M. Philippe Bas. Et qui le sont !
M. David Assouline. … en suggérant d’évaluer les politiques menées avant de renouveler les crédits qui leur sont attribués, et en soulignant que rien n’est automatique en matière de subventions, de nombreux principes absolument essentiels à la culture, et grâce auxquels on a pu évoquer, au sujet de notre pays, une véritable exception culturelle, ont été mis à bas : de fait, la popularité – c'est-à-dire le nombre de visiteurs ou de spectateurs – n’est pas le critère essentiel d’attribution d’une aide ou d’une subvention publique en matière culturelle.
Vous le savez, Mozart et d’autres génies n’avaient guère d’audience et n’étaient pas très populaires de leur vivant. Quoi qu’il en soit, s’il est possible de faire émerger des Mozart dont la valeur sera reconnue dans un siècle, mieux vaut ne pas juger leurs œuvres uniquement à cette aune ! (Mme le ministre manifeste son scepticisme.)
De surcroît, les projets culturels ont besoin de visibilité, de temps, de préparation, et les résultats ne se mesurent pas tout de suite ! Or les situations d’insécurité – engendrées par l’éventualité d’une suppression brutale des subventions – ont fragilisé nombre de structures et mis en péril une grande partie de notre production culturelle et du spectacle vivant.
Après quatre ans et demi d’exercice du pouvoir, cette tendance s’est accrue de manière inacceptable. Ainsi, au titre de l’exercice 2012, la seule mission « Culture » subit une baisse de 34,1 millions d’euros en autorisations d’engagement, et même de 36,1 millions d’euros en crédits de paiement : les coupes claires se multiplient dans un secteur dont les crédits enregistraient déjà une baisse de 5 % en autorisations d’engagement, lors du vote de la loi de finances initiale, en décembre 2011.
Ainsi, les 34 millions d’euros amputés seraient ainsi répartis : 21,1 millions d’euros pour le programme « Patrimoine », 3,5 millions d’euros pour le programme « Création », 9,4 millions d’euros pour le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».
Il n’est pas anodin que le secteur du patrimoine soit, une fois de plus, le premier à subir les frais de la politique de démantèlement des moyens alloués à la culture. Je rappelle que l’État n’a plus, ou plutôt ne se donne plus les moyens d’entretenir ses monuments historiques, domaine qui, depuis 2003, accuse un déficit structurel de l’ordre de 50 à 60 millions d’euros par an en crédits de paiement.
Ainsi, dès le milieu de l’année civile, les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, sont fréquemment placées en situation de cessation de paiement, des chantiers de restauration sont stoppés, et, chaque jour, des entreprises de restauration au savoir-faire unique et pointu mettent la clef sous la porte !
Pour pallier ces difficultés, le Gouvernement n’a rien trouvé de mieux à faire que de liquider progressivement ce patrimoine, en en transférant les charges aux collectivités territoriales, qui plus est – nous le savons pour en avoir discuté ici même ! – dans des conditions qui ne garantissent pas la préservation de ces monuments dans le domaine public.
Cette politique à très court terme permet à l’État de renflouer ses caisses en utilisant comme de vulgaires marchandises des monuments historiques, patrimoine commun de tous les Français, pourtant en principe protégés par les clauses d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité applicables aux biens publics du domaine public.
Toujours dans le secteur du patrimoine, je rappelle le sort réservé à l’archéologie préventive,…
M. Vincent Delahaye. C’est brillant mais hors sujet !
M. David Assouline. … qui a fait l’objet de sept réformes sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. À ce titre, il serait nécessaire de mener quelques évaluations et de prendre l’habitude, avant de voter une loi, d’étudier la législation en vigueur, afin de prévenir cette prolifération législative qui ne sert à rien et qui complique tout !
