M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent.
M. Daniel Laurent. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre déléguée.
Nous attendons une très grande réactivité du Gouvernement en faveur de la diminution des normes et du maintien de la capacité d’investissement des collectivités. Car, qui dit investissements, dit emplois !
accessibilité à la ressource bancaire pour les collectivités territoriales
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, auteur de la question n° 76, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.
M. Alain Fouché. Madame la ministre déléguée, ma question concerne également les collectivités locales et leurs difficultés pour accéder à la ressource bancaire, preuve qu’il s’agit d’un problème important.
Ce point a été évoqué lors des assises des territoires ruraux que j’ai organisées dans mon département avec Jean-Pierre Raffarin.
La situation devient particulièrement préoccupante. Il est parfois impossible pour les collectivités d’obtenir la totalité des crédits demandés, ce qui met en péril les opérations d’investissement envisagées. Lorsque les collectivités y parviennent, c’est souvent avec le concours de plusieurs établissements bancaires et au prix d’une qualité dégradée en raison de marges prohibitives pratiquées par les banques, comme vous avez dû vous en rendre compte, madame la ministre déléguée.
L’agence de financement des investissements locaux souhaitée par le Gouvernement n’est pas encore opérationnelle et les enveloppes de crédits de court terme et de long terme, annoncées par La Banque postale, ne suffiront pas à couvrir les besoins de financement pour les années 2012-2013. C’est ce qu’a indiqué le président du directoire de La Banque postale, Philippe Wahl, il y a quelques mois, lors d’une réunion que nous avons organisée, Jean-Pierre Raffarin et moi-même, à Poitiers avec les maires de mon département.
Cette situation va se tendre encore davantage, puisque la banque Dexia a annoncé très récemment qu’elle serait dans l’incapacité d’honorer les reversements des encours remboursés sur les contrats de long terme renouvelables.
Vous l’avez évoqué, madame la ministre déléguée, 70 % de l’investissement public en France est réalisé par les régions, les départements, les communes, les communautés de communes, voire les pays. De ce fait, faute de mesures adaptées et immédiates, cette situation aura des effets négatifs sur la croissance et sur l’emploi, car les artisans et les entreprises seront touchés.
Madame la ministre déléguée, vous venez de fournir un certain nombre d’éléments à mon collègue Daniel Laurent, mais peut-être nous donnerez-vous des précisions supplémentaires. Ainsi, je vous remercie de bien vouloir m’indiquer dans quel délai cette agence verra le jour – vous avez annoncé que ce serait très rapide –, quelle en sera la nature et quel sera son niveau de participation auprès des collectivités locales, dans la situation à laquelle elles doivent faire face.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, vous voudrez bien excuser le ministre de l'économie et des finances, qui assiste actuellement avec le ministre délégué chargé du budget à une réunion interministérielle sur le projet de loi de finances pour 2013. Il m’a chargée de vous communiquer la réponse à la question que vous lui posez. Vous me permettrez cependant d’y apporter des précisions supplémentaires, qui compléteront les indications que je viens de donner à M. Daniel Laurent.
Le Gouvernement sait que les collectivités sont aujourd’hui inquiètes. Le Président de la République a indiqué aux élus locaux, lors des états généraux de la démocratie territoriale, qu’il veillerait, avec le Gouvernement, à ce qu’il n’y ait aucune rupture dans le financement des investissements ni dans la trésorerie des collectivités locales.
Pour l’année 2012, le ministre délégué chargé du budget a, le 14 septembre dernier, adressé, avec Marylise Lebranchu, Manuel Valls et moi-même, une circulaire aux préfets leur demandant d’établir un bilan des difficultés d’accès au crédit que peuvent rencontrer les collectivités.
Ce bilan souligne que les besoins des collectivités devraient globalement être satisfaits cette année, grâce à l’offre des banques privées et aux mesures exceptionnelles prises par l’État. Il permettra également d’identifier les collectivités qui connaissent encore des difficultés à boucler leurs financements et pour lesquelles les dispositifs mis en place doivent apporter une réponse ; cette liste est en cours d'élaboration. Dans quelques jours, j'espère, nous disposerons d’un état des collectivités qui rencontrent le plus de difficultés.
Un certain nombre de mesures ont d'ores et déjà été prises pour répondre à cette situation exceptionnelle. Ainsi a été décidé le déblocage d'une enveloppe de près de 3 milliards d'euros sur les fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations. Au total, ce sont plus de 5 milliards d'euros qui ont été débloqués à titre exceptionnel cette année, pour permettre le financement à moyen et à long terme des collectivités locales.
