M. Jean-Pierre Caffet. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait avant ?
M. Philippe Marini. M. le ministre évoquait tout à l’heure, à juste titre, une situation internationale périlleuse. Nous bénéficions en ce moment, monsieur le ministre, d’un climat encore assez favorable, car ceux qui nous observent considèrent avec une certaine bienveillance les actes du nouveau Président de la République et du nouveau gouvernement. Cependant, vous le savez, l’état de grâce n’existe pas : l’opinion intérieure en a conscience, l’opinion extérieure aussi.
Dans ces conditions, présenter un tel projet de loi de finances rectificative, limité, permettez-moi de le redire sans malveillance, à des retours en arrière et à des règlements de comptes idéologiques, sans s’attaquer aux vrais problèmes, en particulier la définition des modalités de l’ajustement structurel, en restant dans l’ambiguïté, en tardant à rendre les arbitrages budgétaires, va tout à fait à l’encontre de l’intérêt de notre pays, de sa crédibilité, de la confiance que l’on peut lui accorder : c’est la raison profonde pour laquelle il faut voter cette motion. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Aimeri de Montesquiou applaudit également.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est bien dit !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable, dont l’adoption entraînerait le rejet du projet de loi de finances rectificative.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 117 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l’adoption | 166 |
Contre | 179 |
Le Sénat n’a pas adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par M. Arthuis et les membres du groupe de l’Union centriste et républicaine, d’une motion n° 150.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement du Sénat, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des finances, le projet de loi de finances rectificative pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale (n° 687, 2011-2012).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Jean Arthuis, auteur de la motion.
M. Jean Arthuis. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je dois vous avouer que nous nous sommes longuement interrogés sur le point de savoir s’il convenait de déposer une motion tendant au renvoi de ce texte à la commission.
Un sénateur du groupe socialiste. Pour quoi faire ?
M. Jean Arthuis. J’ai longtemps été perplexe à l’égard des motions de procédure (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)…
M. Jean-Pierre Caffet. Nous aussi !
M. Jean Arthuis. Est-ce là faire un bon usage du temps parlementaire ? Mme Beaufils serait bien placée pour en parler ! (Sourires.)
M. Alain Néri. Le changement, c’est maintenant !
M. Jean Arthuis. La discussion générale m’a conforté dans l’idée que nous avions eu raison de déposer cette motion, car il reste encore un peu de travail à accomplir pour que nous puissions bien nous comprendre.
Il est vrai, monsieur le ministre de l’économie et des finances, que la situation est grave ; nous comprenons que vous n’ayez pu être présent ici cet après-midi, du fait de l’actualité. C’est peu dire que si le sommet européen des 28 et 29 juin s’est apparemment conclu par des avancées très positives, les actes ne suivent pas. Ce sommet a été, comme la plupart de ceux qui l’ont précédé, un moment très fort de communication, mais l’inertie que l’on constate depuis amène les observateurs internationaux et les marchés à douter : la spéculation reprend de plus belle…
Nous traversons des heures particulièrement graves et il va bien falloir que vous soumettiez au Parlement, dans les meilleurs délais, la ratification du traité sur la stabilité, la coopération et la gouvernance, et que vous donniez une forme à ce qui s’apparentera tout de même à une « règle d’or ». Vous avez d’ailleurs réaffirmé cet après-midi votre volonté de tenir nos engagements et d’être au rendez-vous de nos obligations, pour que le déficit en 2012 n’excède pas 4,5 % du PIB.
Mme Beaufils a rappelé les difficultés auxquelles se trouve confronté le groupe PSA. J’ai entendu comme vous, mes chers collègues, le réquisitoire très sévère prononcé contre ce groupe par certains membres du Gouvernement.
M. Alain Néri. À juste titre !
M. Jean Arthuis. En réalité, le procès que l’on fait à PSA, c’est d’avoir tenté de produire en France !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Oui ! C’est le redressement contre-productif !
M. Jean Arthuis. Cette situation ne devrait-elle pas constituer un électrochoc puissant, nous amenant à revoir nos conventions de langage, à briser nos tabous et à renoncer à notre conservatisme ?
