M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons nous prononcer cet après-midi sur deux projets de loi comprenant chacun un article : le premier vise à ratifier la modification du traité de Lisbonne afin d’instaurer un mécanisme de solidarité entre les États membres de la zone euro ; le second tend à ratifier le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité, adopté par les États membres de la zone euro le 2 février dernier.
Ainsi, après plus de trois ans de crise, il était temps que lesdits États prennent la mesure de la gravité de la situation en pérennisant un mécanisme de soutien de nature à intervenir rapidement et disposant d’un caractère dissuasif face à la spéculation. Toutefois, au regard du temps mis pour proposer ce texte, sa conception reste imparfaite. De plus, l’expérience du Fonds européen de stabilité financière, et de la politique que celui-ci impose à la Grèce, oblige aujourd’hui à beaucoup de prudence sur l’usage des nouvelles contributions demandées in fine aux citoyens européens, au travers des levées de fonds pour le MES.
La mise en place d’un mécanisme de solidarité impose nécessairement des outils de convergence budgétaire et de surveillance de la discipline budgétaire, car il n’y a pas de solidarité sans responsabilité. Cependant, nous n’avons pas, à cette heure, tous les éléments nous permettant de donner un avis circonstancié sur les conditions dans lesquelles le MES pourrait être amené à intervenir. En effet, il est indiqué, dans le considérant 5 : « Il est reconnu et convenu que l’octroi d’une assistance financière dans le cadre des nouveaux programmes en vertu du MES sera conditionné, à partir du 1er mars 2013, à la ratification du TSCG ».
Pourtant, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire ne fait pas partie des textes qui nous sont aujourd’hui présentés pour être ratifiés. Il doit en effet être signé au Conseil européen des 1er et 2 mars prochains. Ce TSCG, dont les termes sont déjà connus, est inadapté à la situation, car s’il parle légitimement de rigueur budgétaire, il n’évoque en rien la nécessaire politique de soutien de l’économie réelle, d’aide à l’emploi, à la préservation de l’appareil productif et des services publics.
Bref, le TSCG, tel qu’il est négocié, promet à tout pays en difficulté que l’application éventuelle du MES se fera à des conditions identiques à celles que subit actuellement la Grèce. Or nous ne le voulons pas, car cette politique est un échec pour tous. Rappelons que, malgré des plans d’austérité consécutifs, l’endettement de la Grèce est passé de 120 % à 170 % de son PIB en moins de trois ans, par la conjugaison d’engagements à des taux d’intérêt surévalués et de la contraction du PIB du pays.
L’aide accordée ne va pas au soutien de l’économie réelle, aux PME-PMI, au remboursement par l’État grec des entreprises lui ayant fait crédit, mais d’abord au remboursement d’obligations souscrites à des taux parfois usuraires.
Force est de constater que s’il n’existe pas de lien juridique entre la ratification du TSCG et le fonctionnement du MES, le rapport de force actuel entre les États membres de la zone euro est tel que, d’un point de vue pratique, la réalité est tout autre.
Voter aujourd’hui le MES, c’est accepter qu’il ne fonctionne qu’adossé à un traité visant à constitutionnaliser la « règle d’or » de la rigueur budgétaire et à renforcer les modalités de contrôle - la tutelle, diront certains - sur les États en difficulté. À nul moment n’est prévue une discussion sur les conditions à remplir pour ramener la croissance et donc la capacité de remboursement de ces États.
Le traité instituant le MES entre les États membres de la zone euro, signé à Bruxelles le 2 février dernier, aurait pu être une avancée décisive dans la construction européenne. Pourtant, ce n’est qu’un leurre. Il sera dirigé par un conseil des gouverneurs, composé des ministres des finances des États de la zone euro. Comment croire, dans ces conditions, que l’intérêt général primera sur l’intérêt national ?
On nous répondra que les situations d’urgence n’auront pas besoin de l’unanimité, que 85 % des droits de vote suffiront pour engager un financement sans tarder. Il s’agit encore d’un leurre, car les seuls États possédant un veto permettant d’empêcher d’atteindre ces 85 % des droits de vote sont l’Italie, avec un peu moins de 18 %, la France, avec un peu plus de 20 %, et l’Allemagne, avec un peu plus de 27 %. Or, parmi ces trois États, quels sont ceux qui peuvent très rapidement être amenés à recourir au MES ? Parmi ces trois États, qui peut avoir intérêt à bloquer l’utilisation du MES ?
On voit bien que, sous prétexte d’une solidarité entre les États membres de la zone euro, on cherche à nous faire accepter des principes de gestion correspondant non pas à la diversité des situations nationales, mais bien à des principes de gestion d’un seul État, l’Allemagne, dont le modèle économique n’est pas exempt de tout reproche et dont le gouvernement fédéral ne parvient même pas, d’ailleurs, à imposer à ses propres Länder ce qu’il veut aujourd’hui imposer à l’ensemble de l’Europe.
