M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le parcours de cette proposition de loi, que M. Doligé vient de retracer ; je m’attacherai au fond du texte, tel qu’il se présente à nous aujourd’hui.
Bien sûr, nous sommes complètement d’accord avec l’auteur de la proposition de loi quand il met en exergue les méfaits assez terribles de l’inflation des normes dans la vie quotidienne des élus et dans le fonctionnement des collectivités territoriales, notamment d’un point de vue budgétaire.
Comme l’a dit M. Doligé, il s’agit d’une préoccupation transversale, dans la mesure où l’inflation normative affecte tous les élus de la même manière, quelle que soit leur étiquette politique.
À cet égard, pour la période récente, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation avait identifié, en 2011, sous la houlette de notre collègue Claude Belot et avec l’aide des commissions permanentes de notre assemblée, les secteurs les plus touchés par la production réglementaire.
Plus récemment encore, cela a été rappelé, ce phénomène d’inflation normative a été l’une des préoccupations majeures exprimées lors des états généraux de la démocratie territoriale, organisés les 4 et 5 octobre derniers par le président du Sénat. C’est d’ailleurs pour cette raison que M. Bel a demandé à la commission des lois et à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de se pencher sur ce sujet, ainsi que sur celui du statut de l’élu.
Enfin, votre initiative, monsieur Doligé, a pour objet de desserrer l’étau normatif autour des collectivités territoriales. Il s’agit naturellement d’un premier pas.
Au terme de l’examen de la présente proposition de loi, la commission des lois a choisi d’appuyer le dispositif de simplification sur les outils existants, dont elle a pu mesurer les vertus et les insuffisances. Pour le reste, elle a écarté les mesures qui ne lui semblaient pas s’inscrire dans le processus d’allégement, ainsi que des propositions qui n’avaient aucun lien avec l’objet du texte ou qui ne lui apparaissaient pas juridiquement sécurisées.
Je précise, à ce stade, que la commission des lois a délégué aux commissions saisies pour avis l’examen des articles relevant de leur seule compétence.
Au préalable, elle a supprimé l’article 1er, visant à introduire, dans le code général des collectivités territoriales, un principe général de proportionnalité des normes et de leur adaptation à la situation des collectivités.
Je souhaite m’arrêter un instant sur ce sujet très important. A priori, tout le monde est d’accord sur le principe de proportionnalité des normes, mais comment le mettre en œuvre ? Le Conseil constitutionnel a précisé que ce principe ne pouvait être énoncé de manière générale et universelle. La proportionnalité des normes ne peut donc être érigée en principe dans un texte de loi : ce serait inconstitutionnel. Cela signifie que la proportionnalité des normes doit être envisagée au cas par cas, c’est-à-dire qu’il revient au pouvoir prescripteur de moduler les règles qu’il fixe, dans le respect du principe d’égalité. Cela vaut tant pour la proposition de loi de M. Doligé que pour l’amendement dont je suis l’auteur ou la proposition de loi de M. Morel-A-L’Huissier déposée à l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, pour renforcer le contrôle des normes, la commission des lois a adopté plusieurs amendements destinés à étendre les compétences de la commission consultative d’évaluation des normes. Ainsi, afin que cette dernière soit également compétente pour le stock de normes – rappelons-le, sa compétence se limite aujourd’hui au seul flux, c’est-à-dire à la production des normes nouvelles –, la commission des lois a adopté le principe de l’établissement d’un rapport annuel par la CCEN, qui porterait sur un secteur déterminé par celle-ci.
L’élaboration de ce rapport serait l’occasion de dresser un bilan des normes existantes dans un domaine particulier, de recenser les normes obsolètes ou inapplicables et de présenter une série de propositions qui seraient remises au Parlement et au Gouvernement. J’insiste sur le fait que ce rapport ne doit pas être simplement « transmis » : afin de donner plus de solennité et de publicité aux conclusions de la CCEN, son président remettrait, à l’instar du premier président de la Cour des comptes, son rapport aux deux assemblées et au Premier ministre.
En revanche, la commission des lois n’a pas jugé utile d’étendre la compétence de la CCEN aux règlements des fédérations sportives. En effet, ceux-ci sont déjà soumis au contrôle de la CERFRES, dont l’activité est saluée par les élus chargés du sport. Le statut de cette instance soulève cependant trois observations : d’abord, elle n’a qu’une existence réglementaire, codifiée dans le code du sport ; ensuite, les représentants des élus locaux sont en minorité, au sein de cette commission, face aux représentants du monde sportif ; enfin, elle ne dispose que d’un délai de deux mois pour rendre ses avis.
