M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, reconnaissons, sans le moindre esprit polémique, que la commission mixte paritaire a très peu fait évoluer le projet de loi. Elle a adopté une seule modification, certes notable : l’ouverture du dispositif, dans les territoires prioritaires, aux « jeunes ayant engagé des études supérieures ». C’était une parité indispensable.
La nouvelle définition est potentiellement plus large, en tout cas un peu plus floue, que celle qui résultait des travaux de notre assemblée ; en effet, nous n’avions prévu d’ouvrir le dispositif qu’aux jeunes ayant « des niveaux de qualification supérieurs au baccalauréat ». Mais jusqu’à quel niveau d’études supérieures les jeunes des territoires prioritaires pourront-ils bénéficier d’un emploi d’avenir ? Monsieur le ministre, éclairez-nous, ce soir ou dans les jours à venir, et rassurez-nous.
S’il s’agit effectivement d’un élargissement du dispositif à des jeunes plus qualifiés, je dois dire que nous y sommes défavorables. En effet, les emplois d’avenir sont un dispositif spécifique destiné à un public spécifique ; vous le savez très bien, puisque c’est la conception que vous-même avez exposée !
Il ne faut pas rééditer l’erreur commise avec les emplois-jeunes. Concrètement, parce qu’ils avaient été trop largement ouverts, ils ont surtout bénéficié à des jeunes qualifiés. Nous devons être objectifs et tirer les enseignements de cette expérience, même si elle n’a pas été mise en œuvre par une majorité que nous soutenions. Les emplois d’avenir doivent être concentrés sur les jeunes les plus éloignés de l’emploi, c’est-à-dire les jeunes non qualifiés ou très peu qualifiés.
Une difficulté a été soulevée au cours de la commission mixte paritaire qui est susceptible de poser problème aux employeurs, en particulier aux collectivités territoriales, je veux parler de la priorité d’embauche.
Concrètement, cette priorité ne pourra s’entendre que comme une obligation d’embauche. N’y a-t-il pas là le risque d’un nid à contentieux ? Que se passera-t-il en effet en cas de concurrence, pour occuper un même emploi, entre une personne disposant de toutes les qualifications requises et l’ancien titulaire d’un emploi d’avenir, surtout si ce dernier n’a pas totalement donné satisfaction ?
Plus largement, la position de mon groupe sur ce projet de loi est connue. Nous souscrivons naturellement au constat de base qui l’inspire : la question de l’emploi est une priorité nationale absolue, particulièrement celle de l’emploi des jeunes. Mais le présent projet de loi n’apporte à ce problème qu’une solution très partielle et, à nos yeux, pas toujours bien adaptée.
Je sais qu’il est facile de parler et plus difficile de construire… Reste qu’il s’agit apparemment moins de mener une politique de l’emploi – je le dis sans esprit de polémique – qu’une politique sociale de l’emploi. Dispositif spécifique pour un public spécifique, les emplois d’avenir ne concerneront au mieux que 3 % de la population des demandeurs d’emploi.
Certes, il y aura les contrats de génération. À première vue, nous n’y sommes absolument pas opposés. Nous les jugerons objectivement, le moment venu, en fonction de leurs modalités concrètes de mise en œuvre, sur lesquelles les partenaires sociaux sont en train de plancher.
Quoi qu’il en soit, ce dispositif ne pourra pas, lui non plus, concerner un grand nombre de chômeurs. Que fera-t-on donc pour les autres, qui attendent une véritable politique de l’emploi, une politique novatrice ?
Les emplois d’avenir n’apportent rien de nouveau ; il s’agit d’une formule classique d’emplois aidés, pratiquée aussi – reconnaissons-le – par les précédents gouvernements. C’est une méthode bien éprouvée qui n’a jamais fait de miracles. D’ailleurs, nous le savons, les solutions miracles n’existent pas.
M. Alain Néri. Même pas au Puy !
M. Jean Boyer. Ni à Clermont !
Une véritable politique de l’emploi, adaptée à l’urgence et aux enjeux actuels, prendra nécessairement la forme d’une politique de compétitivité. Or, de ce point de vue, nous avons des raisons de nourrir quelques inquiétudes. Avec la suppression de la TVA anti-délocalisation…
M. Michel Vergoz. Vous voulez dire antisociale !
M. Jean Boyer. … et l’augmentation de la pression fiscale, le moins que l’on puisse dire est que nous n’allons pas tout à fait dans cette direction.