Une solution pour éviter une situation potentielle de chantage aurait été d’adopter un conseil de gouverneurs avec un mode de gouvernance et de fonctionnement comparable à celui de la BCE. Une discussion, en amont de ce traité, avec le Parlement européen aurait très certainement ouvert le champ à l’adoption d’une telle variante. Mais était-ce souhaité par les gouvernements ?
Mes chers collègues, notre discussion d’aujourd’hui touche à deux aspects de l’Union monétaire, qui sont, depuis le début, très discutés et très critiqués.
Le premier est l’absence de gouvernement politique dans la zone euro. Or ce n’est pas le TSCG qui répond à ces enjeux. Il fait juste semblant d’y répondre en aggravant l’absence de pilotage politique de la zone euro : d’une part, il n’aborde pas la question centrale d’un contrôle démocratique des processus de décisions au sein de la zone ; d’autre part, il pose comme postulat que l’austérité est la seule bonne politique possible.
Le second aspect concerne l’indépendance de la BCE. À nos yeux, il ne peut y avoir d’indépendance dans l’irresponsabilité. Est-il logique, aujourd’hui, que la BCE ne soit pas totalement et pleinement responsable de la supervision bancaire dans toute la zone euro et qu’elle ne puisse pas elle-même juger de la valeur des engagements de chacune des banques de la zone euro ?
Pourquoi cette irresponsabilité conduit-elle aujourd’hui les gouvernements européens à proposer un mécanisme de solidarité spécifique, dont les moyens seront limités face aux besoins potentiels ? En effet, nous discutons aujourd’hui d’une somme de 500 milliards d’euros, alors que pour être vraiment dissuasif face aux besoins d’un pays de taille importante devant faire face à des difficultés, il faudrait plutôt pouvoir lever aux environs de 1 000 milliards d’euros.
Par ailleurs, pour faire face à cette impasse financière, le MES, d’une part, acceptera des cofinancements d’États tiers - on pense à la Chine - et, d’autre part, recherchera des partenariats avec la FMI. Est-ce cohérent ? Est-ce légitime ? Est-ce en accord avec les valeurs intrinsèques de la construction européenne ?
Voilà pourquoi il convient d’exprimer des réserves face au MES, tel qu’il nous est proposé aujourd’hui. En effet, il est révélateur d’un projet européen en panne, avec des gouvernements qui agissent « à la petite semaine », dans la précipitation et sans vision globale.
Toutefois, le MES, même imparfait, constitue un outil pour répondre aux spéculations sur les dettes souveraines, lesquelles sont, dans le cas de la France, le symbole de l’échec de la politique économique et sociale menée depuis 2007 et menacent notre pays à très court terme.
La construction européenne est une démarche de patience et de compromis. Tel qu’il est présenté, le MES n’est pas la panacée, mais il constitue un compromis acceptable, compte tenu des positions traditionnelles des pays de la zone euro et de la crédibilité actuelle du gouvernement français. Alors que le tsunami menace, nous nous résolvons aujourd’hui à la mise en place d’un outil loin d’être idéal mais qui a l’avantage de répondre à un besoin urgent de la zone euro. Cependant, à nos yeux, il ne peut être lié à un TSCG inacceptable. Par notre abstention, nous nous engageons auprès des Français à demander à nos partenaires, dès le mois de mai, de négocier un nouveau traité non pas de seule convergence budgétaire, mais de convergence budgétaire et de croissance.
L’exemple grec ne suffit-il pas à démontrer à tous qu’il convient de mener une autre politique de soutien à un pays en grande difficulté financière ? À quoi cela sert-il de parler de convergence budgétaire sans convergence fiscale ? Pourquoi les citoyens et les entreprises seraient-ils mis à contribution différemment dans l’effort commun, selon leur pays de résidence ?
À l’occasion de ce futur traité, il conviendra d’évaluer les effets pervers des politiques de cohésion menées envers certains pays, qui ont conduit à de trop gros endettements des États nationaux et des collectivités territoriales pour pouvoir cofinancer des projets éligibles aux fonds de cohésion.
Nous parlons de marchés financiers, de déséquilibres budgétaires, mais l’idée européenne se réduit-elle à ces seules considérations financières ? L’Union européenne a toujours eu un moteur – construire la paix sur notre continent - et une valeur essentielle, la démocratie.
Les orientations que l’on doit prendre pour sortir de la crise actuelle sont essentielles pour l’avenir de l’Union. Si elles devaient renier cette valeur démocratique, cette capacité des peuples à choisir leur avenir, leur destin ensemble, elles seraient dangereuses pour l’avenir de l’Union européenne et pour notre démocratie. Comment aujourd’hui justifier que 99 % du temps consacré à l’Europe est passé sur les affaires budgétaires, lorsque la liberté de la presse est menacée en Hongrie ?
