M. François Marc. Il faut enrichir les traités !
M. Philippe Dallier. Tout cela est très facile à dire, mais ce n’est ni réaliste ni très sérieux. Je leur rappelle que l’augmentation de la TVA ne concernera ni les biens de première nécessité, comme l’alimentation ou les médicaments, ni les produits taxés au taux réduit de 7 %. Ces biens pourront donc voir leur prix baisser, puisque la TVA restera la même, tandis que les coûts de production diminueront du fait de la baisse de charges.
Au total, c’est l’équivalent de 60 % du panier de consommation des Français qui ne sera pas concerné par l’augmentation du taux de TVA. Pour les 40 % restants, contrairement à ce que vous avez l’air de supposer, les prix n’augmenteront pas forcément mécaniquement.
Il est regrettable que, en adoptant la motion tendant à opposer une question préalable présentée par la nouvelle majorité, le Sénat ne discute pas d’un projet de loi aussi important pour la crédibilité de la France. Il est regrettable que des sujets aussi cruciaux que la compétitivité de nos entreprises ou la taxation de la finance ne trouvent pas grâce à vos yeux.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très regrettable, même !
M. Philippe Dallier. Là encore, il s’agit manifestement d’une posture.
La taxation des transactions financières a pourtant été l’un de vos chevaux de bataille, comme elle l’a été pour le Président de la République.
Lorsqu’il a lieu sur votre initiative, le débat vous semble intéressant. Mais quand c’est le Gouvernement qui ouvre la discussion, circulez, il n’y a plus rien à voir !
L’argument selon lequel la proposition de taxation est trop éloignée de celle de la Commission européenne est vraiment fallacieux. Sur ce sujet, il importe de prendre l’initiative, en parallèle des négociations qui continuent sur le plan européen, pour espérer un effet d’entraînement.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Les parallèles ne se rejoignent jamais !
M. Philippe Dallier. Rejeter brutalement l’ensemble du texte, comme vous allez nous le proposer à l’issue de la discussion générale, c’est aussi rejeter l’abondement, à hauteur de 1 milliard d’euros, du capital de la future banque publique de l’industrie. Dans ces conditions, ne nous reprochez pas la désindustrialisation du pays ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Rejeter ce texte, c’est également renoncer à des mesures de lutte contre la fraude fiscale.
Mme Marie-France Beaufils. En fin de mandat ? Il était temps !
M. Philippe Dallier. Ne nous reprochez donc pas de n’avoir rien entrepris en ce domaine ! Bien au contraire, le Gouvernement n’a eu de cesse de vous proposer de voter des mesures en ce sens,…
Mme Patricia Schillinger. Vos propos sont honteux !
M. Philippe Dallier. … dans les lois de finances rectificatives de décembre 2008, d’avril 2009, de décembre 2009 et de juillet 2011, comme dans le présent texte.
La majorité de gauche devra aussi nous expliquer pourquoi elle renonce à une mesure de développement de l’alternance susceptible de conduire, à terme, à l’embauche de 270 000 jeunes. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Christiane Demontès. En 2016 !
M. Philippe Dallier. Et je ne parle même pas du point essentiel : le relèvement du plafond de prêts accordés par la France au FMI et l’abondement du capital du futur Mécanisme européen de stabilité. Dans ce domaine, mesdames et messieurs les élus socialistes, vous vous réfugiez dans une abstention peu glorieuse, pour ne pas dire honteuse ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Cette abstention, certains d’entre vous l’ont qualifiée de « dynamique »… Une telle formule est pour le moins osée !
Par un calcul électoraliste, espérant peut-être faire oublier à vos alliés du Front de gauche la bourde de l’interview au Guardian, où vous nous expliquez qu’il n'y a pas plus aujourd'hui de communistes en France, vous n’osez pas approuver la création du MES, véritable pare-feu face à la crise, et proposez de vous abstenir sur le projet de loi de ratification du traité.
Ne nous parlez donc plus de la souffrance du peuple grec ! Vous n’êtes pas au rendez-vous de l’histoire. Gageons que les électeurs sauront vous juger sur vos prises de position.
M. Jean-Pierre Caffet. On verra cela dans deux mois !
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour toutes ces bonnes raisons, le groupe de l’UMP votera le présent projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « enfin ! », suis-je heureux de dire à propos de ce projet de loi de finances rectificative, car il met enfin en œuvre la « TVA sociale », il baisse enfin les charges patronales des entreprises, il instaure enfin une taxe sur les transactions financières. Mais pourquoi si tard ?