Nombreuses sont les régions et les structures qui feront les frais de ces coupes budgétaires. Ainsi, le Gouvernement a annoncé son intention de réaffecter aux DRAC les moins bien dotées les sommes prélevées sur celles des régions les « mieux » dotées, pour citer ses propres termes ! Ce faisant, la région Île-de-France devra rétrocéder 800 000 euros en quatre ans.
Première victime de cette hémorragie, l’orchestre national d’Île-de-France, structure itinérante qui verra sa subvention baisser de 700 000 euros, soit environ 25 % de son financement !
M. Vincent Delahaye. Ce n’est pas possible, il s’est trompé de papier ! (Sourires sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)
M. David Assouline. À cette baisse de 34 millions d’euros des crédits de la mission « Culture », il convient d’ajouter la diminution de 11,2 millions d’euros des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », tandis que le programme « Diplomatie culturelle et d’influence » voit ses crédits diminuer de 6,2 millions d’euros.
L’audiovisuel public, qui perd 11 millions d’euros, n’a pas cessé de souffrir au cours de cette mandature. Lorsque nous avions débattu de sa réforme dans cet hémicycle, nous nous étions interrogés sur la volonté de supprimer les recettes publicitaires, ce qui revenait à alourdir la charge pour l’État. Si cette mesure ne pose peut-être pas de grand problème lorsque tout va bien, il en va différemment lorsque les caisses de l’État se vident. Et nous avions envisagé, à l’époque, ici même, le risque d’une diminution des moyens de l’audiovisuel public, solution dont on voit qu’elle est à l’œuvre aujourd’hui !
D’autant qu’il convient encore d’ajouter aux baisses que je viens de citer 7 millions d’euros de moins pour France Télévisions, 2,25 millions d’euros de moins pour Radio France, 1 million d’euros de moins pour Arte France et 510 000 euros de moins pour l’INA…
Et dire que le président Sarkozy avait, au début de son quinquennat, insisté sur le fait que la consommation de certains biens culturels devait être encouragée par la baisse de la TVA, y compris en recourant au taux réduit de 5,5 %...
M. Jean-Jacques Mirassou. Parlons-en, de la TVA !
M. David Assouline. Mais aujourd’hui, l’industrie du livre, comme d’autres industries culturelles d’ailleurs, subit une hausse de la TVA.
Donc, de manière générale, en ces temps de très grande difficulté financière, on décide de couper en catimini dans les budgets de la culture et de la communication, sans doute parce que l’on se dit qu’ils ne sont pas destinés à satisfaire les besoins les plus immédiats des Français. Pourtant, ne nous y trompons pas : ces coupes ne seront évidemment pas sans conséquences, car l’on n’imagine pas à quel point l’ensemble de ces activités permettent de maintenir le lien social sur le territoire !
C’est pour cette raison que le SYNDEAC, le syndicat national des entreprises artistiques et culturelles, la CGT et tout le spectacle vivant ont eu raison de nous alerter la semaine dernière.
Malheureusement, au vu de la situation qu’ils nous ont décrite, il y a fort à craindre que nous n’assistions, une nouvelle fois, à des manifestations et à des boycotts lorsqu’arrivera la saison des festivals, parce que les intermittents du spectacle, les créateurs n’auront plus que ce moyen pour protester et se faire entendre.
C’est pour donner à leurs appels au secours un prolongement dans cet hémicycle, mes chers collègues, que j’ai tenu à rappeler ces réalités dans la discussion générale.
Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons la proposition de la commission des finances qui nous invite à rejeter ce texte en adoptant la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur général, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord remercier tous les orateurs qui sont intervenus au cours de cette discussion générale, en particulier les membres de la commission des finances et l’ensemble de leurs collaborateurs, de l’efficacité avec laquelle ils ont examiné ce texte. Je salue également le travail de la commission des affaires sociales.
À l’instar des débats de première lecture, les différentes interventions à la tribune ont montré toute la distance qui sépare aujourd’hui la majorité présidentielle de la gauche et, si vous me permettez ce raccourci, l’Assemblée nationale du Sénat.