Europe, as-tu perdu tes valeurs ? Qu’en as-tu fait ? Pensez-vous que nous pourrons encore aller bien loin sans faire le constat que la seule voie possible pour les mutualisations de politiques qui s’imposent passe par un contrôle démocratique renforcé sur les politiques et les orientations communautaires ? Une dose de fédéralisme - osons le mot ! - pour définir des orientations budgétaires et fiscales est indispensable.
Comment voulez-vous continuer à défendre l’idée européenne lorsque, dans un peu moins de la moitié des pays européens, entre un quart et la moitié de la jeunesse est sans emploi ? Ne convient-il pas de faire de l’Europe d’abord un espace où l’on répond aux préoccupations des citoyens, plutôt que d’imposer des politiques qui aggravent leur situation ?
Ayons le courage de voir que la crise actuelle oblige à se poser la question d’outils de contrôle démocratique nouveaux, qui ne sont en rien évoqués par les Conseils européens. C’est normal, me direz-vous : les droites actuelles se sont arc-boutées sur leurs frontières nationales pour éviter de réelles avancées dans la construction européenne. Il est bien loin le temps des conférences intergouvernementales où étaient placés sur un pied d’égalité les États, le Parlement européen et l’opinion publique européenne. Mais que peut-on attendre d’une famille politique où se côtoient Mme Merkel et MM. Berlusconi, Orbán et Sarkozy ?
Constatons que les sujets au cœur la crise européenne actuelle sont non pas le fruit des derniers élargissements, mais plutôt celui de l’impérative nécessité d’accepter un contrôle démocratique à l’échelon européen sur l’ensemble des politiques communes auquel les gouvernements nationaux ne veulent se résoudre. Cela imposerait un rôle accru du Parlement européen. Or rien de tout cela n’est prévu !
Constatons également que ce n’est pas grâce à un axe exclusivement franco-allemand, lequel représente un peu moins de 30 % des citoyens et un peu plus de 30 % du PIB européen, que nous résoudrons la crise. « L’Europe de papa » est morte ! Aujourd’hui, l’Union se construit à vingt-sept et même à vingt-huit, et c’est tous ensemble qu’il convient de se mobiliser pour trouver des solutions.
Ne cédons pas non plus à la facilité en voulant tout traiter dans la zone euro, alors que nos règles sont communes et sont valables dans l’ensemble de l’Union européenne. C’est une question de lisibilité vis-à-vis des citoyens européens et, plus largement, du monde.
J’exhorte ceux qui doutent de la pertinence de ces orientations, car ils constatent que l’Europe ne permet pas aujourd’hui de mener la politique qu’ils souhaitent, à se mobiliser pour une Europe démocratique et sociale, à accepter le combat politique dans l’espace aujourd’hui pertinent pour changer notre cadre économique et social. Ce combat, il nous faudra le mener tous ensemble pour un nouveau traité de convergence budgétaire, fiscale et de croissance, en lieu et place du TSCG.
Mais ne dispersons pas nos forces, ne nous trompons pas d’ennemis. La renégociation du TSCG pour en faire un outil de croissance économique doit être notre priorité. Elle est indispensable et doit être au cœur de notre projet européen. Néanmoins, combattre le MES seulement en nous appuyant sur les imperfections que j’ai soulignées serait improductif. Soyons-en conscients : sans capacité d’intervention, l’Europe sera plus que jamais livrée aux forces de l’argent, aux oligarchies, et cela ne fera qu’aggraver la détresse de ses citoyens.
Monsieur le ministre, nous aurions pu voter ces deux projets de loi si nous avions eu des réponses aux trois questions suivantes : quels outils la gouvernance de la zone euro se donne-t-elle pour relancer la croissance et, de la sorte, rendre supportables les politiques de rigueur qu’implique le recours au MES ? Quelles réformes faut-il préparer pour faire du MES un outil à la disposition de la BCE et au service des Européens ? Enfin, comment assurer un contrôle démocratique sur les orientations budgétaires qui seront imposées par le TSCG ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons pas parler du MES sans évoquer aussi le TSCG, car l’un ne va évidemment pas sans l’autre.
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
M. Jean-Pierre Chevènement. Cette conclusion résulte de la lecture croisée des considérants des deux traités. Le considérant 5 du traité instituant le Mécanisme européen de stabilité précise notamment : « Il est reconnu et convenu que l’octroi d’une assistance financière dans le cadre des nouveaux programmes en vertu du MES sera conditionné, […], à la ratification du TSCG par l’État membre concerné ».
M. Jean Bizet. Eh oui !
M. Jean-Pierre Chevènement. On ne saurait être plus clair !
Dans le dernier alinéa du préambule de projet de TSCG, la clarté est non moins évidente puisqu’il y est écrit que l’octroi « d’une assistance financière dans le cadre des nouveaux programmes en vertu du mécanisme européen de stabilité sera conditionné, à partir du 1er mars 2013, à la ratification du présent traité par la partie contractante ».