De plus, afin que toutes les collectivités puissent y avoir recours, la décision a été prise de baisser significativement les taux applicables à ces enveloppes exceptionnelles, car ils pouvaient être considérés comme excessifs. Il s’agit là d’une mesure relativement récente, mais essentielle. Depuis le mois de mai, les taux ont ainsi diminué de près d'un tiers ; ils ont été réduits encore tout récemment.
Par ailleurs, monsieur le sénateur, comme vous le signaliez, La Banque postale a mis en place une nouvelle offre de crédit à court terme qu'elle a portée de 2 milliards d'euros à 4 milliards d'euros pour faire face à des besoins urgents de trésorerie. À partir du mois de novembre prochain, elle proposera également des crédits à moyen et à long terme en direction des collectivités locales pour un montant compris entre 1 milliard d'euros et 2 milliards d'euros en 2012.
Les collectivités de petite taille se heurtent à une difficulté particulière : leurs besoins ne sont pas excessifs et portent parfois sur de petites sommes, 200 000 euros, 100 000 euros, 80 000 euros, voire 50 000 euros ! La Banque postale s'est engagée sur de tels montants, voire sur des montants moindres dès le début de l'année prochaine.
L’ensemble de ces interventions permettent d’envisager une détente de la situation et donnent de l’air aux collectivités.
Pierre Moscovici a par ailleurs fait le point avec les principales banques et a pu constater qu’à ce stade de l’année elles respectaient leur engagement de maintenir, voire d’accroître leur offre de crédit en 2012 par rapport à 2011.
Le Gouvernement fait donc en sorte que des solutions pérennes soient trouvées pour le financement des collectivités locales. Comme je le disais, La Banque postale devrait notamment compléter à terme sa gamme en partenariat avec la Caisse des dépôts et consignations pour contribuer durablement au financement du secteur public local. Ce nouvel outil prendra le relais de Dexia à l’issue des négociations avec la Commission européenne.
Vous m'avez interrogée sur les délais. Tout doit être fait pour que, dès le début de l'année prochaine, La Banque postale puisse accorder des prêts de faible montant aux collectivités souhaitant réaliser des investissements certes modestes, mais qui contribuent, vous l’avez rappelé, à notre économie et donc à l'emploi.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, tout est mis en œuvre entre les différentes administrations pour participer autant que possible au redressement de la France.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Madame la ministre déléguée, je vous remercie de cette réponse très claire. Je constate la forte volonté du Gouvernement d'aller très vite dans ce domaine. Il est vrai que, du fait de ce problème d’accessibilité à la ressource bancaire, la croissance est freinée. Je souhaite donc, comme vous, que cette agence soit mise en place le plus rapidement possible pour répondre aux besoins de nos collectivités. Enfin, je prends note des précisions que vous avez apportées concernant La Banque postale.
problèmes posés par l’organisation des transports scolaires suite aux dérogations accordées pour les inscriptions dans les collèges
M. le président. La parole est à M. Georges Labazée, auteur de la question n° 33, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Georges Labazée. Madame la ministre déléguée, ma question s’adressait au ministre de l’éducation nationale, mais, comme elle concerne également les collectivités territoriales, je suis persuadé que vous pourrez y répondre aisément. (Sourires.) Elle porte sur l’organisation des transports scolaires dans et par nos départements et vise à avancer des éléments de débat pour une meilleure concertation entre les deux autorités compétentes en la matière : le conseil général et l’inspection académique.
L’organisation du système éducatif du second degré – ici, les collèges -, est une compétence conjointe entre le département et l’inspection académique. Bien plus, il s’agit, disons-le, d’une autorité bicéphale : autorité hiérarchique pour l’inspection académique, autorité d’organisation pour le conseil général. On peut même parler parfois d’autorité palliative...
Cela fait de nombreuses années que le problème est évoqué, mais les différents incidents qui ont eu lieu dans mon département lors de la dernière rentrée scolaire révèlent qu’il est urgent d’inscrire dans le champ de la concertation le respect du périmètre des compétences de chacune de ces autorités. En d’autres termes, il faut clarifier leurs compétences et, surtout, mesurer ce que les décisions prises impliquent concrètement.
Je m’explique.
Les décisions prises unilatéralement par l’une des parties entraînent fatalement des obligations pour l’autre partie. C'est surtout vrai en matière d’organisation des transports scolaires.
