M. Philippe Bas. Un autre effet d’éviction pourrait d’ailleurs toucher de nombreux demandeurs d’emploi qui n’ont pas forcément accès aujourd’hui à des emplois aidés. Vous connaissez aussi bien que moi les difficultés financières des collectivités territoriales, des hôpitaux, des établissements médicosociaux, comme d’ailleurs des associations d’aide à domicile. Certains ne trouveront d’ailleurs même pas dans leur budget les moyens de payer les 25 % restant à leur charge dans la rémunération des jeunes.
N’ayez pas la naïveté de penser que, dans la situation actuelle, les institutions publiques à but non lucratif n’auront pas la tentation très forte de ne recruter les jeunes sans qualification – nous voulons tous les aider – qu’en les substituant à d’autres recrutements. Je ne trouve pas dans votre texte de garantie suffisante pour prévenir ce risque, que Force ouvrière a très justement pointé.
Voilà, messieurs les ministres, ce que je tenais à vous dire. Nous aurions aimé voir le Gouvernement innover réellement. Nous constatons qu’il fait du neuf avec du vieux. (M. Gisèle Printz s’exclame.) Et le projet de loi s’est réduit comme une peau de chagrin.
Les emplois-jeunes version 2012 ne sont pas à la hauteur des attentes que vous avez suscitées. Vous devez le réaliser, les demi-mesures déçoivent les Français qui vous ont fait confiance et confirment les autres dans leur scepticisme. Ne croyez pas en être quittes avec l’augmentation de dix-huit centimes de l’heure des travailleurs payés au SMIC ou avec la baisse temporaire du prix de l’essence de trois ou quatre centimes.
Nous comprenons bien sûr aussi le bénéfice immédiat dont pourront tirer de l’ouverture de ces emplois dédiés les jeunes sans qualification et l’espoir qu’ils peuvent susciter chez eux. Pour autant, nous ne sommes pas dupes des faiblesses, des lacunes et des imprécisions du dispositif. (Mme Christiane Demontès s’exclame.)
J’attends donc de ce débat qu’il lève les ambiguïtés de votre projet de loi, qu’il permette de l’amender utilement et qu’il apporte des réponses claires aux nombreuses questions que nous vous posons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.
M. Jean-Étienne Antoinette. Quinze ans ! Fallait-il attendre quinze ans après le lancement des emplois jeunes, qui avaient pourtant fait leur preuve comme tremplin ou comme sas d’insertion, pour retrouver un dispositif aussi sérieux de mise à l’emploi durable de notre jeunesse en péril ?
Sans doute fut-ce le temps nécessaire à l’alternance... Hélas ! Les générations ont pendant ce temps été sacrifiées.
Face aux difficultés d’insertion et d’accès à l’emploi d’une part croissante de la jeunesse – environ 60 % des jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans dans les outre-mer sont au chômage –, aucun dispositif de soutien n’avait été aussi loin depuis les emplois-jeunes.
Entre-temps, les dispositifs tels que les CAE ou les CUI n’ont guère laissé d’autres perspectives que celle des petits boulots et des emplois précaires, spirale infernale d’autant plus marquée par le durcissement des critères d’éligibilité et l’exclusion de fait des publics les plus prioritaires.
Les difficultés d’accès à l’emploi, nous les connaissons. Bien sûr, la crise économique ne nous est pas étrangère, mais arrive au premier plan le faible niveau de qualification.
Les chiffres en outre-mer sont encore plus catastrophiques que ceux de l’Hexagone.
À la sortie du système éducatif en outre-mer, le taux des sans diplôme varie de 36 % pour la Martinique à 58 % pour la Guyane. Il faut donc saluer le projet de loi. C’est une mobilisation urgente et massive du Gouvernement en faveur d’un tel public.
Le texte restaure les notions de valeur du travail, d’effort, de dignité et de progrès associées au travail et combat auprès des jeunes cette « culture » du non-travail, d’argent facile, de débrouillardise. Il crée une dynamique d’insertion et d’utilité économique, sociale et psychologique : produire, se former, découvrir le monde du travail, respecter les horaires.
Il convient aussi de souligner dans ce projet de loi la durée de l’aide, trois ans, qui donne au jeune le temps de la construction d’un projet ou d’un parcours, ainsi que l’obligation de formation faite aux employeurs et, enfin, dans ce contexte de crise économique, la priorité donnée aux jeunes les plus en difficulté et aux territoires les plus touchés par le chômage et les problématiques d’insertion.
