M. le président. La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse quant à la manière la plus adéquate de résorber le déficit qu’enregistre la commune de Saint-Laurent-du-Maroni.
Je me permets néanmoins d’insister sur les causes du déficit structurel de cette commune, causes qui tiennent pour l’essentiel à des processus relevant de compétences régaliennes : l’immigration clandestine facilitée par la position de ville frontalière de Saint-Laurent-du-Maroni, qui s’accompagne d’une très forte proportion d’enfants à scolariser avec les dépenses de fonctionnement y afférentes ; l’incapacité des services fiscaux à actualiser les bases fiscales communales, en dépit de progrès. S’agissant de ce dernier point, monsieur le ministre, ces progrès sont à porter au crédit des élus locaux – vous l’avez d’ailleurs reconnu – qui ont mis leurs propres agents à disposition des services fiscaux de l’État.
Ainsi, les pertes de recettes que connaissent les communes de Guyane sont très souvent dues au peu d’efforts que consent l’État pour exercer ses compétences régaliennes. De fait, ces communes ne disposent pas de moyens suffisants pour l’accomplissement de leurs missions de service public.
J’insiste une fois encore sur la revendication légitime des communes de Guyane quant à la restitution de la part d’octroi de mer qui leur est prélevée chaque année. Cela ne concerne que la Guyane, car les communes de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion perçoivent l’intégralité de cette ressource. C’est une perte nette de 27 millions d’euros pour les communes de Guyane, alors même qu’elles ont à mener des missions plus importantes que les autres communes d’outre-mer. Il serait temps que l’on réfléchisse à la rétrocession de ce prélèvement.
publication par les entreprises françaises de leurs comptes à chaque fin d'année auprès des greffes
M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, auteur de la question n° 71, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget.
M. Christophe Béchu. Monsieur le ministre, ma question porte sur l’obligation qui est faite aux entreprises françaises de déposer annuellement leurs comptes auprès des greffes en vue de leur publication.
La transparence a des vertus ; elle aurait sans doute évité, dans le passé, un certain nombre de scandales qui ont conduit à ce que l’opacité dans laquelle avaient été gérées certaines des entreprises ne soit révélée trop tardivement. On pense évidemment à Enron ou à d’autres cas similaires.
Par conséquent, on comprend bien l’intérêt de cette mesure et l’esprit qui a prévalu lors de l’inscription de son caractère obligatoire dans la loi.
Cette transparence permet de surcroît de rassurer les fournisseurs, les sous-traitants, et donc de concourir à la cohérence et au caractère vertueux de l’environnement économique global.
Mais, monsieur le ministre, on évolue en même temps dans un contexte de compétition. Et voilà un sujet sur lequel nous disposons peut-être de marges de progrès en termes de compétitivité, sans aucune conséquence sur le déficit de l’État, de la sécurité sociale ou sur quelque autre ligne budgétaire que ce soit. Aussi, je me plais donc à vous interpeller sur une question où c’est plutôt le soft power, le pouvoir d’influence, à tout le moins le processus de construction européenne, qui peut permettre de restaurer une certaine réciprocité.
La transparence est problématique si certaines entreprises étrangères ont accès à des données publiées par nos entreprises sans que, dans leur pays, ces sociétés concurrentes soient obligées de publier leurs comptes, donc de fournir les mêmes informations.
Vous me répondrez sans doute, monsieur le ministre, que des textes européens existent sur ce point. Mais ils font l’objet d’une grande disparité à la fois dans leurs modalités d’application et dans les sanctions en cas de non-respect de leurs dispositions.
Les délais varient de un mois à treize mois, selon les pays, pour déposer les documents, de même que varient les mécanismes de relance si les prescriptions ne sont pas respectées. Dans certains cas, seuls des tiers peuvent intervenir, comme en Finlande et en Allemagne ; dans d’autres, c’est à la puissance publique d’intervenir : en Belgique, il faut trois années consécutives de non-publication des comptes pour qu’une éventuelle relance soit possible.
Des disparités existent également, monsieur le ministre, dans les seuils des entreprises concernées : en Irlande, par exemple, les PME ne sont pas obligées de déposer leurs comptes alors que, dans d’autres pays comme l’Autriche, les règles concernant l’obligation de publication sont plus subtiles et dépendent de la législation du pays d’origine de la société-mère.