Mais laissons ce débat, que nous aurons l’occasion de reprendre dans les prochaines semaines.
Limité, le dispositif des emplois d’avenir pourrait en outre, selon nous, ne pas être assez bien calibré.
J’ai déjà abordé la question du niveau d’études requis pour en bénéficier ; la commission mixte paritaire l’a revu à la hausse, ce qui pose un premier problème.
Surtout, le dispositif est très majoritairement concentré sur le secteur non marchand.
Nous avons déjà relevé cet extraordinaire paradoxe : alors qu’il n’est question que de réduire les effectifs de la fonction publique, vous vous attaquez au chômage des jeunes en créant de l’emploi public et un peu parapublic ! De plus, le secteur non marchand est le moins qualifié pour créer des emplois pérennes, former les jeunes et les aider à s’insérer sur le marché du travail.
Dans ces conditions, le risque d’effet d’aubaine est grand. S’il s’agit de subventionner des collectivités territoriales et des associations par l’intermédiaire de jeunes en difficulté, nous ne pouvons pas vraiment être d’accord.
Quel bénéfice les jeunes en emploi d’avenir tireront-ils de leur expérience ? C’est à cette question qu’il faut répondre ; elle reste encore en suspens à l’issue de nos travaux.
Une autre question, qui n’est pas des moindres, reste également sans réponse, celle de la répartition des emplois d’avenir. Puisqu’il y a des territoires prioritaires, ce qui nous semblait peu compatible avec l’universalité prétendue de la réforme, il importe de connaître les quotas attribués à chaque zone ; pour l’instant, nous ne les connaissons pas.
Nous ne sommes pas davantage renseignés sur le point de savoir si ces emplois aidés se substitueront, en partie ou totalement, aux actuels emplois aidés. Ce sont un peu, messieurs les ministres, les questions qui nous sont posées dans nos départements.
M. Michel Vergoz. Cela a déjà été dit. Vous n’écoutez pas !
M. Jean Boyer. Je vous ai présenté quelques raisons pour lesquelles nous nous interrogeons sur les emplois d’avenir. Toutefois, nous voulons bien admettre qu’ils pourront représenter, pour un certain nombre de jeunes, une chance de s’insérer et se voir mettre le pied à l’étrier.
M. Jean Boyer. C’est d’autant plus vrai que le volet formation du projet de loi a été substantiellement renforcé. Monsieur le ministre délégué, l’éminent savoyard que vous êtes s’y est montré très attaché.
Nous nous réjouissons de cette évolution, tout en maintenant que le cœur du problème de la formation réside à nos yeux dans sa mise en œuvre concrète sur le terrain, au plus près des besoins en emplois. Ce qui pose aussi évidemment la question des moyens dévolus à l’accompagnement des demandeurs d’emploi.
Pour toutes ces raisons, les membres de mon groupe, après avoir très objectivement débattu de ces questions, ont majoritairement décidé de s’abstenir ; les autres voteront le projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous concrétisons aujourd’hui l’une des priorités du quinquennat de François Hollande, qui s’adresse à la jeunesse de notre pays. C’est un signe politique important et une volonté forte de la majorité gouvernementale.
Je me félicite du compromis trouvé par la commission mixte paritaire le 2 octobre, en ce qui concerne notamment la prise en compte des jeunes ayant entamé des études supérieures sans réussir à décrocher un diplôme. Nous connaissons tous des jeunes dans cette situation ; notre rapporteur les a appelés les décrocheurs du système universitaire. Nous avons bien entendu qu’il y aurait des garde-fous – M. le ministre du travail les a exposés tout à l’heure.
Je veux saluer le sens de l’intérêt général de notre rapporteur, Claude Jeannerot, qui a permis à la commission mixte paritaire d’aboutir à un consensus.
Le dispositif des emplois d’avenir sera donc ouvert aux jeunes pas ou peu diplômés, âgés de seize à vingt-cinq ans. Il vient compléter les outils existants pour favoriser l’insertion durable dans l’emploi des jeunes confrontés à des difficultés spécifiques. Il vise prioritairement, mais non exclusivement, les jeunes qui résident dans un territoire urbain sensible, une zone de revitalisation rurale ou un département d’outre-mer. Il s’adresse à une jeunesse trop longtemps oubliée, voire sacrifiée. Voilà bien longtemps que la jeunesse n’avait plus été au centre des priorités des gouvernants !