Pour faire face à ces difficultés, la commission des lois a « légalisé » la CERFRES au sein du code général des collectivités territoriales, afin de renforcer son statut et de la placer au même niveau que la CCEN, chacune dans son domaine. En outre, elle a décidé d’attribuer aux représentants des collectivités territoriales la moitié des sièges au sein de la CERFRES. Enfin, elle a doublé la durée du délai qui lui est ouvert pour rendre ses avis, ce qui devrait lui permettre d’approfondir l’expertise des normes qui lui sont soumises par les fédérations sportives.
De même, la commission des lois a supprimé les articles 3 et 4, prévoyant la création d’une commission consultative départementale d’application des normes et d’une commission consultative des études locales, qui serait une nouvelle formation restreinte du comité des finances locales, à l’instar de la CCEN, dont je viens de parler. La suppression des dispositions relatives à ces deux nouvelles instances a été guidée par le souci de ne pas encombrer le paysage institutionnel local : en effet, combien de fois n’avons-nous pas entendu les élus locaux se plaindre de ne pouvoir assister aux réunions des multiples instances locales ?
S’agissant de la commission consultative des études locales, les missions qui lui auraient été confiées peuvent être dévolues à des commissions déjà existantes, comme la commission consultative sur l’évaluation des charges.
Au-delà du volet consacré à la régulation normative, la commission des lois a approuvé les mesures destinées à simplifier l’organisation et la gestion des collectivités, tout en encadrant ou en complétant certaines d’entre elles.
Dans cette perspective, elle s’est attachée à garantir l’accessibilité des décisions locales en conciliant le libre accès aux actes administratifs pour tous et les contraintes pesant sur les collectivités. Ainsi, elle a maintenu le principe de l’exclusivité du support papier pour le recueil des actes administratifs, en prévoyant toutefois, pour alléger la charge des collectivités, que certains d’entre eux, déterminés par décret en Conseil d’État, pourront n’être publiés que par voie électronique. Si la commune opte pour la dématérialisation de la publicité de ses actes, elle devra toutefois procéder à un affichage par extraits à la porte de la mairie.
Les syndicats mixtes bénéficieront du même dispositif allégé concernant les documents relatifs aux délégations de service public que celui qui est prévu pour les établissements publics de coopération intercommunale.
Pour garantir le respect de l’obligation de transmission des actes des collectivités territoriales au représentant de l’État, le compte de gestion sera envoyé, par voie dématérialisée, par le directeur départemental ou régional des finances publiques, à la demande non pas du préfet, mais de l’exécutif territorial.
Pour préserver le droit à l’information des élus, la commission a maintenu à douze jours le délai de transmission des rapports aux membres des assemblées délibérantes et institué un délai homologue de cinq jours pour les dossiers à l’ordre du jour de la commission permanente des conseils généraux et régionaux. Elle a harmonisé le régime d’adoption du règlement intérieur en étendant l’application proposée du principe du maintien en vigueur de l’ancien règlement du conseil général jusqu’à l’adoption du nouveau document, à la suite du renouvellement général de l’assemblée, aux deux autres niveaux de collectivités, c’est-à-dire les communes et les régions.
S’interrogeant sur la capacité technique et financière des petites et moyennes communes à organiser leurs concours de recrutement dans les filières sociale, médicosociale et médico-technique, aujourd’hui de la compétence des centres départementaux de gestion, la commission a supprimé l’article 32, qui leur ouvrait cette faculté. Elle a privilégié, pour répondre aux difficultés nées de la périodicité des concours, la mutualisation par l’intermédiaire des centres de gestion, dans le prolongement des modifications qu’elle a fait adopter dans le cadre de la loi du 12 mars 2012 relative à la fonction publique. Nous avons donc considéré que point n’était besoin d’y revenir.
S’agissant de la question de la rationalisation des moyens des collectivités, la commission des lois a adopté une nouvelle rédaction des articles L. 123-4 et L. 123-5 du code de l’action sociale et des familles, afin de préciser et de clarifier les dispositions en matière de création et de dissolution des CCAS et des CIAS.
Éric Doligé l’a dit tout à l’heure, nous avons fixé à 1 500 habitants le seuil de population au-dessus duquel la création d’un CCAS serait obligatoire ; en deçà, elle serait facultative. Aujourd’hui, je le rappelle, nombre de CCAS, dans les petites communes, sont des « coquilles vides ».