Je souhaiterais ici insister sur les valeurs ajoutées, à conforter, de ce projet de loi, mais également alerter sur les limites d’un dispositif qui, s’il devait rester isolé, se révélerait bien insuffisant, notamment pour relever les graves défis posés dans certains territoires sinistrés, tels que les zones urbaines sensibles, certaines zones rurales et les outre-mer.
Des points essentiels en particulier doivent être soulignés et confortés.
En tout premier lieu, je voudrais mentionner l’absence de référence à un zonage dans l’application du dispositif aux régions et collectivités d’outre-mer. Il s’agit là d’une marque de lucidité, de reconnaissance d’un principe de réalité trop souvent mis à mal, qui préserve en amont d’adaptations anachroniques les territoires ayant fait le choix de l’identité législative.
De même, il convient de souligner la création des emplois d’avenir professeur, innovation qui restaure, dans le cadre de la réforme de la mastérisation, la possibilité d’une diversité des origines sociales dans l’accès aux fonctions d’enseignement, fierté de la République des écoles.
Cela doit permettre non seulement d’accroître localement les chances de combler le déficit d’enseignants, le cas échéant, mais également de donner aux plus modestes l’accompagnement financier nécessaire pour relancer l’ascenseur social, la mobilité et la mixité, à l’endroit où la République doit assurer ses missions d’intégration dès le plus jeune âge.
Et j’insiste vraiment sur ce point, car les emplois d’avenir professeur pourraient apporter une réponse intéressante non seulement à la problématique de la vocation des jeunes pour les métiers de l’enseignement, mais aussi à celle du recrutement des enseignants dans certains territoires.
Plus concrètement, en outre-mer, et notamment en Guyane ou encore à Mayotte, la mobilité des enseignants venant de métropole a un coût élevé pour l’État, non seulement un coût financier, mais aussi un coût social et éducatif, celui de l’adaptation, celui du choc des cultures, celui des barrières linguistiques.
Imaginons déjà toute une génération de jeunes étudiants, qui, grâce aux emplois de professeur, n’abandonnerait plus sa formation initiale au niveau bac plus deux, faute de moyens financiers et de débouchés, mais serait à même de la poursuivre jusqu’au master et de renouveler ainsi la capacité du territoire à produire ses éducateurs et ses cadres, afin d’assurer aux jeunes générations la transmission des savoirs et des perspectives concrètes d’avenir dans la société.
L’expérience d’ailleurs mériterait d’être tentée pour d’autres métiers, comme les filières paramédicales. Par exemple, pour la Guyane, on sait que le taux de couverture par les professionnels de santé est particulièrement insuffisant.
Enfin, je tiens à noter dans le dispositif général l’intégration pour les outre-mer des bacheliers en rupture de formation supérieure et autres jeunes ayant atteint le niveau IV de qualification, mais ne l’ayant pas dépassé. Sont ainsi prises en compte l’insuffisance des capacités d’accueil ou tout simplement l’absence de structures alternatives, relevant par exemple de la formation continue. La mesure est décisive pour une catégorie de jeunes risquant de demeurer « orpheline » de tout dispositif d’insertion sociale et professionnelle.
Il reste toutefois important de contribuer à identifier ce qui pourrait apparaître comme les limites les plus criantes du dispositif. Les limites que je voudrais souligner ne font pourtant qu’appeler à la poursuite et à l’amélioration de la démarche, qui devrait s’adosser à deux vecteurs de réussite insuffisamment garantis à ce jour.
Premier vecteur, la formation du jeune au-delà de l’emploi obtenu. Une telle obligation pour l’employeur est renvoyée par la loi aux instances qui gèrent la formation aujourd’hui, c’est-à-dire Pôle emploi, la mission locale et la région, instances qui n’ont pas partout la même efficacité, en raison de niveaux différents de structuration et parce qu’elles ne bénéficient pas du même environnement économique.
Second vecteur, le tissu économique capable d’accueillir le jeune. Quelle formation pour quel métier ? Quel débouché après trois ans d’emplois d’avenir ? Un dispositif porté essentiellement par le monde associatif et dont le potentiel économique reste émergent pourra-t-il pérenniser les emplois créés ?