« À partir du moment où, dans un pays, s’établit un divorce entre l’orientation du régime et les aspirations de la jeunesse, alors oui, la catastrophe est proche », comme le disait si bien Pierre Mendès France. C’est pour éviter ce divorce que le Gouvernement a voulu créer les emplois d’avenir. Il était donc urgent de voter ce projet de loi.
Songez, mes chers collègues, qu’un jeune actif sur quatre est au chômage et que près de 120 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans diplôme ! Il s’agit donc d’offrir une première expérience professionnelle réussie à une jeunesse souffrant d’un manque de formation.
Dès le début de l’année 2013, ce dispositif sera complété par les emplois francs, destinés pour leur part aux jeunes diplômés. Les contrats de génération viendront aussi s’y ajouter d’ici à quelques mois.
Afin d’assurer la réussite et la pérennité des emplois d’avenir, il était important que le service public de l’emploi soit le seul garant du bon déroulement du dispositif et d’une réelle synergie entre les acteurs. Ce sera bien le cas, puisque les prescripteurs seront Pôle emploi, les missions locales, dont je tiens à saluer de nouveau l’engagement, et Cap emploi pour les jeunes travailleurs handicapés, sans oublier les présidents de conseils généraux pour les allocataires du revenu de solidarité active et les recteurs d’académie pour les emplois d’avenir professeur.
J’insiste également sur la nécessité de piloter le dispositif par bassins d’emplois, au plus près des jeunes.
Les emplois d’avenir seront proposés essentiellement dans le secteur public et dans des domaines susceptibles d’offrir à cette jeunesse des perspectives de recrutement durable. Je pense en particulier à l’aide à la personne, à l’animation sociale et culturelle et au développement durable.
Rémunérés à hauteur de 75 % du SMIC, les emplois d’avenir permettront aux jeunes de bénéficier d’un véritable revenu d’insertion. À ce propos, je tiens à rappeler que, selon l’INSEE, plus de 40 % des jeunes de moins de vingt-quatre ans résidant dans les quartiers dits « difficiles » vivent en dessous du seuil de pauvreté. C’est totalement inadmissible !
Alfred de Musset écrivait, dans La Confession d’un enfant du siècle : « Alors s’assit sur un monde en ruine une jeunesse soucieuse ». Il est grand temps de redonner confiance à cette jeunesse, qui représente l’élément social de la lutte politique. Il est de notre devoir de nous occuper d’elle maintenant !
Par ailleurs, les emplois d’avenir trouvent parfaitement leur place au sein du débat actuel sur la réussite scolaire et la refondation de l’école, ce dont je me réjouis. En effet, le dispositif des emplois d’avenir professeur connaîtra une importante déclinaison au sein des écoles, des collèges et des lycées de l’enseignement public et de l’enseignement privé. Ils seront proposés aux étudiants boursiers se destinant aux métiers de l’enseignement et titulaires d’une première année de licence.
Ce dispositif aura pour but premier de donner à ces jeunes les moyens de poursuivre leurs études en leur permettant de cumuler la rémunération d’un mi-temps avec leur bourse.
Je rappelle qu’un étudiant vit avec 618 euros par mois en moyenne. Les bénéficiaires de ce dispositif percevront un revenu de 900 euros par mois pendant trois ans.
Les emplois d’avenir professeur ont également vocation à aider les enseignants dans leurs tâches quotidiennes. Cette aide sera précieuse compte tenu du sureffectif des classes, lequel résulte d’une politique qui a sacrifié le nombre d’enseignants sur l’autel de la révision générale des politiques publiques, sous le précédent gouvernement.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ensemble des membres de mon groupe votera ce projet de loi avec enthousiasme. Nous considérons qu’il apporte une réponse adaptée à une jeunesse en désespérance qui aspire à être reconnue comme adulte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous achevons aujourd’hui l’examen du projet de loi portant création des emplois d’avenir, par lequel nous avions ouvert la session extraordinaire du mois de septembre.
Nous savons que ce projet de loi n’est que le premier volet du renouveau des politiques de l’emploi engagé par le Gouvernement ; mais ce volet est essentiel et, sans doute, il était le plus urgent à mettre en œuvre. En effet, il s’adresse aux jeunes qui, sans formation et vivant dans les territoires les plus défavorisés, sont les plus malmenés dans notre société. Pour leur permettre d’accéder à des emplois durables, il fallait intervenir vite, de façon efficace et ciblée.
