Mme Josette Durrieu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à cette heure avancée, j’évoquerai assez brièvement la défense européenne.
Après les événements de Libye, qui ont vu l’engagement de la France et de la Grande-Bretagne, nous constatons avec amertume la faiblesse politique de l’Europe et le manque de capacités militaires communes : dans un cas comme dans l’autre, ce n’est pas une surprise !
En résumé, nous pourrions dire que l’Alliance atlantique restera longtemps encore la seule défense européenne.
Les opérations en Libye, qui semblent avoir coûté, selon les estimations de la France et de la Grande-Bretagne, entre 300 millions d’euros et 350 millions d’euros, ont montré l’efficacité, très largement reconnue, du dispositif militaire français ; il faut évidemment s’en féliciter.
Ces opérations ont également apporté la preuve de la performance des matériels utilisés et de la qualité de nos soldats, que nous saluons. Elles ont été l’occasion d’effectuer les premiers tirs opérationnels de missiles de croisière SCALP-EG et AASM-IR. Enfin, elles ont montré la polyvalence du Rafale et l’efficacité du Tigre.
Néanmoins, nous déplorons, cela a été dit, d’évidents points faibles : les drones de surveillance, les capacités, notamment satellitaires, en matière de renseignement, le ravitaillement en vol, assuré à 90 % par les États-Unis.
Tout cela traduit la faiblesse de la défense européenne face à des conflits qui se déroulent à nos portes. Or, Jean-Pierre Chevènement l’a indiqué tout à l’heure, les Américains se désengageront de plus en plus de l’Europe.
À cet égard, j’évoquerai maintenant les menaces qui sont trop souvent passées sous silence et qui tiennent aux fameux conflits gelés, c'est-à-dire non réglés. Il s’agit de reliquats de la période post-soviétique, figés sur un statu quo : ni guerre ni paix.
Je citerai le conflit de 1994 concernant la Transnistrie, à l’est de la Moldavie. Je citerai encore l’Abkhazie et le conflit de 1994, qui s’est lui déroulé en Géorgie. On connaît mieux le cas de l’Ossétie du Sud, où un conflit a eu lieu entre 2008 et 2009. Je citerai enfin le Haut-Karabagh, dans le Caucase du sud.
Je rappelle que tous ces États sont membres du Conseil de l’Europe et que tous sont situés aujourd'hui dans la zone dite du « voisinage proche » déterminée par l’Union européenne en 2003.
Je rappelle également que certaines opérations, comme l’opération EUBAM, sur le barreau Tiraspol-Odessa, entre la Transnitrie et l’Ukraine, font l’objet d’un accompagnement de l’Union européenne, dans cette zone où se déploient de grands trafics de toutes natures et qui, il faut aussi le souligner, reste sous l’influence de la Russie, dont elle constitue une chasse gardée.
L’Europe doit s’intéresser à ces conflits.
À cet égard, je vous poserai, monsieur le ministre, trois questions.
Quel pourrait être le format de la pacification ? Le Kosovo ne peut pas et ne doit pas être une référence !
Quels principes devons-nous faire prévaloir ? L’intégrité et la souveraineté des États, à coup sûr. Or je rappelle que ces principes-là n’ont pas été respectés en Géorgie, lorsque le président Sarkozy a fait cesser, et c’est heureux, le conflit, car il a aussi accepté l’occupation et la sécession. Le problème reste donc entier pour le futur.
Enfin, comment avoir des relations de bon voisinage avec la Russie, qui est toujours, directement ou indirectement, impliquée dans ces conflits ? Ce grand partenaire cherche sa place. Je pense qu’il doit la trouver et que nous devons l’y aider. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Rachel Mazuir.
M. Rachel Mazuir. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les observations formulées par plusieurs de mes collègues. Je déplore tout de même que nous débattions de crédits qui pourraient être prochainement revus à la baisse, Didier Boulaud l’a dit, à l’occasion d’un énième plan de rigueur imposé par les marchés, les agences de notation ou Mme Merkel, voire par les trois !
