M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. La position du Gouvernement n’est pas très éloignée de celle de M. le rapporteur spécial.
Monsieur Jarlier, la DCRTP et le FNGIR sont tout de même des dotations réelles : même si ce sont des dotations de compensation, elles peuvent être assimilées à la taxe professionnelle, qu’elles remplacent.
Je ne vois pas pourquoi on pondérerait des ressources réelles ! Au lieu d’être perçues au titre de la taxe professionnelle, elles le sont au titre de la compensation de cette dernière. Il s’agit toutefois des mêmes niveaux de ressources ! Les amender ne serait donc pas convenable.
En revanche, comme François Marc l’a dit, il faut examiner comment tout cela évolue sur la durée ; je suis d’accord sur ce point. En effet, il n’est pas évident que les évolutions soient les mêmes, notamment en termes de ressources – issues de la taxe professionnelle et, désormais, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE. Cela doit être examiné de plus près.
J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement. Pour autant, le système que nous instituons pour les départements doit bien évidemment être étendu au bloc communal. En conséquence, il faudra, dans les prochaines années, prévoir un suivi de ces questions et, dès qu’un premier bilan de la CVAE sera possible, examiner comment l’ensemble de nos dispositifs pourront le cas échéant être adaptés en fonction de ses évolutions futures.
M. le président. Monsieur Jarlier, l’amendement n° II-311 est-il maintenu ?
M. Pierre Jarlier. Monsieur le ministre, je suis assez satisfait de votre réponse dans la mesure où vous avez admis qu’il existait une vraie difficulté et qu’il faudrait, en 2012, faire des simulations pour examiner l’impact réel de la réforme de la taxe professionnelle, au regard des chiffres définitifs dont nous disposerons alors.
Vous nous dites que le FNGIR, est une dotation : certes, mais il vient enrichir le potentiel financier, alors que, dans le potentiel fiscal, les recettes étaient en réalité pondérées par des taux moyens. Donc, si vous aviez des taux forts, vous êtes, évidemment, pénalisé ; en revanche, si vous aviez des taux faibles, vous êtes avantagé. Il va donc bien falloir que l’on trouve un moyen pour atténuer ces effets.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces explications. J’ai bien entendu qu’on pourrait travailler sur ce sujet pour atténuer l’effet du FNGIR.
Lors de l’examen du prochain amendement, on verra qu’il est envisageable de prendre en compte un potentiel financier corrigé pour calculer les dotations de péréquation des départements, dès lors que l’on aura réglé ce problème ainsi que la question des critères de charges.
J’accepte donc de retirer mon amendement, dans la mesure où l’on examinera en 2012 les moyens d’éviter de provoquer des ruptures d’échelles dans le classement de la richesse des départements. Nous le ferons notamment au sein du groupe de travail de la commission des finances, qui, me semble-t-il, va travailler sur le sujet.
M. le président. L'amendement n° II-311 est retiré.
L'amendement n° II-46, présenté par MM. Marc et Jarlier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. – Après l'alinéa 24
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’indicateur de ressources élargi d’un département est égal à son potentiel financier majoré des montants perçus l’année précédente au titre de la dotation de péréquation urbaine prévue à l’article L. 3334-6-1 ou de la dotation de fonctionnement minimale prévue à l’article L. 3334-7.
II. – Alinéa 25
Remplacer les mots :
Le potentiel fiscal par habitant et le potentiel financier par habitant sont égaux, respectivement, au potentiel fiscal et au potentiel financier
par les mots :
Le potentiel fiscal par habitant, le potentiel financier par habitant et l’indicateur de ressources élargi par habitant sont égaux, respectivement, au potentiel fiscal, au potentiel financier et à l’indicateur de ressources élargi
La parole est à M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Cet amendement est directement lié à la discussion que nous venons d’avoir.
Il vise à prendre en compte les dotations de péréquation verticale dont bénéficient les départements, à savoir la dotation de péréquation urbaine – la DPU – et la dotation de fonctionnement minimale – la DFM –, dans les dispositifs de péréquation horizontale mis en œuvre entre les départements.
