M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’audiovisuel extérieur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais saluer l’initiative de la commission des affaires étrangères d’instituer un binôme pour les rapports budgétaires.
Je me réjouis d’avoir pu travailler en parfaite intelligence avec mon corapporteur pour avis Yves Rome. Nos points de vue ont d’ailleurs convergé sur un grand nombre de points, même si nos prises de position se sont séparées au moment de la décision finale. En effet, la commission des affaires étrangères a émis, vous le savez, un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
L’absence de conclusion du contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et la holding en charge de l’audiovisuel extérieur de la France a été, à mon sens, la pierre angulaire du raisonnement qui a conduit à ce rejet. Le président d’AEF a tenté devant nous de minimiser l’ampleur de ce désaccord en le résumant à de petites difficultés ponctuelles. Pourtant, après avoir écouté le point de vue de l’État, on peut se demander si l’absence de contrat d’objectifs et de moyens ne doit pas être imputée à une divergence bien plus profonde sur la stratégie et la trajectoire financière de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.
Beaucoup de critiques, parfois injustes, ont ainsi été adressées à AEF et à l’État. Je tiens cependant à rappeler plusieurs éléments de contexte que l’on ne peut pas, et que l’on ne doit pas, ignorer.
On recense aujourd’hui plus de 27 000 chaînes de télévision dont 57 chaînes d’information. Qui pourrait croire qu’une nouvelle réorganisation de l’audiovisuel extérieur pourrait permettre, par un simple « coup de baguette magique », de diminuer une pression concurrentielle inédite, qui rend plus difficile que jamais l’accès aux ressources publicitaires ? Ces réalités s’imposent non seulement à l’AEF, mais aussi à l’audiovisuel extérieur de nos principaux partenaires européens.
J’ajoute qu’il faut être attentif aux réflexions en cours, menées notamment à l’Assemblée nationale : ne risquent-elles pas de nous faire revenir en arrière en dispersant des entités que l’on a légitimement voulu regrouper pour leur donner une cohérence d’ensemble et une véritable lisibilité ?
Enfin, le rôle de l’État dans cette affaire est difficile. Voyez le tollé qui s’élève lorsqu’il est soupçonné d’intervenir dans l’audiovisuel, alors que, dans le même temps, nous le savons, il serait totalement irresponsable de laisser indéfiniment croître les financements publics.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis, à titre personnel, favorable au vote de ce budget. L’arrêt de l’augmentation des crédits accordés à AEF me paraît légitime et raisonnable, l’institution devant entrer aujourd’hui dans un rythme de croisière après plusieurs années d’investissements très importants liés au lancement de France 24. Pour autant, j’estime nécessaire de réfléchir à certains ajustements.
Je commencerai par relever ce qu’il ne faut pas faire.
Il est impératif de veiller à ce que les économies budgétaires ne portent pas préjudice au cœur de métier d’AEF. En particulier, le budget de diffusion doit être maintenu. Je réfute donc la préconisation de l’Inspection générale des finances de diminuer les crédits de diffusion de TV5 Monde.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis. Il ne faut pas de bouleversement institutionnel non plus, mais il nous faut veiller à ce que TV5 Monde et RFI ne sortent pas affaiblies de la réforme en cours. Je voudrais d’ailleurs appeler votre attention sur un amendement que je présenterai visant justement à défendre TV5 Monde face à certaines dispositions nocives. Je rappelle que cette chaîne, généraliste et francophone, est un atout considérable pour l’influence de notre pays et de notre culture. En Asie, par exemple, si TV5 Monde est la seule chaîne francophone à être diffusée, c’est parce qu’elle est internationale et généraliste.
S’agissant de France 24, autant il me semblait essentiel d’avoir une chaîne arabophone, dont l’impact a été aussi important que positif pendant ce qu’on a appelé les « printemps arabes », autant je suis un peu plus dubitative quant à la nécessité de la diffuser en anglais, surtout si, comme j’ai pu le constater à de nombreuses reprises, le rôle de la France n’y est pas suffisamment valorisé. Pourtant, cela devrait être sa mission première.