Le Gouvernement et la majorité présidentielle souhaitent, sans attendre, relever le défi de la croissance, en prenant des mesures courageuses pour permettre à notre pays de s’extraire de la spirale de la perte de compétitivité et des délocalisations, mais aussi pour renforcer la solidarité européenne.
En revanche, l’opposition, parce qu’elle refuse toujours de tirer les pleines conséquences de l’échec des 35 heures (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.),…
M. Jean-Jacques Mirassou. Heureusement qu’elles sont là, les 35 heures !
Mme Valérie Pécresse, ministre. … refuse aujourd’hui de voter une baisse des charges qui permettra aux entreprises de regagner des parts de marché et de créer des emplois.
Cette position ne nous surprend pas, au demeurant, puisque nous venons d’apprendre que le candidat socialiste, François Hollande, prévoyait une augmentation de charges de 5 milliards d’euros pour les retraites et de 4 milliards d’euros pour la dépendance, soit 9 milliards d’euros au total, lorsque nous prévoyons de les faire diminuer de 13,6 milliards d’euros. (Protestations sur les mêmes travées.)
D’un côté, donc, la baisse d’impôts ; de l’autre côté, la hausse d’impôts… (M. David Assouline s’esclaffe.)
M. Jean-Jacques Mirassou. D’un côté, les bons, de l’autre, les méchants ! Ben voyons !
M. Jean-Marc Todeschini. En effet, il va falloir trouver un autre job !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame la rapporteur général, prendre, dès aujourd’hui, des mesures courageuses, c’est, dès demain, renforcer notre potentiel de croissance.
M. Jean-Marc Todeschini. Que ne l’avez-vous fait hier !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Dès lors, pourquoi attendre ?
L’attentisme ne saurait servir de politique, même à la veille d’échéances électorales importantes, et c’est pour cela que nous devons agir dès maintenant.
Monsieur Daudigny, à vous entendre, nous ferions cette réforme en catimini… Je ne peux accepter cette critique. En effet, y a-t-il démarche plus démocratique que de soumettre un texte à l’examen de la représentation nationale ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous en prie, n’abaissez pas le Sénat de la sorte, je vous en prie !
Nous vous avons proposé de débattre de cette réforme, et c’est bien vous qui avez refusé de vous engager dans la discussion.
M. Jean-Marc Todeschini. Vous êtes en campagne permanente !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Aujourd’hui, nous avons beaucoup entendu parler du bilan du quinquennat.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Vous n’aimez pas cela !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je vous rappelle toutefois que l’objet de ce texte n’est pas seulement de faire le bilan du quinquennat.
M. Jean-Marc Todeschini. Il est bien le produit de votre bilan, pourtant !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Il vise aussi à mettre en œuvre des mesures destinées à améliorer la compétitivité de notre pays.
M. Jean-Marc Todeschini. C’est votre bilan !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je vous invite, monsieur le sénateur, à relire l’édition d’un quotidien du soir parue avant-hier, dans laquelle étaient détaillées toutes les réformes auxquelles François Hollande ne touchera pas.
M. Philippe Bas. Tant mieux !
M. Jean-Marc Todeschini. Ce sont des journalistes qui écrivent tout cela !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Cette lecture vous permettra de découvrir tout le bilan du quinquennat.
M. David Assouline. Il est maigre !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Détrompez-vous, monsieur le sénateur, et M. Hollande en garderait beaucoup plus que je ne le pensais : la loi « HPST », l’autonomie des universités, le service minimum dans les transports : autant de réformes qui ne suscitent manifestement plus de discussions, bien qu’elles n’aient pas été votées par la gauche.
On se demande effectivement ce que serait la France sans le triplement du crédit d’impôt recherche, sans la loi sur l’autonomie des universités, sans la réforme de la taxe professionnelle et sans le service minimum dans les transports ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mais parlons aujourd’hui de l’avenir des Français et de l’avenir de notre économie.