Enfin, les sanctions diffèrent d’un pays à l’autre : en France, des sanctions pénales sont possibles pour les entreprises qui ne respectent pas ces règles ; ailleurs, les amendes peuvent être extrêmement faibles et atteindre au maximum quelques dizaines d’euros.
Monsieur le ministre, ma question est simple : estimez-vous qu’il y ait là un problème et, si oui, pourriez-vous, avec le ministre chargé des affaires européennes, agir dans le sens d’une harmonisation permettant de rétablir des marges de compétitivité en faveur de nos entreprises et ne pas aller dans le sens de certaines entreprises qui demandent la fin de la publication, afin de restaurer la réciprocité.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Monsieur le sénateur, si elle n’est pas nouvelle, la question que vous soulevez n’en est pas moins d’importance. Des réflexions avaient été engagées sous le précédent gouvernement, dont aucune conséquence pratique n’avait été tirée. Sachez que l’intention du gouvernement de Jean-Marc Ayrault est de prendre position sur ce dossier dans un délai raisonnable, que je ne peux malheureusement pas vous indiquer précisément, dans le cadre de réflexions engagées pour améliorer la compétitivité des entreprises.
La question mérite en effet un examen approfondi. La publicité des comptes est un élément important de la vie des affaires, car il contribue à fluidifier les relations entre créanciers et investisseurs. C’est le moins qu’avant de contracter avec une entreprise ses interlocuteurs disposent d’un minimum d’informations sur sa situation. La disponibilité de ces informations est également un élément déterminant en termes d’efficacité de la lutte contre le blanchiment. Le dépôt des comptes est en outre un outil utile en matière de prévention des difficultés des entreprises.
Sur tous ces points, nous devrions pouvoir trouver un accord, car ce constat est partagé.
Ainsi, non seulement la publicité des comptes est ancienne dans notre droit, mais le droit de l’Union européenne l’a hissée au rang de principe dès 1968 pour les sociétés par actions simplifiées, les sociétés anonymes à responsabilité limitée mais aussi les sociétés en commandite par action. La directive en vigueur impose aux États membres de prévoir des sanctions appropriées en cas de défaut de publicité des documents comptables.
Là où le débat est possible, c’est autour du choix qui a été fait à l’échelon national d’aller au-delà des prescriptions de la directive et de généraliser l’obligation de publication à l’ensemble des sociétés par actions, sociétés anonymes à responsabilité limitée, sociétés en nom collectif dont tous les associés sont des SARL ou sociétés par actions, et ce alors même que le droit européen autorise les États membres à n’imposer aux entreprises se situant en deçà de deux seuils que la publication de documents allégés, voire à les exempter de publication.
Les entreprises individuelles, qui ne sont pas des sociétés, sont quant à elles hors du champ de la directive. Chez certains de nos partenaires, dont l’Allemagne, elles ne sont pas soumises à l’obligation de publicité des comptes. Des formalités allégées sont certes déjà prévues dans le droit français, mais elles ne s’appliquent qu’aux entreprises situées sous des seuils nettement inférieurs à ceux qui sont autorisés par la directive.
Ce débat a été récemment renouvelé par l’intervention d’une directive de simplification, qui concerne spécifiquement les micro-entités. Ce texte de mars 2012 autorise les États membres à prévoir des dérogations à certaines obligations de publicité comptable sous réserve de la combinaison de différents critères de taille de bilan, de chiffre d’affaires et de nombre de salariés. Les sociétés répondant à ces critères peuvent être exonérées de l’obligation de publication des comptes sous réserve qu’elles communiquent leur bilan à une autorité publique.
Reste qu’il faut bien mesurer ce qu’impliquerait l’éventuel allégement des obligations de publication ou des formalités comptables pour certaines entreprises au regard des enjeux de bon fonctionnement du marché ou de protection des intérêts publics, tels que je les évoquais en préalable.