Ces clauses croisées l’établissent clairement : un État qui n’aura pas accepté les conditions extrêmement rudes du TSCG, lequel programme une austérité à perpétuité, ne pourra pas bénéficier des dispositions du MES.
Il ne sert à rien d’ergoter sur le fait qu’il ne s’agit que de considérants et non d’articles. L’Allemagne a été très claire : disposant d’une minorité de blocage, d’un droit de veto, au même titre, d’ailleurs, que la France, l’Italie et l’Espagne, elle fait de la signature du TSCG la condition sine qua non de la mise en œuvre du MES. Rappelons qu’il s’agit du principal souscripteur au MES, à hauteur de 190 milliards d’euros, du seul grand pays à avoir conservé son triple A. Qui paie commande !
Réfléchissez-y, mes chers collègues. Nombre d’entre vous ont parlé de fédération, refusant de voir la réalité en face : pour mettre en place une fédération, c’est comme pour un mariage, il faut être deux ! Or, aujourd’hui, les Allemands ne sont pas dans cette disposition d’esprit. Il serait temps de vous en aviser.
M. Jean-Claude Lenoir. Ils ont voté !
M. Jean-Pierre Chevènement. Ce sont eux qui, les premiers, en 2010, ont voté une clause dite de « schuldenbremse », de « frein à l’endettement ». M. Sarkozy l’a reprise sous la forme de la « règle d’or », mais mieux vaudrait parler de « règle d’airain ». Il prétend maintenant vouloir l’européaniser. Tout cela est un piège grossier à des fins électorales, chacun peut le comprendre.
Le TSCG prévoit non pas seulement la suppression du déficit, ce qui représente tout de même 4 points de PIB, mais aussi une clause de désendettement à hauteur de 60 %. Cela nous obligerait à faire pendant vingt ans un effort supplémentaire de 1,5 point, l’équivalent de 110 milliards d’euros d’abattements chaque année. Où va-t-on ?
M. Pierre-Yves Collombat. Dans le mur !
M. Jean-Pierre Chevènement. Y avez-vous bien réfléchi, mes chers collègues ?
Le TSCG est plus qu’un traité de rigueur, c’est un exercice disciplinaire, surréaliste, qui évoque à s’y méprendre le port du cilice par le pénitent en cours lors de siècles maintenant révolus ! (Sourires.) Voilà un traité de mortification, un piège dont le MES n’est que l’appât.
Le Mécanisme européen de stabilité est un pare-feu illusoire. Il n’est en aucune manière le moyen de restaurer la compétitivité dégradée des pays en difficulté, car il ne s’attaque pas à la racine du mal, c'est-à-dire l’hétérogénéité de la zone euro.
Je ferai observer à M. Marini que ce n’est pas simplement une prophétie autoréalisatrice qui frappe le mécanisme de l’euro. Ce sont des déséquilibres de balance commerciale, car eux-mêmes traduisent des écarts de compétitivité croissants. Voilà l’origine du mal ! Or il n’y est pas porté remède.
Le directeur général du Trésor a évoqué la possibilité de rendre, un jour, le MES « bancarisable ». Je souhaite que nous y parvenions, mais il s’agit à mon sens d’un vœu pieux, l’Allemagne ne l’entendant pas ainsi. L’auriez-vous oublié, mes chers collègues ? Il semble que, chez certains d’entre vous, cette information soit entrée par une oreille et ressortie par l’autre !
Le MES est, nous dit-on, une organisation intergouvernementale, bien que les institutions communautaires interviennent dans son fonctionnement. Mais aucun contrôle parlementaire national ne s’exerce sur les fonds mis à sa disposition, soit 6,5 milliards d’euros de crédits de paiement et 16 milliards d’euros d’autorisations d’engagement.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Bien sûr que si !
M. Jean-Pierre Chevènement. Ne sont pas plus contrôlés les 126 milliards d’euros supplémentaires. Or, comme vous-même l’avez observé à juste titre, madame la rapporteure générale, ceux-ci valent garantie de l’État ; ils devraient donc faire l’objet d’un vote du Parlement.
Nous sommes très loin de la situation qui prévaut en Allemagne. La Cour constitutionnelle de Karlsruhe exerce un contrôle vétilleux, au nom du « principe de démocratie ». Selon elle, le Bundestag doit autoriser préalablement les décisions susceptibles d’affecter significativement le budget national.
Puisque l’amitié franco-allemande est marquée, depuis Jean Monnet et Konrad Adenauer, par l’unité, par l’égalité, François Hollande l’a encore rappelé, je vous demande d’étendre à la France les dispositions prévalant en Allemagne. Ce serait une bonne façon de montrer l’égalité dans l’unité.