Les salariés et les entreprises attendent cette réforme du financement de la protection sociale, en particulier dans les secteurs de l’industrie et de l’agriculture, mais plus généralement dans toutes les PME et les TPE.
La baisse des charges permettra aux entreprises de remporter des marchés, d’investir, de se développer, de recruter et, à terme, de redistribuer les fruits de la croissance.
Je le répète : notre mesure ne pèsera pas sur le pouvoir d’achat des ménages, contrairement à ce qu’affirme M. Collin. D’abord, la baisse du coût du travail sera supérieure, de 2,6 milliards d’euros, à la hausse de la TVA. La diminution du coût des produits hors taxe sera donc supérieure à l’augmentation de la TVA.
M. Jean-Jacques Mirassou. Comme pour l’essence !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Ensuite, comme l’a rappelé M. de Legge, 60 % des produits qui sont consommés tous les jours par les Français bénéficient d’un taux nul ou réduit de TVA – je pense notamment aux loyers, qui se voient appliquer un taux nul, aux produits alimentaires ou aux services publics, imposés à 5,5 %, ou encore aux médicaments ou à la presse, taxés à 2 %. Ces produits ne sont pas concernés par cette réforme. Quant aux 40 % restants, ce sont pour les trois quarts des produits également fabriqués en France, qui verront donc leur prix hors taxe baisser.
Monsieur Assouline, vous savez que le Gouvernement est très attaché à la politique culturelle de notre pays. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Marie-France Beaufils. Cela se voit !
M. David Assouline. Oui, vraiment, cela se voit !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Entre 2007 et 2012, le budget de la culture a augmenté de 1 milliard d’euros. (M. David Assouline s’esclaffe.) Nous avons donc exaucé Martine Aubry avant même qu’elle ne prenne la parole, en augmentant de 20 % le budget de la culture.
M. Jean-Jacques Mirassou. Et la TVA sur la restauration ?...
Mme Valérie Pécresse, ministre. Très franchement, monsieur Assouline, j’étais au festival d’Avignon l’an dernier et je n’y ai pas vu beaucoup d’indignés de la culture !
M. David Assouline. Ce sont des démocrates : ils attendent de pouvoir s’exprimer dans les urnes !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Il me semble pourtant que, lorsqu’ils ne sont pas contents, les professionnels de la culture savent le manifester beaucoup plus vigoureusement, monsieur le sénateur.
Quant à la révision de la prévision de croissance à 0,5 %, madame Bricq, elle s’explique par un souci de transparence et de sincérité, même si, de votre côté, vous prétendez qu’il n’était pas urgent de le faire.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Dès lors que vous présentiez un projet de loi de finances rectificative, vous étiez obligée de procéder à une telle révision !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Comme l’a rappelé M. le président de la commission des finances, peu de gouvernements ont fait cet effort de transparence à la veille d’une élection.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je le répète : vous étiez obligés de le faire !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Obligés par qui ? Obligés par quoi ?
Quand Lionel Jospin, quelques jours après le 11 septembre 2001, prétendait que rien n’avait changé et que l’on ne modifiait pas un budget dans l’urgence, la sincérité n’était pas franchement au rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Bas. Exactement ! C’était un scandale !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Au point d’ailleurs que la première décision que nous avons dû prendre – je m’en souviens, il s’agissait du premier texte que j’examinais en qualité de députée – fut de voter 1 milliard d’euros pour financer l’allocation personnalisée d’autonomie, que vous aviez présentée comme une grande avancée sociale, mais dont vous n’aviez tout simplement pas prévu le moindre début du financement !
