Mme Claire-Lise Campion. La loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle a certes permis d’augmenter le nombre de femmes dans les conseils d’administration, mais nous sommes loin de l’objectif de 40 % assigné par la loi, comme l’a rappelé M. le rapporteur spécial.
Par ailleurs, les femmes sont toujours faiblement représentées aux postes d’encadrement. Selon les chiffres de l’INSEE, dans le secteur privé, seul un poste d’encadrement sur quatre est occupé par une femme.
Dans la fonction publique, très féminisée, puisque 60 % des fonctionnaires sont des femmes, seuls 16 % des emplois publics de dirigeants d’administration sont occupés par des femmes. On ne compte que 9,9 % de préfètes, 11 % d’ambassadrices… Où est l’exemplarité de l’État ?
Le même constat prévaut en politique : la parité régresse, les dernières élections sénatoriales en sont le triste exemple, et la réforme sur les collectivités locales, si elle était appliquée, aggraverait encore la situation.
Comment peut-on croire à une réelle volonté du Gouvernement d’agir, alors que les crédits consacrés à ces actions baissent ?
La nouvelle action n° 12, quant à elle, est consacrée à la promotion des droits, à la prévention et à la lutte contre les violences sexistes.
La loi du 9 juillet 2010 constitue une avancée ; elle accentue les mesures de prévention et de protection des femmes.
Les violences faites aux femmes – qu’il s’agisse d’agressions au sein du couple, d’agressions dans le milieu professionnel, de viols, de mutilations sexuelles, de mariages forcés, de prostitution – ne sont pas une fatalité. Nous ne pouvons nous y résigner ; nous devons y mettre fin par une politique volontariste.
Aujourd’hui, seuls 40 % des départements sont dotés d’un référent violence unique, comme le prévoyait la loi.
Faute de formation spécifique des personnels judiciaires, les plaintes n’aboutissent pas toujours et les ordonnances de protection des victimes sont trop peu nombreuses.
Alors que la lutte contre les violences faites aux femmes a été déclarée « grande cause nationale » en 2010 par le Gouvernement et que celles-ci ont augmenté de 13% cette même année, le Gouvernement diminue ou supprime les subventions attribuées aux associations, qui sont pourtant des acteurs de terrain indispensables. Je citerai, pour exemple, la suppression de la subvention à l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail.
Aurait-on affaire, une fois encore – une fois de trop ! – à une simple politique d’affichage ?
En conclusion, cette mission n’est pas à la hauteur des ambitions qu’elle affiche. Je rejoins nos rapporteurs en considérant que c’est bien le désengagement qui la caractérise : désengagement et renoncement du Président de la République, puisque l’objectif de réduction de la pauvreté ne fait plus partie du projet annuel de performances pour l’année 2012. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la note de présentation stratégique de la mission indique que « la construction d’une société davantage sur l’inclusion sociale et l’égalité des chances est une priorité essentielle du Gouvernement ». Qu’en est-il réellement ?
Dans un article du quotidien Le Monde en date du 30 août 2011, Julien Lauprêtre, président du Secours populaire français, confiait son inquiétude face au tableau de la pauvreté, en réaction à l’étude publiée par l’Institut national de la statistique et des études économiques. En effet, selon cette étude, 13,5 % de la population de France métropolitaine était considérée comme pauvre, c'est-à-dire vivant avec moins de 954 euros par mois, contre 13 % en 2008. Il y avait, en France, 8,2 millions de pauvres en 2009, contre 7,8 millions l’année précédente.
L’inquiétude est d’autant plus importante que la situation s’est considérablement aggravée depuis, comme le souligne le Secours catholique dans son rapport annuel de 2010, rendu public mardi 8 novembre dernier.
L’association constate une hausse régulière des personnes ayant eu recours à ses services, dont une majorité de familles. Près de 1,5 million de personnes ont bénéficié en 2010 de l’aide du Secours catholique, soit une progression de 2,3 % par rapport à 2009, dont 702 000 enfants. Les jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans sont les plus touchés par la pauvreté. Par ailleurs, plus de 30 % d’entre eux sont sans ressource et plus de 40 % au chômage.
Voilà, à grands traits, les défis que nous avons à relever avec cette mission. Les Restos du Cœur, qui démarrent aujourd'hui leur vingt-septième campagne, n’y parviendront pas seuls !
Certes, les crédits de la mission progressent de 3,14 %, mais cette hausse masque des évolutions contradictoires entre les différents programmes. En effet, seule l’enveloppe du programme « Handicap et dépendance » progresse de 6,04 % pour 2012.