Je relève en outre que, par elle-même, la suppression de l’obligation de publication ne constituerait pas une mesure de simplification si l’obligation de dépôt et la teneur des obligations comptables des entreprises concernées demeuraient inchangées. Cette suppression peut en revanche présenter de l’intérêt en termes de protection de certaines entreprises, pour autant qu’elle ne nuise pas aux exigences de la lutte contre la fraude.
On le voit, la voie est étroite. C’est bien à un traitement d’ensemble de la question, et par la concertation avec les organisations représentatives des entreprises, que le Gouvernement entend déterminer si notre droit et nos entreprises gagneront à une modification du droit en vigueur.
Vous le savez sans doute, deux parlementaires en mission ont été nommés par le Premier ministre pour réfléchir à l’avenir de l’épargne financière. Cette mission s’inscrit dans la réflexion sur l’amélioration de la compétitivité des entreprises, qui devrait, je l’espère, faire l’objet d’une saisine du Parlement en 2013. C’est dans le cadre de cette saisine, me semble-t-il, que ces problèmes pourraient être traités. Sous l’angle de la compétitivité, chacun doit convenir qu’aller au-delà des prescriptions communautaires revient, pour notre pays, à vouloir faire preuve d’une exemplarité qu’au fond rien ni personne ne commande réellement.
Je vous remercie, monsieur le sénateur, de m’avoir permis de m’exprimer sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu.
M. Christophe Béchu. Monsieur le ministre, dans la mesure où vous m’avez indiqué que vous souhaitiez à la fois examiner cette question et trouver des éléments de réponse, je n’en dirai pas plus. Ainsi, vous disposerez d’une minute trente supplémentaire pour effectuer votre mission. (Sourires.)
détournement des règles communautaires de détachement des travailleurs dans le secteur du bâtiment
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, auteur de la question n° 46, transmise à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
M. Francis Grignon. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage, mes chers collègues, ma question porte sur le détournement des règles communautaires de détachement des travailleurs dans le secteur du bâtiment. La main-d’œuvre dans le secteur du bâtiment a pris le chemin de la délocalisation, qui revêt différents aspects. Les grands chantiers font l’objet d’appels d’offres européens, et, lorsqu’il s’agit de marchés inférieurs au seuil des appels d’offres européens, ils sont régulièrement attribués à des entreprises européennes, notamment, en Alsace – d’où je viens –, à des entreprises de droit allemand.
Ces entreprises ne sont pas plus performantes que les nôtres et leurs salariés n’ont pas un rendement supérieur aux salariés des entreprises françaises. La différence s’explique par le taux horaire des salaires.
Le secteur économique du bâtiment et des travaux publics allemand emploie massivement de la main-d’œuvre provenant notamment de Pologne, de Hongrie, de Roumanie ou de Bulgarie. Les salaires proposés sont très bas : entre 3 et 7 euros de l’heure, contre 9 à 15 euros pour les ouvriers français, hors charges sociales. Cet écart de compétitivité de 3 à 5 euros de l’heure crée une distorsion de concurrence insupportable pour les entreprises françaises.
L’Allemagne continue à laisser les entreprises du secteur du BTP jouer sur la confusion entre les statuts de détachés et d’intérimaires pour payer leurs employés étrangers moins chers. La loi allemande transposant la législation communautaire n’impose pas aux entreprises d’offrir aux détachés des rémunérations équivalentes à celles de leurs propres salariés. Elle les contraint uniquement à traiter leurs intérimaires avec les mêmes égards que leurs propres employés. Ainsi, les entreprises allemandes disent utiliser des travailleurs détachés, alors qu’il s’agit bien d’intérim déguisé.
Ce phénomène se produit dans le BTP, mais aussi dans de nombreux autres secteurs, en particulier dans l’industrie, ainsi que dans des secteurs qui relèvent de l’agriculture, puisque, dans notre région, les maraichers souffrent énormément de cette distorsion de concurrence.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, j’aimerais connaître les mesures que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour garantir plus d’équité dans ce domaine.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Monsieur le sénateur, vous avez attiré l’attention du Gouvernement sur les conditions d’intervention en France, notamment dans les zones frontalières, d’entreprises établies dans un autre pays membre de l’Union européenne, et plus particulièrement de celles qui sont établies en Allemagne.