À cette fin, il crée un « indicateur de ressources élargi », l’IRE, égal au potentiel financier du département, majoré du montant perçu par lui au titre de la DPU et de la DFM.
Cette prise en compte correspond à la position exprimée par le groupe de travail sur la mise en œuvre de la péréquation entre les collectivités territoriales, créé cette année par la commission des finances.
Ce nouvel « indicateur de ressources élargi » aura vocation à être utilisé en lieu et place du potentiel financier, à compter de 2013, pour la mise en œuvre du fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, ainsi que pour celle du fonds de péréquation de la CVAE, et donc pour la péréquation horizontale.
Comprenons-nous bien : nous prendrions, d’un côté, le potentiel financier actuel, pour le calcul des dotations de péréquation verticale, et, de l’autre, le potentiel financier corrigé, pour le calcul de la péréquation horizontale.
La raison en est simple : il faut avoir une vision précise de l’ensemble des recettes des départements, au titre non seulement de leurs ressources, mais aussi de la péréquation verticale, pour savoir de quelle solidarité interdépartementale ils peuvent bénéficier. La commission souscrit à cette logique.
Toutefois, le groupe de travail de la commission des finances a également affirmé cet été, dans son rapport, que la mise en place d’un indicateur intégrant à la fois la péréquation verticale et les dotations nécessiterait que soient également pris en compte des critères de charges, liés, par exemple, à la longueur de voirie par habitant, au nombre de personnes âgées, au revenu moyen… Sinon, nous risquons d’aboutir à des classements aberrants au regard des critères actuels de classement des richesses des départements.
Un chantier important doit s’ouvrir, mais nous pouvons d’ores et déjà inscrire dans la loi le principe du potentiel financier corrigé, dès lors que l’on s’engage dans la démarche visée par cet amendement et par le précédent, que j’ai retiré.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. J’ai moi aussi le sentiment qu’il faut prendre en compte l’ensemble des ressources agrégées dans le potentiel financier.
Pourtant, le Gouvernement va donner un avis défavorable à l’amendement, pour deux raisons.
Premièrement, je pense qu’il ne faut pas trop complexifier l’ensemble des indicateurs : en reprenant des critères valables pour la DGF, tels que la longueur des routes, nous aurons une vision de moins en moins claire de ces indicateurs.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est vrai !
M. Philippe Richert, ministre. Plutôt que de faire la somme d’indicateurs, nous devons véritablement essayer d’avoir des indicateurs représentatifs : sinon, on ne gère plus rien.
C’est un sentiment personnel ; ce n’est pas la position du Gouvernement en tant que tel, mais je vous le dis, franchement, plus personne n’y retrouve ses petits !
Deuxièmement, prendre en compte, dans les ressources servant de base au calcul de la péréquation, le résultat de la péréquation elle-même, est tout de même un peu compliqué !
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Ce n’est pas ce que l’on propose !
M. Philippe Richert, ministre. C'est la raison pour laquelle il me semble plus simple de prendre en compte les ressources avant péréquation. Les fonds de péréquation ont justement pour vocation de corriger les irrégularités ou les trop grandes différences existant d’une collectivité territoriale à l’autre.
Comme l’opération se fait sur deux années consécutives, il est clair que, si l’on prend en compte la péréquation de la première année, la péréquation de la seconde année sera relativement minorée, alors que les ressources sont toujours au même niveau.
En conséquence, en dépit de mon sentiment initial favorable, mon avis sera finalement défavorable. Si nous l’adoptions tel quel, le mécanisme auquel tend l’amendement ne serait pas complètement rigoureux.
Toutefois, je peux proposer à M. Jarlier, s’il en est d’accord, la même solution que pour l’amendement précédent : fixons une « clause de revoyure ».
Le travail que nous accomplirons cette année nous permettra de rechercher les mécanismes à prendre en compte pour être au plus près des réalités.