Cette mesure est évidemment une bonne chose. Toutefois, je mettrai un bémol en raison du décret pris le 16 août 2011 par le Gouvernement concernant l’attribution de l’allocation aux adultes handicapés. En effet, le décret réduit la durée d’attribution de l’AAH de cinq ans à deux ans maximum. En conséquence, les personnes handicapées seront en situation de demandeur permanent, nuisible à l’indemnisation, dans la mesure où il faut compter en moyenne trois mois pour remplir un dossier d’AAH et un délai réel de neuf à dix-huit mois pour que les MDPH et les CAF l’instruisent.
Par ailleurs, de nombreuses associations dénoncent la modification de la notion de « restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi, compte tenu du handicap ». En clair, pour les personnes en situation de handicap, le ministre donne la consigne aux autorités de ne retenir que les contraintes liées directement au handicap. C’est une négation totale des situations handicapantes que l’on pourrait qualifier de « surhandicaps ».
En ce qui concerne le revenu de solidarité active, on constate que la montée en charge du RSA activité est bien plus faible que celle du RSA socle. Le contexte économique n’est guère propice à l’embauche des travailleurs les moins qualifiés. C’est donc très logiquement que la part du budget consacrée au RSA activité baisse.
Le RSA devrait susciter un vrai débat. Celui-ci ne joue pas suffisamment son rôle en matière d’insertion professionnelle. On peut même craindre, avec le maintien de la crise, l’explosion des dépenses sociales des départements, financeurs du RSA socle, avec le risque que ces derniers ne compensent ces dépenses nouvelles par la réduction d’autres actions en faveur de la réduction des inégalités ou de l’insertion professionnelle.
Dans son avis rendu le 16 mai 2011, le CNLE, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, estime indispensable le développement du volet insertion du RSA. Il rappelle que, pour lutter efficacement contre la pauvreté, l’exclusion et les discriminations, il est indispensable d’avoir pour levier une véritable détermination politique et pour instrument une stratégie d’action globale, multidimensionnelle et multipartenariale.
Enfin, pour ce qui est de la protection de l’enfance, sans revenir sur l’historique de la création du Fonds national de financement de la protection de l’enfance, chargé principalement de compenser les charges des départements, je me permets de rappeler que ses ressources sont constituées d’un versement de la CNAF, arrêté par la loi de financement de la sécurité sociale, et par un versement de l’État, arrêté par la loi de finances. Or ni l présent projet de loi de finances ni le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 ne prévoient de dispositions relatives à l’abondement du FNPE. Nous ne pouvons que dénoncer cette situation dans laquelle les départements sont contraints de financer des mesures à la place de l’État, dans un sens contraire aux engagements pris par le Gouvernement.
En conclusion, d’autres ambitions sont nécessaires : stopper la révision générale des politiques publiques, mettre l’homme, la femme, l’enfant au cœur de toutes les politiques, instaurer une nouvelle répartition des richesses, pour que cette mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » se donne réellement les moyens de ses attributs. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous attendions avec d’autant plus d’impatience l’examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion, et égalité des chances » que les chiffres du chômage augmentent, que la crise financière, économique et sociale prend de l’ampleur, que les économies des pays voisins vacillent et que la dette, le manque de solidarité européenne et internationale conduisent les pays les plus fragiles à s’effondrer, tels des châteaux de cartes.
Nous l’attendions, madame la ministre, parce que nous ne voulons pas que la France, à l’image de la Grèce ou de l’Italie, sombre à son tour dans une crise structurelle et qu’elle se retrouve au bord du gouffre.
Nous l’attendions, madame la ministre, parce que nous pensons que c’est non pas l’austérité qui sauve les pays de la faillite, mais une politique à long terme de redistribution des richesses et un État en bonne santé faisant office de parachute sans dorure, mais efficace.
La Grèce, incapable de lever l’impôt, s’est placée dans l’œil du cyclone. Elle ne s’est pas donné les moyens de mettre en œuvre une politique redistributive autrement qu’en s’endettant dans des proportions insoutenables.
Les derniers chiffres de l’INSEE sont parlants et sans ambiguïté : 50 % des richesses de notre pays appartiennent à 10 % des Français. La redistribution n’est pas au rendez-vous en France. Les inégalités sociales, tels des termites invisibles, rongent petit à petit la cohésion nationale. Or, on le sait maintenant, la crise financière de 2008, qui ne cesse de s’aggraver, résulte largement des inégalités existant au sein même des pays riches.