Ces dernières interviennent notamment en région Alsace dans le secteur du BTP, en s’affranchissant visiblement de certaines règles inhérentes au détachement de travailleurs.
Dans ce contexte, vous avez souhaité connaître les initiatives envisagées ou déjà prises afin d’apporter les solutions attendues et de mettre fin à ces pratiques de dumping social qui engendrent une concurrence déloyale.
La réponse que je vais vous donner au nom du Gouvernement devrait intéresser aussi le président de séance, lui-même élu d’un département frontalier. J’ai d’ailleurs le sentiment de devenir peu à peu le spécialiste des questions transfrontalières, si je me réfère à mon intervention de la semaine dernière… (Sourires.)
Je voudrais tout d’abord vous rappeler que le code du travail encadre strictement les conditions d’intervention en France des entreprises établies hors de France, conformément aux dispositions de la directive européenne du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services.
L’entreprise prestataire étrangère doit notamment intervenir en France de façon temporaire, en fonction de la durée nécessaire à la réalisation d’une mission définie au préalable, et à la condition d’être régulièrement établie dans son pays d’origine et d’y justifier d’une activité significative.
En ce qui concerne le droit du travail applicable, l’entreprise étrangère est tenue de respecter certaines règles françaises d’ordre public social en matière de conditions de travail et d’emploi, notamment la rémunération, la durée du travail, la santé et les règles de sécurité au travail.
C’est en matière de rémunération que les préoccupations sont les plus vives et les plus sensibles, vous l’avez souligné. Les employeurs établis hors de France sont cependant tenus, en droit, de se conformer aux barèmes de rémunération minimaux fixés par le code du travail ou par la convention collective étendue applicable si ses dispositions sont plus favorables aux salariés.
Par ailleurs – ce point est important –, les frais de transport, de logement et de nourriture occasionnés par le détachement des salariés en France ne doivent en aucun cas être déduits du salaire minimum de base des salariés par leur employeur.
Je précise ce point car, dans les faits, les contrôles ont permis de mettre en évidence des pratiques contraires aux règles applicables en matière de rémunération, certains employeurs n’hésitant pas à déduire des sommes considérables de la rémunération de base des salariés détachés au titre de la mise à disposition d’un logement, ce qui peut aboutir dans certains cas à porter leur rémunération mensuelle aux environs de 500 euros...
M. Roland Courteau. Tout à fait !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Conscient des enjeux liés au détournement des règles communautaires en matière de détachement, le Gouvernement a déjà engagé un certain nombre d’actions.
En premier lieu, dans le Plan national de coordination de la lutte contre la fraude, au titre de 2012, il a de nouveau retenu la lutte contre les détournements de la réglementation relative au détachement de salariés dans le cadre de prestations de services internationales comme l’un des axes prioritaires du volet relatif au Plan national de lutte contre le travail illégal, tandis que le secteur du BTP que vous avez cité figure dans la liste des cinq secteurs d’activité prioritaires.
Les services de contrôle interviennent donc activement pour s’assurer du respect des règles dans le secteur du BTP. Ainsi, les contrôles ont augmenté de 17 % en 2010, pour s’établir à 30 606. En 2010, l’enquête recense près de 10 900 entreprises en situation d’infraction liée au travail dissimulé, dont 4 500 pour le secteur du BTP, soit un taux d’infraction voisin de 15 %, en hausse de deux points par rapport à l’année précédente. De plus, 1 688 entreprises étrangères ont été contrôlées, soit près de 2,5 % de l’ensemble des sociétés contrôlées.
En second lieu, plusieurs initiatives ont été engagées avec les partenaires sociaux dans le cadre du protocole sur la prévention du travail illégal et les bonnes pratiques de la sous-traitance dans le BTP, qui a été conclu le 25 octobre 2005 entre le ministère du travail, le ministère de l’équipement et plusieurs organisations professionnelles.
Le Gouvernement sera attentif à ce que la mobilisation des services soit encore renforcée dans les mois à venir, dans ses aspects tant préventifs que répressifs. Sur ces deux aspects, je compte sur l’ensemble des parlementaires pour accompagner le travail des inspecteurs du travail, missions difficiles qui sont conduites par les agents de l’État.