La loi oblige en effet le conseil général à mettre en place la sectorisation ; la carte scolaire permet alors de poser les bases d’une organisation globale, ce qui est nécessaire. Cependant, des dérogations existent. Le problème, c’est qu’elles reposent uniquement sur les décisions du directeur académique des services de l’éducation nationale, le DASEN.
Rentrons un peu dans le détail.
La désectorisation peut faire suite à une demande expresse de la famille. Dans ce cas, le département n’est pas responsable de la mise en place du transport de l’élève.
En revanche, lorsque la décision du DASEN est prise soit par manque de place dans les structures pédagogiques, soit parce qu’une spécialité souhaitée n’est pas enseignée dans le collège de secteur, elle crée des droits pour l’élève en matière de transports. C’est là que le bât blesse... À la suite de cette décision du DASEN, le conseil général se retrouve contraint de devoir organiser le transport de l’élève dans l’urgence, et ce souvent, trop souvent, pour un coût parfois supérieur à 6 500 euros par élève en zone de montagne, ce qui est prohibitif.
À cette difficulté, il faut ajouter, par exemple dans mon département, le problème du transport des élèves des classes en immersion, que ce soit les ikastolak pour l'enseignement de la langue basque ou les calandretas pour l'enseignement des langues d'oc.
Madame la ministre déléguée, dans les cas où cela se trouve à la fois possible et pertinent, ne serait-il pas préférable de redéfinir les ouvertures de classes ou les augmentations des seuils pour accueillir le ou les élèves plutôt que de désectoriser ?
Oui, cela nécessiterait d’ajuster la dotation globale horaire, mais que de contraintes supprimées pour les familles ainsi aussi que pour la collectivité, qui ne serait alors plus obligée de s’adapter dans l’urgence, parfois au détriment des élèves !
Un autre problème tient à l’absence de sectorisation des collèges privés. Dans mon département, 25 % de la population fréquente les établissements privés, et je respecte cette décision.
En l’absence de loi, certains conseils généraux ont pris des dispositions contraignantes, via un règlement intérieur, pour éviter que les enfants ne soient laissés pour compte. Le conseil général s’est ainsi astreint à organiser et à assurer gratuitement le transport des élèves dans les collèges privés lorsqu’ils sont à proximité du lieu d’habitation de l’élève. Il peut alors s’agir de mettre en place une desserte unique, lorsque les collèges publics et privés sont à proximité, par une prolongation ou un détournement du circuit, ou de créer une ligne.
M. le président. Veuillez en venir à votre conclusion, mon cher collègue.
M. Georges Labazée. Madame la ministre déléguée, il serait juste de mettre en place, sur l'ensemble du territoire, une carte scolaire pour les collèges privés, avec pour règle fondatrice la proximité entre le collège et l'habitation. Attention ! Il ne s’agit pas de porter atteinte au libre choix des familles qui prennent la décision de sortir leur enfant de l’école publique pour l’inscrire dans un établissement privé, mais il faut faire en sorte que la gratuité bénéficie à tous les élèves, jusqu'au collège de proximité.
Toute décision unilatérale peut se révéler préjudiciable, car elle crée des obligations dans des temps très contraints. Je lance par conséquent un appel pour que les recteurs et les inspecteurs académiques soient mieux informés des conséquences de leurs décisions.
M. le président. Veuillez maintenant conclure, cher collègue !
M. Georges Labazée. Ma question est la suivante : ne pourrait-on trouver une harmonieuse articulation entre les services académiques et les services des transports scolaires des conseils généraux ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence du ministre de l'éducation nationale. Selon moi, le texte qu’il a fait préparer à votre attention ne répond pas tout à fait à la question que vous lui avez posée. C’est pourquoi, si vous le permettez, je la lui transmettrai de nouveau de façon qu'il puisse vous apporter toutes les précisions que vous demandez. Néanmoins, je vous ferai part des éléments de réponse techniques qu’il a tenu à vous donner.
Monsieur le sénateur, vous savez combien le ministre de l'éducation nationale est attentif au dialogue avec l'ensemble des partenaires, qu'ils appartiennent au monde éducatif ou au monde des élus ; à ce titre, il a reçu l'ensemble des associations d'élus locaux. C'est d'ailleurs parce qu'il a entrepris ce travail qu’il ne peut être ici ce matin : la refondation de notre école est au cœur de ses préoccupations.
Pour en venir maintenant plus spécifiquement à votre question, vous vous préoccupez fort légitimement des conséquences sur l’organisation du transport scolaire des dérogations à la carte scolaire.