M. le président. La parole est à M. Charles Guené.
M. Charles Guené. Je veux simplement exprimer mon embarras concernant cet amendement. En effet, on veut ici mettre en œuvre pour les départements ce qu’on a refusé pour le bloc communal, à savoir l’utilisation d’un indicateur de ressources élargi. Cela me paraît un peu incohérent, pour ne pas dire plus. C’est la raison pour laquelle je m’abstiendrai.
Si l’on veut tenir compte de charges particulières plus ou moins définies, il serait curieux de ne pas prendre en considération les dotations qui y sont attachées. Comment voulez-vous opérer une péréquation en tenant compte des charges, mais pas des sommes qui sont attribuées pour y faire face ? Il y a là un vrai problème.
Puisqu’on parle d’IRE, il me semble avoir provoqué tout à l'heure celle de Mme la rapporteure générale. (Sourires.) Madame, lorsque j’ai évoqué un « vœu pieux », il s’agissait pour moi non pas de mettre en doute la foi ou l’engagement de l’actuelle majorité, mais bien de souligner que l’amendement que nous avons voté tout à l'heure, aux termes duquel les ressources des collectivités ne peuvent être inférieures à un certain seuil, n’était pas assorti de son corollaire, en vertu duquel elles ne devraient pas excéder un plafond.
Si vous le souhaitez, je retire mon expression de « vœu pieux » et je lui substitue celle d’« engagement hémiplégique » ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Monsieur Jarlier, l'amendement n° II-46 est-il maintenu ?
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Oui, monsieur le président.
Je rappelle à M. Guené que cette préconisation fait partie du rapport qu’il a cosigné cet été, dans le cadre du groupe de travail de la commission des finances.
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Il s’agit pour nous, non pas de prendre un indicateur, même très intéressant, pour calculer la péréquation, mais de mettre en place un nouvel outil, qui nous permettrait d’avoir un élément d’évaluation de la richesse réelle d’un département. Tel est l’objectif ; il vise évidemment toutes les strates, tous les niveaux de collectivités.
Certes, il est vrai que, dans le calcul de la péréquation verticale, parce qu’il y a des collectivités qui sont en fait contributrices, on n’a pas pris en compte cet indicateur élargi. Mais nous l’avons créé pour les régions, les départements, les communes et les intercommunalités, de façon à avoir, à un moment donné, une vision précise de la richesse réelle d’un département, toutes dotations confondues. Dans un second temps, nous pourrons rechercher des mécanismes pour réduire ces écarts.
Voilà ce que nous voulons faire aujourd'hui, et nous ne voulons faire que cela. Comprenons-nous bien : comme je l’ai précisé, dès lors que l’on agira avec les potentiels financiers nouveaux sur les calculs de péréquation verticale ou horizontale, il faudra mettre en place des critères de charges pour prendre en compte la spécificité des situations des départements, ainsi que l’atténuation des effets du FNGIR et de la DCRTP.
M. François Marc, rapporteur spécial. Ce n’est donc pas un engagement hémiplégique !
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Je serai très brève : comme je l’ai déjà indiqué en commission, le groupe communiste s’abstiendra sur cet amendement. En effet, nous ne sommes pas favorables à la réintégration dans les indicateurs d’outils qui sont déjà ceux de la péréquation, même si, comme vient de le dire M. Jarlier, la mise en place de l’IRE ne sera pas forcément suivie d’une application immédiate.
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. En effet !
Mme Marie-France Beaufils. Comprenez toutefois mes réserves sur cette façon de concevoir les outils. Ce n’est pas un refus de considérer la question de l’indicateur, mais je ne voudrais pas que ce dernier se transforme ensuite en un outil de répartition.
M. le président. La parole est à M. François Marc, rapporteur spécial.
M. François Marc, rapporteur spécial. Je voulais attirer l’attention de nos collègues sur le fait que cet amendement, que Pierre Jarlier et moi-même présentons, au nom de la commission des finances, est en lien étroit avec l’amendement adopté tout à l'heure avant l’article 53.
Mme Marie-France Beaufils. Tout à fait !
M. François Marc, rapporteur spécial. En effet, on ne peut ambitionner de mesurer et de comparer les ressources et le potentiel des collectivités si l’on n’a pas, pour ce faire, un indicateur moderne, évolué, adapté aux circonstances et aux données dont on dispose.