En fait, ce qui manque, c’est le travail de structuration de filières et de groupements d’intérêt, dont la formidable évolution du monde associatif, que j’évoquais à l’instant et qui s’adapte en fait à nos fortes mutations sociales et comportementales, plaçant chaque jour davantage l’aide à la personne, le loisir, le sport et la culture au cœur de l’activité marchande.
De même, il convient de reconnaître certains métiers dont l’utilité sociale est avérée, mais dont le statut n’est pas précisé, et de conforter des niches d’activités pouvant à terme se financer sans subvention dès lors que l’offre répond à une demande, donc à un marché...
Outre son effet mécanique sur l’emploi durant une période déterminée, le dispositif des emplois d’avenir peut être un véritable outil de développement territorial, sous trois conditions : d’abord, ces emplois doivent produire les qualifications dont les territoires ont réellement besoin ; ensuite, les besoins doivent à terme intégrer le marché ; enfin, le marché doit être supporté par un tissu économique lui-même consolidé. En d’autres termes, au-delà de tels instruments pour l’emploi, nous devons désormais nous mobiliser pour mettre en place les conditions économiques de nos territoires. Ce travail reste à faire dans certains territoires, ceux-là même qui sont visés par le texte. Le législateur peut y contribuer.
Votons donc ce texte, mais soyons conscients de devoir élargir le champ de nos travaux, s’agissant des politiques publiques de l’emploi. Votons ce texte afin de donner des perspectives à notre jeunesse en proie à tous les maux, à toutes les difficultés, à toutes les formes de délinquance, à la marginalisation et à la pauvreté. Par le biais des emplois d’avenir, donnons-leur de l’espoir. Il y va de notre responsabilité politique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous débattons d’un projet de loi sur lequel nous avons de vrais clivages politiques, des clivages « normaux ». Néanmoins, soyons attentifs à garder un peu de mesure dans nos propos, car nos discussions renvoient non à des chiffres ou des éléments techniques, mais à des réalités humaines, comme cela a été rappelé par les différents orateurs.
Aussi, le texte qui nous est soumis est bien un projet d’intérêt général, et nous aurions aimé qu’il soit un peu moins bâclé en commission.
Sur le fond, le projet de loi repose sur deux constats que, paradoxalement, nous partageons.
Premier constat, porté par la droite ces derniers mois, il existe un problème de coût du travail, tout particulièrement pour les jeunes non qualifiés.
Deuxième constat que nous partageons, il est préférable que ces jeunes aient une activité au lieu de rester au chômage ou dans l’inactivité.
Si nous partageons ces constats, nous devrions pouvoir nous entendre, notamment pour trouver des réponses structurelles. Je ne reviendrai pas sur les problèmes de financement de votre politique, puisqu’ils ont déjà été évoqués, ni sur l’ambition de ce texte par rapport au nombre de jeunes aujourd’hui sans activité, sujet abordé par mon collègue Philippe Bas.
Je voudrais surtout revenir sur les principes que vous portez.
Nous pourrions voter ce texte sous deux conditions : la première est que tout soit réellement tenté pour ces jeunes ; la seconde est que ce projet de loi soit ciblé sur les jeunes les plus concernés par le risque de relégation sociale.
Première condition, la plus importante, est de tout tenter pour les jeunes. Cela signifie ne pas exclure d’emblée le secteur marchand. Nous sommes intervenus à de nombreuses reprises sur ce point important.
J’ai entendu quelques-unes de vos déclarations, monsieur le ministre. Vous considérez qu’un jeune retrouve plus facilement sa dignité en travaillant dans le secteur public. Je vous invite à plus de considération pour les entreprises et les entrepreneurs, qui créent 80 % des emplois. Il faut éviter d’opposer les entreprises à la société ou à l’intérêt général.
Vous affirmez que l’ouverture d’un tel dispositif aux entreprises créerait des effets d’aubaine. Ayant été à la tête d’établissements publics, je ne suis pas certaine que ce ne sera pas également le cas dans le secteur public, notamment dans les établissements publics à caractère industriel et commercial, les EPIC. Au passage, vous avez réussi à créer quelque chose que même la droite n’aurait pas osé porter : des CDD de trois ans dans la fonction publique !
Mme Chantal Jouanno. Rassurez-vous, monsieur le ministre, vous aurez le temps de répondre tout à l’heure !