C’est peu dire, messieurs les ministres, que votre projet de loi de finances rectificative est assez largement fondé sur la hausse des prélèvements obligatoires et que nous aurions accueilli de bonne grâce quelques avancées en matière de réduction de dépenses publiques. Sans doute les lettres de cadrage pour 2013 seront-elles très volontaristes quant à la tenue des dépenses de fonctionnement et d’intervention, mais l’exercice n’est pas facile et nous devrons, à cet égard, éviter toute dérive démagogique.
Nous avons à maîtriser une situation particulièrement grave. J’observe que votre collectif prévoit un supplément de recettes fiscales de 7 milliards d’euros en 2012 et de 14 milliards d'euros en année pleine. Certes, une présentation habile du prélèvement exceptionnel sur la fortune accrédite l’idée que les 2,3 milliards d’euros de supplément de recettes pour 2012 seront compensés en 2013, mais j’imagine que le Gouvernement nous proposera un dispositif dont le produit sera au moins équivalent au cumul de ce qui était prévu au titre de l’ISF dans le projet de loi de finances initial et à celui de cette contribution exceptionnelle…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Subterfuge !
M. Jean Arthuis. Vous avez dû agir avec subtilité, messieurs les ministres, pour tenter d’éviter la sanction du Conseil constitutionnel, mais, disons-le clairement, le supplément de recettes fiscales atteindra 7 milliards d’euros en 2012 et au moins 14 milliards d’euros en 2013 : ce n’est peut-être pas deux tiers-un tiers, monsieur Cahuzac, mais plutôt moitié-moitié !
Nous attendions de ce projet de loi de finances rectificative qu’il comporte une avancée en termes de compétitivité. Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, il y a au moins une bonne nouvelle : depuis quelques semaines, le Président de la République semble enfin reconnaître l’existence d’un problème de financement de la protection sociale…
M. Alain Néri. Il y a longtemps qu’on vous le dit ! Quand vous étiez dans la majorité, on n’a pas cessé de vous l’expliquer et vous ne vouliez rien comprendre !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On a tout le temps nécessaire pour s’expliquer !
M. Jean Arthuis. Je ne doute pas que chacun de nos échanges nous permette de progresser sereinement, dans l’intérêt de la France, et que nous puissions mettre un terme à tous ces procès d’intention.
La bonne nouvelle, c’est que le Président de la République et le Gouvernement sont conscients qu’il va être nécessaire d’alléger les cotisations patronales. En effet, nous sommes dans une économie mondialisée où, pour satisfaire les attentes des consommateurs et leur proposer les prix les plus attractifs, on va faire ses courses en Asie ou ailleurs.
Vous n’êtes pas indifférents, mes chers collègues, à l’évolution des zones industrielles de vos territoires ! Voilà vingt ou trente ans, des usines étaient implantées des deux côtés de la route ; aujourd’hui, les friches industrielles ont été reconverties en espaces de distribution.
M. Alain Néri. Cela ne s’est quand même pas fait en deux mois !
M. Jean Arthuis. Il est facile de faire le procès de ceux qui produisent, mais on gagne beaucoup plus facilement sa vie en distribuant qu’en produisant. En tant que parlementaires, je pense que nous devons avoir du respect pour les producteurs.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce sont les travailleurs !
M. Jean Arthuis. Opposer systématiquement les consommateurs et les producteurs relève d’une attitude schizophrène qui nous met en difficulté. (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.) Finissons-en avec ce mauvais procès ! Il est trop simple d’être le défenseur des seuls consommateurs.
M. Alain Néri. Défendez un peu les salariés, cela changera !
M. Jean Arthuis. Un pays qui connaît un déficit commercial de 70 milliards d’euros consomme 70 milliards d’euros de plus qu’il ne produit. Il n’y a pas de futur dans de telles conditions, et c’est pour cette raison que nos concitoyens vivent dans l’angoisse !
Un sénateur du groupe socialiste. Merci Sarkozy !
