M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.
M. Alain Néri. Nos discussions de cet après-midi sur l’article 2 m’ont profondément attristé.
Nous constatons tous que les personnes les plus modestes de notre pays connaissent souffrance et détresse, en raison d’une situation économique et sociale des plus difficiles.
Dans les périodes délicates, il convient de faire preuve de solidarité, voire de fraternité comme nous y invite la devise républicaine. Plutôt que d’opposer les Français les uns aux autres, il serait préférable de chercher à les amener à se rassembler pour participer à l’effort commun. Pour ce faire, il importe que l’effort soit équitablement réparti en fonction des capacités de chacun.
Or certains – leurs paroles ont peut-être dépassé leurs pensées – se sont plutôt acharnés à dresser les Français les uns contre les autres : ceux qui avaient du travail et ceux qui n’en avaient pas, ces derniers étant désignés comme des « assistés » ; ceux qui font des heures supplémentaires et les autres.
Je rappelle qu’il s’agit uniquement de supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires, pas les heures supplémentaires elles-mêmes. Certains affirment qu’en supprimant cette défiscalisation, on empêchera 9 millions de salariés de gagner 450 euros de plus par an (Mme Catherine Procaccia s’exclame.), c’est-à-dire à peu près 40 euros par mois. Si vous aviez donné régulièrement un petit coup de pouce au SMIC – ce que vous avez oublié de faire, contrairement à nous qui l’avons immédiatement augmenté de 20 euros par mois – la hausse sur cinq ans aurait été de 100 euros, dépassant largement ce que les Français auraient pu gagner à travers la défiscalisation des heures supplémentaires !
M. Jean-Jacques Hyest. Non !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le smicard n’est pas fiscalisé !
M. Alain Néri. La stigmatisation à laquelle nous assistons est inacceptable ; elle n’amènera pas les Français à faire preuve de plus de cohésion pour contribuer à l’effort commun.
Vous avez dénoncé ceux qui ne participaient pas à leur propre protection sociale puisqu’ils ne gagnaient pas assez. Vous montrez maintenant du doigt ceux qui n’ont pas d’emploi. Pourtant la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires pourrait créer quelques emplois.
Mme Catherine Procaccia. Non !
M. Alain Néri. Vous avez réussi à faire en sorte, c’est extraordinaire, que des heures supplémentaires coûtent moins cher à l’employeur que des heures « normales ». Votre politique n’incitait pas les entreprises à embaucher.
Dans une période où chacun pense qu’il faut créer de l’emploi, on devrait plutôt se demander comment y parvenir. Il est vrai que vous étiez les champions du monde pour créer des emplois dans la fonction publique, puisque avec la révision générale des politiques publiques, la RGPP, vous avez supprimé la moitié des fonctionnaires dans certains secteurs…
M. Christian Cambon. Vous allez les remettre en place !
M. Alain Néri. Je comprends que cela vous gêne, mais je vais tout de même continuer !
Si la défiscalisation des heures supplémentaires avait été une telle réussite, vous n’auriez pas été les champions du monde de l’augmentation du chômage avec 30 000 chômeurs de plus par mois ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Un sénateur de l’UMP. Et l’Allemagne, l’Italie, la Grande-Bretagne !
M. Alain Néri. Vous êtes formidables : vous auriez eu votre place au concours Lépine pour toutes vos inventions !
Avec l’augmentation de la TVA, qui s’applique même aux plus modestes, vous avez inventé la machine à tondre les œufs. Avec la défiscalisation des heures supplémentaires, vous avez inventé la machine à détruire les emplois puisqu’il n’y a jamais eu autant d’emplois détruits dans notre pays que sous ce régime.
M. Christophe Béchu. Et vous avec les 35 heures ?
M. Alain Néri. Une telle réussite, mesdames, messieurs de l’opposition, doit amener à un peu plus de modération et de modestie.
Aujourd’hui, nous vous demandons de participer à la mise en place d’un effort commun, équitablement réparti entre tous les Français en fonction de leurs capacités. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)
Un sénateur de l’UMP. Pour la classe moyenne, oui !
M. Alain Néri. Nos concitoyens doivent retrouver les moyens de vivre de leur travail dans la dignité, car, aujourd’hui, contrairement à ce que vous affirmez, beaucoup de Français attendent d’avoir un emploi.
Monsieur le ministre, l’action prioritaire du Gouvernement doit être la création d’emplois, source première de l’amélioration du pouvoir d’achat.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je n’utiliserai que la moitié de mon temps de parole.