Le recours accru au sous-titrage d’émissions me paraît devoir être exploré. À cet égard, je m’interroge sur l’idée reçue selon laquelle les Anglo-Saxons ne regardent pas les émissions sous-titrées.
France 24 doit proposer une analyse et un regard français sur le monde, mais elle doit aussi favoriser la diffusion de notre langue et l’envie de la pratiquer. La défense du plurilinguisme est essentielle ; elle s’inscrit aussi dans la perspective de la défense de la diversité culturelle, valeur phare de la francophonie et de la construction européenne.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis. Ainsi, si les contraintes budgétaires ont conduit à une diminution du nombre de langues utilisées par RFI, il semble important d’arrêter ces suppressions et de nous donner les moyens de lancer rapidement une diffusion dans une nouvelle langue, si celle-ci peut nous aider à faire passer certains messages et certaines valeurs.
La limitation à cinq minutes du temps de parole qui m’est accordé m’oblige à terminer mon propos par une remarque qui m’est personnelle, mais qui a fait l’objet d’un accord quasi unanime au sein de la commission des affaires étrangères.
Manifestement, la conduite de l’audiovisuel extérieur n’est pas simple. Il faut retenir les leçons du passé : la multi-tutelle s’accompagne souvent d’effets contre-productifs.
Monsieur le ministre, cela me gêne de dire cela devant vous – j’espère que vous ne m’en voudrez pas –, mais, pour clarifier la mission de l’audiovisuel extérieur de la France, la priorité doit à mon sens être accordée au ministère des affaires étrangères et européennes, afin d’inscrire AEF dans une modernité attentive et réactive, notamment en matière de cohérence, de lisibilité, d’adaptabilité et de choix stratégiques. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.
Il est bientôt une heure du matin. Je vous invite à respecter votre temps de parole, même si je saurai faire preuve d’un peu de souplesse.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aucun programme n’est épargné dans cette mission « Médias, livre et industries culturelles ». Toutefois, afin de respecter mon temps de parole, je me concentrerai sur l’audiovisuel et sur la presse écrite.
Cela a été rappelé : la baisse des crédits en faveur de l’audiovisuel est en partie due à la fin du passage à la télévision numérique, mais elle est aussi le fruit d’un véritable désengagement de l’État de la holding Audiovisuel extérieur de la France, dont les crédits sont en baisse de 3,5 %. Je ne reviens pas sur cette situation, qui a déjà été évoquée par les rapporteurs pour avis.
En outre, des dispositions particulièrement préoccupantes concernant l’audiovisuel public français ont été introduites.
Durant cette législature, l’audiovisuel public a été soumis à des réformes qui ont remis en cause son indépendance ainsi que la pérennité du financement de France Télévisions. Je pense à la réforme de 2009, qui a instauré la désignation des présidents de Radio France, d’Audiovisuel extérieur de la France et de France Télévisions par le Président de la République, mais surtout, et cela est en lien direct avec les préoccupations budgétaires qui nous animent aujourd’hui, à la suppression immédiate de la publicité après vingt heures sur France Télévisions : ce premier pas vers la suppression totale a été décidé sans aucune anticipation des conséquences. Bien loin de se poser en défenseurs de la publicité, nous sommes forcés de constater que la suppression de cette dernière entraîne avec elle une partie des ressources publicitaires du groupe.
Au sein du groupe communiste, républicain et citoyen, nous n’avons cessé de dénoncer cette suppression prétendument vertueuse, qui, en réalité, affaiblit financièrement, et donc stratégiquement, le service public de la télévision, et qui ne manquera pas d’impacter durement – et durablement – les finances publiques. C’est d’autant plus vrai que le Gouvernement nous propose aujourd’hui de mettre l’audiovisuel public à contribution pour réunir les 500 millions d’euros d’économies exigées par le Premier ministre. Ainsi, France Télévisons serait amputée de 15 millions d’euros ; Arte, AEF et l’INA, de 1 million d’euros chacun, quand Radio France se verrait raboter 2 millions d’euros ; nous y reviendrons au moment de l’examen des amendements.