Je n’évoquerai pas la résolution de la commission des affaires européennes du Sénat, sauf pour dire que l’idée de mettre en place une conférence interparlementaire associant des représentants des différentes commissions est tout à fait insuffisante.
J’en viens, pour finir, à la décision du Conseil européen modifiant l’article 136 du TFUE. C’est un détournement de procédure parfaitement illégal !
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Jean-Pierre Chevènement. La révision simplifiée n’est envisageable que dans la mesure où il n’y a pas accroissement des pouvoirs des institutions européennes. Tel n’est pas le cas en l’espèce. À l’évidence, lesdites institutions participent au mécanisme, siègent en tant que telles et sont mandatées pour imposer à l’État concerné les conditions d’une intervention du MES.
Mes chers collègues, ne nous leurrons pas, ne nous payons pas de mots : la révision simplifiée prônée par le TFUE n’est pas possible juridiquement en la circonstance. Pareil transfert est la négation de la souveraineté des peuples et s’apparente à un véritable coup d’État du point de vue du droit.
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
M. Jean-Pierre Chevènement. Le Conseil constitutionnel aura vraisemblablement à se prononcer, lui qui vient de montrer, je tiens à le saluer, toute sa vigilance concernant l’exercice des libertés républicaines. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et sur les travées du groupe CRC.)
Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Europe croit se sauver en violant sa propre légalité. En réalité, elle persévère dans l’erreur. Il serait plus sage de reprendre un peu de distance pour ne pas nous enfermer toujours davantage dans l’exercice consistant à vouloir remplir un puits sans fond ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe CRC. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Europe connaît depuis plus de deux ans d’importantes turbulences, qui l’ont conduite à devoir surmonter une crise sans précédent. Les dirigeants européens, au premier rang desquels le Président de la République et la Chancelière allemande, se sont particulièrement mobilisés pour préserver l’euro et résister aux tentatives de déstabilisation de la part des spéculateurs.
Une première réponse a consisté en la mise en place, au printemps 2010, du Fonds européen de stabilité financière. Créé dans des circonstances exceptionnelles et avec un statut de société privée, ce dispositif a cependant été établi pour une durée limitée de trois ans et s’achèvera donc en juillet 2013.
Or le problème de l’endettement de la zone euro réclamera des années d’efforts à tous les États membres. Il sera d’autant plus difficile à régler qu’il touche aussi la plupart des autres grandes zones développées : l’Europe hors zone euro, les États-Unis et le Japon. Bien sûr, il faut faire face à l’urgence, mais rien ne nous dispensera des efforts de longue haleine nécessaires pour réduire l’endettement.
Il convient donc de nous inscrire dans la durée et d’apporter des réponses pérennes. Pour atteindre cet objectif, il est désormais nécessaire d’aller au-delà du mécanisme du FESF et de remédier ainsi aux faiblesses originelles de l’Union économique et monétaire. Nous devons véritablement franchir un seuil qualitatif, au travers de l’instauration d’un mécanisme permanent de gestion des crises.
Pourquoi le traité de Maastricht n’avait-il pas prévu un mécanisme de coordination des politiques financières et économiques, qui paraît aujourd’hui si évident ? La raison est simple : à l’époque, on craignait que la prise en compte du degré d’intégration nécessaire ne conduise à une Europe à plusieurs vitesses et ne trouble les opinions publiques concernées.
Force est de constater que les esprits ont considérablement évolué : personne ne s’offusque du fait que les vingt-sept États membres ne peuvent avancer à la même vitesse ; personne ne s’émeut de cette notion de souveraineté partagée, laquelle, dans le cadre du semestre européen, est désormais considérée par les Françaises et les Français prêts à regarder la vérité en face comme une force et non comme une faiblesse. Notre pays ne subit aucune perte d’influence.
S’il nous a fallu dix-sept sommets européens pour parvenir à élaborer une nouvelle architecture fondamentale pour le fonctionnement de l’Union européenne, nous le devons à l’indéfectible volonté française. Souvenons-nous, l’Allemagne était, il y a encore deux ans, totalement fermée à l’idée d’une gouvernance économique. Au fil du temps, la construction européenne apparaît, une fois de plus, comme la résultante d’une succession d’alliances entre États membres.
Comment avoir voulu, en effet, se doter d’une monnaie unique sans, parallèlement, mettre en place une coordination des politiques économiques ? Ce fut une erreur grossière, collective, comme l’a rappelé Philippe Marini. Remédier à cette incohérence est donc crucial pour l’avenir tant de l’Europe que de la France.
Initié dès le Conseil européen des 16 et 17 décembre 2010, le Mécanisme européen de stabilité, véritable fonds monétaire européen disposant d’un statut d’organisation internationale, permettra de nous doter de moyens d’action rapide, adaptés à la stabilisation des marchés. Même si la Commission européenne, assistée de la Banque centrale et, en cas de nécessité, du FMI, aura un rôle à jouer dans le mécanisme de régulation, ce seront bien les ministres des finances de la zone euro, composant le conseil des gouverneurs, qui prendront directement les décisions.