Le Gouvernement a ainsi décidé, dans le cadre de la feuille de route adoptée à la suite de la grande conférence sociale des 9 et 10 juillet dernier, de réunir, dès l’automne 2012, la Commission nationale de lutte contre le travail illégal, qui dressera le bilan des actions déjà engagées par les services de l’État et les organismes de recouvrement des cotisations sociales.
Cette commission aura pour objectif de fixer les axes prioritaires du plan national d’action pour les années à venir.
Enfin, dans le cadre des négociations de la proposition de directive visant à renforcer l’effectivité de la mise en œuvre de la directive de 1996, le Gouvernement est extrêmement attentif à sensibiliser l’ensemble de nos partenaires européens à la nécessité de coopérer loyalement pour y parvenir et de mettre en place des mécanismes permettant de lutter efficacement contre les fraudes et les abus que vous avez dénoncés.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. Monsieur le ministre, vous êtes l’un des spécialistes des questions transfrontalières, et nous comptons sur vous.
La parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon. Je voudrais tout d’abord remercier M. le ministre de s’être déplacé pour répondre à cette question. Pour avoir beaucoup apprécié ses compétences au sein de la commission de l’économie voilà encore quelques mois, je sais qu’il est un orfèvre en la matière.
M. Roland Courteau. Ah oui !
M. Francis Grignon. Cela étant, j’ai évoqué deux problèmes distincts, dont celui des maraîchers qui, j’en conviens, ne relève pas directement de cette question.
Certes, le Parlement français n’est pas habilité à modifier la législation allemande ! Mais il n’empêche que ce problème est très préoccupant pour notre économie locale et, certainement, pour l’ensemble des économies transfrontalières – que ce soit le long des frontières franco-espagnoles ou franco-allemandes.
Pour ce qui concerne le secteur du bâtiment stricto sensu, je confirme les propos que vous avez développés : vous le savez, il y a quelques années, j’ai rédigé un rapport consacré à la problématique du « plombier polonais ». Tout le monde se souvient de la directive Bolkestein,…
M. Roland Courteau. Oh oui !
M. Francis Grignon. … qui, à l’époque, avait suscité un réel émoi.
Monsieur le ministre, je suis d’accord avec vous : ce problème est de l’ordre du contrôle. Il faut aller le plus loin possible dans cette direction, pour qu’il ne soit plus permis de faire n’importe quoi.
violences faites aux femmes
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 137, adressée à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.
M. Roland Courteau. Madame la ministre, je me réjouis tout particulièrement que vous ayez tenu à répondre vous-même à quelques-unes de mes interrogations, sur un sujet ô combien préoccupant. Je veux parler, évidemment, des violences faites aux femmes, ou encore des violences au sein des couples, et des incidences de ces dernières sur les enfants : il s’agit d’un phénomène trop longtemps minimisé, trop longtemps occulté, trop longtemps considéré comme tabou, et qui est pourtant d’une ampleur considérable.
À ce propos, la mise en place d’un observatoire national consacré à ces enjeux serait particulièrement utile, contrairement à ce qu’affirmaient vos prédécesseurs.
Cela étant, une part du chemin a indéniablement été parcourue quant à la lutte contre ce fléau, grâce aux initiatives parlementaires qui ont abouti aux lois du 4 avril 2006 et du 9 juillet 2010 instaurant non seulement des sanctions à l’encontre des auteurs de violences, mais aussi des mesures de protection pour les victimes, et surtout des dispositifs de prévention.
De fait, face à ces atteintes portées à la dignité et aux droits fondamentaux de la personne humaine, il était impératif de sanctionner les auteurs de violences et de protéger leurs victimes.
Toutefois, notre objectif, qui, je le sais, est également le vôtre, madame la ministre, c’est d’endiguer ce fléau. Or, plus on informera, plus on sensibilisera, plus on alertera, plus vite les violences faites aux femmes diminueront. C’est la raison pour laquelle, lors de l’examen de la loi de 2010, le Sénat a adopté un amendement tendant à instituer une journée nationale de sensibilisation aux violences faites aux femmes, fixée au 25 novembre de chaque année.