M. Éric Doligé. Eh oui !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. En matière d’urbanisme, plusieurs articles ont été supprimés, en raison des difficultés que leur mise en œuvre pourrait entraîner ou des questions constitutionnelles qu’ils seraient susceptibles de soulever.
Par exemple, la création des secteurs de projets n’était assortie d’aucune garantie solide. En effet, la proposition de loi initiale prévoyait la possibilité, pour les préfets, d’accorder des dérogations aux règles fixées, « lorsque les caractéristiques de l’opération projetée le nécessitent » : bien évidemment, une telle formulation était tout à fait imprécise.
De même, il apparaît risqué, pour les maires, que soit autorisée la signature de promesses de vente ou de location avant la délivrance du permis d’aménager un lotissement. Cette remarque est également valable, bien sûr, s’agissant de la caducité du cahier des charges d’un lotissement en cas de non-publication au bureau des hypothèques dans les cinq ans. De telles mesures créeraient une grande insécurité juridique pour les élus, c’est pourquoi la commission des lois a supprimé les articles concernés.
En revanche, ont été précisées les dispositions relatives aux conventions de mandat, à la dispense de certains diagnostics pour la vente d’immeubles voués à la destruction et à l’évolution des projets urbains partenariaux, afin de résoudre les difficultés que nous avions repérées.
La commission des lois a en outre préféré supprimer l’article 33, relatif à la fusion des deux structures qui interviennent en matière de lutte contre les infections sexuellement transmissibles.
D’une part, la commission a considéré qu’une telle décision ne pouvait être prise sans que la commission des affaires sociales ait été consultée. D’autre part, elle a soulevé un problème de confidentialité des données. Elle a donc estimé qu’il valait mieux approfondir le sujet, même si, sur le fond, l’idée nous paraît tout à fait judicieuse.
Mesdames les ministres, mes chers collègues, nous n’allons pas régler d’un coup de baguette magique, vous le comprenez bien, les difficultés résultant du foisonnement normatif. Je considère cependant que ce texte représente un premier pas dans la bonne direction. Son adoption sera un signal très fort, même s’il faudra sûrement revenir sur le sujet.
Le renforcement du dispositif de régulation des normes qui vous est proposé par la commission des lois devrait aussi permettre de desserrer l’étau autour de la gestion locale. Encore faut-il, mesdames les ministres, que la CCEN et la CERFRES aient les moyens de mener à bien leurs missions. Or, aujourd’hui, leurs capacités d’action sont assez réduites. Même si elles accomplissent néanmoins un énorme travail, M. Alain Lambert présidant la CCEN, il est clair que ces deux commissions manquent de moyens, notamment matériels et administratifs.
M. Jean-Claude Lenoir. Il faut leur en donner !
Mme Nathalie Goulet. Oui !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. Peut-être le savez-vous, ce sont des permanents des associations d’élus qui assurent actuellement le secrétariat. Renforcer ces instances me semble donc être une ardente obligation, pour le bon fonctionnement de la démocratie locale. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP. – M. le président de la commission des lois et M. Jean-Pierre Michel applaudissent également.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis.
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, voilà maintenant plus d’un an que le Sénat examine la proposition de loi de notre collègue Éric Doligé, preuve, s’il en est, que la simplification est une affaire décidément beaucoup plus compliquée qu’il n’y paraît… Faire simple s’avère parfois compliqué, et en voulant faire simple, on peut ajouter de la complexité à la complexité.
Je rappellerai que notre assemblée, prenant la mesure de l’inflation normative, s’est, à plusieurs reprises, saisie de cette question. Le rapport Belot, publié en février 2011 au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, évoquait, à juste titre, la maladie de la norme. Dans celui qu’il a rédigé en juin de la même année, Éric Doligé identifiait 268 dispositions, aussi variées qu’essentielles, pouvant être simplifiées.
Bien entendu, j’ai été, comme l’ensemble de nos collègues, très sensible aux résultats du sondage réalisé lors des états généraux de la démocratie territoriale, qui mettait en exergue la nécessité, aux yeux de tous les élus, de simplifier les normes, notamment en matière d’urbanisme et de marchés publics.
La proposition de loi de notre collègue Éric Doligé vise donc un objectif qui fait consensus, dans cet hémicycle comme parmi les élus. Pour autant, j’ai déjà eu l’occasion de le dire en commission et en séance, je crains que le travail réalisé ne soit pas toujours à hauteur des enjeux. Certaines des dispositions proposées, sous couvert de simplification, sont sujettes à contentieux.