Mme Chantal Jouanno. Très concrètement, si vous vouliez vraiment « tout tenter » pour ces jeunes, pourquoi ne pas avoir combiné ce dispositif avec l’apprentissage, qui, lui, offre un emploi durable dans huit cas sur dix ?
Pourquoi ne pas avoir ouvert ce dispositif de manière très encadrée sur des secteurs ciblés qui connaissent aujourd’hui des difficultés de recrutement tels que les métiers de bouche, l’hôtellerie ou l’environnement, comme l’a évoqué à juste titre M. Godefroy ? D’ailleurs, c’est presque une erreur de dire encore aujourd’hui que le secteur de l’environnement n’entre pas dans une logique marchande. Cela signifierait que celui-ci reste toujours en marge des secteurs productifs et de la croissance.
De plus, pourquoi ne pas avoir associé les représentants des entreprises pour identifier les secteurs porteurs d’emploi et les formations d’avenir, comme le préconisait en 2000 notre collègue Alain Gournac dans un rapport d’information sur le bilan des emplois-jeunes ?
Deuxième condition, nous voulons que ce texte soit beaucoup plus ciblé sur la prévention de la relégation sociale.
Comme je vous l’indiquais, nous partageons le constat que l’activité est toujours préférable à l’inactivité ou à l’assistanat. Dans ces conditions, il faudrait cibler non seulement les jeunes sans formation, mais aussi, et d’abord, ceux qui sont éloignés de toute activité depuis plus d’un an, comme l’a dit Philippe Bas. À ce propos, le dispositif combine une logique territoriale et une logique sociale, et je ne suis pas certaine que cela puisse fonctionner.
Par conséquent, il faudrait donner la priorité non pas aux jeunes issus de certains territoires, mais aux jeunes qui sont dans l’inactivité depuis plus d’un an.
Autre proposition : puisque vous avez légalement ouvert ce dispositif aux entreprises d’insertion, pourquoi leur fermer les financements ? Pourquoi le CDD d’insertion n’est-il pas une forme du contrat d’avenir ? Ces structures ont une réelle expérience pour repérer les jeunes qui en ont le plus besoin et pour les accompagner dans une réinsertion non seulement professionnelle, mais aussi sociale. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Ne croyez-vous pas que ces entreprises ont plus d’expérience que les EPIC pour accompagner ces jeunes ? Donnez-leur les moyens d’ouvrir complètement leurs portes aux jeunes !
Mme Chantal Jouanno. Comme je vous le disais, le CDD d’insertion pourrait devenir une forme du contrat d’avenir.
M. Ronan Kerdraon. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?
Mme Chantal Jouanno. Vous êtes là pour améliorer les choses, alors profitez-en ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
M. Ronan Kerdraon. Par rapport à ce que vous avez fait ?
Mme Chantal Jouanno. Je n’ose croire que vous faites montre de suspicion envers ces entreprises du seul fait de leur appartenance au secteur marchand. (Mêmes mouvements.)
Je ne suis pas sûre que les ricanements soient de circonstance face à la réalité humaine dont nous parlons.
Mme Christiane Demontès. Nous connaissons parfaitement la réalité !
M. Ronan Kerdraon. Dix ans d’inaction !
Mme Chantal Jouanno. Simplement, ne fermez pas la porte, surtout au Sénat.
Nous vous demandons d’aller beaucoup plus loin dans la réflexion et d’effectuer un réel travail structurel sur les raisons d’un tel échec. Je veux juste rassurer M. Kerdraon : les difficultés n’ont pas commencé en 2007 et – M. Desessard l’a très bien rappelé tout à l’heure – ne concernent pas seulement la France.
Au lieu de s’opposer les uns aux autres, il vaudrait mieux travailler ensemble ; ce serait sans doute plus utile pour les jeunes auxquels nous parlons. (Mme Christiane Demontès s’exclame.)
Pour terminer, messieurs les ministres, permettez-moi de regretter que nous soyons si peu nombreux pour discuter de cette question ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Jean-François Husson applaudit également.)
Mme Christiane Demontès. Vous n’êtes effectivement pas très nombreux !
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.
M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les dix années qui viennent de s’écouler ont plongé l’éducation nationale dans une double crise.
Crise de fonctionnement tout d’abord : avec la suppression de 80 000 postes en cinq ans, avec une telle privation de moyens humains, notre école, l’école de la République, à laquelle nous sommes tous très attachés, n’a plus véritablement les moyens de remplir ses missions d’éducation et d’instruction.