Pour en revenir au sujet qui nous occupe, madame la ministre, les conclusions du rapport sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » sont pour le moins préoccupantes.
Si les crédits alloués à la réduction des inégalités et à l’insertion sont en légère hausse, cette augmentation est tout entière affectée au programme « Handicap et dépendance ». En clair, cela signifie que les crédits des autres programmes diminuent. Ceux du programme « Égalité entre les hommes et les femmes » sont en baisse de 5 %, ceux du programme « Actions en faveur des familles vulnérables » connaissent une diminution de 4 % et ceux du programme « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales » – et là, c’est le pompon ! – subissent une baisse de 23 %. On croit rêver – que dis-je ? –, on nage en plein cauchemar !
Le RSA, comme je l’ai dit il y a trois ans à M. Hirsch, était au départ une très belle idée : il constituait les prémices d’un revenu universel garanti, destiné à permettre à tous de bénéficier d’une sécurité fondamentale et de retrouver le chemin de l’emploi.
Non seulement le RSA est une bonne idée, mais il est une nécessité face à l’augmentation du chômage de longue durée, du travail discontinu et donc du nombre de personnes sans ressources perdant leur statut social et leur logement. Voilà la réalité contre laquelle il faut lutter !
Amortisseur social, le RSA pourrait aussi être un tremplin permettant à celles et à ceux qui sont au bord du déclassement social de repartir. Aussi baisser le budget dévolu à cette allocation est-il une aberration.
Je rappelle que M. Hirsch avait initialement estimé qu’il était nécessaire de consacrer à la mise en place du RSA une enveloppe de 5 milliards d’euros, mes chers collègues : 5 milliards d’euros ! In fine, le dispositif a été mis en place avec 1,5 milliard d’euros. Aujourd'hui, telle une peau de chagrin, cette enveloppe est réduite à 535 millions d’euros pour 2012. C’est scandaleux, madame la ministre !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est honteux !
M. Jean Desessard. Je ne vois pas d’autre mot pour qualifier cette baisse, à part peut-être « irresponsable ».
Cette baisse intervient alors que votre majorité, madame la ministre, a annulé lors de l’examen du PLFSS le relèvement de 0,5 point de la contribution sur les revenus du capital que nous avions proposée. Elle intervient alors que les parachutes dorés demeurent d’actualité et que les niches fiscales réservées aux plus riches sont préservées.
M. Jean-Jacques Mirassou. Et les stock-options aussi !
M. Jean Desessard. Savez-vous que, sans toutes les baisses d’impôt accordées en France depuis 2000 par la droite, le déficit de la France serait seulement de 1 % aujourd’hui ? Ce n’est pas moi qui le dis, mais des parlementaires de l’UMP dans un rapport qu’ils ont publié en juillet 2010 !
Avec les 100 milliards d’euros par an que représentent ces baisses, nous aurions largement les moyens de mettre en place un RSA digne de ce nom et d’entamer une reconversion vers une économie durable. Vous allez me dire, madame la ministre, que c’est là un autre sujet, mais dois-je vous rappeler que le RSA a été voté en même temps que le bouclier fiscal ? Et que l’on ne me dise pas qu’une telle fiscalité pénaliserait l’économie puisqu’elle était de mise en 2000 et que personne n’y trouvait alors à redire !
Par ailleurs, le RSA mériterait d’être revu à la hausse non seulement quantitativement, mais aussi qualitativement, car, depuis le début, il ne permet pas de remplir la mission qui est la sienne. La réalité, madame la ministre, c’est que la mise en œuvre du RSA pose d’immenses problèmes. Le bilan n’est pas bon.
Il y a trois ans, je craignais déjà que cette idée juste ne serve de caution à une politique profondément inégalitaire et que ses effets pervers ne trahissent l’intention louable initiale de M. Hirsch. J’avais alors dit qu’il s’agissait d’un bon concept dans un mauvais contexte.
J’avais expliqué que M. Hirsch avait eu l’intelligence de produire un concept d’assistance dynamique, mais que, compte tenu de la politique menée par le Gouvernement, le RSA ne pouvait être au mieux qu’un palliatif. Il ne constituait pas l’ébauche d’une politique de solidarité, de partage du travail, de justice sociale.