Vous nous avez expliqué tout à l’heure que la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires et de la TVA sociale figurait dans le programme de François Hollande. Circulez, il n’y a rien à voir, les Français ont voté en toute connaissance de cause !
Vous vous trompez ! Je suis à la tête d’une collectivité locale, comme beaucoup ici. Un certain nombre d’agents de ma commune – j’ai posé la question, notamment à ceux qui ont des heures supplémentaires forfaitaires ou qui en font régulièrement – n’ont pas compris qu’ils étaient concernés par votre mesure.
Vous savez ce que le dispositif va rapporter au budget ; c’est un choix politique, il est respectable. Mais vous ne connaîtrez le coût politique de cette mesure que fin septembre, lorsque ces agents recevront la première feuille de paie qui notifiera une diminution de leur salaire net.
M. Claude Domeizel. C’est faux ! Vous racontez n’importe quoi !
M. Philippe Dallier. Monsieur Domeizel, vous verrez fin septembre ce que ces 9 millions de Français, qui sont des gens modestes, en diront, car avec un salaire moyen de 1 500 euros par mois, ce ne sont pas les riches que vous avez pointés du doigt pendant toute la campagne électorale qui seront concernés !
Ils tomberont de haut, car pour eux cette mesure est devenue un acquis social. (M. Alain Néri s’exclame.)
Tout à fait, messieurs, vous êtes en train de revenir sur un acquis social, alors que la gauche nous a rebattu les oreilles durant toute la campagne avec les mesures que nous avions prises dans le passé.
Un sénateur de l’UMP. Oui !
M. Philippe Dallier. Ces quelques milliards d’euros vous coûteront très cher politiquement !
Enfin, on a aussi beaucoup discuté du slogan « travailler plus pour gagner plus ». Il y a deux manières de le comprendre.
Premièrement, effectivement, le gouvernement Fillon a souhaité récompenser ceux qui font l’effort d’accepter les heures supplémentaires, ou qui ont la chance de pouvoir en faire, en leur donnant un coup de pouce. Cela a fonctionné.
Deuxièmement, le travail générant le travail, nous pouvions espérer qu’une dynamique se créerait. Cela a peut-être fonctionné au début, en 2007 et en 2008, mais avec la crise ça n’a plus été le cas. De là à dire que cette initiative a abouti à la suppression de 100 000 emplois, il y a tout de même un pas !
D’après M. le rapporteur général, ce chiffre serait controversé par un rapport. En vérité, personne ne sait combien d’emplois sont concernés.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Exactement !
M. Philippe Dallier. L’avantage majeur de cette mesure est qu’elle permettait d’apporter de la flexibilité et de la souplesse aux entreprises françaises, notamment aux plus petites d’entre elles. Ce n’est pas le moment de le remettre en cause.
Pour toutes ces raisons, je voterai la suppression de l’article 2. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote.
M. Rémy Pointereau. Si l’on en croit nos débats, le métier de spécialiste du détricotage a de beaux jours devant lui…
Il est vrai que pour financer les promesses du candidat devenu président, la gauche a décidé de « faire les poches » de tous les Français, quels que soient leurs revenus. « Les impôts, c’est maintenant » : tel pourrait être votre nouveau slogan !
Vous annoncez la fin du dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires et la diminution de l’abattement de l’exonération des droits de succession, comme si le fait pour un salarié de posséder une maison de 200 000 euros après avoir travaillé toute sa vie faisait de lui un homme riche.
Avec la mesure sur les heures supplémentaires, vous vous attaquez aux 9 millions de personnes qui ont fait le choix de travailler dur pour gagner, en moyenne, 450 euros de plus par an.
Tout à l’heure, M. le président de la commission des finances a évoqué le problème des transporteurs : compte tenu du volume d’heures supplémentaires effectuées dans leurs entreprises, ce détricotage sera pour eux une véritable catastrophe, d’autant qu’ils doivent préserver leur compétitivité face à leurs collègues des autres pays de l’Union européenne où le coût horaire d’un chauffeur est beaucoup plus faible.
Je citerai également le secteur agricole, où de nombreux employés, notamment saisonniers, accomplissent beaucoup d’heures supplémentaires. Pour certains d’entre eux, les heures supplémentaires représentent non pas 450 euros, mais près de 2 000 euros de pouvoir d’achat supplémentaire chaque année. La fiscalisation sera donc un vrai coup dur pour les salariés agricoles.