Un tel fonctionnement présente un double avantage : premièrement, et je m’adresse tout particulièrement aux esprits chagrins qui voudraient laisser penser le contraire, le processus décisionnel émanera toujours d’une autorité politique ; deuxièmement, on gagnera très nettement en réactivité, atout essentiel, vous le savez bien, face aux marchés financiers.
La gravité de la situation actuelle nous impose d’être guidés par le pragmatisme et le souci de l’efficacité. Je sais que certains sont critiques à l’égard de la méthode choisie, l’intergouvernemental, au lieu de la méthode originelle, à savoir le communautaire. L’urgence, imposée par la fébrilité, voire l’irrationalité des réactions des marchés financiers, nous a conduits à préférer l’intergouvernemental en la circonstance. Il importe de rappeler, malgré tout, que la ratification du traité ne peut d’ailleurs être assimilée à un quelconque abandon de souveraineté de la part des États cosignataires : aucun transfert de compétences ni aucune limitation de la souveraineté ne sont envisagés ; rien n’est fait sans le consentement des États.
Je l’ai déjà dit, le principe même de la construction européenne repose sur la souveraineté partagée, et il s’applique au budget comme aux autres domaines. Nous ne pouvons pas continuer à élaborer nos lois budgétaires et fiscales de manière isolée, alors que nous avons une monnaie unique à gérer ensemble. C’est bien le sens de l’accord intergouvernemental conclu par vingt-cinq pays européens le 30 janvier dernier et qui doit être entériné lors du prochain Conseil européen des 1er et 2 mars prochains. Le mécanisme imaginé est parfaitement équilibré puisque solidarité et responsabilité sont indissociables dès lors que l’on entend répondre aux sensibilités propres des différents États membres.
Pour conserver tout son sens à ce mécanisme, il est en effet essentiel que les États membres s’engagent conjointement en faveur d’un pacte budgétaire de nature à conduire les économies européennes vers la stabilité budgétaire, condition indispensable pour renouer avec la compétitivité, la croissance et l’emploi. En d’autres termes, si l’État membre concerné ne donne pas son accord au pacte budgétaire, il ne peut bénéficier du soutien du MES.
Cet accord portant sur le pacte budgétaire est fondamental pour la crédibilité de l’Europe. À l’heure où certains spéculateurs parient sur l’incapacité des gouvernements européens à prendre des décisions, voire espèrent purement et simplement l’éclatement de l’Europe, l’accord du 30 janvier démontre que, en dépit de quelques atermoiements – qui n’ont rien d’étonnant dans l’actuel contexte de crise –, les Européens ont été à nouveau capables de se réunir, de trouver un terrain d’entente et de formaliser un engagement clair.
L’engagement obtenu est donc capital, non seulement pour notre avenir commun en Europe, mais aussi, tout simplement, eu égard aux autres pays du monde, qui nous jugent sur notre capacité à décider. Toute velléité de remise en cause de cet engagement compromettrait sérieusement cette crédibilité. C’est dire si le vote de chacune et de chacun d’entre nous revêt, en cet instant, une importance majeure.
Les deux traités qui nous sont soumis symbolisent aussi le renforcement du lien franco-allemand, car rien n’aurait été possible avec nos autres partenaires européens sans une véritable relation de confiance entre ces deux membres fondateurs. Ce travail en commun est, et restera, essentiel.
Même si le couple franco-allemand ne dispose pas d’un privilège, l’expérience montre que le rapprochement des points de vue entre la France et l’Allemagne prépare toujours un accord plus large.
Ayons également présent à l’esprit les dispositions de l’article 13 du projet de traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, qui renforce la coopération ainsi que les échanges entre le Parlement européen et les parlements nationaux en matière de politiques budgétaires. Le Mécanisme européen de stabilité y aurait toute sa place.
À nous de saisir l’opportunité de ces échanges ! C’est d’ailleurs ce que nous avons fait, dans un parfait consensus, lors du vote de la dernière résolution au sein de la commission.
Je tiens également à couper court à toute critique concernant la problématique de la croissance. Il est vrai, comme l’a dit Richard Yung, qu’une légère récession guette la zone euro, au travers d’une diminution de la croissance de huit États membres. Cela ne doit pas nous faire oublier pour autant que, dans cette conjoncture, la prévision de croissance de la France en 2012 est de 0,4 %. Pour reprendre les propos du président de la BCE, M. Mario Draghi, « la base sur laquelle nous pourrons réformer nos économies pour les rendre plus compétitives est la lutte contre les déficits publics ».
Je précise que la dette s’alourdit chaque jour de 120 millions d’euros. C’est en approfondissant le marché unique que nous devons, et pouvons, trouver un potentiel de croissance aujourd’hui insuffisamment exploité.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. Jean Bizet. Ne nous perdons pas dans d’autres conjectures, sauf à y voir un moyen de nous détourner de l’essentiel !