Je soulignais également les effets collatéraux d’un RSA mal mis en œuvre. J’indiquais en particulier qu’il contraindrait ses bénéficiaires à accepter des conditions de travail pénibles, des horaires décalés. Le problème du RMI était qu’il n’incitait pas au retour à l’emploi. Le problème du RSA est qu’il contraint les allocataires à accepter le premier travail venu, parce que « c’est déjà ça ». Toutefois, pour la plupart des allocataires, le petit boulot, les quelques heures effectuées par-ci par-là ne se muent pas en poste à plein temps. Le travailleur pauvre reste un travailleur pauvre.
Ainsi, aucun des objectifs que visaient à atteindre le RSA et son initiateur n’est atteint pour la majorité des allocataires. Pour mémoire, je vais vous les rappeler, en m’appuyant sur l’excellent rapport coordonné par les sociologues Dominique Méda et Bernard Gomel en novembre 2011.
Le premier objectif était de faire en sorte que chaque heure travaillée améliore le revenu final afin que la majorité des bénéficiaires du RSA puisse retrouver un revenu décent. Résultat aujourd'hui : « La grande partie des allocataires se rend compte que pour elle rien n’a changé et qu’elle doit continuer à tenter de survivre avec 467 euros par mois pour une personne seule. S’agit-il vraiment de "moyens convenables d’existence"? », s’interrogent les deux experts.
Le deuxième objectif était de garantir aux allocataires que, en cas de travail discontinu, leurs ressources globales leur permettraient de franchir le seuil de pauvreté. Résultat aujourd'hui : la lourdeur administrative, le manque de moyens de Pôle emploi, ainsi que des procédures inadéquates, telles que la déclaration trimestrielle, que je dénonçais déjà en 2008, favorisent des ruptures administratives lourdes à contrecarrer pour des personnes qui sont déjà en rupture de ban et financièrement très fragilisées.
Le troisième objectif était de permettre aux familles de disposer de revenus plus prévisibles en rendant le système plus lisible pour tous et en évitant les effets de seuil du RMI. Dès qu’il retravaillait, le bénéficiaire du RMI perdait la plupart de ses allocations. Résultat aujourd'hui : « il semble que les effets de seuil n’ont pas été supprimés mais simplement déplacés [...] », concluent les sociologues.
Le constat est sévère. Les crédits que nous examinons aujourd’hui auraient dû être à la hauteur du défi. Ils ne le sont pas.
Je n’évoquerai même pas le RSA jeunes lancé quelque temps plus tard : le résultat est carrément désastreux. Comme nous l’a indiqué Mme la rapporteure pour avis, à peine 10 000 jeunes en bénéficient. Et pour cause : il est quasiment impossible d’y accéder, car il faut avoir travaillé deux années pleines au préalable. C’est une blague ! Le résultat était couru d’avance.
Pour faire face à l’exclusion des jeunes, en particulier de ceux ayant déjà un pied dehors, il faudrait revoir complètement le dispositif et permettre à tous, dès l’âge de dix-huit ans, de pouvoir accéder dans les mêmes conditions à un revenu garanti. Nous vous l’avions dit, mais vous ne nous avez pas écoutés.
Nous sommes très déçus, madame la ministre, et surtout profondément inquiets. Quand la cohésion sociale sera détruite, il sera trop tard, en tout cas pour celles et ceux qui en auront le plus subi les dommages, c'est-à-dire les plus pauvres.
Chers collègues, vous qui aimez tant les expériences internationales, n’oubliez pas le cas significatif du Brésil : ce n’est pas en imposant des mesures d’austérité, ce n’est pas en mettant en œuvre des politiques de défiscalisation en faveur des plus riches que l’économie de ce pays a décollé. C’est en revalorisant les salaires et en instaurant des prestations sociales que les Brésiliens ont pu relever la tête et se prendre en main.
Qu’attendez-vous, qu’attendons-nous, madame la ministre, pour tirer les leçons d’expériences qui ont permis à tous de réagir ensemble ?
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les mesures insuffisantes et parfois dangereuses proposées dans cette mission, à l’exception, comme l’indiquait Mme la rapporteure pour avis, des articles 61 et 61 bis, aussi insuffisants soient-ils. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Georges Labazée.
M. Georges Labazée. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’ensemble des intervenants qui m’ont précédé ayant fourni à notre assemblée des données chiffrées sur les situations de pauvreté dans notre pays, je n’y reviendrai pas.
L’examen attentif des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » nous conduit à porter un regard sur notre pays. Réformer la France suppose d’agir avec discernement et en respectant les équilibres institutionnels de notre République. Or nous sommes las de constater, jour après jour, que le chemin emprunté par le Gouvernement et le Président de la République est celui de l’affrontement avec les collectivités locales.