Comme mes collègues l’ont rappelé, le cap fixé par la loi de programmation militaire n’est pas atteint, il s’en faut. À cet égard, je vous rappelle que, lors des débats du 16 juillet 2009, le groupe socialiste avait souligné l’absence de sincérité de ce texte, compte tenu de la surévaluation des recettes et de l’importance des frais entraînés par la politique du Gouvernement. Je pense, par exemple, aux conséquences du plan social résultant de la révision générale des politiques publiques.
De fait, les coûts engendrés sont aussi incertains que les gains attendus. Il n’est donc pas concevable de continuer de bâtir des prévisions budgétaires hypothétiques : il devient primordial d’ajuster les besoins aux moyens réellement accordés.
Permettez-moi maintenant, monsieur le ministre, de vous interroger sur deux points : le premier a trait aux ventes de matériels d’occasion et le second, aux disparitions répétées d’armes de grande puissance dans certains pays particulièrement instables.
Sur le premier point, j’observe que le sort des équipements militaires anciens reste mal identifié et soulève cette double interrogation : doivent-ils être usés jusqu’à la corde, puis démantelés, ou doivent-ils être revendus tant qu’ils sont encore utilisables ?
Il semble bien que, pour des raisons essentiellement budgétaires, ces équipements soient généralement utilisés jusqu’au bout – ce n’est d’ailleurs pas sans risque –, puis démantelés.
Deux études ont été réalisées sur ce sujet par deux députés de votre majorité, monsieur le ministre, dont je salue le travail : l’une par Mme Lamour, en 2007, l’autre par M. Grall, en mars 2011. Des propositions ont été faites, mais elles n’ont pas à ce jour reçu le soutien du Gouvernement.
Je ne m’attarderai pas sur le démantèlement de produits spécifiques issus du nucléaire, si ce n’est pour rappeler qu’une filière française excelle en la matière, grâce au soutien d’industries publiques et privées très en pointe. Je déplore cependant que l’État n’abonde pas le fonds dédié au soutien de cette filière, plébiscitée et utilisée même par les Américains. Elle est notamment spécialisée dans le recyclage du plutonium, lequel, comme vous le savez tous, est le composant essentiel du MOX.
Monsieur le ministre, le Gouvernement entend-il réellement contribuer au financement de ce fonds à hauteur de 1,5 milliard d’euros, comme il s’y était engagé ?
Le stock constitué par les autres matériels à démanteler reste très important en France et son écoulement annuel est limité. Notre pays pourrait toutefois, là encore, accélérer ce processus si une réelle volonté politique se dessinait.
Je reconnais bien volontiers, monsieur le ministre, que le coût de ces travaux peut sembler démesuré au regard des retombées économiques immédiates. Pourtant, ce n’est pas lorsque nous serons confrontés à l’arrivée massive de matériels à la suite de l’application de directives rigoureuses concernant nos armées qu’il faudra trouver une solution. C’est une politique réfléchie, en partenariat avec les industries françaises compétentes, que nous devrions rapidement arrêter.
L’autre solution consiste donc à vendre ce matériel utilisé et encore exploitable à des pays demandeurs.
J’ai été surpris par la ressource financière que certains pays voisins pouvaient dégager de la revente de ces matériels d’occasion et je vous interroge donc, monsieur le ministre, sur la stratégie de la France en ce domaine.
Comme le souligne le rapport de la commission, alors que l’Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis – il est vrai que le cas de ce dernier pays est un peu particulier – ont su développer une réelle capacité à exporter leurs matériels anciens. Ainsi, l’Allemagne, entre 2000 et 2009, aurait vendu pour 1,4 milliard d’euros de matériels, le Royaume-Uni, sur une période un peu plus longue, pour 1 milliard d’euros. La France est à la traîne alors même qu’elle possède un réel potentiel.
Même si les règles juridiques communautaires et internationales, environnementales et comptables semblent être un frein au déploiement efficace de cette politique, elles pourraient être assouplies s’il y avait un pilote aux commandes de cette politique sans doute lucrative. Tout le monde a en mémoire les péripéties d’un de nos anciens porte-avions, qui a été finalement « désossé » l’an dernier, au bout de sept ans.
À l’heure où les recettes attendues peinent à arriver, pourquoi ne pas développer cette filière de revente de ces matériels à des pays intéressés ?