M. Jean Arthuis. La bonne nouvelle, c’est que le Gouvernement reconnaît cette situation. La mauvaise nouvelle, c’est qu’il envisage de financer l’allégement des cotisations sociales par un relèvement du taux de la CSG. Or permettez-moi de vous dire que nous aurons bien besoin des recettes de la CSG pour équilibrer les comptes publics, et plus encore pour financer la réforme de la dépendance, si le Gouvernement nous soumet un texte à cette fin.
Nous devons, je l’ai dit, briser nos tabous, renoncer à nos conventions de langage et à un certain conservatisme, parce que le feu est dans la maison ! Au fil des prochaines semaines, nous verrons nombre d’entreprises en difficulté présenter des plans de réduction de leurs effectifs, ce qui est pour le moins angoissant.
Je voudrais simplement, à ce stade du débat, dénoncer cinq mauvais procès faits à l’impôt sur la consommation.
La consommation est en danger, le Gouvernement l’a rappelé et plusieurs d’entre nous l’ont souligné cet après-midi. J’ai entendu tant d’économistes dire que la consommation est le moteur de la croissance ! C’est sans doute vrai à l’échelle du monde, mais, aujourd’hui, lorsque nous stimulons la consommation par le biais notamment de prestations sociales, d’aides financées à crédit, nous créons beaucoup plus d’emplois hors du territoire national que chez nous. Il convient de réhabiliter une économie de l’offre et d’affirmer très clairement que c’est la production qui doit devenir le moteur de la croissance !
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. Jean Arthuis. Le deuxième mauvais procès intenté à la TVA sociale a trait au risque d’inflation qu’engendrerait son instauration. Si, parallèlement, nous réduisions franchement les cotisations patronales, le prix hors taxes des produits baisserait de manière significative, et dès lors le consommateur ne paierait pas plus cher qu’avec les taux de TVA actuellement en vigueur.
Souvenez-vous, mes chers collègues, qu’en 1995 les prix étaient restés pratiquement stables en dépit d’un relèvement de deux points du taux de la TVA. J’affirme que, la concurrence jouant, un supplément de TVA ne provoquera pas d’inflation des prix des produits fabriqués en France grâce au travail de nos concitoyens, dès lors qu’il s’accompagnera d’un allégement significatif des cotisations patronales. Dans la mesure où le prix hors taxes est abaissé, nos produits seront plus compétitifs sur le marché mondial. Certes, les produits importés seront en revanche plus chers, parce que l’augmentation de la TVA s’appliquera à des prix hors taxes qui seront les mêmes qu’aujourd’hui. Cela étant, ce sont à mon avis les importateurs qui disposent des marges les plus substantielles, et ils n’auront pas le front de répercuter intégralement l’augmentation de la TVA sur leurs prix. Quoi qu’il en soit, que recherchons-nous, sinon l’amélioration de la compétitivité de notre économie ?
Ma troisième remarque portera sur l’inquiétude des partenaires sociaux. Notre protection sociale est gérée, au travers de cinq caisses nationales, par ces derniers. C’est le fait que les cotisations sont assises sur les salaires qui légitime cette gestion paritaire. Certains partenaires sociaux craignent peut-être que celle-ci ne soit remise en cause si, demain, le financement de la protection sociale devait reposer sur une autre assiette. Il nous appartient donc de les rassurer, le cas échéant en élaborant une loi sur le financement de la vie syndicale. En tout état de cause, nous devons sortir de la situation de blocage actuelle, où les partenaires sociaux préfèrent que ce soit la CSG, plutôt que la TVA, qui finance la protection sociale, parce que l’on a encore la bonté de laisser croire que cette ressource relève du champ social alors qu’il s’agit en fait d’un impôt sur le revenu. D'ailleurs, messieurs les ministres, il faudra bien que vous mettiez au clair la hiérarchie entre la CSG et l’impôt progressif sur le revenu : ce n’est pas un problème facile, le second étant calculé en fonction du revenu de l’année N-1, la première étant prélevée immédiatement.
Le quatrième mauvais procès que l’on fait à la TVA sociale, c’est qu’elle serait un impôt antieuropéen. Au fond, la mettre en place, c’est la dernière dévaluation que l’on puisse se payer ! Aujourd'hui, sur le plan commercial, les comptes de la zone euro considérée dans son ensemble sont pratiquement équilibrés ; ce qui la met en danger, c’est que certains de ses membres présentent un très fort excédent et d’autres un très important déficit. Toute mesure de nature à rétablir un équilibre entre les pays qui la composent est donc conforme à l’intérêt de la zone euro.