Crise de vocation ensuite : pour la première fois, le nombre de candidats pour le métier d’enseignant a considérablement diminué, et, lors de la session 2012 de recrutements, tous les postes offerts n’ont pas été pourvus.
Face à la crise de fonctionnement de notre école, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a apporté une première réponse, avec les nouveaux moyens mis en place dans le cadre du collectif budgétaire du mois de juillet 2012. Je le rappelle, 1 000 postes ont été créés à l’école primaire, 280 postes redéployés dans le secondaire, 1 000 nouveaux conseillers d’éducation ont été recrutés et 2 000 postes d’assistants d’éducation ont été créés. Les 12 000 contrats aidés qui arrivaient à échéance ont été reconduits et 500 nouveaux postes d’assistants chargés de prévention et de sécurité ont été mis en place.
Nous pouvons désormais avoir pour objectifs la reconquête de 60 000 postes d’enseignants supprimés et le remplacement de tous les départs à la retraite.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jacques-Bernard Magner. Nous sommes maintenant dans un nouveau contexte. Le classement de l’éducation nationale en ministère prioritaire par la volonté du Président de la République, François Hollande, et du gouvernement de Jean-Marc Ayrault va redonner à l’école les moyens qu’elle mérite. Les métiers de l’éducation vont redevenir accessibles à ceux qui en ont la vocation. Nous leur donnerons enfin un accompagnement pédagogique et financier pour accéder aux concours ouvrant la voie à ces métiers, alors qu’ils n’osaient même pas l’envisager auparavant.
Je veux rendre hommage au Gouvernement et au ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, d’avoir su, dans le cadre global des emplois d’avenir, ouvrir cette nouvelle voie pour alimenter dès maintenant les filières de recrutement des enseignants qui devront enseigner dans quelques années.
C’est une preuve de la volonté de la majorité présidentielle d’aller vite pour tenir ses engagements sur l’augmentation du nombre d’enseignants. En effet, il ne servirait à rien d’ouvrir des postes au concours si le nombre de candidats restait aussi faible que ce que nous pouvions malheureusement constater ces dernières années.
La réduction du nombre de postes mis au concours par le précédent gouvernement et la mastérisation, aux conséquences sociales catastrophiques – je pense en particulier aux conditions déplorables d’entrée dans le métier qui en résultent –, ont conduit à une diminution de moitié du nombre d’inscrits aux concours de professeurs des écoles entre 2008 et 2012 et à une baisse de 40 % d’inscrits au certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré, le CAPES, sur la même période.
M. Ronan Kerdraon. Triste bilan !
M. Jacques-Bernard Magner. On voit bien que la réforme de la mastérisation, en application de laquelle les enseignants sont recrutés parmi les titulaires d’un master, a abouti à la réduction du nombre de candidats dans certaines matières et à l’éviction des jeunes des catégories sociales les plus modestes. Les étudiants boursiers, qui sont 44 % en licence, ne sont plus que 33 % en master alors que leurs résultats sont bons.
Il faut donc nous soucier des effets désastreux de la mastérisation sur le vivier des candidats issus de milieux modestes, pour lesquels on compte moitié moins d’étudiants en master qu’en licence.
Par ailleurs, et les statistiques le montrent, les enfants de cadres réussissent trois à quatre fois plus fréquemment que les enfants d’employés ou d’ouvriers les études longues à l’université. On ne peut pas continuer à accepter un tel décalage entre la réalité de notre société, sa diversité, qui en fait sa richesse, et la composition sociologique du corps professoral, qui est chargé de son enseignement, de son éducation et de ses formations.
Du reste, même sous le précédent quinquennat, des rapports préconisant l’adoption de mesures en faveur d’un recrutement diversifié des enseignants ont été publiés, à commencer par celui de la commission sur la condition enseignante, installée par Xavier Darcos, rapport qui préconisait la création d’instituts de préparation à l’enseignement secondaire, ou IPES, pour les jeunes issus de catégories sociales défavorisées. Dommage qu’on en soit resté aux constats et aux déclarations d’intention !
Mes chers collègues, le métier d’enseignant a longtemps porté la marque du pacte républicain entre l’école et la nation. Il est grand temps de créer les conditions d’un contrat moral refondé, lien essentiel entre la République et sa jeunesse.