J’ai bien conscience qu’il faut déterminer à partir de quel âge un matériel est considéré comme dépassé, voire obsolète, et qu’une logique différente doit s’appliquer selon la nature même des équipements.
Il reste que ce marché de l’occasion risque d’être prochainement inondé par les équipements des armées américaines à la suite de leur prochain retrait d’Irak et d’Afghanistan. Il serait regrettable que la France passe à côté de cette opportunité.
Par ailleurs, nous avons, avec nos partenaires européens, déjà réalisé une grande avancée en ce domaine en transposant dans le droit français deux directives européennes qui portent sur le contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre. Ces dispositions ont été soutenues par le groupe socialiste, sous réserve de la publication rapide des décrets. J’espère, monsieur le ministre, qu’ils paraîtront prochainement.
Cette loi de transposition tend, par une simplification des procédures, à favoriser les échanges entre les différents pays européens et porte à la fois sur des matériels de guerre neufs et sur des matériels d’occasion.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Rachel Mazuir. Le second point sur lequel je souhaitais attirer votre attention a trait à la disparition inquiétante, en Libye, de matériel militaire, flambant neuf cette fois, plus particulièrement de missiles sol-air.
La situation au Sahel est préoccupante : y règnent la pauvreté et les injustices ; y sévit le terrorisme. Le conflit en Libye a eu et aura des conséquences directes sur cette région – détournements de matériels, risque de dissémination d’armes chimiques.
Une résolution du Conseil de sécurité datée du 31 octobre exprime la préoccupation de la communauté internationale devant la prolifération de ces armes et de ces matériels connexes.
Monsieur le ministre, comment la France peut-elle intervenir dans cette région, où nos intérêts sont nombreux, et en collaboration, notamment, avec l’Union européenne, pour faire cesser ce trafic ? Avez-vous les moyens en personnels et en matériels pour évaluer ces menaces et y faire face ? Quelle est la volonté du Gouvernement en la matière ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au préalable, je remercie l’ensemble des orateurs de leur participation à ce débat, de l’intérêt qu’ils ont manifesté, et les félicite de leur compétence. Je tiens à cet égard à souligner la grande qualité de leurs interventions.
Alors que va s’achever cette année 2011, marquée par des interventions de nos armées sur des théâtres d’opérations extérieures, opérations à la fois spectaculaires, difficiles et, dans le cas de l’Afghanistan, cruelles sur le plan humain, je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom de la communauté formée par nos trois armées, de la reconnaissance et de la gratitude que vous avez manifestées à nos militaires. Ceux-ci y seront sensibles.
Monsieur le rapporteur spécial Krattinger, vous avez exprimé une préoccupation commune à l'ensemble des orateurs : l’écart est-il supportable entre les objectifs fixés tant par le Livre blanc que par la loi de programmation et les contraintes résultant d’un environnement économique qui pèse sur nous comme il pèse sur toutes les grandes démocraties européennes ? Je le dis très clairement : cet écart est supportable.
En 2010, Hervé Morin a engagé une réduction en trois ans de 3,6 milliards d’euros des crédits de la mission « Défense », sur un budget total de 93 milliards d'euros. Cette réduction a pu être obtenue en tenant compte des perspectives de cessions d'actifs, à hauteur de 2,4 milliards d'euros.
Se sont ensuivis les deux coups de rabot supplémentaires sur lesquels je me suis expliqué devant la commission, qui conduiront à une diminution de 1,2 milliard d'euros sur trois ans, soit 400 millions d'euros par an, des crédits de la mission « Défense », à savoir environ 1 % de leur montant total.
Je concède bien volontiers que cet écart s’est légèrement creusé en raison de l’effort supplémentaire de 280 millions d'euros demandé à mon ministère à la suite de l’annonce, par le Premier ministre, le 24 août, puis le 7 novembre de cette année, de deux plans de réduction des dépenses publiques – de 500 millions d'euros pour le dernier.
Cette réduction des crédits de la mission « Défense » remet-elle en cause les grands équipements prévus par le Livre blanc et inscrits en loi de programmation ? La réponse à cette question essentielle est négative, sur un plan tant quantitatif que qualitatif. L'essentiel des efforts, comme je l'ai expliqué en commission, repose sur les cessions d'actifs ou de matériels anciens.