M. Jean-Jacques Mirassou. Exact !
M. Georges Labazée. Parmi elles, les départements vivent une situation spécifique liée au différentiel de plus en plus grand entre ce qu’ils paient pour financer les trois allocations individuelles de solidarité que sont l’allocation personnalisée d’autonomie, la prestation de compensation du handicap et le RSA, et ce qui leur est remboursé par l’échelon national.
La pression de plus en plus forte de ces dépenses sur les budgets des départements risque de les contraindre à limiter les dépenses dans les domaines de l’éducation et du développement des territoires, ce qui fragiliserait le tissu des acteurs culturels, sportifs, éducatifs et sociaux.
Permettez-moi de citer l’exemple de l’APA. Dans les Pyrénées-Atlantiques, le différentiel entre la dotation de l’État et ce qui était attendu par le département s’élève à 45 millions d’euros par an. La situation est extrêmement tendue.
Au-delà des conséquences budgétaires, le financement des allocations individuelles de solidarité pose une question fondamentale, qui engage notre volonté de vivre ensemble : comment préserver notre modèle de solidarité inspiré de l’héritage du Conseil national de la Résistance ? Pensons-nous que les piliers fondamentaux de notre système de solidarité – la sécurité sociale, les allocations familiales et la retraite – puissent être financés un jour, ne serait-ce qu’en partie, grâce à des impôts locaux basés sur des maisons ou des « bouts de jardin » ? C’est ce qui se passe aujourd’hui pour ces trois allocations.
J’affirme que tout ce qui concerne les allocations de solidarité – le montant des dépenses et des recettes, ainsi que les règles applicables – doit être décidé par le Parlement à l’échelon national afin que l’équité soit garantie pour tous dans tous les départements de la République.
C’est l’échelon départemental qui, dans la proximité et la sérénité financière retrouvée, doit organiser l’accueil et l’accompagnement des allocataires. Cette position est d’ailleurs commune aux départements de droite comme de gauche.
La situation financière des départements va s’aggraver compte tenu de la chute prévisible des droits de mutation et de la non-compensation intégrale de la taxe professionnelle.
Plutôt que d’aborder d’autres points, je préfère m’attarder quelques instants sur le RSA, qui est au cœur de nos débats.
Le RSA socle, ainsi qu’il en avait été décidé en 2004, devait être financé par une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP. Or le produit de cette taxe est aujourd’hui inférieur à l’évaluation qui avait été faite en 2003. Ainsi, entre 2004 et 2008, après des ajustements complexes et successifs, les départements n’ont reçu que 25 milliards d’euros de TIPP, soit 85,6 % de dépenses engagées au titre du RSA socle. Nous sommes loin d’un taux de couverture de 100 % et le décalage ne fait que croître.
Un certain nombre de départements connaissent un taux de couverture inférieur à 85 % : le Cher, le Doubs, l’Eure-et-Loir, la Haute-Saône, le Loir-et-Cher, le Loiret, la Moselle, le Bas-Rhin, la Seine-et-Marne, les Yvelines, le Jura, la Meuse, le Val-d’Oise, les Vosges et le Territoire de Belfort. Ces départements sont dirigés tant par des élus de droite que par des élus de gauche.
Les départements subissent donc une perte financière considérable, cependant que la carence de l’État est manifeste pour gérer une situation de pauvreté qui ne cesse de s’aggraver et qui touche de plus en plus de foyers.
Le mot « carence » n’est peut-être pas le bon. En tout cas, c’est la première fois que l’indicateur de performance « réduction de la pauvreté » est supprimé. Je m’interroge sur les raisons d’une telle décision.
Beaucoup a été dit sur le programme « Handicap et dépendance ». La loi de finances pour 2011 avait inscrit 1 million d’euros de crédits pour le financement de nouvelles places dans les établissements et services d’aide par le travail, ce qui était déjà insuffisant. Cette année, vous inscrivez 2,3 millions d’euros. Dans le projet de loi de finances pour 2013, ce sont donc 8 millions d’euros qu’il faudra inscrire pour mettre en œuvre le dispositif triennal. Cette promesse devra donc être honorée par le futur gouvernement…
Les taux directeurs des conventions tripartites, fixés par l’État, sont trop faibles et rendent inapplicables les conventions collectives. Pour cette raison, l’élaboration des budgets sera extrêmement difficile pour les départements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.