La commission des affaires économiques s’est plus particulièrement intéressée aux articles 19 à 26 de la proposition de loi, qui ont trait à l’urbanisme. Partageant en cela la position de la commission des lois, elle propose de supprimer les articles 20, 21, 23, 24 et 26, pour les raisons que je vais développer.
L’article 20 instaure des secteurs de projets, dans lesquels le règlement d’urbanisme serait suspendu et où les objectifs des orientations d’aménagement et de programmation deviendraient directement opposables aux demandes individuelles.
Si un plan local d’urbanisme comporte de nombreuses contraintes, il est toutefois possible de le modifier assez facilement, d’autant que la plupart de ces contraintes sont facultatives.
En outre, la souplesse introduite par l’article 20 ne serait qu’apparente : en contrepartie de plus grandes marges de manœuvre, l’autorité administrative verrait ses décisions davantage contestées.
Les dispositions de l’article 21 relèvent du domaine réglementaire, puisqu’elles prévoient la faculté de regrouper les dossiers de création et de réalisation d’une zone d’aménagement concerté.
L’article 23 modifie les règles de caducité des clauses des cahiers des charges de lotissements. Il est, à mon sens, anticonstitutionnel, car il porte atteinte à la liberté contractuelle des colotis.
L’article 24 prévoit d’autoriser les promesses de vente ou de location d’un terrain situé dans un lotissement avant la délivrance d’un permis d’aménager. Les maires pourraient alors se trouver placés devant le fait accompli et privés de la possibilité de négocier sereinement les actes ou d’éventuelles modifications.
Enfin, l’article 26 limite les obligations imposées par le plan local d’urbanisme en matière d’aires de stationnement. Il s’agit, on en conviendra, d’un cavalier législatif.
Telles sont les propositions de modification et les réserves que formule la commission des affaires économiques.
Par ailleurs, compte tenu des amendements rédactionnels déposés par Mme la rapporteur, la commission des affaires économiques approuve l’article 10, qui simplifie le recours au mandat en matière d’aménagement, l’article 22, qui dispense, fort logiquement, d’un certain nombre de diagnostics en cas de vente d’un bâtiment voué à la destruction, et l’article 25, qui encadre la négociation d’une convention de projet urbain partenarial.
Mes chers collègues, j’exprimerai à cet instant une opinion toute personnelle.
La simplification des normes est un grand sujet. En tant que maire, je constate tous les jours la difficulté de mener à bien des projets, dont la durée de réalisation s’allonge souvent du fait de la multiplicité des normes.
Il importe donc que nous nous attelions à la simplification normative, mais de façon beaucoup plus approfondie, en nous appuyant notamment sur les résultats de l’enquête effectuée et sur les conclusions des ateliers organisés dans le cadre des états généraux de la démocratie territoriale.
Un travail de fond est nécessaire. Notre collègue Éric Doligé a le mérite de poser le problème. Cependant, de nombreuses questions restent en suspens et doivent être encore approfondies. Il faut, pour cela, conserver une certaine distance et, surtout, ne pas ajouter de la complexité à la complexité. Combien de fois, en voulant simplifier, n’avons-nous pas complexifié les choses ?
Certains d’entre nous ont participé aux travaux de la mission commune d’information sénatoriale sur la désindustrialisation des territoires. Dans tous les territoires où nous nous sommes rendus, nous avons fait le même constat : il y a une demande pressante de simplification de la part des chefs d’entreprise et des responsables d’agences de développement, qui nous invitent à rendre plus simple la création d’entreprise et à faciliter la mise en œuvre des projets.
Nous avons appris que, dans l’industrie pharmaceutique, l’instruction d’un projet pouvait prendre deux ans, voire deux ans et demi, alors que la durée de vie d’un produit n’est que de cinq années.
Il nous faut mener ce travail en gardant la distance et la profondeur d’analyse nécessaires pour parvenir à une simplification, au bénéfice de la compétitivité de nos entreprises, de notre industrie. En effet, la question de la compétitivité est trop souvent abordée sous le seul angle des coûts, alors que ce n’est pas l’unique dimension du problème.
Mesdames les ministres, chers collègues, il convient de rendre notre société plus dynamique et plus fluide. Un travail de simplification est donc absolument nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi de M. Éric Doligé visant à simplifier les normes applicables aux collectivités locales.
La commission des lois nous a délégué l’examen au fond de l’article 27, relatif à l’archéologie préventive, tandis que notre commission a décidé de se saisir pour avis de l’article 1er, supprimé par la commission des lois, et de l’article 2.