Rachel Mazuir m’a interrogé à l’instant sur ce dernier point, et je l’informe d’ores et déjà que j’ai signé tout récemment la cession d'un transporteur de chalands de débarquement à la République du Chili pour un montant de 40 millions d'euros.
Nous vendons bon an mal an pour 50 millions d'euros de matériels : c'est insuffisant et nous pourrions faire mieux. Très souvent, nous cédons gratuitement des matériels anciens à des pays avec lesquels nous avons des accords de coopération. Désormais, nous nous efforçons de vendre au mieux ces matériels.
Grâce à ces cessions d’actifs, mais aussi grâce à des reports dans la consommation de crédits, à des renonciations de dépenses et à des économies de fonctionnement, nous sommes en mesure de faire face à ces décisions budgétaires.
Je reviens à ma réponse à M. Krattinger pour lui indiquer que nous n'avons remis en cause aucun grand projet. L'armée de l’air achète chaque année onze Rafale. Ce nombre pourrait être réduit si, comme je l'espère vivement, nous réussissions à vendre cet avion à l'exportation. Tel n'est malheureusement pas le cas pour le moment.
Vous vous êtes demandé, monsieur le rapporteur spécial, si la réforme était rentable ?
Pour avoir tenu six réunions régionales – j’en tiendrai bientôt deux autres – sur l'organisation territoriale des nouveaux dispositifs et la mise en œuvre, par zone de défense, des bases de défense, je peux vous dire que les chiffres parlent d'eux-mêmes. La réorganisation par bases de défense permet d’économiser immédiatement 10 000 emplois dans la fonction soutien, soit un gain de productivité sur cette fonction de 25 % environ en cinq ans. C'est spectaculaire !
Évidemment, les habitudes s'en trouvant modifiées, cette réorganisation n'est ni confortable ni facile et requiert un effort de pédagogie, ainsi que, parfois, il faut le reconnaître, des adaptations. Cela étant, on doit parler non pas d'une application de la RGPP, mais plutôt d'une réorganisation de la fonction soutien.
Dans le cadre du nouveau format des armées, nous tablons sur une diminution des effectifs de 54 000 personnels, dont 18 000 au titre des unités combattantes et 36 000 – soit deux fois plus – au titre des fonctions de soutien au sens large.
L’organisation en bases de défense, qui est l'un des éléments de la réorganisation, la mise en place de la chaîne interarmées de soutien et des centres de services partagés nous permettent de réaliser de véritables économies de fonctionnement. La moitié de celles-ci seront consacrées à l’amélioration de la condition du soldat.
À cet égard, Alain Richard m’a très légitimement interrogé sur les trois sujets suivants : la santé, le logement et la mobilité. Ces trois sujets majeurs sont très librement évoqués devant le Conseil supérieur de la fonction militaire et l'armée sait s’exprimer de manière à la fois parfaitement loyale et très claire, traduisant des demandes tout à fait sincères.
Je remercie François Trucy d’avoir accepté de reprendre son intervention, car elle était passionnante, même si je n'en partage pas toutes les conclusions. (Sourires.)
Je crois profondément que Balard 2015 est un bon projet. Je le dis d’autant plus aisément que ce n’est pas moi qui en ai pris l’initiative, me contentant de « prendre le train en marche ». L'organisation de nos armées, contrairement à celle qui prévaut dans le système britannique, implique que l'état-major des armées, l'état-major de chacune des trois armes et le centre de planification et de conduite des opérations – le CPCO – soient regroupés sur un même site. Il en va de même pour les grands services qui sont directement rattachés au ministre, le secrétariat général pour l'administration et les corps de contrôle des services nationaux.
Le futur site accueillera près de 9 000 personnes ; certes, ce n’est pas rien, mais c’est un gage de productivité.
Cette opération est financée non pas par des cessions d'actifs, mais par le redéploiement de dépenses de fonctionnement.
Pour toutes ces raisons, cher François Trucy je vous invite à porter sur ce projet un regard différent.