Ces heures supplémentaires permettent, également, de créer des richesses. Or chacun sait que, avant de dépenser, il faut créer de la richesse.
Les heures supplémentaires sont aussi importantes pour le commerce local, notamment en milieu rural. On n’a absolument pas tenu compte de cet enjeu, me semble-t-il.
Pour les PME exposées à la concurrence internationale, la suppression de ce dispositif aura tout simplement pour effet d’augmenter le coût du travail, les heures supplémentaires étant désormais « chargées » socialement. Comme d’aucuns l’ont souligné, cette mesure porte atteinte à la compétitivité de l’entreprise et à sa capacité de réagir au marché. Le recours aux heures supplémentaires constitue, en effet, cela a été souligné à de nombreuses reprises, un outil de flexibilité du travail permettant d’honorer des commandes supplémentaires.
En outre, cette suppression est un très mauvais signal adressé aux classes moyennes, qui savent que pour réussir il faut travailler plus. Si le partage du travail avait été un succès, nous le saurions !
M. Dominique de Legge. Très bien !
M. Rémy Pointereau. Aujourd’hui, vous renouvelez l’erreur des 35 heures, comme si vous n’aviez pas tiré les leçons de cette méprise monumentale qui coûte très cher à notre pays depuis dix ans. Vous prenez la lourde responsabilité de vous attaquer au pouvoir d’achat, qui induit de la consommation, mais aussi de la croissance.
Pour toutes ces raisons, j’ose dire que cette suppression n’est pas seulement une erreur. C’est une faute politique, une attaque en règle contre les classes moyennes dont vous allez longtemps porter le fardeau durant ce quinquennat ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, tout à l’heure, vous avez parlé de gâteau. Mais le travail n’est pas un gâteau qui se partage !
Vous croyez qu’en freinant le recours aux heures supplémentaires vous allez créer de nouveaux emplois.
Il semble que vous ne connaissiez pas bien le fonctionnement des entreprises… (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Les deux ou trois heures supplémentaires effectuées dans le mois par certains salariés ne pourront pas être remplacées par une création d’emploi, d’autant qu’il faut aussi former les nouveaux personnels.
Si je vous suis bien, vous semblez croire que la suppression de la fiscalité avantageuse sur les heures supplémentaires va permettre de développer l’emploi. Selon moi, cette mesure ne peut que développer l’emploi intérimaire, c’est-à-dire l’emploi le plus précaire. Je n’avais pas compris que tel était l’objectif des socialistes et du président Hollande.
De surcroît, vous donnez à penser, les uns et les autres, que les employés qui font des heures supplémentaires prennent l’emploi des chômeurs. Vous tentez de culpabiliser les personnes qui effectuent des heures supplémentaires, ce qui est inacceptable.
Votre projet vise à développer la précarité professionnelle et financière des plus modestes.
Vous voulez faire croire qu’il s’agit d’une mesure de justice fiscale. Pourtant, comme mes collègues l’ont souligné, ce ne sont pas les plus aisés qui profitent de cette exonération. Ceux qui ont travaillé dans une entreprise au cours des douze dernières années – ils ne doivent pas être nombreux sur ces travées – savent que les cadres moyens et supérieurs sont au forfait-jour et ne bénéficient absolument pas des heures supplémentaires.
Quant aux fonctionnaires et aux enseignants qui siègent en nombre sur ces travées, je m’amuse de la tête qu’ils feront lorsque, en septembre, ils entendront leurs anciens collègues leur dire que, jusqu’à présent, ils ne se considéraient pas comme des privilégiés. Ils ne riront plus du tout !
Quand j’entends, lors d’une réunion de la commission des affaires sociales, l’un de nos collègues de la majorité affirmer que, lorsque deux enseignants mariés font des heures supplémentaires, ils volent quasiment un emploi, je me dis que certains membres de la majorité ont vraiment une imagination débordante !
Comment allez-vous éponger la dette du personnel soignant ? Vous savez bien que, depuis l’application des 35 heures, les hôpitaux ne fonctionnent qu’avec les heures supplémentaires.
Certes, la suppression de l’exonération n’est pas une surprise puisqu’elle avait été annoncée. Mais, comme le disait Philippe Dallier, pour vous, cette suppression est en train de devenir une mauvaise surprise.