Oui, monsieur le ministre de l’économie et des finances, la situation est grave. Il n’est pas question ici de tenir des propos frivoles sur la gouvernance de la zone euro. Redonner de la compétitivité à l’économie française, c’est aller dans le sens du rééquilibrage de la zone euro.
Enfin, M. Cahuzac a rappelé que la part des salaires est finalement assez faible dans les charges supportées par les entreprises. Toutefois, messieurs les ministres, les entreprises transforment des produits, des composants, des prestations qu’elles acquièrent à l’extérieur, et si les prix qui leur sont facturés n’apparaissent pas dans la ligne « salaires et charges sociales », ils sont néanmoins directement corrélés aux salaires et aux charges sociales supportés par les fournisseurs. Par conséquent, il faut abandonner cette conception selon laquelle les salaires pèseraient si peu qu’il serait vain de vouloir alléger les charges sociales !
Telles sont, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles nous souhaitons que le projet de loi de finances rectificative soit renvoyé à la commission. Ne doutez pas, messieurs les ministres, que nous partageons une même ambition de sortir la France et l’Europe de la crise où elles s’enfoncent. Le groupe de l’Union centriste et républicaine entend profiter de ce renvoi à la commission pour formuler des propositions de nature à alléger les dépenses publiques, mais aussi et surtout pour donner une impulsion décisive à la compétitivité de notre économie, car c’est bien là la condition de la relance de l’emploi et de l’amélioration du pouvoir d’achat de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, contre la motion.
M. Richard Yung. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, il convient d’aborder ce débat avec une certaine sérénité.
M. Jean-Claude Lenoir. Dites-le au ministre !
M. Richard Yung. Monsieur Arthuis, j’ai lu avec attention l’objet de votre motion tendant au renvoi à la commission du présent texte. J’y ai relevé deux idées à mon sens contradictoires : vous affirmez que « le Gouvernement n’a pas souhaité soumettre au Parlement ses réflexions sur les choix de politique budgétaire », mais vous écrivez en outre que « le présent projet de loi de finances rectificative sanctionne une stratégie budgétaire fondée exclusivement sur la hausse des prélèvements obligatoires ».
Cela étant, nous avons eu, la semaine dernière, deux débats importants, portant l’un sur la loi de règlement, l’autre sur les orientations budgétaires. Nous avons donc pu largement discuter les choix de stratégie budgétaire du Gouvernement. Bien sûr, ces choix ne sont pas les vôtres : vous préconisez depuis longtemps une autre voie, celle de l’austérité, mot qui revient dans vos propos comme un leitmotiv. Selon vous, la seule action possible consisterait à réduire les dépenses.
M. Jean Arthuis. Je parle plutôt de compétitivité !
M. Richard Yung. Je vais y venir.
Les dernières années ont montré, me semble-t-il, que le choix de l’austérité, malheureusement partagé par un certain nombre de pays européens, était réducteur : il a conduit la zone euro dans la situation que nous connaissons, caractérisée par une quasi-absence de croissance.
Heureusement, le dernier sommet européen, grâce notamment à l’initiative de François Hollande, a permis de faire émerger un accord en vue de relancer la machine économique et de retrouver un peu de croissance.
Monsieur Arthuis, nous partageons bien sûr votre souci d’améliorer la compétitivité de nos entreprises, dont nous n’ignorons pas les difficultés. En dix ans, le solde de la balance commerciale de notre pays a connu une dégradation progressive : légèrement excédentaire en 2002, il est maintenant déficitaire, à hauteur d’environ 70 milliards d’euros. Cela montre bien que nos positions s’érodent partout, tant sur nos marchés traditionnels, en Europe, que sur les autres continents, dans le domaine des grands contrats, qui était pourtant un de nos points forts, comme dans le secteur agroalimentaire.
Cela étant, le coût du travail, le poids des charges, en particulier pour les petits salaires, n’est pas le seul élément de compétitivité.