Mais cela n’est pas tout : les ressources publicitaires de France Télévisions étant, malgré les difficultés que le Gouvernement lui a créées, supérieures aux prévisions, ce « surplus » serait pris en compte pour réduire d’autant la compensation que verse l’État au groupe.
Cet acharnement contre les chaînes de télévisions publiques est incompréhensible, voire scandaleux. Il est d’autant plus étonnant que la taxe sur les fournisseurs d’accès à internet – l’une des compensations financières de la suppression de la publicité prévue par la loi de 2009 – est actuellement remise en cause par l’Europe, ce qui pourrait causer une perte de 250 millions d’euros pour France Télévisions.
En outre, la taxe sur le chiffre d’affaires publicitaire des chaînes privées, autre compensation prévue par la loi de 2009, a déjà été rabotée l’an dernier, grâce à l’action d’un lobby puissant, et ne rapporte désormais plus que de faibles sommes.
Au lieu de mettre en avant l’augmentation, par rapport à 2011 – année pour laquelle les crédits ont été particulièrement bas –, de la part du budget « Médias » accordée à France Télévisions, le Gouvernement serait bien avisé de prendre en compte ces paramètres avant que France Télévisions ne se retrouve complètement exsangue.
Je me félicite que la commission de la culture soit, dans la lignée du travail de Jack Ralite, porteuse d’un véritable projet pour France Télévisions. Je soutiens donc pleinement les amendements visant à élargir l’assiette de la redevance ou à réaffecter à l’audiovisuel public les 20 millions d’euros : je pense notamment à l’amendement portant suppression de l’article 52 ter, lequel vise à diminuer la dotation de l’État en fonction des performances de la régie publicitaire.
Ces dispositions s’inscrivent dans les préconisations pour « sauvegarder le service public de la télévision » que nous avions développées dans une proposition de loi déposée en 2010 et qui sont chères à l’actuelle majorité sénatoriale. Nous faisons ainsi la preuve que, dans un contexte budgétaire difficile, la majorité du Sénat peut porter une véritable ambition alternative pour l’audiovisuel public.
Concernant la presse écrite, les crédits sont en baisse puisque les aides directes à la presse diminuent de 6 % par rapport à 2011. Certes, cela correspond à la fin du plan d’aide exceptionnel de soutien conclu à la suite des états généraux de la presse, mais nous n’en sommes pas moins inquiets pour l’avenir d’un secteur qui reste extrêmement fragile. La situation de France Soir et de La Tribune en est l’illustration. D'ailleurs, je veux assurer de mon soutien l’ensemble des salariés de ces deux organes de presse, dont certains, ce soir, assistent au débat, et je l’affirme : l’État a une responsabilité en ce domaine.
Le pluralisme est menacé. À titre d’exemple, le journal France Soir, qui devrait voir sa version papier supprimée au profit de sa seule version numérique, est en danger.
Alors que les aides à la modernisation de la presse pour 2012 sont en baisse de 8 %, le Gouvernement, qui affirme pourtant vouloir favoriser l’adaptation des journaux aux nouvelles technologies, se désengage de France Soir, laissant présager la faillite du projet. Il ne faudrait pas que ce journal populaire évolue vers le populisme !
Je l’ai dit, des emplois sont en danger : quatre-vingt-neuf emplois au siège, l’imprimerie située en région parisienne menacée de fermeture et autant d’emplois induits risquent d’être supprimés dans les imprimeries de province ainsi que dans le circuit de la distribution.