L’article 1er posait le principe de l’adaptation des normes à la taille des collectivités ; il était notamment relatif aux dérogations aux normes d’accessibilité, au regard des contraintes liées à la préservation du patrimoine architectural.
L’article 2 tend à compléter le code du sport, pour soumettre le décret et les règlements fédéraux à l’avis de la commission consultative d’évaluation des normes, créée en 2008 et dont la présente proposition de loi prévoit par ailleurs une réforme.
Notre assemblée avait décidé, sur proposition de la commission des lois, le renvoi à la commission de ce texte, lors de son examen en séance publique, le 15 février dernier.
Je dois dire que ce choix de procédure a été très utile pour approfondir notre examen de la proposition de loi. En outre, le calendrier suivi se sera révélé judicieux, puisque certains sujets abordés dans ce texte sont aujourd’hui au cœur de l’actualité, à commencer par celui de l’inflation normative.
Je rappelle que l’auteur de la proposition de loi, M. Doligé, a indiqué que trois préoccupations essentielles l’avaient guidé : la réduction des coûts et des contraintes normatives, l’accélération des procédures administratives structurant les projets des collectivités et l’instauration d’un dialogue autour de l’activité normative.
Ces questions sont évidemment partagées par bon nombre d’élus locaux, toujours préoccupés par les situations complexes auxquelles sont confrontées les collectivités.
Dès le 4 septembre, à l’occasion des rencontres départementales des états généraux de la démocratie territoriale, dans la Drôme, le président du Sénat avait clairement identifié l’inflation des normes comme l’un des sujets majeurs pour nos territoires, précisant que deux batailles devaient être menées de front : « La première consiste à enrayer la machine à produire de nouvelles normes toujours plus exigeantes en ressources financières ou humaines, la seconde à simplifier le droit existant en élaguant nos codes et prescriptions obligatoires de tout ce qui n’est pas aussi nécessaire que nous l’avons cru quand ils ont été édictés. »
S’inscrivant dans cette même ligne de pensée, le Président de la République a réaffirmé, le 5 octobre dernier, à l’occasion des états généraux organisés par le Sénat, que « la confiance, c’est, enfin, l’allègement des normes. […] 400 000 normes seraient applicables et on mesure, à évoquer ce chiffre, combien la décentralisation est finalement contournée, détournée dès lors qu’il y a autant de contraintes qui pèsent sur les collectivités. »
Les collectivités territoriales sont victimes de l’« inflation normative », qui pèse, en particulier, sur les compétences transférées et qui devient une source de coûts croissants : coûts liés aux investissements concernés, aux personnels à déployer, à l’organisation qui découle de l’application des mesures, etc.
Le rapport sur les relations entre l’État et les collectivités locales de notre ancien collègue Alain Lambert mettait déjà en exergue, en 2007, la problématique de la libre administration des collectivités dans ce contexte de croissance normative exponentielle. Dans bien des domaines, tels que l’environnement, la solidarité et la cohésion sociale, la sécurité alimentaire, la fonction publique ou la culture, les collectivités sont insuffisamment associées à la production normative, qui, imposée, apparaît comme une entorse à la décentralisation.
Or la gouvernance normative doit être partagée : le rôle de financeur et de maître d’ouvrage des collectivités justifie pleinement qu’elles soient des acteurs incontournables de la concertation préalable à la définition de nouvelles normes.
Comme l’a précisé Jean-Pierre Bel, le sujet de la régulation des normes est complexe, car il s’agit non de déréglementer à tout va, mais de rechercher résolument les pistes d’une réelle avancée. C’est précisément l’objectif que nous nous sommes fixé en examinant les dispositions qui figurent dans la présente proposition de loi.
L’équilibre est délicat à trouver et je crois que, plus que jamais, il faut se donner les moyens d’évaluer sérieusement les dispositifs existants, prendre le temps d’apprécier ce qui est ou non indispensable pour mener à bien une politique publique.
Je crois à la vertu de la réflexion et de l’évaluation. C’est d’ailleurs dans cet esprit que la commission de la culture a conduit son analyse des propositions relatives à l’archéologie préventive contenues dans ce texte et examiné certains amendements extérieurs, sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir.