Enfin, depuis quelques semaines, vous ne nous parlez que de concertation et de dialogue social. Il est toutefois surprenant qu’un Gouvernement qui prétend vouloir aller plus loin que la loi Larcher sur la concertation et le dialogue social impose dans une loi de telles dispositions, qui remettent en cause un certain nombre d’acquis sociaux, comme l’a souligné Philippe Dallier.
La concertation sociale me semble mal partie ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Je m’en excuse par avance auprès du rapporteur général de la commission des finances, mes arguments auront avant tout un caractère sentimental. (Sourires.)
Vous le savez comme moi, la situation des hôpitaux français est particulièrement grave pour ce qui est de l’accès aux liquidités financières.
Concernant l’investissement, certains établissements ne peuvent plus payer des travaux engagés. Il est urgent qu’ils puissent avoir accès à la dernière enveloppe de 3 milliards d’euros débloquée par la Caisse des dépôts et consignations pour les collectivités territoriales.
S’agissant des difficultés de trésorerie, une action à court terme est annoncée. Les établissements pourraient être autorisés à diversifier leurs sources de financement en émettant des billets de trésorerie.
Malgré la situation critique des hôpitaux dans notre pays, vous ne semblez pas mesurer les conséquences de la fin des exonérations fiscales et sociales des heures supplémentaires pour le secteur hospitalier.
Ce surcoût pour les hôpitaux n’est pas le bienvenu. La diminution des heures supplémentaires, qui pourrait en résulter, va être problématique, de nouvelles embauches étant évidemment impossibles.
De plus, les médecins et les infirmières, grands consommateurs d’heures supplémentaires, rencontreront également des difficultés énormes.
Le corps médical et paramédical des hôpitaux est plutôt mal payé, on le sait bien, et il y a peu de chances que leur revenu soit prochainement revalorisé.
Les infirmières, pour un salaire annuel de 20 000 euros, effectuent, en moyenne, 600 heures supplémentaires par an. Autant dire que la fiscalisation et le chargement social des heures supplémentaires vont très fortement amputer leur pouvoir d’achat. Difficile, dans ces conditions, d’intéresser médecins, infirmières et personnels paramédicaux à l’hôpital !
Pour ces raisons et celles évoquées par mes collègues, je voterai la suppression de l’article 2, demandée par mon groupe. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.
M. Christophe-André Frassa. Les exonérations fiscale et sociale des heures supplémentaires et complémentaires permettent au chef d’entreprise d’adapter le nombre d’heures supplémentaires travaillées à son carnet de commande.
C’est absolument primordial dans cette période difficile où la contraction du crédit et la diminution des commandes due à la crise pèsent lourdement sur la santé de nos entreprises, qui demeurent le moteur essentiel de la croissance économique.
La gauche dit être favorable à la compétitivité et se veut le chantre de la croissance.
En ce cas, pourquoi, après avoir tué les entreprises avec les 35 heures, au grand bonheur des entreprises allemandes, après avoir poussé les chefs d’entreprise, les sièges sociaux et les cadres dirigeants des grands groupes hors de France, en mettant en place une fiscalité confiscatoire et non plafonnée sur la fortune, à la grande satisfaction de David Cameron, porte-t-elle un nouveau coup à la compétitivité ?
Épargner les TPE, c’est très bien, mais quid des PME, dont les charges sociales pesant sur les heures supplémentaires vont être alourdies ?
Je rappelle que l’engagement n° 2 du candidat François Hollande faisait des PME une priorité.
Quid, également, des mesures en faveur des entreprises de taille intermédiaire, les ETI, dont nous manquons déjà cruellement par rapport à l’Allemagne ?
Le programme de François Hollande prévoit une taxation supplémentaire des entreprises de plus de 18 milliards d’euros, d’après l’estimation publiée la semaine dernière par l’institut Rexecode.
En réalité, 3 milliards d’euros sont déjà prévus dans le présent collectif, et ce sera sans doute 30 milliards d’euros de taxation supplémentaire cumulée à la fin de l’année 2013.
C’est la raison pour laquelle je voterai l’amendement de mon groupe visant à supprimer la fin de l’exonération des heures supplémentaires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Depuis quarante-huit heures, j’ai entendu les ministres successifs et le rapporteur général de la commission des finances parler de redressement dans la « justice », de partage dans la « justice », de croissance dans la « justice » et de fiscalité dans la « justice ».
Je me suis donc demandé si la mesure que vous proposiez était vraiment « juste ».
Comme d’aucuns l’ont souligné, elle concernera 9 millions de personnes, qui, à mon sens, ne font pas partie des plus riches.