Le département est compétent pour déterminer la localisation des collèges, leur capacité d’accueil et leur secteur de recrutement. Le directeur académique des services de l’éducation nationale est, quant à lui, compétent pour affecter les élèves dans les collèges publics et accorder, le cas échéant, des dérogations à la carte scolaire définie par le département.
Le département est également compétent pour assurer l’organisation du transport scolaire : choix des points d’arrêt à desservir, choix de l’itinéraire, des horaires, etc. Voilà ce que nous essayons de faire aussi bien que possible, lorsque nous sommes dans nos conseils généraux.
Dans ce cadre, le conseil général est consulté par les services académiques avant toute décision susceptible d’entraîner une modification substantielle des besoins en matière de transport scolaire. De son côté, la direction académique des services de l’éducation nationale doit prendre en compte les répercussions d’une décision de dérogation à la carte scolaire sur le service du transport scolaire. Ces dérogations demeurent, globalement, marginales.
L’organisation et le fonctionnement des transports sont évoqués dans le cadre du conseil départemental de l’éducation nationale, qui est l’instance au sein de laquelle s’échange l’information et se noue une concertation étroite entre l’État et le département sur ces sujets.
Le ministre de l’éducation nationale est très attaché à ce dialogue, qui est nécessaire au fonctionnement du service public de l’éducation nationale.
Au-delà de ces rappels, M. le ministre tient à préciser que la jurisprudence administrative tient compte des contraintes des collectivités territoriales ; cela me paraît tout à fait fondamental. Ainsi, le juge administratif estime que les départements ne sont pas tenus d’assurer la prise en charge financière du transport scolaire des élèves inscrits dans un établissement qui n’est pas situé dans leur secteur selon les mêmes modalités que s’ils étaient inscrits dans l’établissement de leur secteur. Les départements peuvent donc mettre en œuvre des règles d’organisation ou de prise en charge financière du transport scolaire qui soient différentes, et ce sans déroger au principe d’égalité des usagers devant le service public.
Le Conseil d’État a également jugé qu’un conseil général ne méconnaissait pas le principe d’égalité des usagers devant le service public en organisant des circuits de transport scolaire auxquels les élèves scolarisés dans un établissement du secteur de leur domicile accèdent gratuitement, et un régime d’indemnisation forfaitaire en faveur des élèves qui fréquentent un établissement situé en dehors de ce secteur.
En revanche, le juge administratif a estimé qu’étaient contraires au principe d’égalité entre les usagers du service public les dispositions qui prévoient que les élèves qui fréquentent un établissement scolaire public par dérogation à la carte scolaire ne bénéficient d’aucune prise en charge de leurs frais de transport, alors que les élèves qui fréquentent un établissement privé et ne sont donc pas assujettis au respect de la carte scolaire, se voient accorder la gratuité du transport scolaire pour une distance équivalente à celle comprise entre leur domicile et l’établissement public de rattachement.
Depuis le premier acte de la décentralisation, les collectivités territoriales sont devenues des acteurs essentiels de la mise en œuvre des politiques éducatives. L’État veut y associer l’ensemble des élus.
Si vous le voulez bien, monsieur le sénateur, je transmettrai au ministre de l’éducation nationale la teneur exacte de votre question, notamment pour ce qui concerne les classes d’immersion ou le cas spécifique de l’enseignement privé, afin qu’il puisse vous répondre par un courrier écrit.
M. le président. La parole est à M. Georges Labazée.
M. Georges Labazée. Je souhaiterais compléter ma question, car je n’ai pas abordé le problème de la restauration scolaire le mercredi midi. Le conseil d'administration de l’établissement peut décider d’ouvrir, ou non, la cantine ou le restaurant scolaire ce jour-là. Le cas échéant, les horaires des transports sont totalement décalés. La décision du conseil d'administration s’impose au conseil général, mais c’est une autre source de difficultés.
ÉVOLUTION DE LA TAXE INTÉRIEURE DE CONSOMMATION SUR LES PRODUITS ÉNERGÉTIQUES
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 100, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.
M. Jean Boyer. Madame la ministre déléguée, nous autres, habitants des territoires ruraux, nous nous interrogeons sur la répartition de la TIPP, devenue TICPE, et notamment sur les différences constatées entre les zones rurales et les zones urbaines.
Je n’ignore pas que la taxe intérieure sur les produits pétroliers a été officiellement remplacée par la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, mais le sigle TIPP reste encore celui qui est le plus usité.