Nous sommes respectueux des travaux menés tant par les élus que par les experts. Nous sommes respectueux des actions de concertation conduites pour apprécier la pertinence d’un dispositif et d’un ensemble normatif. C’est la raison pour laquelle notre commission a fait le choix de ne pas approuver que l’on réforme l’archéologie préventive ou les procédures de protection prévues par le code du patrimoine au détour d’amendements extérieurs. Ces dispositions, dont on perçoit bien la logique et les motivations, nous semblent faire table rase du travail de fond considérable réalisé par notre assemblée unanime lors de l’élaboration de la loi Grenelle 2 portant engagement national pour l’environnement ou de l’examen à venir du projet de loi sur les patrimoines qui nous sera soumis en 2013, comme l’a rappelé à plusieurs reprises la ministre de la culture.
Alléger les normes sans prendre le temps de la réflexion et de la concertation peut donner l’illusion d’accorder une plus grande liberté aux collectivités territoriales. Il est certes tentant de modifier un élément circonscrit d’un dispositif ou d’une procédure, mais si cela doit susciter de nouveaux dysfonctionnements faute d’en avoir anticipé les répercussions sur l’ensemble de la politique publique, alors on ne fait que créer de nouvelles contraintes pour les collectivités, victimes de l’instabilité juridique après l’avoir été de l’inflation normative.
Comme le dit Jean-Pierre Bel, « le sujet n’est pas facile ». Je pense que le législateur doit être capable d’apprécier les paradoxes d’une démarche de simplification normative, paradoxes qui ne sont pas sans rappeler la phrase de Cicéron : « Nous sommes esclaves des lois pour pouvoir être libres. » Faisons donc attention à ne pas créer de nouvelles entraves à la liberté d’administration de nos collectivités en croyant bien faire, en pensant simplifier leur environnement législatif et réglementaire !
J’en viens maintenant au cœur des sujets traités par la commission de la culture.
Je commencerai par l’article 27, dont l’examen au fond nous a été délégué et dont nous avons voté la suppression.
La nouvelle rédaction du deuxième alinéa de l’article L. 523-7 du code du patrimoine présentée initialement par cet article visait « à permettre l’aboutissement des conventions de diagnostic dans des délais compatibles avec les opérations d’aménagement ».
L’article 27 introduisait un nouveau délai : aux termes du texte de notre collègue Éric Doligé, la convention doit être signée dans un délai de deux mois à compter de sa réception par la personne projetant d’exécuter les travaux. À défaut de signature de la convention dans ce délai, le représentant de l’État dans le département peut être saisi par une des parties et fixer la date de début de réalisation des diagnostics. Si le défaut de signature est lié à un désaccord sur certaines dispositions, ces dernières sont déterminées par le préfet de département. En l’absence de décision de celui-ci dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, la prescription est réputée caduque.
Il n’est évidemment pas question pour nous d’éluder le problème des délais, que notre ancien collègue Yves Dauge et Pierre Bordier avaient déjà mis en évidence dans leur rapport de juillet 2011 relatif à l’archéologie préventive. Ils avaient d’ailleurs précisément souligné que la durée de conclusion de la convention a pu, en l’absence de contrainte normative, constituer une marge de manœuvre exploitée de façon abusive dans certains cas.
Sur le fond, nous souscrivons à toute démarche visant à améliorer le droit existant et à fluidifier la chaîne de l’archéologie préventive, depuis la présentation du projet d’aménagement jusqu’à la production du rapport de fouilles. Pour autant, il ne s’agit pas aujourd’hui d’alléger les normes au mépris de la cohérence de l’ensemble normatif ou de la sécurité juridique des différents acteurs.
Or une étape décisive pour l’archéologie préventive est en train de se dessiner. Lors des journées nationales de l’archéologie, le 22 juin dernier, la ministre de la culture a annoncé la constitution d’une commission d’évaluation scientifique, économique et sociale de l’archéologie préventive. Installée très récemment, le 5 octobre, cette commission a pour mission de remettre un Livre blanc de l’archéologie préventive au plus tard au mois de mars 2013. Ses propositions devraient être reprises dans le volet « archéologie » du projet de loi sur les patrimoines, également annoncé pour 2013.
Dans un tel contexte, il serait préjudiciable de modifier un seul article du code du patrimoine, alors que l’ensemble du système va être analysé, évalué et, éventuellement, repensé. Ce serait une source d’instabilité juridique tant pour les membres de la commission d’évaluation que pour les acteurs de l’archéologie préventive, dont les collectivités territoriales, qui risqueraient de devoir, une fois de plus, s’adapter à deux changements normatifs successifs en moins d’un an.