J’ai bien entendu l’argument selon lequel vous ne touchez pas aux heures supplémentaires. Certes, elles pourront toujours être faites, mais elles seront fiscalisées. Pour ces familles modestes ou appartenant aux classes moyennes, la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires s’accompagnera d’une augmentation des prélèvements et donc d’une diminution de leur pouvoir d’achat.
Une entreprise de transport est installée sur ma commune. La semaine dernière, quelques salariés de cette entreprise sont venus me voir en me disant qu’ils n’avaient pas très bien compris la mesure. Je me suis donc livré à un petit calcul.
Pour l’un de ces salariés, qui gagnait très exactement 1 900 euros par mois, cette mesure amputera son pouvoir d’achat de 1 000 euros à la fin de l’année.
Avez-vous vraiment le sentiment que prélever 1 000 euros de plus par an à quelqu’un qui gagne 1 900 euros par mois est une mesure de justice ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Dans ce cas, supprimons les impôts !
M. Dominique de Legge. Par ailleurs, cette mesure représente environ la moitié des recettes supplémentaires que vous escomptez avec ce projet de loi de finances rectificative. Vous cherchez 7,2 milliards d’euros supplémentaires : la suppression de ces exonérations fiscales rapportera, à elle seule, 3,6 milliards d’euros.
J’entends bien que cette somme ne comprend pas seulement la fiscalisation. Néanmoins, vous conviendrez que cette mesure est emblématique en ce qu’elle frappera d’abord les classes moyennes et les familles les moins favorisées.
Avant même que l’Assemblée nationale ne soit renouvelée, vous avez pris la décision de revenir partiellement sur la retraite à 60 ans et vous avez annoncé la mesure qui est soumise ce soir à notre vote.
Mes chers collègues, j’ai vraiment l’impression que c’est non pas le changement, mais un véritable retour aux vieilles lunes de 1981, à l’idée que l’on peut partager le travail, la pénurie en l’occurrence ! On a vu ce qu’il est advenu dix-huit mois après !
Enfin, MM. Yung et Daudigny nous ont expliqué que l’article 2 du projet de loi vient en discussion après l’article 1er. Voilà qui est tout à fait intéressant ! Je les remercie de nous avoir apporté cette précision ; jusque-là, j’arrive à les suivre.
En revanche, j’éprouve quelques difficultés à comprendre comment ils peuvent affirmer que la disposition prévue à l’article 2, consistant à prélever l’argent des contribuables, c'est-à-dire à limiter leur pouvoir d’achat, est une bonne mesure alors qu’ils nous ont très longuement expliqué à l’article 1er relatif au financement de la protection sociale qu’il fallait revenir sur l’augmentation de la TVA, au motif que cette mauvaise mesure aurait pour conséquence de limiter le pouvoir d’achat de l’ensemble des Français. Décidément, il n’y a aucune cohérence entre ces deux articles !
C'est la raison pour laquelle nous réservons à cet article le même sort que celui que nous avons accordé à l’article 1er. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. L’un de nos collègues a parlé tout à l'heure de « détricotage ». Mais lorsque vous êtes arrivés au gouvernement, vous aviez décidé, avec l’accord du MEDEF, de déconstruire les acquis de la Libération (Exclamations sur les travées de l'UMP.), issus, je vous le rappelle, d’une politique empreinte de la volonté de créer de véritables solidarités.
Il s’agit d’un point important, car l’une des questions posées par l’exonération de charges salariales et l’exonération fiscale des heures supplémentaires a bel et bien trait à la solidarité.
Les déclarations que j’ai entendues depuis cet après-midi font état d’un même constat : tout le monde reconnaît que les niveaux salariaux sont beaucoup trop faibles dans notre pays. Il n’est donc pas logique de vouloir augmenter le nombre d’heures travaillées de ceux qui ont déjà un emploi. Au contraire, il faudrait améliorer la rémunération des salariés. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Cambon. C’est le Gosplan !
Mme Marie-France Beaufils. C’est un élément important à verser au débat.
Par ailleurs, un de nos collègues a indiqué que les enseignants avaient absolument besoin de faire des heures supplémentaires.
Si les heures supplémentaires ont été mises en place dans l’éducation nationale, c’est tout simplement parce qu’il n’y avait pas assez d’enseignants dans certains secteurs pour faire face aux besoins, notamment du fait de la RGPP.
M. Christian Cambon. C’est faux !
Mme Marie-France Beaufils. Voilà pourquoi les enseignants ont été amenés à faire des heures supplémentaires.