Les emplois d’avenir sont une réaction face au terrible constat du taux de chômage des jeunes. Dans les zones sensibles, 45 % d’entre eux sont en effet concernés. On l’a dit, mais il faut le répéter sans cesse.
Aujourd’hui, deux jeunes sur dix, soit 120 000 chaque année, sortent du système éducatif sans diplôme. Au travers de la formation, de la qualification et d’un véritable accompagnement, nous devons redonner de l’espoir à ces jeunes qui se sont perdus dans le système, qui sont découragés et dont la confiance a souvent été abîmée par l’échec. C’est maintenant que tout doit être fait pour que les jeunes d’aujourd’hui ne se trouvent pas, dans quelques années, définitivement prisonniers du chômage, de la précarité, des violences urbaines, ou dépendants d’une économie parallèle souvent illégale.
Par conséquent, nous sommes heureux qu’ait été présenté un texte spécifiquement consacré à ces jeunes qui cumulent les difficultés sociales. Il permettra à 150 000 jeunes sans qualification et sans emploi de se créer un projet de vie qui leur redonnera les perspectives d’avenir dont ils manquent actuellement cruellement. Les compétences acquises par ces jeunes par le biais de la formation devront être transposables chez d’autres employeurs.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, la question du public concerné, et plus précisément de son niveau de qualification, a fait débat entre nos deux chambres. Après une discussion en commission mixte paritaire, un accord a été finalement trouvé, laissant une ouverture encadrée aux « postbacs ». Ainsi, dans les zones fragiles, « les jeunes ayant engagé des études supérieures et confrontés à des difficultés particulières d’insertion professionnelle pourront être recrutés en emploi d’avenir, sur décision de l’autorité administrative compétente. ».
À cette exception près, dont on peut convenir qu’elle est pertinente dans certaines situations, ces emplois devront rester réservés aux jeunes en situation d’échec et non qualifiés. J’insiste bien sur ce point, car nous devrons contrôler que, par le biais de cette ouverture, des jeunes diplômés et capables d’apporter immédiatement une plus-value aux employeurs ne seront pas embauchés au titre d’emploi d’avenir. Nous comptons sur le Gouvernement pour donner les instructions nécessaires, sinon le dispositif serait détourné.
Les organismes habilités à autoriser les emplois d’avenir devront, à cet égard, être particulièrement vigilants. En effet, à défaut d’un contrôle adéquat, on risquerait de voir des jeunes diplômés, voire très diplômés, bénéficier du dispositif, d’autant qu’ils ne sont pas obligés de le déclarer et peuvent se prévaloir d’avoir engagé des études supérieures non achevées. De fait, cela exclurait dans le même mouvement la population initialement visée, déjà marginalisée par rapport au monde du travail.
Monsieur le ministre, vos propos de tout à l’heure me rassurent pleinement. La clause de revoyure qui a été introduite par le Sénat et qui impose un bilan au bout d’un an trouve ainsi toute sa justification.
À notre grande satisfaction contrairement à certains de nos collègues, l’ouverture des emplois d’avenir à certains emplois saisonniers, peu compatible avec l’esprit du texte, a été écartée par la commission mixte paritaire.
Monsieur le ministre, je regrette toutefois que, malgré les arguments présentés, les emplois d’avenir ne soient pas comptabilisés dans les effectifs de l’entreprise. Leur prise en compte aurait, à mes yeux, été une mesure de bon sens d’autant plus justifiée que ces salariés pourront rester jusqu’à trois ans dans l’entreprise en CDI. Marginalisés dans la société, ils sont, dès leur entrée dans l’entreprise, à nouveau mis en marge !
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, malgré cette remarque, nous voterons ce texte avec espoir et enthousiasme, et nous vous félicitons d’avoir pris l’initiative, dans cette politique volontariste, de vous intéresser tout prioritairement à ce public qui attend que notre société lui tende la main.
Nous attendons maintenant beaucoup des autres dispositifs qui seront mis en place en faveur de l’emploi et qui viendront compléter les emplois d’avenir : contrats génération, emplois francs. L’action du Gouvernement essentiellement en faveur de nos plus jeunes emporte donc, monsieur le ministre, notre adhésion totale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.