M. Michel Vergoz. Voilà !
M. Aymeri de Montesquiou. Tous ces sujets, le groupe de l’Union centriste et républicaine, sous l’impulsion persévérante et clairvoyante de Jean Arthuis, et le président de la commission des finances, Philippe Marini, les défendent inlassablement depuis de nombreuses années.
Ce dernier projet de loi de finances rectificative de la législature vient clore une série de mesures visant à restaurer la compétitivité de nos entreprises, l’attractivité de la France et la croissance de notre économie : la réforme de la taxe professionnelle, dont l’évaluation reste certes encore à parfaire, le crédit d’impôt recherche, dont le succès est certain, et les investissements d’avenir, qui sont vitaux.
La première priorité réside dans l’amélioration du climat pour les entreprises, maltraitées par une fiscalité discriminatoire entre les entreprises du CAC 40, d’une part, et les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire, d’autre part. On peut néanmoins penser que la hausse de 1,6 point du taux normal de TVA et la baisse corollaire des charges patronales rendront toutes les entreprises industrielles plus performantes dans la compétition internationale.
Les chiffres du commerce extérieur sont catastrophiques, plusieurs orateurs l’ont répété : un déficit commercial de 70 milliards d’euros, une perte de 19,4 % de parts de marché entre 2006 et 2010, …
M. Michel Vergoz. Non, depuis 2002 !
M. Aymeri de Montesquiou. … conséquence, notamment, de l’écart entre 4 500 petites et moyennes entreprises et entreprises de taille intermédiaire en France contre 10 000 en Allemagne. Or ce sont ces entreprises qui font la force de l’exportation et de l’innovation d’un pays. Plus inquiétant, les entreprises exportatrices sont 364 000 en Allemagne, contre seulement 92 000 en France, l’Italie elle-même nous dépasse très largement.
Le tissu de nos petites et moyennes entreprises et de nos entreprises de taille intermédiaire est trop faible, mais paradoxalement la France possède par ailleurs des champions industriels internationaux du CAC 40 dans les domaines de l’énergie, de l’aéronautique, des transports, du bâtiment, de la santé, du luxe, de l’agroalimentaire. Onze entreprises françaises figurent parmi les cent premières mondiales, ce qui place notre pays au premier rang européen.
Quelles solutions pour dynamiser les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire ? Déjà, ce projet de loi de finances rectificative crée une « banque de l’industrie », outil de financement et de garantie. Ferez-vous, monsieur le ministre, un effort en faveur des technologies de la « croissance verte » ? Dans un autre domaine, peut-on envisager une mise en place d’opérateurs boursiers qui leur seraient dédiés ?
La réindustrialisation est à l’ordre du jour. Les pôles de compétitivité, fleurons régionaux alliant universités, écoles d’ingénieurs et entreprises ont la capacité de se développer à l’international. Comment la décupler ? Dans quelle mesure les régions peuvent-elles s’engager dans le renouveau industriel de leur territoire ?
Ce projet de loi de finances rectificative se fait également justicier, en luttant contre la fraude et l’évasion fiscales par des sanctions accrues visant la dissimulation de comptes bancaires et de contrats d’assurance vie détenus à l’étranger. Plus redoutable, l’article 7 renforce les sanctions pénales en cas de fraude fiscale, pour la première fois depuis 1977, et aggrave ce délit lorsque des paradis fiscaux ou des États non coopératifs sont en cause.
Une autre disposition d’équité financière est consacrée par l’article 2 : la très désirée taxe sur les transactions financières. Avec cette mesure nationale, la France joue le rôle de fer de lance pour inciter la présidence danoise de l’Union européenne à accélérer l’adoption du projet de taxe européenne, encore en négociation ; elle a reçu le soutien de l’Allemagne, de l’Autriche, de la Belgique, de l’Espagne, de la Finlande, de la Grèce, de l’Italie et du Portugal.
Cette taxe serait enfin une juste contribution du secteur financier au coût de la crise financière supporté par les États, et donc par les contribuables. Elle répondrait en partie au souhait de Vaclav Havel, pour qui « le marché ne peut exister qu’à condition qu’il repose sur une morale ».