M. Claude Bérit-Débat. C’est la vérité !
Mme Marie-France Beaufils. Ce n’était pas un choix de leur part, ça leur a été imposé !
Mme Catherine Morin-Desailly. Pas du tout !
M. Christian Cambon. Demandez aux enseignants !
Mme Marie-France Beaufils. Remettons donc les choses dans le bon sens.
Vous avez aussi évoqué les élus locaux. Je parle en connaissance de cause, je suis maire depuis 1983. Dans ma commune, je n’ai pas mis en place les heures supplémentaires.
M. Christian Cambon. Allez l’expliquer à vos agents !
MM. Jean-Claude Gaudin et Jean-Pierre Raffarin. Bravo !
Mme Marie-France Beaufils. J’ai préféré embaucher des personnels supplémentaires lorsque c’était nécessaire.
M. Jean-Pierre Raffarin. Vous faites payer les contribuables !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. À chacun sa gestion !
Mme Marie-France Beaufils. Aujourd'hui, vous êtes en difficulté avec vos personnels parce que vous avez choisi l’option politique de les faire travailler plus en touchant, sous forme de défiscalisation, des aides de l’État. Nous, ce n’est pas le choix que nous avons fait ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Fait-on travailler le personnel le samedi, le dimanche, la nuit, les jours de fête ?
Mme Marie-France Beaufils. Enfin, j’évoquerai les transports.
Il est inouï que l’on vienne nous parler aujourd'hui des difficultés que rencontrent les entreprises de transport, alors que c’est la politique que vous avez menée en France et à l’échelle européenne qui les a engendrées. Vous avez parlé du cabotage. Nous nous sommes battus contre la mise en place du cabotage, car c’est une forme de concurrence déloyale à l’égard de nos transporteurs.
Vous affirmez que les entreprises de transport routier ont besoin de recourir aux heures supplémentaires pour rester compétitives. Quid de la sécurité, qui est loin d’être assurée ?
Par ailleurs, en raison de la concurrence entre le transport routier et le transport ferroviaire, ce dernier est aujourd'hui en train de péricliter. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Vos arguments présentent peut-être leur intérêt. Néanmoins, je n’adhère pas plus que les électeurs à la manière dont vous avez construit l’avenir économique de notre pays !
C’est pourquoi je voterai contre ces deux amendements de suppression de l’article 2. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Visiblement, nous ne portons pas le même regard sur la situation.
Au nom de la biodiversité de la Haute Assemblée, je rappellerai trois points.
Premièrement, cela a été dit, la défiscalisation des heures supplémentaires coûte très cher : environ 5 milliards d’euros.
Deuxièmement, le Conseil des prélèvements obligatoires, dont les membres ne peuvent être qualifiés de dangereux gauchistes, a lui-même concédé le peu d’efficience de cette mesure. Nous en prenons acte.
Troisièmement, le Conseil des prélèvements obligatoires l’a aussi laissé entendre, la défiscalisation des heures supplémentaires a surtout conduit à déclarer plus systématiquement les heures supplémentaires travaillées.
On nous avait promis, en instaurant cette mesure il y a quelques années, une baisse du chômage et une hausse du pouvoir d’achat.
Il s’agit d’une vision ultra-productiviste, qui vise à l’ultra-consumérisme. En réalité, il faut poser autrement la question du travail et de la défiscalisation des heures supplémentaires, qui a conduit à une impasse.
Je veux rappeler à nos collègues qui ont cité l’Allemagne – c’est l’ancienne économiste qui parle – que le temps de travail dans les entreprises allemandes fait l’objet de beaucoup de préjugés. Je vous invite, mes chers collègues, à observer ce qui s’y est passé au cours des cinq dernières années. La situation n’est pas celle qui a été décrite par nos collègues à droite de l’hémicycle. Ils ont dit une contrevérité.
Regardez ce que les entreprises allemandes ont fait en matière de formation. Mes collègues s’appuient sur un faux exemple. Cessons de prendre l’Allemagne comme modèle en assénant des bêtises et des contrevérités. Le temps de travail n’est pas celui qui a été décrit tout à l'heure : toutes les études économiques le montrent.
Enfin, j’aimerais que ce débat soit plus courtois, ce qui correspondrait mieux à l’image du Sénat, toujours présenté comme un lieu de sagesse où se déroulent des échanges posés.
Notre débat sur la défiscalisation des heures supplémentaires est surréaliste pour les millions de Français qui sont sans emploi.