M. Jean-Jacques Mirassou. Mauvais exemple, madame la ministre !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Nous sommes en 2012 ! Parlez donc de votre bilan !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Les présidents de conseil général s’en souviennent ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Cela s’appelle l’insincérité budgétaire, mesdames, messieurs les sénateurs ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Aujourd’hui, nous sommes sincères, et nous le sommes d’autant plus que nous sommes placés sous le regard scrutateur de Mme la rapporteur général de la commission des finances du Sénat et de M. le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale…
Le Gouvernement accompagne cette nouvelle prévision, désormais consensuelle, d’un effort supplémentaire de 1,2 milliard d’euros sur les dépenses, à travers l’annulation de crédits mis en réserve.
À ce titre, madame Beaufils, vous ne pouvez pas dire que nous remettons en cause la loi de finances initiale, ni qu’il ne reste plus de marge de précaution, 4,4 milliards d’euros étant encore disponibles pour absorber les aléas qui pourraient survenir en cours de gestion. Simplement, il est vrai que nous avons été très prudents, en plaçant 6 milliards d’euros en réserve de précaution pour pouvoir faire face à ces aléas. Voilà la nouveauté !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. La réserve de précaution ? Ce n’est absolument pas nouveau !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Si, c’est nouveau, et c’est notre façon de gérer, à la fois prudente et avisée ! (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.)
M. Jean-Marc Todeschini. « Avisée » ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Cela prouve bien que nous serons capables de tenir nos objectifs de dépenses publiques, monsieur Labbé. Vous semblez mettre globalement en doute la trajectoire des finances publiques que nous avons présentée voilà quelques mois. Mais si vous ne croyez pas à la réduction du déficit, c’est parce que vous ne croyez pas à la baisse des dépenses. Il est vrai que le mot « économies » semble étranger à votre vocabulaire.
M. Jean-Marc Todeschini. Oh là là !
Mme Valérie Pécresse, ministre. J’écoutais ce matin François Hollande sur RTL : il avait bien du mal à dire quelles dépenses il allait réduire ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Marc Todeschini. Vous passez votre temps à l’écouter !
Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est la vertu du partage des temps de parole pendant la campagne électorale : nous sommes obligés d’écouter l’opposition la moitié du temps. Alors, nous l’écoutons ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Lenoir. Cela s’appelle le professionnalisme !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, vous ne croyez pas à la baisse des dépenses, alors que nous la mettons concrètement en œuvre. C’est toute la différence entre nous ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Quelles sont donc les dépenses que vous avez diminuées ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous avons réduit le nombre de fonctionnaires et le budget de l’État, qui, pour la première fois en 2011, va diminuer d’une année sur l’autre. Si seulement vous pouviez vous engager à faire la même chose que nous !
M. Jean-Marc Todeschini. Et tous les cadeaux que vous avez faits ?
M. David Assouline. Et le chômage ? Il faut donner tous les indicateurs !
M. Jean-Jacques Mirassou. Et les prix des carburants ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Il y aurait beaucoup à dire sur le sujet, monsieur le sénateur. La stratégie qui consiste à bloquer les prix des carburants en demandant à l’État de diminuer les taxes n’est pas la bonne. Cela consiste en réalité à faire payer le contribuable à la place du consommateur, ou à faire supporter par le contribuable français les hausses de prix pour les Émirats ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Les impôts et les taxes, voilà votre seule stratégie ! À l’inverse, nous misons, nous, sur la compétitivité des entreprises. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Notre voie est celle de la réforme et des économies.
M. Jean-Marc Todeschini. Le disque est rayé !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Il y a vraiment deux politiques qui s’affrontent : d’un côté, l’augmentation des impôts ; de l’autre, la diminution des dépenses. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Eh oui, mesdames, messieurs les sénateurs, les deux solutions n’ont rien à voir l’une avec l’autre !
Je remercie également M. Marini, qui a rappelé que nous avons respecté nos objectifs de dépenses d’assurance maladie – M. Daudigny l’a souligné également –, et surtout nos objectifs de réduction des dépenses budgétaires.
Je rejoins également Vincent Delahaye sur nombre de points, notamment sur l’importance de la maîtrise des dépenses publiques.