M. Michel Vergoz. Ah ! Voilà la morale !
M. Aymeri de Montesquiou. Notre commission des finances va plus loin dans la taxation de la spéculation, en adoptant les propositions de Mme le rapporteur général, soit ! Moraliser les marchés est une démarche « transpartisane ».
Objet de nombreuses critiques et comparaisons, cette taxe sur les transactions financières aura au moins le mérite d’exister et de rapporter 1,1 milliard d’euros en année pleine. Elle a surtout le mérite d’enclencher une dynamique, qui ne fait en rien obstacle à la future taxe européenne sur les transactions financières.
Notre pays s’engage très fortement en faveur de la stabilité financière des pays de la zone euro et de la solidarité européenne, d’une part, en relevant le plafond des prêts accordés au FMI à 31,41 milliards d’euros et, d’autre part, en prévoyant l’information du Parlement sur la mise en œuvre du Mécanisme européen de stabilité, organisation internationale pérenne avec des fonds propres de 80 milliards d’euros. La France, qui donne l’exemple, abonde ce fonds de 6,5 milliards d’euros, en avançant déjà le versement de la deuxième tranche. Nous en reparlerons la semaine prochaine, lors de l’examen du projet de loi autorisant la ratification du traité instaurant le Mécanisme européen de stabilité.
La compétitivité, outil de croissance et objet de ce projet de loi de finances rectificative, n’est pas seulement comptable, elle est aussi, selon la définition donnée par l’Union européenne, « la capacité d’une nation à améliorer durablement le niveau de vie de ses habitants et à leur procurer un haut niveau d’emploi et de cohésion sociale dans un environnement de qualité ».
La clé, c’est l’innovation ! Or la France demeure timide en la matière. Le contraste est frappant avec les États-Unis, qui ont été pionniers en recherche et développement, en particulier dans les domaines de l’électronique et des biotechnologies. L’une des causes de notre situation réside dans notre effort très insuffisant en matière de recherche et développement, secteurs public et privé confondus.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est vrai !
M. Aymeri de Montesquiou. Il se monte seulement à 2,10 % du PIB pour la France. Notre pays se classe loin derrière l’Allemagne, qui dépose trois fois plus de brevets que lui, et derrière la Corée du Sud, les États-Unis, le Japon, la Suède et beaucoup trop d’autres.
J’ajoute que le professeur de génétique Marc Fellous nous alerte, en dressant les conséquences désastreuses pour la recherche en biotechnologies végétales du nouveau moratoire sur la variété OGM de maïs Monsanto 810.
M. Claude Léonard. Eh oui !
M. Aymeri de Montesquiou. Certes, ne jouons pas les apprentis sorciers, mais ne laissons pas non plus le principe de précaution voisiner avec l’obscurantisme et un recul économique ! Ainsi, conséquence inquiétante pour l’Europe, nous assistons à la délocalisation ou à la création d’activités nouvelles de recherche et développement à l’étranger : le « numéro un » mondial de la chimie, l’allemand BASF délocalise toutes ses activités de biotechnologies végétales aux États-Unis.
Les investissements d’avenir sont bien sûr, aussi et surtout, l’investissement dans la formation, l’apprentissage, la formation en alternance pour les jeunes. Il convient, bien évidemment, de valoriser ces filières. Il est temps de remettre à l’honneur l’« intelligence de la main », comme l’avait fait le Président Giscard d’Estaing en son temps.
La France n’est pas un pays d’industriels, mais d’ingénieurs. Le Président Pompidou affirmait que les Français n’aimaient pas l’industrie. Il forçait peut-être un peu le trait, mais les familles préfèrent encore trop souvent que leurs enfants travaillent dans l’administration plutôt que dans l’industrie : 300 000 à 500 000 emplois ne sont pas pourvus, c’est incompréhensible, donc inacceptable ! L’exemple allemand est, dans ce domaine, très pertinent : il est indispensable de mettre en adéquation la formation et les besoins de l’économie. Sachons donner aux jeunes l’envie de rejoindre l’industrie, comme Pierre Gattaz le fait si bien dans son livre Le printemps des magiciens – La révolution industrielle, c’est maintenant !