Je le répète, l’État a une responsabilité : des millions d’euros d’aides ont été accordés, au titre de la presse écrite, à France Soir. Aujourd’hui, à quoi cette aide a-t-elle servi ?
Monsieur le ministre, je vous demande de réunir dans les plus brefs délais une table ronde qui pourrait rassembler les dirigeants, les représentants syndicaux et l’État pour envisager un autre avenir pour France Soir et, ainsi, examiner l’utilisation et l’efficacité de l’aide qui lui a été versée. En effet, dans ce champ, comme dans d’autres, le contrôle de l’utilisation des fonds publics accordés aux entreprises, que préconisait, à l’époque, la loi Hue, est une nécessité et un enjeu démocratique pour notre pays.
La presse et l’audiovisuel dans notre pays doivent être soutenus. Notre vote sur cette mission budgétaire dépendra donc du sort qui sera réservé à certains amendements.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Médias, livre et industries culturelles », dont nous examinons aujourd’hui les crédits, revêt une importance particulière.
Les événements qui se sont produits dans le monde arabe cette année rappellent, s’il en était besoin, l’importance stratégique de ce secteur pour la mise en place et le bon fonctionnement d’une démocratie. Mais revenons au contexte national, qui nous intéresse plus particulièrement ici.
Monsieur le ministre, nous avons conscience que le contexte dans lequel vous avez dû bâtir votre budget n’était a priori guère favorable : crise financière, dette et déficits publics abyssaux, plans de rigueur budgétaire… S’il est vrai que les crédits consacrés à la mission « Médias, livre et industries culturelles » restent stables, à 4,6 milliards d’euros, il n’en demeure pas moins que les choix que vous avez opérés pour construire votre budget nous semblent, à plusieurs égards, contestables ou, du moins, pas à même d’aider à relever les défis importants auxquels se trouve confronté le secteur des médias aujourd’hui, notamment à l’heure du passage au numérique.
Je m’arrêterai plus particulièrement sur les secteurs de la presse et de l’audiovisuel. En effet, dans ces deux domaines, la situation nous semble à maints égards très préoccupante.
Cependant, avant de développer plus avant mon propos, je reviens un court instant sur le secteur du livre. Si nous n’avons pas d’opposition majeure sur les crédits qui lui sont consacrés, nous regrettons la volonté du Gouvernement de profiter du projet de loi de finances pour porter, dès le 1er janvier prochain, le taux de plusieurs produits, dont celui du livre, de 5,5 % à 7 %.
Venons-en maintenant à la presse.
Dans ce secteur, que l’État soutient à hauteur de 1,2 milliard d’euros, mon collègue Jean-Pierre Plancade et moi-même avons le sentiment que les problèmes demeurent, alors même que ce budget aurait pu être l’occasion d’envisager certaines réformes structurelles majeures. Citons, par exemple, la diffusion des titres les plus aidés, aujourd’hui en recul, ou les promesses d’amélioration de la situation des diffuseurs ou de développement du réseau des points de vente, démenties par les faits. Il est vrai que cette situation résulte pour partie de la crise économique et du développement d’internet, et n’est donc pas imputable aux seuls choix budgétaires.
Il n’en demeure pas moins qu’un meilleur ciblage des crédits consacrés à la presse aurait contribué à l’améliorer. En effet, en dépit des priorités affichées lors des états généraux de la presse écrite, l’aide à la presse en ligne ne dépasse pas 20 millions d’euros, sur un total d’aides à la presse s’élevant, rappelons-le, à 1,2 milliard d’euros.
Par ailleurs, les crédits consacrés à l’aide au portage, lequel est pourtant censé représenter l’avenir de la distribution de la presse, passent de 68 millions d’euros à 45 millions d’euros, ce qui représente une diminution d’un tiers.
De la même manière, le total des aides directes à la presse affiche une diminution de 6 % par rapport à 2011, quand les aides à la modernisation du secteur enregistrent, cette année encore, une baisse de 8 %.