Si l’objectif visé au travers de l’article 27 est noble, il paraît néanmoins nécessaire de ne pas se lancer aujourd’hui dans une réforme, compte tenu du contexte que je viens d’évoquer. J’ajoute qu’une réforme du financement de l’archéologie préventive, engagée par la loi de finances rectificative du 28 décembre 2011, est en cours et se poursuit avec le projet de loi de finances pour 2013. Parallèlement à cette réforme, qui devrait déboucher sur un versement de la redevance d’archéologie préventive à la réalisation des travaux, et non plus en début d’ année, une réforme de la gouvernance de l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP, a été amorcée via un contrat de performance, afin que toutes les conditions soient réunies pour accélérer les chantiers et le traitement des dossiers par l’établissement public.
Concernant le fond de l’article 27, je rappelle que la rédaction proposée initialement pour le deuxième alinéa de l’article L. 523-7 du code du patrimoine soulevait plusieurs difficultés.
Tout d’abord, il était prévu de confier un rôle de médiateur et d’arbitre au préfet de département, alors que c’est le préfet de région qui intervient à tous les stades de mise en œuvre de la politique d’archéologie préventive.
Ensuite, ce texte imposait une signature dans les deux mois suivant la réception du projet de convention, sans préciser certaines conditions essentielles telles que les garanties de libération des terrains concernés, lesquelles constituent pourtant une information indispensable à l’arrêt d’une date de début de travaux de diagnostic. En outre, il est difficile d’apporter une réponse globale, en termes de délai, pour des projets d’aménagement très divers, dont la nature, les coûts et le caractère d’intérêt général peuvent considérablement varier.
Enfin, le fait que le préfet de département puisse imposer aux deux parties non seulement les délais, mais aussi les dispositions contenues dans la convention, peut sembler d’autant plus dangereux que, s’il ne tranche pas les différentes questions dans un délai fixé par décret, la prescription est réputée caduque.
Cette disposition me semble particulièrement critiquable, et toutes les personnes auditionnées sur le sujet partagent ce point de vue. En effet, la caducité n’efface pas les vestiges archéologiques dont on présume la présence sur les terrains pour lesquels des diagnostics ont été prescrits. Cela signifie que si l’aménageur débute les travaux et tombe sur des vestiges, alors la loi du 27 septembre 1941 modifiée portant réglementation des fouilles archéologiques s’appliquera. Son titre III, codifié aux articles L. 531-14 et suivants du code du patrimoine, prévoit que, en cas de découvertes fortuites, le chantier doit être immédiatement arrêté, les terrains étant considérés comme classés.
Autant dire que la solution proposée à l’article 27 serait pire, en termes de coûts et de perturbations pour les collectivités, que la situation actuelle.
Pour toutes ces raisons, notre commission a adopté un amendement de suppression de l’article 27. Elle a également, en toute logique, adopté un avis défavorable à l’amendement extérieur déposé sur cet article et présentant une version légèrement modifiée de la rédaction initiale.
Je souhaiterais maintenant aborder les articles dont la commission de la culture s’est saisie pour avis.
Il s’agit, tout d’abord, de l’article 1er, qui, selon M. Doligé, visait à introduire dans le droit positif, plus précisément dans le code général des collectivités territoriales, le principe de proportionnalité des normes et celui de leur adaptation à la taille des collectivités.
Cet article a été supprimé par la commission des lois. Je dois avouer que nous étions dubitatifs quant à la mise en œuvre d’un principe d’adaptation, et donc de dérogation aux lois, accordant une très large part d’appréciation au pouvoir réglementaire.
Là encore, c’est un sujet que le président du Sénat n’a pas manqué d’aborder lors de son discours de clôture des états généraux de la démocratie territoriale. Jean-Pierre Bel a défini ainsi les limites du principe d’adaptation des normes qui ont justifié la suppression de l’article 1er :
« Nous pourrons aussi réfléchir à un pouvoir d’adaptation locale de la loi, pour prendre en compte, lorsque l’intérêt général le justifie, les particularités du territoire. […] Bien sûr, le chef de l’État l’a indiqué, un tel pouvoir ne pourrait être général, car le risque d’affaiblir le principe d’égalité des citoyens devant la loi, fondement de notre République, serait trop grand. Mais l’uniformité ne garantit pas l’égalité. Il faudra trouver un équilibre. »
Sans revenir sur l’ensemble du dispositif de l’article 1er tel qu’il figurait dans le texte initial, je souhaite tout de même rappeler que le I de cet article prévoyait que la loi puisse autoriser le préfet de département à prendre des mesures dérogatoires. Les dispositions étaient ensuite déclinées dans trois domaines qui soulèvent des difficultés particulières, dont celui des établissements recevant du public. Ainsi, étaient prises en compte les contraintes liées à la conservation du patrimoine architectural. Le préfet de département pouvait constater les difficultés particulières que cela induit, selon des règles précisées par décret en Conseil d’État déterminant des dérogations de plein droit, alors que celles-ci relèvent aujourd’hui d’une faculté accordée à titre exceptionnel.