Les comparaisons avec l’Allemagne, notre principal partenaire, sont multiples et rarement à notre avantage. Pourtant, le modèle allemand n’est pas entièrement transposable et, si la comparaison est utile, elle doit rester prudente. Je proposerai donc deux autres exemples : l’Italie et la vigueur de ses districts industriels et technologiques, leur travail « en meute » ; la Suède, bien sûr, jadis État providence comparable au nôtre, qui a su révolutionner son système et choisir la solidarité plutôt que l’assistanat.
Le monde a changé et, hélas ! il nous fait peur. Les Français sont très inquiets face à la mondialisation. Or tel n’est pas le cas des ressortissants des pays émergents, des Nord-Américains et de nombreux Européens, pour qui elle représente une chance. Comme eux, soyons créatifs. Inventons ! Osons saisir les opportunités !
Les Français ne sont certes pas prêts à intégrer la philosophie schumpétérienne de « destruction créatrice » comme les Suédois, qui sont conscients que des pans entiers de leur industrie seront un jour sinistrés et qui inventent déjà les filières d’avenir. Ils s’y préparent et y préparent leurs enfants, par l’éducation et la formation. Tel est le véritable investissement d’avenir : l’investissement dans l’humain.
Je souscris aux propos de Jean-Paul Delevoye, qui en appelle à une « véritable révolution mentale et comportementale » des citoyens et des responsables politiques pour conduire le changement. En effet, comme l’a dit si justement Winston Churchill : « Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne nous prenne à la gorge » ! (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, l’une des raisons qui nous incitent à ne pas poursuivre le débat sur ce projet de loi est un sujet peu évoqué ce soir, celui de l’apprentissage, qui me tient particulièrement à cœur, car il concerne aussi les régions. L’exercice de cette compétence, qui leur a été transférée, semble d’ailleurs être actuellement remis en cause par le Gouvernement.
Je parlerai donc de la modification des taux de la contribution supplémentaire à l’apprentissage et du quota d’alternants dans les entreprises de plus de 250 salariés, prévue par l’article 8 du projet de loi de finances rectificative.
La réglementation de la formation en alternance a, très récemment encore, fait l’objet d’un certain nombre de modifications. Le 1er mars 2011, le Président de la République avait annoncé la fixation d’un objectif de 800 000 jeunes en alternance à l’horizon de 2015 et, à terme, de 1 million d’apprentis, avec une réforme du financement de l’alternance.
La première étape de la mise en œuvre de ce programme a été franchie avec l’adoption de la loi de finances rectificative pour 2011 du 29 juillet 2011. Celle-ci procède à une refonte du dispositif d’incitation à l’embauche des apprentis en combinant le relèvement du seuil d’assujettissement des entreprises à la contribution supplémentaire à l’apprentissage à une modulation du taux de cette contribution, dit « malus », et à la création d’un « bonus » consistant dans le versement, par l’État, d’une prime aux entreprises qui respectent les quotas.
Cette réforme avait pour unique but d’afficher « du chiffre », en faisant baisser les statistiques du chômage par le développement de l’apprentissage saisonnier, de l’apprentissage en intérim et de l’apprentissage à partir de quatorze ans. Ainsi, j’ai constaté que le décret du 15 février 2012 relatif aux dispositifs d’alternance personnalisés durant les deux derniers niveaux de l’enseignement au collège ouvre la possibilité de stages dans des centres de formation d’apprentis et des sections d’apprentissage. Veut-on vraiment valoriser l’apprentissage, lorsque l’on organise une orientation précoce des élèves en échec ?
Mes chers collègues, il s’agit d’une véritable déréglementation de l’apprentissage, que je déplore d’autant plus que je soutiens très activement, comme beaucoup d’entre vous, cette filière.
Entre 2007 et 2011, les statistiques montrent une évolution extrêmement faible du nombre de contrats d’apprentissage, qui sont passés de 416 000 en 2007 à 434 000 en 2011. Il faut par ailleurs constater une baisse des contrats de professionnalisation, qui s’élevaient à 202 000 en 2007, mais à 194 000 en 2011.
Le renforcement des obligations des entreprises concernant l’alternance n’a donc pas démontré son efficacité.
Monsieur le ministre, madame la ministre, avec l’article 8, vous voulez modifier les obligations des entreprises seulement six mois après la réforme de la contribution supplémentaire à l’apprentissage.
Vous portez les effectifs en alternance des entreprises de plus de 250 salariés de 4 % à 5 %, mesure qui s’appliquera à la contribution supplémentaire à l’apprentissage due à compter de 2016 au titre des rémunérations versées en 2015 – nous sommes donc loin aujourd'hui de son application –, avec un doublement de la contribution supplémentaire des pénalités.