Enfin, le rééquilibrage du soutien en faveur des titres d’information politique générale n’a pas eu lieu : la presse quotidienne nationale bénéficie seulement de 15 % des aides, alors que 35 % de ces dernières reviennent à la presse magazine.
Ces différents exemples montrent que le budget qui nous est soumis a manqué l’occasion de procéder à un meilleur ciblage des aides, l’une des réformes pourtant nécessaires pour donner au secteur de la presse les moyens de surmonter les difficultés auxquelles il est confronté.
Venons-en à présent au secteur de l’audiovisuel et arrêtons-nous un instant sur l’audiovisuel extérieur.
Comme l’a rappelé le rapporteur pour avis Claudine Lepage, nous sommes en ce domaine face à un véritable « gâchis ». La réforme initiée en 2008, qui a conduit à la création de la holding Audiovisuel extérieur de la France, est un échec ; les raisons en sont multiples et tristement connues de tous. Le projet de fusion suscite partout de vives inquiétudes et risque fort de fragiliser le devenir de notre rayonnement culturel extérieur. En outre, dans le rapport qu’elle a consacré à cette question, l’Inspection générale des finances dément que cette fusion dégage des synergies significatives et permette donc de faire de véritables économies budgétaires. Malgré tout, le montant de la dotation accordée à AEF diminue cette année de 3,8 %.
Nos préoccupations ne se limitent malheureusement pas à l’audiovisuel extérieur ; elles concernent également notre secteur public national. Vous vous en doutez : je pense bien évidemment à la situation de France Télévisions.
Dès le départ, mon groupe n’a eu de cesse d’alerter sur le danger que représentait la suppression de la publicité sans que la compensation du manque à gagner soit assurée de manière pérenne. Nos inquiétudes étaient malheureusement fondées. En effet, la suppression de la publicité est en partie financée, d’une part, par une aggravation du déficit public et, d’autre part, par la taxe télécom. Or il est très probable que l’Union européenne nous oblige à rembourser cette dernière, c’est-à-dire contraigne l’État à restituer aux opérateurs de télécommunications plus de 1 milliard d’euros.
En outre, ce projet de budget prévoit que les éventuels surplus réalisés par la régie publicitaire de France Télévisions seront rendus à l’État.
Toutes ces dispositions, on le voit, fragilisent la situation financière de France Télévisions. Un doute raisonnable quant à la pérennité du financement du service public audiovisuel, et donc sur la capacité pour ce dernier de continuer à honorer avec toute la qualité requise les missions qui sont les siennes, est donc permis. Ce doute est atténué, il est vrai, par le bilan un peu plus encourageant des autres groupes de l’audiovisuel public : Radio France, Arte, l’INA. Cependant, là encore, restons vigilants et ne nous réjouissons pas trop vite. Le financement de ces groupes n’est pas non plus pérenne, en témoigne le vote par l’Assemblée nationale, la semaine dernière, d’une disposition tendant à diminuer de 20 millions d’euros les ressources de France Télévisions et de ces autres groupes. Nous pourrions y remédier ce soir, grâce à l’adoption d’un amendement tendant au rétablissement de ces crédits.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, trop de doutes et d’inquiétudes subsistent pour que nous approuvions ce budget. Gouverner, c’est faire des choix. Or les choix que vous avez opérés sur deux points à nos yeux fondamentaux, à savoir l’attribution des aides à la presse et le financement du secteur de l’audiovisuel, ne nous semblent pas opérationnels. Ils fragilisent des secteurs qui auraient au contraire besoin d’être accompagnés, ils ne leur donnent pas les moyens de relever les défis auxquels ils sont confrontés et ils n’amorcent pas la résolution des problèmes structurels qui sont les leurs. Il s’agit à notre sens d’une occasion manquée, et nous le regrettons.