Si la prise en compte des contraintes liées à la conservation du patrimoine architectural ne soulève pas de difficulté particulière de notre point de vue, nous nous étions interrogés, dès le début, sur la portée de la disposition prévoyant de façon très générale un système dérogatoire. Nous avions en effet constaté que le texte ne donnait pas d’indications précises sur la façon dont seraient définies les mesures dérogatoires. On ne peut imaginer que la loi n’encadre pas davantage le pouvoir réglementaire, afin que ce dernier puisse s’appuyer sur des critères suffisamment précis ; sinon, on risque d’aboutir à une application de la loi à la carte, chaque préfet de département pouvant apprécier différemment l’ampleur des adaptations nécessaires. Déroger à la loi nécessite un cadre juridique plus précis, que le législateur doit donner non pas de façon générale, mais à l’occasion de l’élaboration de chaque loi imposant de prévoir de telles mesures d’adaptation.
Évoquons maintenant l’article 2, sur lequel la commission de la culture a donné un avis. Le II de cet article avait initialement pour objet de soumettre les évolutions des normes sportives prévues par les fédérations à un avis de la commission consultative d’évaluation des normes.
Je n’ai pas besoin d’insister ici sur l’importance de cette question, qui constitue un enjeu réel pour nos collectivités.
Les modifications des normes relatives aux équipements sportifs peuvent en effet avoir de lourdes conséquences pour les communes, propriétaires à 80 % des structures sportives, bien souvent sans que l’intérêt d’une telle évolution soit majeur pour le sport en question.
L’Assemblée nationale avait présenté un rapport d’information sur ce thème dès 2005, qui avait conduit à la mise en place, en 2009, de la commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs.
En 2011, le rapport de M. Doligé sur la simplification des normes applicables aux collectivités locales dressait cependant un constat sévère sur cette question, faisant état de défauts récurrents de saisine préalable de la CERFRES, d’une représentation insuffisante des collectivités, de la perfectibilité des notices d’impact, de conditions de classement fédéral discutables, ou encore de délais d’application peu raisonnables.
Lors de ses travaux sur la présente proposition de loi, la commission de la culture s’est vu confirmer, notamment par l’Association nationale des élus en charge du sport, l’ANDES, que les évolutions ininterrompues des normes sportives, parfois dues à des fédérations sportives nationales, suscitaient de vives inquiétudes. Ces évolutions sont censées concerner les clubs, et non pas directement les collectivités, mais c’est bien, au final, les communes qui sont sollicitées pour mettre à niveau les équipements.
L’idée d’imposer que la CCEN émette un avis sur ces normes sportives posait cependant problème. En effet, cette instance n’est supposée donner d’avis que sur les normes s’appliquant directement aux collectivités territoriales ou à leurs groupements, ce qui n’est pas le cas des normes sur lesquelles la CERFRES formule un avis. Outre ce problème de fond, la surcharge de travail que connaît déjà la CCEN risquait de se trouver largement aggravée.
Il apparaît donc que la solution tendant à renforcer la représentation des collectivités territoriales au sein même de la CERFRES était plus pertinente, sur le fond comme en pratique. L’article 2 bis, introduit par la commission des lois, qui a, en parallèle, supprimé les dispositions relatives aux normes sportives de l’article 2, a pour objet d’améliorer cette représentation.
L’article 2 bis prévoit l’inscription dans la loi de l’existence de la CERFRES, ainsi qu’une composition à parité entre les représentants des collectivités territoriales et les autres membres.
Considérant que ces dispositions remédiaient à une lacune de notre droit et répondaient à une demande des collectivités territoriales, la commission de la culture a émis un avis favorable sur les dispositions prévues par l’article 2 bis.
Telles sont, mesdames les ministres, mes chers collègues, les réflexions que nous a inspirées cette proposition de loi. La commission de la culture a donné un avis favorable à l’adoption des dispositions présentées dans le texte de la commission des lois, au bénéfice des avis que je viens de formuler concernant les amendements qui nous étaient soumis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)