Il s’agit bien de se doter, non d’un outil devant conduire dans l’immédiat à un mécanisme de répartition, mais d’un indicateur d’observation et de comparaison qui donne une image fidèle de ce qu’est, à un moment donné, la richesse effective des collectivités. L’IRE va permettre de mettre en œuvre la disposition que nous avons adoptée ; telle est son utilité, et telle est sa vocation principale.
Il me semble donc fort utile de le retenir dans nos outils de mesure et d’évaluation.
M. le président. L'amendement n° II-47, présenté par MM. Marc et Jarlier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 29 et 30
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
3° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« À compter de 2012, les départements éligibles ne peuvent percevoir une dotation de péréquation urbaine inférieure au montant de la dotation de péréquation urbaine perçu l’année précédente.
« En 2012, le potentiel financier utilisé pour l’application du présent article est celui calculé pour l’année 2011. »
II. – Après l’alinéa 30
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – L’article L. 3334-7 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En 2012, le potentiel financier utilisé pour l’application du présent article est celui calculé pour l’année 2011. »
III. – Alinéa 34
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
IV. – Après l’alinéa 35
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En 2012, le potentiel fiscal utilisé pour l’application du c est celui calculé pour l’année 2011. »
La parole est à M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Cet amendement vise à permettre de maintenir les ressources des départements au regard des conséquences de la réforme de la taxe professionnelle. Il est donc directement lié à la discussion que nous venons d’avoir.
La nouvelle définition des potentiels fiscal et financier des départements entraîne un bouleversement dans la classification actuelle de ces derniers.
Le Gouvernement reconnaît ne pas être en mesure d’en apprécier pleinement les effets, les montants de la CVAE de 2010 devant être répartis entre les départements n’étant pas connus pour l’instant. À cet égard, l’article 53 prévoit, par précaution, de conserver la notion de potentiel financier de l’année 2011 pour le fonctionnement, en 2012, du fonds national de péréquation des DMTO. On l’a vu : il y aurait eu des bouleversements importants si l’on avait utilisé les nouveaux indicateurs.
En revanche, le Parlement est encore amené à modifier de manière très substantielle, sans aucune visibilité et dans la précipitation, les modalités de répartition des dotations de péréquation des départements, en leur appliquant les nouvelles notions de potentiel financier.
Par cohérence, cet amendement vise à prendre les mêmes précautions en ce qui concerne la dotation de péréquation urbaine, la DPU, la dotation de fonctionnement minimale, la DFM et la dotation globale d’équipement, la DGE, qu’en ce qui concerne le Fonds de péréquation des DMTO. Il s’agit de conserver la référence aux potentiels fiscaux et financiers de l’année 2011, au lieu d’utiliser ceux calculés en 2012. Les départements seraient ainsi protégés des conséquences du bouleversement de leur classification.
Cette solution de prudence permettra, en 2012, d’appréhender pleinement les effets des modifications proposées et d’envisager sans précipitation les ajustements qui pourraient s’avérer nécessaires et dont nous avons parlé tout à l’heure, notamment l’atténuation des effets du FNGIR, et de la DCRTP.
M. le président. Le sous-amendement n° II-245, présenté par M. Haut et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Amendement n° II-47
Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
V. - Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... - En 2012, le potentiel financier utilisé pour l’application de l’article L. 3334-16-2 du même code est celui calculé en 2011.
... - En 2012, le potentiel fiscal utilisé pour l’application de l’article L. 14-10-7 du code de l’action sociale et des familles est celui calculé pour l’année 2011.
La parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. À la suite de la suppression de la taxe professionnelle, compensée par l’affectation aux départements de nouvelles recettes fiscales et budgétaires, il est indispensable de redéfinir les potentiels fiscal et financier des départements. La nouvelle définition de ces critères est particulièrement importante, puisqu’il en est tenu compte dans l’ensemble des dispositifs de péréquation, tant verticale qu’horizontale. En conséquence, nous devons attacher la plus grande importance à ce travail afin d’établir une définition stable et sécurisée pour les années à venir.