M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi sur les emplois d’avenir, dont l’urgence n’est pas contestable, est l’une des réponses au difficile contexte que nous connaissons, en particulier pour les jeunes, dont le taux de chômage frôle, globalement, les 25 %.
Lors de la discussion du projet de loi, les apports parlementaires ont été importants ; ils ont permis d’enrichir le texte initial et de l’améliorer.
L’emploi d’avenir, c’est d’abord une première expérience professionnelle, toujours attendue, toujours demandée. C’est aussi un contrat d’une durée de trois ans, soit le délai nécessaire pour que l’essai se transforme en une expérience indispensable pour entrer enfin dans la vie active. C’est aussi un temps de la formation professionnelle, un temps qui permet de voir si sa formation est suffisante, si des lacunes doivent être comblées.
Dans le dispositif des emplois d’avenir, l’article 2 crée les « emplois d’avenir professeur ». À la différence du dispositif général des emplois d’avenir destiné à des jeunes non ou peu qualifiés, les emplois d’avenir professeur s’adressent à des étudiants boursiers de l’enseignement supérieur, inscrits en licence 2, licence 3 ou mastère 1. La limite d’âge pour entrer dans le dispositif est de vingt-cinq ans et de trente ans pour les étudiants handicapés.
C’est un dispositif qui permet de répondre aux conséquences plus que négatives des politiques éducatives mises en œuvre par le Gouvernement précédent, avec ses diminutions de moyens, ses suppressions de postes et la réforme de la mastérisation, dont l’échec est patent.
En effet, la formation des enseignants est fragilisée par le rétrécissement du vivier de recrutement et par l’affaiblissement de la préparation à l’entrée dans le métier. En outre, l’allongement de la durée d’études requise pour se présenter aux concours pénalise les candidats originaires des milieux les plus défavorisés.
Les conséquences de la politique du précédent Gouvernement ont été désastreuses à tous les niveaux. On constate que l’attrait pour les métiers de l’enseignement et la qualité de la formation en ont souffert. Les étudiants issus des milieux les plus modestes se sont détournés de l’enseignement. En effet, les nombreux étudiants qui connaissent bien souvent des difficultés financières ne pouvaient plus suivre de longues formations.
Le dispositif d’emplois d’avenir professeur leur apportera une première solution. La rémunération ou la bourse qui complétera le dispositif offriront de nouvelles ressources financières à ces jeunes qui pourront alors passer les concours de l’enseignement.
Le contrat de travail de l’emploi d’avenir professeur constitue une forme particulière de contrat d’accompagnement dans l’emploi d’une durée déterminée de douze mois, renouvelable dans la limite de trente-six mois.
C’est un contrat à temps partiel dont la durée hebdomadaire doit être au moins inférieure à la moitié de la durée légale et, en tout état de cause, compatible avec la poursuite des études. Son bénéficiaire, dont la rémunération est cumulable avec les bourses de l’enseignement supérieur, s’engage à se présenter aux concours de l’enseignement du premier ou du second degré.
S’il réussit, il est mis fin de plein droit au contrat. En cas d’échec, une attestation d’expérience professionnelle est délivrée, ce qui est important pour la poursuite de la formation.
Le Gouvernement prévoit, à partir du 1er novembre 2012, la signature de 18 000 emplois d’avenir professeur sur trois ans, soit 6 000 par an. La rémunération cumulée avec les bourses de l’enseignement supérieur s’élèverait à 900 euros par mois en moyenne.
C’est une très bonne nouvelle pour les métiers de l’éducation si souvent dénigrés et mis à mal politiquement ces dernières années. Cela va notamment permettre une démocratisation de ces métiers.
Pour le métier d’enseignant comme pour beaucoup d’autres métiers, accompagner les jeunes dans leur emploi en les formant est primordial. Ce dispositif donne une formation professionnelle qui permet d’acquérir des bases pédagogiques que l’on ne peut se forger qu’en étant mis en situation dans les classes, devant les élèves.
La situation des jeunes face au marché de l’emploi est une urgence sociale. Il faut donc aujourd’hui signer les premiers contrats.
Nous vous remercions, messieurs les ministres. Sachez que vous aurez le soutien des sénateurs socialistes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Monsieur le président, même si j’ai le sentiment que mes réponses aux orateurs ne changeront pas forcément les intentions de vote des uns ou des autres, je souhaiterais, avant que nous n’entrions dans le vif du sujet, c'est-à-dire dans l’application du texte, revenir une dernière fois sur les deux ou trois sujets qui ont été évoqués dans les débats, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.