M. Jean-Marc Todeschini. Il a dit aussi que vous ne l’écoutiez pas !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je n’ai pas perdu une miette des propos de M. Delahaye, du miel à mes oreilles, mesdames, messieurs les sénateurs… (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR. – Éclats de rire sur les travées du groupe socialiste.)
En ce qui concerne la taxe sur les transactions financières, je voudrais corriger une erreur, madame Bricq : l’Assemblée nationale n’a adopté, hier, aucune disposition visant à réduire l’assiette de la taxe sur les transactions financières.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Bien sûr que si !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Absolument aucune !
Par ailleurs, madame la rapporteur général, vous vous interrogez une nouvelle fois sur la crédibilité du Mécanisme européen de stabilité, en nous accusant de lier solidarité et discipline. Il me semble au contraire que l’équilibre de la construction européenne commandait précisément de renforcer simultanément la discipline budgétaire et la solidarité.
Quant aux capacités d’engagement des pare-feux, le Conseil européen de mars se prononcera sur le cumul éventuel des capacités d’engagement du Fonds européen de stabilité financière et du MES. Comme vous le savez, la France est favorable à un cumul, au moins partiel, des deux instruments. En effet, plus nos pare-feux européens seront solides, plus ils permettront de rétablir la confiance, préalable nécessaire au retour de la croissance et de la stabilité dans la zone euro.
Pour cette raison, votre abstention sur le Mécanisme européen de stabilité nous paraît la manifestation d’une grande irresponsabilité et nous la regrettons infiniment.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ne vous en déplaise, les mesures de compétitivité et de maîtrise budgétaire que vous présente aujourd’hui le Gouvernement sont, comme d’ailleurs toutes celles qu’il a prises depuis le début du quinquennat, absolument déterminantes, non seulement pour notre compétitivité et nos emplois,…
M. Jean-Jacques Mirassou. Allons ! On a perdu 800 000 emplois en cinq ans !
Mme Valérie Pécresse, ministre. … mais aussi, à terme, pour la sauvegarde de notre modèle social ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mme Bricq, au nom de la commission, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de finances rectificative pour 2012 (n° 440, 2011-2012).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat a adopté, lors de la première lecture de ce projet de loi de finances rectificative, la motion tendant à opposer la question préalable que j’avais présentée. Les arguments que j’avais développés la semaine dernière restent pertinents.
Aucune des mesures fiscales n’est urgente, en particulier la mesure emblématique qui a justifié le dépôt de ce texte, à savoir la hausse de la TVA de 1,6 point, dont la mise en œuvre est renvoyée au mois d’octobre prochain.
C’est le projet de loi de finances rectificative, madame la ministre, qui vous a obligée à réviser votre prévision de croissance. Je rappelle que François Hollande avait annoncé, dès le 25 janvier, une croissance pour 2012 de 0,5 %.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est un oracle !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Vous vous y êtes ralliée parce que vous étiez obligée de présenter votre mesure phare, la hausse de la TVA.
J’observe d’ailleurs que certains ici poussent des cris d’orfraie à l’annonce d’une tranche d’imposition à 75 %, mais on ne les entend pas beaucoup quand vous prévoyez une augmentation généralisée de la TVA…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Puisque vous avez fait allusion au Mécanisme européen de stabilité, madame la ministre, ainsi que M. le ministre, je formulerai un reproche de fond : la seule mesure d’application immédiate de ce projet de loi de finances rectificative pour 2012 est le versement par la France des deux premières annuités. Ce faisant, vous désarmez la France dans les négociations européennes concernant notamment le montant du « pare-feu » (Mme la ministre fait des signes de dénégation.), qui n’est pas crédible à l’heure actuelle et qui est toujours en question. Car les négociations européennes ne s’arrêtent pas avec les élections en France.
À partir du moment où vous opérez ce versement, vous nous privez d’un argument essentiel pour toutes les négociations à venir après l’élection présidentielle.