M. Albéric de Montgolfier. C’en est un !
M. Richard Yung. Il convient d’adopter une approche globale, notamment en encourageant la recherche, l’innovation,…
M. Jean Arthuis. On est d’accord !
M. Richard Yung. … le commerce extérieur, l’investissement.
M. Jean Arthuis. Oui, certes !
M. Richard Yung. Nous ne proposons pas de relancer la machine économique par la demande : nous sommes très modestes sur ce point. Nous préconisons plutôt une relance par l’investissement et l’exportation. Mais cela prend du temps : des mesures de cet ordre ne produisent pas d’effet en quelques semaines ou en quelques mois.
Par conséquent, il ne faut pas réduire le débat actuel sur la compétitivité à la question du coût du travail et des charges.
Vous avez par ailleurs évoqué le problème de l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires mise en place en 2007. Si cette mesure était efficace, nous aurions eu le temps de nous en apercevoir ! En réalité, il s’agit d’un échec patent, la croissance du taux de chômage en atteste. Le coût de ce dispositif, qui est de l’ordre de 5 milliards d’euros par an, n’est pas contrebalancé par un bénéfice quelconque en termes de créations d’emplois. Sa mise en œuvre a, au contraire, incité les chefs d’entreprise à reporter celles-ci. En même temps, elle constitue un facteur d’inflation, puisqu’elle entraîne une hausse des coûts salariaux, qui se répercute in fine sur les prix de revient.
Quant à la TVA sociale, vous semblez la concevoir comme une sorte de dévaluation. Or procéder à une dévaluation est une politique non pas proactive, mais défensive. Ce n’est pas comme cela que l’on retrouve de la compétitivité. Il existe d’ailleurs de nombreux exemples de dévaluations ayant eu des effets négatifs à cet égard : je pense par exemple aux dévaluations de la livre sterling intervenues en 1967-1968.
M. Jean Arthuis. Je ne vois pas le rapport !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’était pas du tout une dévaluation !
M. Richard Yung. Un certain nombre de conditions doivent être réunies ; ce n’est pas le cas en l’occurrence.
En outre, je pense qu’instaurer la TVA sociale entraînerait des réactions de la part de nos partenaires, en particulier européens, qui considéreraient une telle mesure comme une forme de dévaluation compétitive.
M. Jean Arthuis. Non !
M. Richard Yung. Il y a quelque temps, nous avons reproché à l’Allemagne de recourir à une telle politique.
M. Jean Arthuis. Non, on ne le lui a pas reproché !
M. Richard Yung. Je pense que nos partenaires riposteraient en prenant des mesures du même ordre, ce qui nous ferait entrer dans le cycle auquel nous avions précisément voulu mettre fin avec la création de l’euro.
La situation en Europe est certes difficile. Malheureusement, en matière économique, le temps européen est un temps long. Des mesures ont été arrêtées et annoncées, mais leur traduction dans l’appareil législatif et dans les actions menées est plus lente que nous ne le voudrions. Nous devons donc pousser à ce que l’Europe mette en place plus rapidement les mesures décidées lors du dernier sommet.
Enfin, on objecte à ce collectif budgétaire que les charges ne seraient pas justement partagées entre les ménages et les entreprises. En arrivant aux affaires, nous avons découvert un supplément de déficit de 7 milliards d’euros. Or il est proposé de répartir cette charge de manière à peu près égale : environ 3,4 milliards d’euros pour les ménages, 2,9 milliards d’euros pour les entreprises. Comme vous l’avez dit vous-même, monsieur Arthuis, s’agissant des ménages, 2,3 milliards d’euros proviendront de la contribution exceptionnelle sur la fortune. Il est donc faux de dire que nous faisons reposer l’effort en priorité sur les ménages, en particulier les plus modestes d’entre eux. Dans le même ordre d’idées, je pourrais également évoquer, par exemple, la taxe sur les transactions financières.