En revanche, vous avez raison de souligner l'écart entre l’effectif moyen réalisé et les plafonds budgétaires : il est de l'ordre de 1,2 %. Cela étant, pour avoir été rapporteur, ici même, dans un passé lointain, du budget de l'enseignement scolaire, je puis vous dire qu’un tel écart n’est pas inhabituel s’agissant d’un très grand service public.
Didier Boulaud, avec d’autres orateurs, a exprimé ses inquiétudes sur les études amont. Les documents budgétaires indiquent que 683 millions d’euros leur seront consacrés. Toutefois, si l'on ajoute certaines études qui, pour des raisons d'organisation de la dépense, sont intégrées dans le budget de fonctionnement de la DGSE, ce sont bien 700 millions d'euros de crédits qui sont, en réalité, prévus pour ces études amont.
En tout cas, monsieur Boulaud, vous avez raison d’insister sur l’importance de ces études amont.
Vous avez d’ailleurs salué les efforts consentis pour la DGSE, tout en soulignant que la DPSD reste légèrement en retrait ; j’en conviens. Néanmoins, la mise en œuvre du projet SOPHIA devrait faciliter grandement l’intervention de ce service indispensable à notre sécurité.
Concernant le classement en secret défense, nous nous conformons non seulement à la législation en vigueur mais aussi aux conclusions du Conseil constitutionnel. À ce titre, nous n’avons aucun état d’âme : l’armée de la République est là pour agir dans le cadre de la loi. Les sites classés disparaîtront donc au profit d’emplacements destinés à la conservation de certains documents au sein des emprises militaires.
Je remercie André Trillard d’avoir salué les efforts de réorganisation des réseaux d’attachés de défense ; il s’agit en effet d’un volet parfaitement pertinent de la RGPP.
Par ailleurs, André Trillard a rappelé notre position de quatrième exportateur mondial en matière d’armement. Je tiens à souligner que les petits et moyens contrats en constituent une part très importante : leur caractère régulier, quasi récurrent, nous fait échapper à l’angoisse de ce qui va advenir lorsqu’un gros marché ne produit plus ses effets sur notre balance commerciale. De plus, le suivi des systèmes installés nous apporte aussi une certaine sécurité à cet égard et nous permet également de revendiquer ce rang de quatrième exportateur mondial.
Au demeurant, cette place n’a rien d’une prouesse puisque nous fournissons environ 7,5 % du marché mondial, tandis qu’Israël, pays sensiblement moins peuplé, en représente près de 5 %.
Dans ses deux interventions, Xavier Pintat a fait preuve d’une même conviction.
Je salue tout d’abord sa conclusion : il faut voter ce budget ! Cependant je ne partage pas les conclusions qu’il a présentées avec ses collègues Daniel Reiner et Jacques Gautier concernant la solution intérimaire que nous avons adoptée au sujet des drones « moyenne altitude, longue endurance », ou MALE. Je reviendrai sur ce point lors de l’examen de l’amendement de la commission des affaires étrangères.
Xavier Pintat a rappelé l’importance de l’effort de dissuasion.
Il a relevé que les cessions d’actifs constituaient des fusils à un coup. Par définition !
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Tout juste de quoi amuser les palombes ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet, ministre. Il reste que la gestion optimale d’un patrimoine nécessite de céder des actifs inutiles pour dégager des liquidités et créer ainsi un patrimoine utile qui, à son tour, pourra devenir un appui et un relais.
Je tiens à apporter toutes assurances concernant les programmes de satellites MUSIS et CERES. Jean-Pierre Chevènement a rappelé, avec beaucoup d’humour, qu’il était très attaché à CERES. (M. Jean-Pierre Chevènement sourit.)
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Moins qu’à une certaine époque ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet, ministre. Nous le savions depuis longtemps ! Les délais seront respectés. Vous avez d’ailleurs bien voulu reconnaître que le programme MUSIS était en bonne voie.
Concernant le radar à longue portée, je procéderai à une brève mise au point technique. En effet, il est inexact d’affirmer qu’en matière de trajectographie, ce dispositif doit être placé au plus près de la menace ; d’une portée de 2 000 à 3 000 kilomètres, il peut en effet déceler le point d’impact probable depuis le territoire français. Ce faisant, il permet d’anticiper et de préparer une réaction à distance.