Vous comprendrez que, au nom de mes collègues du RDSE, je réserve mon vote en fonction de l’adoption de certains amendements.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contexte de crise dans lequel est examiné le projet de loi de finances a été rappelé par Jean-Jacques Pignard. Comme vous l’avez indiqué lors de votre audition par la commission de la culture, monsieur le ministre, un effort de rigueur budgétaire important a ainsi été demandé à l’audiovisuel – France Télévisions, Radio France, l’INA et Arte –, effort qui aurait pu, selon moi, être réparti de façon plus équilibrée.
Pour l’Institut national de l’audiovisuel, la dotation publique proposée en 2012 diminuera de 1 million d’euros, ce qui ne sera pas sans conséquence, compte tenu de l’importance de la poursuite du plan de sauvegarde et de numérisation de ses archives, aujourd'hui menacées. Néanmoins, l’essentiel pour le secteur aura été préservé et le budget de la mission « Médias, livre et industries culturelles » reste globalement en légère progression. Cela était nécessaire pour que soient poursuivies les réformes voulues par le Gouvernement dans un secteur en profonde mutation.
S’agissant de France Télévisions, pour apprécier la mise en adéquation des moyens aux grands chantiers qui ont été engagés, il aurait été important, mes chers collègues, d’examiner ce budget à la lumière de l’avis que nous devions rendre sur le contrat d’objectifs et de moyens. Je regrette que le changement de majorité ait été le prétexte à ne permettre ni l’exploitation ni même la présentation des travaux que j’ai réalisés pendant l’été, en tant que rapporteur pour avis de la mission. Ceux-ci auraient pu utilement alimenter notre réflexion collective.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Certes !
Mme Catherine Morin-Desailly. Le nouveau contrat d’objectifs et de moyens, comme je l’avais défendu lors de la dernière loi de finances, met en adéquation sa durée avec celle du mandat du président et redéfinit les priorités que doit se donner l’entreprise unique.
Je me satisfais que deux d’entre elles, parmi les plus importantes – le renforcement de l’identité des chaînes, notamment France 3, et le média global, très en retard –, soient issues des préconisations que nous avions formulées avec mon collègue de la commission des finances, Claude Belot, à la suite de la mission de contrôle sur l’adéquation du financement de France Télévisions à ses moyens. Cette mission, réalisée au cours de l’année 2010, était nécessaire à l’époque pour clarifier les présupposés quant à la gestion du service public. Elle a mis en lumière les économies qu’il est possible de réaliser, au regard notamment des besoins pour conduire la réforme.
Alors que France Télévisions doit faire face à un cahier des charges très exigeant, je citerai par exemple les 420 millions d’euros d’investissements obligatoires dans la création, notons que la résorption du déficit a été réalisée plus vite que prévu. Pour autant, la mise en place de l’entreprise unique est un chantier de longue haleine et, face aux évolutions technologiques, l’instauration d’une offre numérique complète – plateforme d’information et de sport, réseaux sociaux, télévision connectée – nécessite des efforts soutenus.
Je vous rappelle que j’avais déposé l’année dernière un amendement visant à élargir l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public ; je m’étais alors retrouvée bien isolée en séance… Cette année encore, l’idée a été défendue, cette fois par des sénateurs de gauche. Mais notre nouvelle rapporteure générale n’a pas non plus été sensible à une proposition qui permettait de moins grever le budget de l’État, d’autant que l’une des taxes affectées, comme nous l’avions prévu, est aujourd’hui invalidée par Bruxelles. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai déposé un amendement concernant les surréalisations de la régie publicitaire de France Télévisions.
D’une façon générale, la position de mon groupe sur la réforme de l’audiovisuel public a été constante : défendre la suppression totale de la publicité, à condition que celle-ci soit intégralement compensée par des ressources de nature publique, pérenne et dynamique. Avec Claude Belot, nous avions à cet égard proposé l’an passé un moratoire sur la suppression de la publicité avant vingt heures, et ce jusqu’en janvier 2016.