Toutefois, j’ignore pourquoi – les précédents gouvernements l’ont voulu ainsi – les journées du 25 novembre 2010 et du 25 novembre 2011 n’ont pas été des plus marquantes. De facto, lors de ces journées nationales, les Français n’ont pas ressenti un souffle fort de sensibilisation à ce fléau.
Il n’est pas moins hautement nécessaire que nous nous attachions à mettre en œuvre et à soutenir, chaque année, des initiatives susceptibles de donner à cette journée un relief particulier et donc un maximum d’impact.
Madame la ministre, est-ce là votre intention ?
Par ailleurs, si nous souhaitons avoir quelques chances d’éradiquer ce fléau, à moyen terme ou à court terme, il faut faire évoluer les mentalités et, partant, agir très en amont, c’est-à-dire à l’école, au collège et au lycée. Je devrais même dire dès le plus jeune âge, car, dès les premières années de son existence, l’enfant est enfermé dans des représentations très stéréotypées de sa place et de son rôle dans la société.
Pour ma part, je reste persuadé que l’une des dynamiques à exploiter le plus en profondeur réside dans ce travail d’éducation visant à promouvoir le respect mutuel entre les garçons et les filles, l’égalité entre les sexes, le respect des différences et la lutte contre les préjugés sexistes. Tel était également l’objet de l’amendement adopté par le Sénat, en 2010, devenu l’article 23 du texte de loi entré en vigueur.
Pourtant, durant les deux années scolaires qui ont suivi l’adoption de ces dispositions par le Parlement, aucun chef d’établissement scolaire n’a reçu d’instructions visant à instaurer ces séances d’information à destination des élèves, et encore moins à préciser leur contenu pédagogique. (Mme la ministre acquiesce.)
Madame la ministre, ma question est simple : sur ce point, comme sur bien d’autres, entendez-vous prendre toutes les initiatives permettant de donner force et vigueur à cet indispensable volet de prévention ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je tiens tout d’abord à vous dire combien je suis heureuse de m’adresser à vous, aujourd’hui, sur ce sujet : je sais que la question des violences faites aux femmes vous tient à cœur, je connais votre mobilisation sur ce dossier, au sein de la délégation aux droits des femmes et, plus largement, au sein de la Haute Assemblée.
Dès mon entrée au ministère, j’ai tenu à m’emparer de la question des violences faites aux femmes, car je considère qu’elle figure au cœur des politiques d’égalité que le Gouvernement entreprend de mener. Vous le savez, ces violences, ces crimes entachent encore trop souvent notre conception républicaine de l’égalité.
Dès le mois de juillet dernier, à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif au harcèlement sexuel, nous avons eu l’occasion de rappeler, dans cet hémicycle, la nécessité absolue de se doter d’un Observatoire national des violences faites aux femmes. (M. Roland Courteau acquiesce.) Je m’étais engagée sur cette disposition : celle-ci procède d’une volonté politique claire, que je rappelle aujourd’hui.
Pourquoi est-il nécessaire de créer un tel observatoire ? De fait, aujourd’hui, si on dénombre chaque année environ 17 000 condamnations pour violences conjugales en France, les chiffres cachent une réalité plus dramatique encore : seul un dixième de ces violences font l’objet d’un dépôt de plainte. Pis, un grand nombre de plaintes n’aboutissent jamais.
M. Roland Courteau. C’est la triste vérité !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Il est donc indispensable d’améliorer notre connaissance du sujet via la création d’un observatoire dédié à ces violences, que l’on pourrait qualifier de violences de genre : ces dernières sont spécifiques, car elles sont fondées sur des représentations sexuées et inégalitaires du monde, solidement ancrées dans les mentalités.
Je le précise de nouveau, je tiens à ce que cet observatoire soit en mesure non seulement de mener des études et des enquêtes, mais aussi d’évaluer les travaux menés au sein des territoires. Ces expérimentations ont été aussi nombreuses qu’intéressantes et, quand elles ont fait leurs preuves, comme c’est le cas du dispositif du téléphone de grande urgence, nous veillerons à les généraliser au niveau national. En effet, rien n’est plus insupportable que les inégalités territoriales dans l’accès aux services publics, nées des différences de volontarisme politique entre tel et tel territoire, tel et tel département.