Avant de conclure mon propos, je tiens à déplorer qu’il ne soit pas possible, sur un tel sujet, de dépasser les clivages partisans et d’oublier, au moins le temps d’un vote, les prochaines échéances électorales. Je vous renvoie, à ce propos, à la tribune publiée dans Le Monde du 25 février dernier par plusieurs parlementaires européens, notamment M. Cohn-Bendit (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.),…
M. Jean-Pierre Chevènement. Bizet et Cohn-Bendit, quel rapprochement !
M. Jean-Pierre Caffet. Soixante-huitard ! (Sourires.)
M. Jean Bizet. ... et plusieurs économistes, qui ont qualifié de « bourde historique » le vote des députés de gauche et des écologistes à l’Assemblée nationale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Attendez le vote du Sénat !
M. Jean Bizet. L’Europe, qui a divisé les socialistes français d’hier, ne réunit pas davantage ceux d’aujourd’hui, enfermés qu’ils sont dans leurs débats internes. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Je vous le dis en toute amitié, mes chers collègues : à l’heure où le monde change, vous ne changez pas !
M. Christian Bourquin. Vous nous provoquez !
M. Jean Bizet. Au moment où nous devons adresser au marché un signal fort, nous faisons le choix d’un modèle économique basé sur l’économie de marché et d’un modèle social qui ne pourra plus jamais être financé à crédit, comme cela fut trop longtemps le cas par le passé, au risque de pénaliser les générations qui nous suivront.
M. Alain Néri. Tout a commencé sous Giscard !
M. Jean Bizet. Regardez les socio-démocrates allemands : ce choix, ils l’ont fait, mais à Bad Godesberg, en décembre 1959, il y a cinquante ans !
M. Jean-Michel Baylet. Vous êtes dans l’actualité...
M. Jean Bizet. Pour ma part, je suis convaincu que les dispositifs introduits par ces deux traités représentent une avancée. Je voterai donc, avec conviction et détermination, en leur faveur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le MES, exposé et analysé par M. le ministre et Mme le rapporteur général, confère à l’Union européenne la stabilité économique qui lui faisait défaut depuis l’entrée en vigueur de l’euro. Cette structure pérenne vient remplacer le FESF, structure temporaire qui fut indispensable pour répondre en urgence à la crise, et qui restera en place jusqu’en 2013, le temps que le nouveau mécanisme soit ratifié par les États membres.
Le MES, organisation internationale délibérant à la majorité de ses membres, s’inscrit dans l’évolution des traités de Maastricht, d’Amsterdam et de Lisbonne.
Ce texte, qui suscite les interrogations de l’opinion publique, répond aux questions existentielles portant sur l’avenir de l’Union.
La stabilité, principale vertu du traité, est consacrée par le MES, qui vise, par un capital élevé et les garanties solides dont disposent les États bien notés, à donner confiance aux investisseurs. Il fonctionnera comme un système d’assurance.
La France et l’Allemagne ont eu un rôle moteur pour maintenir la Grèce au sein de la zone euro, alors que la stabilité de l’ensemble de la zone était menacée. Il y a quelques mois à peine, le risque de propagation à l’Italie, au Portugal ou à l’Irlande était prégnant. La stabilité financière de l’Union, qui traduit sa solidarité, constitue un bien commun bénéficiant à tous.
Le MES, après le sauvetage de la Grèce, pose la question de l’étendue de la solidarité entre les membres de l’Union.
Ce terme de solidarité, « propriété des Européens continentaux », est presque inconnu des Anglo-Saxons, souligne un éditorialiste du Financial Times. On réalise l’abîme d’incompréhension qui nous sépare de nos voisins britanniques ! La solidarité répond en effet, pragmatiquement, au respect des intérêts de chacun et soude l’Union.
La faiblesse congénitale de l’euro résidait dans l’absence de gouvernance économique et financière, très critiquée par Jacques Delors et Valéry Giscard d’Estaing. Ces éminents Européens ont enfin été entendus. Ce traité répond à l’impératif d’union économique et financière par des mesures nouvelles de coordination des politiques économiques et de gouvernance. Cela constitue peut-être même une étape sur le chemin du fédéralisme budgétaire.
Pendant de la solidarité européenne, la discipline budgétaire doit être mise en application non seulement dans les États aidés, mais aussi dans tous les États membres, par le biais de l’exigence de l’équilibre budgétaire, dite aussi « règle d’or », contenue dans le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, qui sera soumis à ratification lorsque nous aurons transposé cette règle en droit interne. Monsieur le ministre, quel en sera le calendrier ? Quelle sera l’articulation entre les deux traités ?