J’ajoute qu’en suggérant de placer un tel radar au plus près du territoire menaçant on exprime une conception de la politique internationale que je manierais pour ma part avec la plus grande prudence…
Je remercie Daniel Reiner de souligner la priorité accordée aux crédits d’équipements ; je considère son intervention comme un hommage.
Le Rafale ne s’oppose pas au Mirage 2000D. La rénovation de ce dernier a été reportée en 2010, dans le cadre des mesures que j’évoquais il y a quelques instants, mais nous mobilisons d’importants fonds pour tracer le périmètre et définir les objectifs de la rénovation des Mirage 2000D, laquelle reste d’actualité.
Parallèlement, concernant le ravitailleur, nous n’avons subi qu’un seul retard, en 2010, auquel ne s’ajoute aucun autre contretemps ; ainsi, nous conservons la perspective de 2017.
Monsieur Gilbert Roger, les bases de défense constituent un système complexe qui bouleverse nos habitudes. De fait, si elles forment un système pertinent qui se traduit par une économie considérable de moyens humains, elles supposent également une culture différente : le chef de corps ne dispose plus, sous sa seule autorité, de l’ensemble des moyens, qu’il ne contrôlait d’ailleurs pas entièrement dans le cadre du précédent système.
Monsieur le sénateur, je vous invite volontiers à prendre part à l’une des prochaines rencontres territoriales de la réforme, au cours desquelles nous consacrons près de trois heures à un sujet précis en la matière. Je ne m’appesantirai pas sur ce point, ne souhaitant pas décourager vos collègues par une précision qui ne relève pas directement de notre débat de ce soir !
Concernant le maintien en condition opérationnelle, notre ligne est satisfaisante.
Les temps d’entraînement constituent certes une valeur d’ajustement, je ne le conteste pas. Toutefois, les données pluriannuelles témoignent d’un niveau acceptable en la matière, et les pourcentages restent similaires, à quelques points près. Ainsi, en 2011, la réduction des temps d’entraînement sera compensée par l’augmentation des temps d’opération, tout particulièrement pour ce qui concerne l’armée de l’air.
J’en conviens, ce système ne saurait être durable, sauf à risquer de creuser un fossé entre les soldats qui ont acquis une expérience au combat et ceux qui, du fait de la consommation des crédits, ont été privés d’une partie de leur temps d’entraînement.
André Dulait est intervenu au sujet des ressources humaines ; il a eu raison de noter que le reclassement des militaires dans la fonction publique s’opérait difficilement.
Il apparaît que, à l’échelle du ministère tout entier, la conjoncture a des effets sur la masse salariale. De fait, par exemple, le volet « reconversion » – c'est-à-dire celui qui, tout en étant juridiquement différent, correspond à l’indemnisation du chômage en termes de prise en compte d’une réalité économique et sociale – devient plus coûteux lorsque la situation de l’emploi se dégrade puisque plus nombreux sont les jeunes titulaires de contrats à courte durée que nous avons alors à prendre en charge.
Mme Michèle Demessine nous a parlé de l’« envers du décor » : mais ce décor est transparent ! Depuis que je suis en charge de ce ministère, je constate avec satisfaction que, dans notre pays, la défense fait l’objet d’une information très large, documentée et fidèle à la réalité. Il n’existe donc pas de système caché, y compris pour ce qui concerne le projet Balard.
Madame le sénateur, vous qualifiez ce projet de « bombe à retardement financière », mais c’est exactement le contraire ! Le partenariat public-privé a précisément pour intérêt de fixer des clauses définitives avant le début des travaux.
Si le contrat comporte une erreur, le commanditaire en assume l’entière conséquence, j’en conviens tout à fait. Néanmoins, le partenariat public-privé présente l’avantage d’éviter les mauvaises surprises, caractéristiques des projets conduits en maîtrise d’ouvrage publique directe : lorsque s’achèvent les très grands chantiers, on constate généralement des écarts spectaculaires entre le coût prévu et le coût réel des travaux ! Ces décalages sont bien souvent dus à l’indécision du maître d’ouvrage et aux modifications qu’il a introduites au cours des travaux.