Face à une telle situation, le Gouvernement a décidé d’agir rapidement, conformément au mandat qui lui a été confié.
Comme je l’ai rappelé, plusieurs mesures ont déjà été adoptées dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2012 que nous avons voté au mois de juillet dernier. C’était une première étape nécessaire. Aujourd’hui, nous travaillons à la mise en place d’une autre avancée importante, la création des emplois d’avenir professeur prévus par l’article 2 du présent projet de loi. Ces emplois constituent l’un des piliers de la refondation de l’école publique, chantier qui passe également par la redynamisation du recrutement dans l’enseignement.
Nous pouvons nous réjouir que le Gouvernement ait fait le choix de consacrer une part importante des emplois d’avenir, 18 000 sur un total de 150 000, au pré-recrutement des enseignants, permettant ainsi de préserver le rôle de promotion sociale et républicaine des concours de l’enseignement.
Les emplois d’avenir professeur permettront d’accompagner dans leur formation des jeunes issus des zones urbaines sensibles souhaitant se consacrer au métier d’enseignant. Ils permettront également de prévenir le risque d’éviction des étudiants modestes des concours de l’enseignement.
Ainsi, l’année prochaine, pour 6 000 jeunes auxquels il faut offrir un avenir, l’enseignement sera une solution.
Notre rapporteur a très bien présenté le dispositif emplois d’avenir professeur, ciblé et rigoureusement encadré, qui nous est proposé. La mesure bénéficiera aux étudiants boursiers âgés de moins de vingt-cinq ans – la limite d’âge est repoussée à trente ans pour des jeunes en situation de handicap – et s’adressera en priorité aux jeunes issus des zones urbaines sensibles, des zones d’éducation prioritaires ou ayant poursuivi leurs études dans les établissements des quartiers concernés. On peut se féliciter que les zones de revitalisation rurale soient également prises en compte par le dispositif.
Ces jeunes devront s’engager à parfaire leur formation dans un établissement d’enseignement supérieur et à se présenter à l’un des concours de recrutement des corps d’enseignants de l’éducation nationale.
D’une part, la durée de trois ans prévue pour le contrat est importante, car elle constitue un temps d’accompagnement suffisamment long pour inciter les jeunes des milieux modestes à concrétiser leur vocation. C’est là une véritable différence avec les bourses de mastérisation que le précédent gouvernement avait mises en place et qui étaient seulement versées pendant la première année de master. (M. le ministre acquiesce.)
M. Roland Courteau. En effet !
M. Jacques-Bernard Magner. D’autre part, le cadre d’emploi prévu par ces contrats se traduira par une préparation à l’entrée dans le monde enseignant qui sera réellement progressive, contrairement à la situation actuelle d’affectation directe en milieu professionnel après la réussite au concours.
Mes chers collègues, vous le savez, l’immersion brutale dans des milieux scolaires difficiles, dans lesquels les enseignants expérimentés ont parfois renoncé à travailler et où les personnels affectés sont généralement de jeunes débutants, engendre aujourd’hui des situations terribles pour les enseignants et les élèves. Ce sont des souffrances qu’il faut à tout prix éviter.
Grâce à cette nouvelle approche de la formation, faite de sensibilisation, d’observation puis de participation aux tâches d’enseignement, pendant trois ans, les élèves enseignants pourront acquérir des gestes professionnels de plus en plus élaborés.
Bien sûr, ces étudiants ne se verront pas confier des classes. La première année, ils assumeront des tâches péri-éducatives, par exemple de surveillance, puis des missions pédagogiques en co-intervention avec le titulaire de la classe. (M. Jean-Pierre Godefroy acquiesce.)
Autre élément nouveau et déterminant, les jeunes seront rémunérés. Ils percevront une rémunération complémentaire leur permettant de disposer, au total, de 900 euros environ par mois. Cette rétribution permettra d’ouvrir le métier d’enseignant à des jeunes qui, malgré de bons résultats scolaires, n’auraient peut-être pas envisagé des études aussi longues et coûteuses.
En leur temps, les écoles normales d’instituteurs avaient permis d’ouvrir aux enfants du peuple l’accès aux métiers de l’enseignement, en assurant d’abord la gratuité des études jusqu’au baccalauréat,…
M. Jean-Pierre Godefroy. Eh oui !
M. Jacques-Bernard Magner. … puis la rémunération de la formation professionnelle.
M. Roland Courteau. C’est vrai !