Je rappelle d’ailleurs que certaines des dernières mesures du gouvernement Fillon ont contribué à alourdir l’effort demandé aux ménages : je pense notamment à la hausse du taux réduit de TVA, qui représente 2 milliards d’euros de recettes pour l’État, à l’augmentation des taxes sur les mutuelles, à hauteur de 2 milliards d’euros, ou à la non-actualisation du barème de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, qui accroît le rendement de celui-ci de 1,4 milliard d’euros. Au total, cela fait donc tout de même 5,4 milliards d’euros ! Voilà qui relativise vos critiques contre notre politique fiscale…
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe socialiste votera contre la motion tendant au renvoi du projet de loi de finances rectificative à la commission. Nous sommes sensibles, monsieur Arthuis, à votre appel à prolonger le débat afin de proposer de nouvelles perspectives en matière de réduction des dépenses publiques, mais j’observe que vous avez écrit, dans l’objet de votre motion, que « ces propositions s’inscriront dans le débat en séance publique par voie d’amendements » : n’est-ce pas précisément ce que nous nous apprêtons à faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Faut-il renvoyer le texte à la commission ? Le rapport que celle-ci a produit est-il de mauvaise qualité ? Les discussions qui nous ont déjà réunis ont-elles été insuffisantes ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il me semble plutôt qu’il y a urgence à agir, ce qui doit nous amener à repousser cette motion.
M. Roland Courteau. En effet !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. En effet, nous devons nous inscrire dans la trajectoire européenne au plus vite, afin de donner de notre pays une image plus satisfaisante qu’elle ne l’était jusqu’à présent. (M. Francis Delattre s’exclame.)
La nécessité de rétablir l’équilibre des comptes publics et de tenir les engagements pris devant le pays, par la mise en œuvre de certaines des dispositions qui figurent dans le présent projet de loi de finances rectificative, s’impose à nous.
L’urgence tient également à l’importance du déficit de notre commerce extérieur, qui a atteint 70 milliards d’euros en 2011, alors que le solde était nul en 2003, comme l’a rappelé Jean-Pierre Chevènement. Cette dégradation s’est produite au long d’une décennie durant laquelle la droite a continûment exercé le pouvoir…
Mes chers collègues, je voudrais attirer votre attention sur ce fait très simple que, aujourd'hui, les recettes ne couvrent les dépenses courantes de notre pays qu’à hauteur de 69 %. Cela signifie que plus de 30 % de ces dernières ne sont pas financées.
M. Francis Delattre. Réduisez les dépenses !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Tel est l’état dans lequel nous avons trouvé les finances publiques, après dix ans de gouvernement continu du pays par la droite !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ne nous provoquez pas, monsieur le rapporteur général ! (Sourires.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je ne fais que rappeler une réalité. Et je n’évoquerai pas l’endettement, à propos duquel je pourrais citer bien d’autres chiffres…
Compte tenu de toutes ces données, on a le sentiment que ceux qui étaient au pouvoir pendant les dix dernières années cherchent aujourd'hui à faire oublier leurs turpitudes en déplaçant le débat vers des questions qui ne relèvent pas des considérations budgétaires. En effet, on nous a parlé longuement de la CSG, mais ce n’est pas le sujet du jour ! Nous discutons aujourd'hui du budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Christian Bourquin. Bravo !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On vous le rappellera !
M. Christian Bourquin. Vous nous le rappellerez dans quinze ans !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Non, bien avant !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Le rapport de la commission des finances comporte un certain nombre de considérations budgétaires : il faut réduire le déséquilibre des finances publiques et mettre en œuvre un certain nombre de dispositions à cette fin. Tel est l’objet de ce projet de loi de finances rectificative.
On nous a accusés de nous attaquer aux plus modestes, aux classes moyennes.
M. Francis Delattre. Absolument !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ainsi, en ce qui concerne la transmission des patrimoines et les donations, certains ont considéré que nous étions trop durs à l’égard des possédants. Je voudrais tout de même leur rappeler que, dans un rapport très récent, l’INSEE a clairement établi que les patrimoines s’étaient concentrés outrageusement au cours de ces dix dernières années, au profit des plus favorisés. Nous proposons aujourd'hui de ramener à 100 000 euros le montant de l’abattement applicable aux mutations à titre gratuit en ligne directe, or la moitié des Français détiennent un patrimoine inférieur ou égal à 30 000 euros !