L’article 53 du projet de loi de finances prend en compte, pour ce calcul, l’ensemble des recettes budgétaires ou fiscales reçues par les départements en compensation de la suppression de la taxe professionnelle. Ce nouveau principe soulève, d’ores et déjà, de nombreuses inquiétudes.
En effet, le potentiel fiscal, dans son ancienne version, présentait l’avantage de ne prendre en compte que les bases fiscales dont disposait la collectivité, en neutralisant les effets de sa politique fiscale, traduite par le vote des taux, ce que ne permet plus la nouvelle définition. Les territoires sur lesquels la pression fiscale est forte se trouvent par conséquent désavantagés.
Par ailleurs, l’intégration de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance, ou TSCA, dans le potentiel fiscal fait subir une double peine aux départements, puisque, il faut le rappeler, le produit de cette taxe a été attribué en compensation aux départements qui avaient le plus perdu du fait de la suppression de la taxe professionnelle : sa prise en compte, aujourd’hui, conduirait à rendre ces territoires optiquement plus riches qu’ils ne le sont.
L’Assemblée des départements de France a réalisé des simulations sur la base de la nouvelle définition : celles-ci viennent confirmer nos craintes, puisqu’elles démontrent un bouleversement dans la classification des départements. Le rapport établi par nos rapporteurs spéciaux accorde un large écho à ce travail, notre collègue Jarlier vient de l’indiquer.
Probablement conscient des difficultés rencontrées, le Gouvernement avait prévu, dès le projet de loi de finances initial, de suspendre l’application de la nouvelle définition pour l’année 2012, en ne tenant compte que du potentiel financier calculé pour 2011.
Légitimement, nos rapporteurs spéciaux proposent de « faire preuve d’autant de précaution en ce qui concerne la DPU, la DFM et la DGE, qu’en ce qui concerne le fonds de péréquation des DMTO », en suspendant l’application de la nouvelle définition en 2012.
Dans le même esprit et dans un souci de cohérence et de justice, notre sous-amendement vise à différer à 2013 l’application de cette nouvelle définition pour l’ensemble des dispositifs qui prennent en compte le potentiel fiscal ou financier : il s’agit, notamment, des modalités de répartition des crédits de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, au titre de la prestation de compensation du handicap, la PCH, et du Fonds de mobilisation départementale pour l’insertion, etc.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. J’émets un avis favorable, car ce sous-amendement est cohérent avec la position adoptée par la commission des finances.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement et le sous-amendement ?
M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
En ce qui concerne les critères à prendre en compte pour le calcul des dotations attribuées aux départements dans le cadre de la péréquation, le fait de garder en 2012 les mêmes principes qu’en 2011 n’est pas satisfaisant. En effet, la taxe professionnelle ayant été remplacée par un certain nombre de dotations, il faudra bien introduire, à un moment donné, de nouveaux critères. L’idée du Gouvernement était d’intégrer dans les nouveaux critères d’attribution la CVAE, la DCRTP, le FNGIR, et l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER.
Par ailleurs, en ce qui concerne les ressources, le Gouvernement a prévu une garantie portant notamment sur la dotation de fonctionnement minimale, la DFM, et la DPU. Les députés ont renforcé cette garantie en assurant aux départements éligibles le maintien à 100 % de ces dotations. Cette disposition figure dans le projet de loi de finances ! Du moment que cette garantie existe, le Gouvernement estime qu’il convient de commencer à prendre en compte les nouvelles ressources fiscales et financières, sachant que les départements éligibles ne s’exposent pas au risque de subir une baisse de leurs dotations.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Je tiens à mettre en garde nos collègues sur les conséquences de leur vote dans l’hypothèse où cet amendement et ce sous-amendement ne seraient pas adoptés. L’Assemblée nationale a mis en place un « filet de sécurité » en ce qui concerne les DMTO, c’est une très bonne chose, puisque la suppression de la taxe professionnelle aura des conséquences, nous l’avons vu, sur le classement des départements en fonction de leur potentiel fiscal et financier.