Vous procédez en outre à une augmentation annuelle et progressive du barème des taux de contribution en cas de non-respect du quota à partir de la contribution due à compter de 2013 au titre des rémunérations versées en 2012, jusqu’en 2016.
De fait, votre politique repose uniquement sur l’aspect « répressif » et le renforcement du « malus », et non sur l’incitation intelligente à le faire.
L’objectif est d’encourager les entreprises à embaucher davantage de salariés en alternance, qu’ils soient en contrat d’apprentissage ou en contrat de professionnalisation. Cependant, selon les propres chiffres du Gouvernement, les entreprises de 250 salariés et plus ne comptent actuellement que 1,6 % d’apprentis.
M. François Marc. C’est vrai !
M. François Patriat. Dans ces conditions, comment voulez-vous passer de 4 % à 5 % ? Il y a un gouffre entre la situation réellement vécue dans les entreprises et ce que nous propose le Gouvernement.
À l’évidence, le renforcement des obligations des entreprises concernant l’alternance n’a pas démontré son efficacité.
Lors de l’examen de la mission « Travail et emploi » de la loi de finances pour 2012, au mois de décembre dernier, j’avais rappelé que l’objectif de 600 000 apprentis en 2015 impliquerait une augmentation de 50 % des effectifs actuels en seulement quatre ans, alors que le nombre d’apprentis n’a progressé que de 8 % entre 2005 et 2010.
La création à compter de 2006 de la surtaxation des entreprises ne respectant pas le quota d’alternants dans leurs effectifs n’a que peu influé sur l’évolution du nombre d’apprentis. Au contraire, c’est la logique de cofinancement de l’État avec des régions fortement impliquées qui a permis l’augmentation du nombre d’apprentis dans notre pays. Or vous ne prenez pas en compte cette réalité ; l’emploi dans les régions, dans le contexte actuel, commanderait que l’État s’implique davantage sur des objectifs réalistes et atteignables, au travers de la nouvelle génération des contrats d’objectifs et de moyens pour la période 2011-2015.
Il serait préférable que le Gouvernement se penche sur les insuffisances du contrat de professionnalisation, la faiblesse des incitations financières et la carence de pilotage du dispositif qui ont été dénoncées par la Cour des comptes. Il conviendrait également de s’attacher aux moyens à mettre en œuvre pour limiter le phénomène de rupture des contrats en alternance par les jeunes eux-mêmes, qui est, vous le savez, en augmentation. Au lieu de cela, vous préférez un dispositif de malus dont les effets sur l’augmentation des ressources destinées au développement de l’apprentissage et l’incitation à l’embauche par les entreprises ne sont pas évalués.
Quand on considère la réalité des efforts budgétaires de l’État prévus pour 2012 en faveur du développement de l’alternance, on ne peut être que déçu, car les moyens ne sont pas à la hauteur des objectifs affichés.
L’objectif de 500 000 apprentis n’a pas été atteint, et la progression de leur nombre semble plafonner depuis 2008. Il aurait mieux valu appuyer cette nouvelle modification par l’évaluation des effets de la précédente réforme. Cette évaluation est, il est vrai, rendue particulièrement difficile par un dispositif trop complexe, à multiples tranches d’imposition et à taux glissant, qui aurait dû être simplifié.
Pourquoi décider maintenant d’une modification, alors qu’aucune des nouvelles dispositions n’entrera en vigueur en 2012 ? Le relèvement du barème ne sera applicable qu’en 2013, l’augmentation des quotas de 4 % à 5 % en 2016.
Il n’y a en fait aucune justification à légiférer, si peu de temps après la précédente réforme, dans ce véhicule législatif. Votre mesure n’a donc qu’un effet d’annonce.
Vous ne traitez pas le vrai problème : l’évaluation de la précédente réforme n’a pas été faite et celle que vous proposez maintenant est aléatoire. Était-il bien utile de l’inclure dans ce texte, sinon pour essayer de le densifier à travers des mesures concernant l’apprentissage que chacun souhaite voir mis en place, mais qui n’auront pas d’effet dans les deux ou trois années à venir ? C’est la raison pour laquelle nous ne débattrons pas de ce projet avec vous ce soir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)