L’objectif que nous nous fixons n’est donc pas le même que celui que défend notre rapporteur pour avis actuel, M. Assouline, qui ne souhaite pas, bien au contraire, libérer les chaînes de la tyrannie de l’audience. Or cette clarification est d’autant plus souhaitable que les dernières évolutions, à travers le téléviseur connectable, ouvrent le paysage audiovisuel à toujours plus de concurrence, pour l’ensemble du secteur.
Nous sommes également très attentifs aux problématiques relatives à la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France, un enjeu majeur pour porter nos valeurs à travers le monde. Cette modernisation, décidée dès 2007, vise à mieux coordonner les différentes entités, mais les derniers événements et l’absence de contrat d’objectifs et de moyens font naître des questions sur le modèle proposé, en dépit des succès rencontrés. N’aurait-il pas mieux valu, à l’instar de la BBC, rattacher France 24 à France Télévisions et RFI à Radio France…
Mme Claudine Lepage, rapporteur pour avis. Bonne question !
Mme Maryvonne Blondin. En effet !
Mme Catherine Morin-Desailly. … et doter TV5 Monde, vecteur de la francophonie, d’une structure ad hoc ?
Nous devrions également réfléchir à l’ouverture d’Arte à d’autres partenaires européens, afin non seulement de renouveler une offre de qualité qui reçoit cependant un trop faible écho, mais aussi de promouvoir l’Europe, qui en a tant besoin aujourd'hui.
L’audiovisuel, c’est bien sûr la télévision, mais aussi la radio. Cette année, nous célébrons le trentième anniversaire de la bande FM, âge de la maturité. L’enjeu, pour les dix prochaines années, c’est la révolution numérique que devra effectuer la radio à travers deux modalités principales : la radio numérique terrestre, la RNT, et la radio IP.
La radio numérique terrestre est la voie privilégiée par le législateur. Elle a été évoquée dès 2007 dans le projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, puis en 2009 dans la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. Le Parlement a toujours milité en faveur du déploiement de la radio numérique sur l’ensemble du territoire métropolitain. Ce n’est donc pas parce que la RNT ne se fera pas en un jour qu’il ne faut pas la faire. Il nous faudra en effet trouver ensemble et progressivement les conditions d’un modèle économique pertinent qui fait encore défaut aujourd’hui.
Je dirai quelques mots, enfin, sur l’univers de l’écrit.
Il faut indéniablement conforter la presse. Concernant l’alignement du taux de TVA de la presse en ligne sur celui de la presse imprimée, sujet sur lequel j’ai moi-même déposé un amendement, je me félicite que le Sénat milite en faveur d’un même traitement fiscal pour tous les supports de diffusion. Pour donner toutes ses chances à l’émergence, en cours, de nouveaux modèles économiques, l’adaptation fiscale doit être concomitante. Cette évolution doit naturellement dépasser le seul cas de la France. Il faut d’ailleurs se féliciter que les parlementaires européens aient récemment adopté, à une très large majorité, une résolution sur la TVA dans laquelle ils soutiennent l’application d’un taux réduit pour la presse en ligne.
La France a déjà fait un pas important l’an dernier pour le livre. Grâce au décret d’application publié le 11 novembre dernier, le livre bénéficiera, dès le 1er janvier 2012, d’un taux de TVA unique, quel que soit le support de sa diffusion. Le groupe centriste avait plaidé pour cette mesure que j’avais moi-même défendue dans cet hémicycle au nom de la commission de la culture. Le projet de budget pour 2012 est donc une nouvelle occasion pour notre pays de confirmer son rôle moteur dans l’Union européenne.
Je conclurai cette intervention en exprimant une crainte concernant le rehaussement annoncé par le Gouvernement du taux intermédiaire de TVA de 5,5 % à 7 %. Cette hausse, décidée du jour au lendemain, touchera notamment un secteur aujourd’hui fragile : la librairie.