouloir !
Je souhaite maintenant revenir sur l'avis rendu par le Conseil d'État au sujet de la présente proposition de loi, puisque M. Favier vient d’aborder ce point. Il avait déjà été soulevé en commission des lois, notamment par M. Alain Richard, qui avait affirmé en substance : « Cet avis est la propriété de M. Doligé et je ne vois pas pourquoi ce serait la propriété d’un seul sénateur. »
Je l'ai déjà indiqué dans la discussion générale, mais je le répète, car Jean-Pierre Michel ne l'a sans doute pas entendu : il y a des règles et, en l’occurrence, la règle dit que c’est le président du Sénat qui dispose de cet avis. Il se trouve que, entre le moment où l’avis du Conseil d’État a été sollicité et celui où il a été prêt, le président du Sénat a changé. Or le Conseil d’État n’a pas voulu remettre son avis au nouveau président tant que celui-ci ne l’aurait expressément demandé, montrant par là que c’est bien au président que cet avis « appartient ». Le président en fait ensuite ce que bon lui semble.
À ma connaissance, mais cela figure dans le compte rendu de la réunion de la commission des lois, le président Sueur a demandé au président du Sénat de lui remettre l’avis du Conseil d'État. J’ai eu connaissance de son contenu parce que, bien sûr, par courtoisie ou par gentillesse, on me l'a transmis, mais il ne me revenait pas de le communiquer puisqu'il s'agit d'un document qui « appartient » au président du Sénat et que celui-ci est libre de le diffuser comme il l'entend.
En écoutant les motivations qui ont poussé le groupe CRC à déposer cette motion, je viens de prendre conscience que le règlement du Sénat, à moins que ce ne soit la Constitution, permettait de renvoyer plusieurs fois le même texte à la commission. En effet, sur proposition de Jacqueline Gourault, au mois de février dernier, ce texte a déjà fait l’objet d’un tel renvoi. Et voilà qu’on propose aujourd'hui de le renvoyer à nouveau à la commission ! Cela peut durer longtemps ! À la limite, si mon groupe décidait de l’inscrire une nouvelle fois dans sa niche parlementaire dans quelques mois, il pourrait être de nouveau renvoyé à la commission…
Par conséquent, je souhaite savoir précisément si une telle procédure est réellement admise. Si c’est le cas, on sous-entend, comme l'a fait notre collègue à l'instant, que la commission n'a pas fait son travail, ce que je ne peux imaginer. Comment comprendre qu’en huit mois la commission n'ait pas pu étudier à fond l'article 1er ?
Le Président de la République, qui a été cité de nombreuses fois au cours de cette discussion – notamment par nous-mêmes, ce qui témoigne, au passage, de notre ouverture d’esprit – a, tout comme le président du Sénat, évoqué la notion d'adaptabilité. Or celle-ci est au cœur de notre réflexion et de notre démarche ! Si, en huit mois, la commission des lois n'a pas été en mesure de dire précisément de quoi il retourne, je me demande comment on parviendra à le faire en trois mois, puisque c'est a priori au mois de janvier prochain que nous examinerons une nouvelle fois ce texte.
Sur ce dossier, en vérité, un travail considérable a déjà été accompli. Des amendements très précis ont été déposés. Plus de 260 propositions ont été retenues parmi les 900 qui ont été examinées. La direction générale des collectivités locales s’est livrée à une étude approfondie, analysant tous les articles et procédant à des analyses très fouillées. Je serais donc bien surpris que l’on parvienne à des résultats différents en menant des enquêtes complémentaires !
Le Président de la République l’a affirmé voilà quelques jours : nous allons être confrontés à des problèmes d'application des lois, notamment à des problèmes de délais. La date de 2015 a été mentionnée. Eh bien, c’est vous, madame le ministre, qui allez devoir régler ce problème, et j’imagine que cela ne va pas être facile.
L’argument des CCAS a, une fois de plus, été avancé et, même si j'y ai déjà répondu des dizaines de fois dans cet hémicycle, en donnant des exemples, je veux y revenir.
Les maires des communes de 300, de 400 ou de 500 habitants sont obligés de mettre en place un CCAS parce que la loi les y oblige. Nous avons reçu un grand nombre de courriers sur ce point. Il leur faut alors prévoir un budget, dépenser de l'argent avant même d'en avoir reçu – alors que c'est le conseil municipal qui fait le travail !