À l’inverse, dans le cadre d’un partenariat public-privé, les clauses du contrat encadrent très strictement le chantier, en imposant au prestataire de lourdes obligations envers le donneur d’ordre, en l’occurrence le ministère de la défense. Je ne redoute donc aucun risque à cet égard.
Madame, vous avez attiré l’attention sur le sort des personnels civils. Je souligne que nous n’avons pas souhaité fixer un taux obligatoire de civils au sein des bases de défense. En effet, si les civils ont vocation à y jouer un rôle croissant, notamment dans le cadre des groupes de soutien, ils ne peuvent être projetés sur les théâtres d’opération. Du reste, les militaires ne sont pas éternellement jeunes, sportifs et performants ; et, l’âge venant, ils peuvent souhaiter poursuivre leur carrière au service de l’armée dans des conditions physiquement moins contraignantes.
C’est la raison pour laquelle les bases de défense, tout en assumant des fonctions de soutien, ont également vocation à accueillir des militaires. Forts de leur expérience, ces derniers sont d’autant plus à même de répondre aux demandes des formations soutenues qu’ils connaissent la vie de chaque corps.
De surcroît, si les bases de défense n’étaient composées que de civils, un fossé culturel se creuserait entre les troupes opérationnelles et une administration qui, sans constituer une « quatrième armée » comme l’affirment certains militaires, serait totalement séparée d’avec les militaires envoyés en opération.
Je remercie Jean-Marie Bockel de sa conclusion, à laquelle je souscris pleinement : il faut voter ce budget.
Monsieur le sénateur, vous appelez par ailleurs notre attention sur un sujet majeur : le lien entre l’armée et les collectivités locales.
Cette année, nous avons progressé de manière décisive vers la signature des contrats de plans locaux de redynamisation, les PLR, ou de redynamisation des sites de défense, les CRSD. Excepté quelques cas difficiles outre-mer, la quasi-totalité de ces contrats seront conclus au mois de mars prochain. Le budget du fonds pour les restructurations de la défense, le FRED, n’est pas remis en cause : en effet, chacun de ces contrats pourra être exécuté en partenariat avec les collectivités territoriales concernées, dans des conditions de loyauté et de prévisibilité absolues.
Monsieur Bockel, concernant l’hôtel de la Marine, je crains de ne pas être en mesure de répondre aux questions très concrètes et très précises que vous m’avez posées.
L’ancien Président de la République Valéry Giscard d’Estaing a remis un rapport sur ce sujet, et un consensus se dessine pour ériger ce monument en un lieu de culture ouvert au public, en transformant en bureaux tous les espaces ne pouvant accueillir de visiteurs. De fait, le quartier compte de nombreuses administrations d’État mal logées ou logées trop coûteusement – je songe à la Cour des comptes, au musée du Louvre... Toutefois, cette solution présenterait l’inconvénient de ne dégager aucune recette pour le ministère de la défense.
J’ignore encore quelle sera la fonction de l’hôtel de la Marine ; il convient cependant que cet édifice apporte quelques ressources au ministère, ce dont je n’ai pas encore la certitude.
Je ne suivrai pas Jean-Pierre Chevènement sur le terrain de l’euro et de l’avenir de la monnaie commune, qui commande l’unité européenne et dont les enjeux dépassent le cadre du débat de cette nuit.
En revanche, je répondrai indirectement à sa question relative à l’Europe de la défense.
Dans ce domaine, la France fait preuve de bonne volonté. Nous avons rejoint le commandement intégré de l’OTAN. En outre, l’expérience de la Libye prouve que nous pouvons mettre en application notre conception de la défense, non en pleine liberté – car il nous faut évidemment rester solidaires de nos partenaires –, mais en pleine responsabilité.
Cette expérience mériterait d’ailleurs de faire l’objet d’un débat parlementaire, le fonctionnement d’une telle coalition étant particulièrement intéressant. (M. Jean-Pierre Chevènement acquiesce.) Nous avons choisi cette solution parce qu’elle apportait une réponse immédiate et pratique au problème posé. Elle avait d’ailleurs la faveur de la Grande-Bretagne, autre grand pays européen à consacrer d’importants moyens à la politique de défense ou, à tout le moins, des fonds supérieurs à ceux que lui vouent la plupart des pays européens.
M. Didier Boulaud. Et aux nôtres !