Je ne suis pas convaincu qu’il faille lier le MES à la BCE, car cela affaiblirait la banque centrale en élargissant, et donc en diluant, son rôle. Quelle est la position du Gouvernement sur cette proposition de la commission des finances ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il est pour !
M. Aymeri de Montesquiou. La rigueur ne doit pas étouffer la croissance et la compétitivité. Il faut trouver le bon équilibre ; nous avons eu le même débat lors de l’examen du collectif budgétaire.
L’Europe doit bien sûr favoriser la croissance et l’emploi. La lettre aux présidents Van Rompuy et Barroso, envoyée par David Cameron et onze autres chefs de gouvernement, contient un certain nombre de propositions intéressantes en matière de relance de la croissance.
Ne laissons plus nos incertitudes et nos égoïsmes nationaux entraver l’essor de l’Europe ! Premier marché mondial, elle ne parvient pas à devenir la puissance économique et politique mondiale qu’elle devrait être en se rassemblant et en se coordonnant.
Aussi ne puis-je comprendre la décision des socialistes, pourtant héritiers du Président Mitterrand, Européen convaincu, de s’abstenir sur ce texte.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Ne vous posez pas trop de questions !
M. Aymeri de Montesquiou. Soit nous avançons avec nos partenaires dans une Union à Vingt-sept, soit nous restons en marge, ce qui est inconcevable. Pourquoi prendre le risque d’entraver la construction européenne ?
Permettez-moi, après Jean Bizet, de citer Daniel Cohn-Bendit, Européen incontesté, qui stigmatise « l’hypocrisie de la gauche française, Verts compris ».
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui !
M. Jean Bizet. C’est vrai !
M. François Marc. Soixante-huitard !
M. Aymeri de Montesquiou. Selon lui, « le Mécanisme européen de stabilité est l’une des rares choses positives que l’on a pu arracher au Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement, et surtout à l’Allemagne : il instaure une solidarité financière entre les pays de la zone euro... Le MES est la porte d’entrée vers les obligations européennes. Si, demain, la gauche parvient au pouvoir, elle sera très contente d’avoir un MES à sa disposition pour organiser la solidarité financière ».
M. Alain Néri. Merci !
M. Aymeri de Montesquiou. Et il ajoute : « Le refuser, c’est injurier l’avenir ». C’est clair et réaliste !
Les pays en difficulté ayant reçu des aides de l’Union ont engagé de véritables réformes structurelles. S’agissant de la Grèce, pour illustrer l’absence de coordination passée de l’Europe, je pourrais citer Thucydide, qui déplorait déjà que les cités grecques jouent indépendamment les unes par rapport aux autres, et donc les unes contre les autres.
La situation que vit la Grèce est terriblement difficile. Pendant des années, loin de mettre à profit les fonds structurels pour moderniser et assainir son économie, elle a été gangrenée par le clientélisme, dénoncé par les ministres grecs eux-mêmes, et n’a pas su réformer sa fiscalité, notamment le statut fiscal de l’église orthodoxe. Le plus difficile sera d’encaisser l’impôt, tant il semble normal, dans ce pays, de frauder.
Pourtant, l’espoir est permis, et les choses commencent à changer. Ainsi Panos Beglitis, ancien ministre de la défense, député de Corinthe, qui fustige le système politique grec, se félicite-t-il du Mémorandum II, qui permettra à son pays de changer radicalement et d’aller de l’avant.
Je tiens à revenir brièvement sur le rôle scandaleux joué par Goldman Sachs, qui, dans le même temps qu’il conseillait le gouvernement grec, incitait à la spéculation sur sa dette, dans le mutisme des agences de notation.
Une mission commune d’information sur le fonctionnement, la méthodologie et la crédibilité des agences de notation, présidée par Mme Espagnac du groupe socialiste, et dont je suis le rapporteur, a été créée sur l’initiative du groupe de l’UCR. Je suis certain que nous parviendrons à tirer des conclusions très intéressantes sur le fonctionnement de ces agences.
L’Espagne de Marino Rajoy mène des réformes courageuses, malgré un taux de chômage des jeunes catastrophique de 46 %, ou plutôt, justement, pour inverser cette tendance.
M. Michel Le Scouarnec. Quelle Europe !
M. Aymeri de Montesquiou. L’Italie de Mario Monti, avec modestie et efficacité, mène les réformes à « un train d’enfer » – selon les propres termes du président du Conseil italien –, allant jusqu’à supprimer des strates administratives pour faire des économies. Nous aurions dû en faire autant, monsieur le ministre, au lieu de choisir un moyen terme trop complexe.
L’OCDE a salué les réformes entreprises dans notre pays depuis cinq ans. Cependant, en cette période électorale, l’économiste allemand Klaus Zimmermann, professeur à l’université de Bonn, fait un constat alarmant sur le programme économique de la gauche, qui nous ferait revenir au moins dix ans en arrière. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Claude Lenoir. Au moins !