La définition d’un cadre réglementaire prévoyant une vraie compensation doit permettre de tenir pleinement compte des conditions de travail liées à l’altitude, à l’espace, aux moyens de déplacement, à l’organisation de la vie sociale et humaine, aux conditions climatiques et à la topographie d’un territoire. Nous savons que cette taxe constitue une ressource appréciable tant pour l’État que pour les collectivités locales.
Madame la ministre, pourriez-vous m’indiquer la règle de répartition entre les bénéficiaires du produit de cette taxe ? Quelles sont les raisons des différences – certaines peuvent paraître importantes – qui sont constatées entre les régions ?
Par ailleurs, il semblerait que les conditions d’accès au carburant aient été modifiées pour les agriculteurs, les entrepreneurs de travaux forestiers et les collectivités territoriales. J’avais déjà interrogé le précédent ministre de l'économie et des finances à ce sujet.
Les taxes constituent l’un des éléments les plus importants du prix du litre : 61 % pour l’essence et 53 % pour le gazole. La fiscalité pétrolière est la quatrième ressource budgétaire de l’État : la TIPP a rapporté 24,7 milliards d’euros à l’État en 2009. Depuis la loi de finances pour 2006, les régions ont la possibilité de moduler dans une faible mesure – environ 1 % du prix du carburant à la pompe – le taux de la TIPP. C’est le fioul lourd qui bénéficie de la fiscalité la plus avantageuse, mais jusqu’à quand et pour qui ?
Je tiens à le rappeler dans cet hémicycle, et en particulier devant vous, madame la ministre déléguée, qui connaissez bien le Massif central – je vous l’ai dit publiquement hier soir –, la situation du monde rural doit être mieux prise en compte. Il faut donner aux territoires les moyens de maintenir une forme d’équité entre les citoyens en matière d’énergie, en fonction de son prix de revient mais aussi de l’écart de consommation entre les zones rurales et les secteurs plus accessibles et moins enclavés.
Il est important de savoir comment le nouveau gouvernement entend répondre à cette situation de plus en plus préoccupante, qui est de nature à accroître encore davantage ce que l’on peut appeler la fracture territoriale.
Madame la ministre déléguée, le monde rural est une chaîne et, comme pour toute chaîne, ses maillons sont complémentaires. Le désenclavement et l’égalité de traitement entre les différents territoires, entre les différents maillons, sont des enjeux incontournables pour l’avenir des zones rurales.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, votre question concerne un territoire auquel, vous le savez, je suis très attachée. Ce n’est cependant pas ma réponse, mais celle du ministre de l'économie et des finances, retenu par une réunion interministérielle, que je vais maintenant porter à votre connaissance.
La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, s’inscrit dans le cadre général fixé par la directive communautaire n° 2003-96. Conformément à cette directive, la taxe liée à la consommation est un montant assis sur un volume. Le montant de la TICPE est fixé par type de carburant, dans le code des douanes.
Divers prélèvements sont opérés sur la recette totale – 24,8 milliards d'euros en 2011 – au profit des collectivités territoriales. Pour les départements, le versement, qui représentait près de 6,3 milliards d'euros en 2011, est effectué au titre du financement des dépenses sociales. Pour les régions, le versement comporte deux parts : la première, qui s’élevait à 3,79 milliards d'euros en 2011, est destinée à compléter leur dotation de fonctionnement, avec une possibilité de modulation laissée à l’initiative des conseils régionaux ; la seconde part, dite « Grenelle de l’environnement », qui atteignait 380 millions d'euros en 2011, contribue au financement d’infrastructures de transport. Son montant dépend de la modulation de la TICPE par les conseils régionaux, dans les limites fixées par la loi.
Ces chiffres répondent, me semble-t-il, à votre question sur la répartition du produit de la TICPE entre les différents échelons territoriaux.
Le ministre de l'économie et des finances tient à rappeler que, depuis 1er janvier 2012, toutes les régions sauf la région Poitou-Charentes et la Corse utilisent au maximum leur pouvoir de modulation de la TICPE. Par conséquent, le montant total de cette taxe est le même dans toutes les régions, à l’exception des deux que je viens de citer. Le mécanisme de régionalisation de la TICPE n’est donc pas la première cause des différences de prix à la pompe constatées entre les régions. Les prix étant fixés librement par les distributeurs, ces disparités de prix dépendent davantage de la logistique d’approvisionnement de chaque distributeur et des prix auxquels chacun acquiert sa marchandise, et ces prix sont très volatils sur le marché mondial.