Le premier concerne le public que nous visons vraiment, c’est-à-dire les jeunes sans emploi, sans formation. Ils sont notre priorité, car nous voulons leur redonner une chance. Ils auront, sur l’ensemble du territoire français, la possibilité de bénéficier des emplois d’avenir. Aucune parcelle du territoire de la France, en métropole comme en outre-mer, ni aucun jeune ne sera, par principe, tenu à l’écart de ces dispositions.
Cela dit, les statistiques le montrent et nous l’avons tous constaté, la concentration dans certaines parties du territoire français de jeunes en très grande difficulté impose de fixer des priorités. La question ayant été posée par les uns et les autres, je répète qu’il ne s’agit nullement d’exclusivité et encore moins d’exclusion pour le reste du territoire. Il y aura des emplois d’avenir sur tout le territoire français, mais, bien évidemment, leur nombre sera plus important dans les quartiers où les jeunes en situation difficile sont les plus nombreux. C’est une question de bon sens et je suis sûr que vous en convenez.
Le deuxième sujet a fait débat entre le Sénat et l’Assemblée nationale, tous groupes confondus. Il est intéressant de constater que le Sénat a souhaité suivre la pensée du Gouvernement pour faire en sorte que soient concernés par les emplois d’avenir, non pas prioritairement, mais exclusivement les jeunes sans emploi et sans qualification. À l’Assemblée nationale, si tous les groupes étaient d’accord pour s’occuper de ces jeunes, ils étaient néanmoins préoccupés de ne pas interdire l’entrée dans le dispositif à ceux qui ont une certaine qualification, c’est-à-dire ceux qui ont passé le baccalauréat.
Lors de mon intervention liminaire, j’ai donné des éléments d’appréciation auxquels certains d’entre vous se sont référés. Je veux le redire ici, cela sera possible, mais – et là c’est exclusif ! – seulement dans certains territoires français qui sont, bien sûr, l’outre-mer, les zones urbaines sensibles et les zones de revitalisation rurale. Toutefois, même dans ces territoires – je vous l’avais très clairement dit ici – le robinet que le ministre et l’ensemble de son administration sous ses ordres voudront bien ouvrir sera extrêmement serré, si vous me permettez cette image.
Je rassure donc ceux qui, sur l’ensemble de ces travées, s’inquiétaient d’une ouverture trop grande compte tenu de ce que nous avons connu avec les emplois jeunes, et ce dans un contexte où les jeunes en situation de très grande précarité étaient beaucoup moins nombreux qu’aujourd’hui : les postes furent alors pourvus par ceux qu’il est plus facile d’employer, c’est-à-dire ceux qui disposent de qualifications. Le robinet sera donc, j’insiste sur ce point, extrêmement serré, même si la possibilité a été ouverte dans le cadre de ce compromis que vous avez cherché et trouvé en commission mixte paritaire.
Enfin, c’est le troisième sujet, lorsque nous aborderons la discussion de façon sonnante et trébuchante, c’est-à-dire lors de l’examen du budget pour 2013, vous constaterez qu’il n’est absolument pas question que les emplois d’avenir se substituent aux contrats aidés d’aujourd’hui. Le nombre de ces derniers sera maintenu l’année prochaine. Les 100 000 emplois d’avenir, je tenais à le redire à ceux qui avaient exprimé leur inquiétude à ce sujet, viendront en plus.
J’irai même plus loin : là où s’était installée la fâcheuse habitude de raccourcir la durée des contrats aidés, avec une moyenne de l’ordre de six mois, j’ai demandé – vous le constaterez dans le budget – que la moyenne de ces contrats soit toujours supérieure à neuf mois, ce qui signifie un allongement de leur durée. Chacun de vous est capable, même à cette heure-ci, de faire le calcul : pour le même nombre de contrats, sur une durée moyenne plus large, il faut mobiliser plus de moyens. Là encore, je vous rassure donc, les uns et les autres, les emplois d’avenir viendront en plus et l’équilibre ne sera pas atteint en diminuant le nombre des contrats aidés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les réponses que je souhaitais vous apporter à ce stade de la discussion. Je ne suis pas certain d’être parvenu à changer vos intentions de vote, mais si j’ai au moins réussi à les confirmer, ce sera déjà une bonne chose !