Il faut le savoir, les 260 et quelques propositions ont été inspirées par des suggestions émanant au moins autant d'élus de gauche que d'élus de droite ; je pense notamment au président de l’Assemblée des départements de France ou au président de l’Association des régions de France, dont la sensibilité politique est plutôt celle de la majorité de cet hémicycle. Les propos qu’ils ont tenus lorsque je les ai auditionnés peuvent être consultés par tout le monde. Pourtant, ces propositions sont rejetées par un certain nombre d'entre vous !
Alors, madame le ministre, je vous souhaite bon courage pour la suite, car vous allez vous heurter aux mêmes difficultés.
Je souhaite revenir également sur le chiffre de 2 milliards d'euros qui a été mentionné. On nous explique qu’il y a des économies à faire. On nous a annoncé qu’en 2014-2015 l'État devrait récupérer 2,5 milliards d'euros sur les collectivités. Autrement dit, on va nous reprendre 2,5 milliards et, là, on nous explique qu’on peut « gratter » 2 milliards chaque année, alors qu’il n’était question que de 800 millions à 900 millions d'euros l'année dernière. Ce sont les chiffres de notre ancien collègue Alain Lambert.
En tout cas, si l’on est pressé de récupérer ces sommes, on ne manifeste pas le même empressement quand il s’agit de voter un texte de simplification des normes !
Vous verrez les difficultés qui nous attendent si l'on renvoie encore ce texte en commission. Je ne suis d'ailleurs pas certain que la commission ait envie de le voir inscrit très rapidement à l’ordre du jour de nos travaux : elle préfère sans doute privilégier le texte qui sera proposé sur l’initiative du président du Sénat.
Je rappelle que certains ont suggéré d’analyser les propositions qui ont été formulées en matière de normes lors des états généraux de la démocratie territoriale. Je vous invite à examiner ces propositions et à essayer d’établir un texte précis sur cette base. Dans le cadre de l’atelier n° 1, que présidait Jacqueline Gourault, j’ai entendu tous les participants se plaindre de ce que les normes étaient trop nombreuses et trop coûteuses, en un mot insupportables. Mais ce n’est pas avec ce genre de remarques que l’on rédige une proposition de loi ! Ce ne sont pas les considérations émises pendant les états généraux qui nous permettront de concevoir un texte cohérent.
Au cours de ces états généraux, les élus ont simplement dit et répété qu’ils commençaient à en avoir assez des normes, ou du moins qu’il y avait une certaine saturation en la matière, et qu’il fallait donc trouver des solutions. Ces solutions, nous les avançons. Contrairement à ce qu’ont affirmé les orateurs qui siègent sur le côté gauche de cet hémicycle, les états généraux ne nous ont pas fourni les propositions nécessaires à la rédaction d’un projet de simplification des normes. Les participants nous ont seulement dit : « Faites-nous quelque chose sur les normes. » Eh bien, ce quelque chose, il est là, et nous avons tout de même mis quelques mois à le préparer !
Tous les ministères ont travaillé de manière extrêmement fine et précise. Ce ne sont pas les ministres qui, à l’époque, m’ont fait part de leurs observations : ce sont les services des ministères. Je vous montrerai, mesdames les ministres, les tableaux qu’ils ont élaborés, indiquant, pour chaque mesure, si elle était faisable ou non, et si elle relevait de la circulaire du décret ou de la loi. Cela montre bien qu’un travail très sérieux a été réalisé.
Ma proposition de loi ne comportait que trente-trois articles. J’aurais aimé – mais nous n’en avons plus le temps –que nous profitions de ce support pour ajouter, comme l’a souhaité Hervé Maurey, un certain nombre de dispositions pertinentes. Nous aurions pu faire preuve d’imagination pour améliorer le quotidien de nos collectivités territoriales. Malheureusement, cela n’a pas véritablement été le cas. Certes, douze amendements concernant les maisons de retraite ont été déposés ; c’est intéressant, mais ce n’est pas le cœur du sujet.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP ne souhaite pas que cette proposition de loi soit renvoyée à la commission. La commission a eu au moins huit mois pour examiner le texte et formuler des propositions.