En ce qui concerne les carburants à fiscalité réduite dont bénéficient les agriculteurs et les entrepreneurs de travaux forestiers, mais également les entreprises de travaux publics, le taux de la taxe a effectivement été relevé par la loi de finances pour 2012. Cependant, la fiscalité applicable aux carburants destinés à ces secteurs d’activité demeure très avantageuse, avec un taux inférieur de plus de 80 % au taux normal. Ainsi, le gazole non routier est taxé à 7,20 euros l’hectolitre, contre 42,84 euros l’hectolitre pour le gazole routier…
Vous avez enfin évoqué le cas du fioul lourd, en vous inquiétant de la pérennité de son régime fiscal préférentiel. Ce produit est aujourd’hui utilisé de façon assez marginale, presque uniquement par les navires et les centrales thermiques, et, dans ces cas, les textes communautaires imposent de l’exonérer de taxe intérieure.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Il est important que les Français connaissent les retombées positives de la TICPE. Aujourd'hui comme hier – et il en sera peut-être de même demain –, nos concitoyens se plaignent que l’État taxe beaucoup les carburants. Cependant, lorsque l’on fait preuve de transparence, comme vous à l’instant, madame la ministre déléguée, la quasi-totalité d’entre eux comprennent que cet argent est employé utilement. Je le savais déjà, mais votre réponse me permettra de l’expliquer encore mieux.
emploi dans le morbihan
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, auteur de la question n° 126, adressée à M. le ministre du redressement productif.
M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, jamais peut-être la notion de responsabilité n’aura été aussi tangible qu’en cette période d’annonces à répétition de réductions d’activités, de fermetures de sites et de licenciements massifs. Responsabilité, car la première des urgences est de défendre les salariés pour les protéger le plus possible de la casse et des conséquences du comportement des actionnaires, qui exigent souvent des entreprises une valorisation maximale de leurs actions.
Dans le contexte actuel de crise de la production, le temps nous est compté pour empêcher la disparition de milliers d’emplois, disparition qui aurait des conséquences dramatiques pour les familles, les comptes sociaux et les territoires.
Le département du Morbihan est loin d’être épargné. Le cas du groupe Doux en est l’exemple le plus médiatisé, avec environ 1 000 salariés licenciés sur les cinq sites du département, et plus de 300 aviculteurs au chômage sur les 800 qui travaillaient avec le groupe. En outre, plusieurs entreprises sont directement affectées par cette situation ; je pense notamment à Union Kergonan Languidic, à Lanester. L’État est également concerné. Citons par exemple les chantiers STX de Lanester, fleuron de la construction navale dont le carnet de commandes est aujourd’hui désespérément vide. Plus de 120 salariés et 200 sous-traitants et intérimaires risquent de perdre leur emploi.
Le département du Morbihan est actuellement absent des marchés de la construction et de la réparation navale civile. Il abrite pourtant des sites d’excellence, disposant de toutes les infrastructures nécessaires. La filière navale est une industrie porteuse d’emplois qualifiés générant chacun trois à quatre emplois induits.
Des solutions sont possibles : on pourrait envisager une plus grande implication des services de l’État, qui est actionnaire des chantiers via le Fonds stratégique d’investissement, le FSI, ou encore la création d’une grande filière de déconstruction navale. Lorsque le cargo TK Bremen s’est échoué sur une plage d’Erdeven, peu avant Noël dernier – vous en avez sans doute entendu parler –, on a fait appel à une entreprise étrangère.
Il existe également des besoins dans la filière « pêche » et dans la filière nautique. Peut-être pourrions-nous créer quelque chose de nouveau, porteur d’espoir, à partir de ces différents besoins.
Afin de garantir la sécurisation de l’emploi local, il ne faut pas négliger non plus l’attractivité économique des territoires : donnons-leur les moyens de devenir des centres d’innovation, attractifs pour les entreprises et pour les salariés.
Il est également impératif de renforcer les droits des salariés et de favoriser le développement d’une véritable démocratie sociale, qui ferait des salariés des acteurs de l’essor économique et non plus des variables d’ajustement d’une économie au service du seul profit.
Alors que le Gouvernement a lancé une grande conférence sociale devant permettre le dialogue et la recherche d’autres solutions, je souhaiterais connaître les mesures concrètes, efficaces et pérennes que vous envisagez de prendre pour protéger les entreprises, les emplois et les salariés présents dans le Morbihan.
De plus, la situation actuelle impose une action rapide pour redéfinir une véritable politique industrielle. Quelles mesures comptez-vous prendre en la matière, en concertation avec les élus locaux du Morbihan ?