Si nous n’adoptons pas la même démarche dans le cadre de la péréquation verticale, l’application du nouvel indicateur nous réserve des surprises, même si des « filets de sécurité » sont prévus par ce projet de loi de finances. Par précaution, la commission propose d’appliquer le même dispositif que celui prévu pour le fonds de compensation des DMTO, en retenant pour base les recettes de 2011.
Je maintiens donc cet amendement, parce qu’il constitue une mesure de prudence, eu égard à la situation déjà difficile des budgets départementaux.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Je tiens à relever une inexactitude. En ce qui concerne les DMTO, ils ne bénéficient pas de la garantie du niveau de ressources que je viens d’évoquer.
En 2011, une très forte volatilité des DMTO a été observée. Pour cette raison, les critères fixés par la précédente loi de finances ont été maintenus pour la prise en compte du potentiel financier.
En revanche, dans le cadre de la péréquation verticale, nous avons décidé de garantir aux départements éligibles le même niveau de ressources qu’en 2011. Il n’y a donc pas de raison de ne pas prendre en compte, pour le calcul du potentiel financier, les quatre ressources qui ont remplacé la taxe professionnelle ; les départements ne courent aucun risque. Je ne vois pas pourquoi il faudrait les mettre en alerte, puisque les départements éligibles se voient clairement garantir le maintien des dotations qui leur étaient attribuées en 2011.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Évidemment, une garantie est prévue, mais ces ressources ne connaîtront donc aucune évolution pour les départements qui seront touchés.
Parallèlement, les conséquences seront vraisemblablement importantes en ce qui concerne le FMDI et le CNSA. Nous devons donc être attentifs, parce que la prise en compte de la nouvelle définition du potentiel financier ne restera pas sans effets et aucun « filet de sécurité » n’a été prévu.
M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.
Mme Michèle André. Monsieur le ministre, nous vous demandons simplement de nous accorder un délai de prudence d’un an. Sur ce point, j’abonde dans le sens des deux rapporteurs spéciaux. Nous sommes déjà en train de préparer nos budgets pour 2012, laissez-nous donc le temps de nous retourner : vous le savez bien, les classements sont aujourd’hui largement différents de ce qu’ils étaient auparavant. Nous avons donc besoin de ce petit délai de précaution : une année, c’est peu !
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-281 rectifié, présenté par MM. Mézard, Barbier, Baylet, Collin et Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall, Bertrand et C. Bourquin et Mme Escoffier, est ainsi libellé :
Alinéas 37 et 38
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Cet amendement vise à supprimer le fonds de réserve du Fonds national de péréquation des DMTO des départements. Nous n’ignorons pas que le seuil de mise en réserve, par le Comité des finances locales, des ressources excédentaires a été longuement débattu par nos collègues députés. Cette année, près de 440 millions d’euros auront été répartis entre les 73 départements bénéficiaires du fonds, dont 50 bénéficiaires nets.
Néanmoins, notre amendement répond à une logique précise qui n’a pas pour objet de refuser toute mise en réserve : nous estimons plutôt que la volatilité des DMTO ne contribue pas à assurer un mode de financement pérenne de ce fonds national de péréquation. La conjoncture étant ce qu’elle est, il est éminemment difficile d’établir des prévisions de recettes, et donc d’assurer un mode d’alimentation solide de ce fonds d’une utilité incontestable.
L’idée d’instituer un fonds de réserve pour les années moins fastes est légitime, mais elle risque, au vu des seuils aujourd’hui retenus, d’affecter le rendement de ce fonds et de diminuer, en conséquence, les crédits redistribués.
Nous souhaitons, pour notre part, décentraliser la gestion des mises en réserve, en laissant les présidents de conseils généraux planifier eux-mêmes leur gestion de précaution. Cette option avait d’ailleurs reçu le soutien du rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale : il ne s’agit pas d’une manifestation de défiance vis-à-vis du Comité des finances locales, mais plutôt d’une marque de confiance renforcée à l’endroit des élus locaux, pour les inciter à assumer leurs responsabilités.