M. François Patriat, rapporteur spécial. C’est de l’ironie ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. C’est une façon comme une autre de réduire les dépenses budgétaires… Encore un effort et, à ce petit jeu, vous arriverez bientôt aux 30 milliards d’euros d’économies qui nous permettront de nous mettre en conformité avec les critères de Maastricht !
Ce serait une solution, mais, selon moi, il faut agir autrement. Si vous supprimez totalement les crédits de cette mission, que va-t-on faire ? Il n’y aura plus d’embauches et le chômage continuera d’augmenter. Je ne suis pas contre la critique, mais il faut faire des propositions, en contrepartie, sinon, cela ne sert à rien !
Par conséquent, je vous proposerai, mes chers collègues, de voter ce budget, en dépit des critiques qui ont été émises, car ces dépenses serviront à créer des emplois, à développer l’économie. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs spéciaux, mes chers collègues, dans le contexte de crise économique et financière que nous traversons, une action volontariste est évidemment nécessaire de la part de l’État pour limiter la montée du chômage mais aussi pour protéger nos concitoyens les plus fragiles.
Malheureusement, force est de le constater, les crédits de la mission « Travail et emploi », qui s’inscrivent en baisse de 12 % par rapport à l’an dernier, ne sont pas à la hauteur des besoins et ne permettront pas à l’État d’assumer le rôle qui devrait être le sien dans cette période difficile.
M. Roland Courteau. C’est certain !
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. Le Gouvernement tente, et c’est bien normal, de minimiser l’ampleur de la baisse des crédits, en nous expliquant qu’elle serait, pour l’essentiel, la conséquence de décisions prises antérieurement.
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. En réalité, monsieur le ministre, ce projet de budget arrive à contretemps : il a été conçu à un moment où une reprise économique était envisagée – les paramètres n’étaient pas les mêmes –, et il se révèle aujourd’hui inadapté à la situation présente.
Le projet de budget du travail et de l’emploi a été élaboré en maintenant inchangées, en euros courants, la plupart des dotations votées en 2010 et en 2011.
La commission des affaires sociales, vous n’en serez pas surpris, juge ce choix contestable, puisque la simple reconduction des crédits empêche le Gouvernement d’adapter l’effort de l’État à l’évolution des besoins.
Pour illustrer mon propos, et puisque mon temps de parole est compté, je me limiterai à l’exemple de la dotation de l’État à Pôle emploi. Depuis 2009, c’est-à-dire depuis la création de l’opérateur unique, elle a toujours été fixée à 1,36 milliard d’euros et elle resterait à ce niveau en 2012. Cette dotation a donc, en réalité, légèrement baissé en valeur du fait de la hausse des prix. Surtout, elle n’a pas été réévaluée pour tenir compte de l’augmentation du chômage de 30 % constatée depuis trois ans.
Les agents de Pôle emploi doivent donc faire face à une charge de travail qui a considérablement augmenté, sans moyens supplémentaires. Nous sommes ainsi très loin de l’objectif qui avait été fixé, voilà quatre ans, par Christine Lagarde, à savoir 60 demandeurs d’emploi suivis par conseiller. Nous en sommes aujourd’hui plutôt à 110,…
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. … voire, dans certaines régions, à 150 ou 200.
Il n’est guère surprenant, dans ces conditions, que les demandeurs d’emploi se plaignent d’un accompagnement insuffisant et que les agents expriment, de leur côté, une vive insatisfaction.
Une revalorisation des moyens du service public de l’emploi s’impose à l’évidence. Une telle dépense est, à mes yeux, un investissement, d’une part, parce qu’elle permet de réaliser des économies sur l’indemnisation des demandeurs d’emploi – nous avons déjà longuement développé ce sujet –, et, d’autre part, parce qu’elle contribue à la sauvegarde de notre cohésion sociale et facilite les recrutements des entreprises.
Le Gouvernement vient de négocier avec l’UNEDIC et Pôle emploi une nouvelle convention tripartite qui va fixer la « feuille de route » de l’opérateur. Les orientations retenues rejoignent les préconisations formulées par la mission commune d’information sénatoriale…
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. … que j’ai eu l’honneur de présider : plus grande personnalisation du service rendu aux demandeurs d’emploi, redéploiement de moyens aujourd’hui affectés à des fonctions support, déconcentration de l’établissement pour favoriser son ancrage dans les territoires, enfin, définition de nouveaux indicateurs de résultats pour un meilleur pilotage de l’action de Pôle emploi.
Cette nouvelle « feuille de route » ne produira cependant pas les résultats espérés si Pôle emploi ne reçoit pas les moyens suffisants pour assumer convenablement ses missions. Or l’État envisage de geler sa dotation encore jusqu’en 2014.
Si la plupart des dotations restent inchangées, comme je l’ai dit, quelques-unes s’inscrivent néanmoins en forte baisse, à tel point que l’on peut craindre que plusieurs dispositifs ne se révèlent sérieusement sous-financés l’an prochain.
Je pense notamment à la dotation pour les maisons de l’emploi, à la dotation de l’État au Fonds de solidarité ou encore aux crédits alloués au financement de l’activité partielle, que l’on appelait autrefois le chômage partiel.
J’ajoute que le nombre d’entrées en contrats aidés devrait diminuer fortement l’an prochain, tandis que la suppression de l’allocation équivalent retraite, l’AER et de l’allocation spéciale du Fonds national de l’emploi, l’ASFNE, laissera sans solutions certains salariés âgés qui vont perdre leur emploi et qui auront de très faibles perspectives de reclassement professionnel.
Dans ces conditions, vous ne serez pas surpris que la commission des affaires sociales ait émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Travail et emploi ».
Nous estimons qu’une autre politique de l’emploi est possible et nécessaire. Je rappelle, à titre d’exemple, que la suppression de l’exonération des cotisations sociales sur les heures supplémentaires rapporterait, à elle seule, outre les 3,5 milliards d’euros destinés aux comptes sociaux, près de 1,4 milliard d’euro au budget de l’État, ce qui serait nécessaire pour remettre à niveau les crédits de la mission. Cette dotation serait, de surcroît, favorable à la création d’emplois.
La commission s’est prononcée, en revanche, pour l’adoption des articles rattachés, sous réserve de la suppression de deux d’entre eux, sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir dans la suite de nos débats. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a très justement souligné M. le rapporteur pour avis, la baisse de 12 % des crédits de la mission « Travail et emploi » entre 2011 et 2012 est inquiétante, parce que totalement contracyclique.
On le sait, la croissance ne sera pas au rendez-vous l’année prochaine. Elle devrait à tout le moins être insuffisante pour empêcher une nouvelle hausse du nombre de demandeurs d’emploi.
Dans ces conditions, l’État doit prévenir et accompagner. C’est donc plutôt à une hausse des crédits de cette mission que l’on aurait pu s’attendre.
Parmi les crédits en baisse, trois postes nous semblent particulièrement problématiques : celui des contrats aidés, celui des maisons de l’emploi et celui du Fonds de solidarité.
Pour les contrats aidés, nous partageons l’avis de M. le rapporteur spécial. Il faudra sans doute, de toute façon, les abonder en cours d’année.
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Pour ce qui concerne les maisons de l’emploi, leur dotation, avant examen par nos collègues députés, devait être réduite de 30 millions d’euros, soit une baisse de 38 % par rapport à 2011, ce qui ne nous semble pas envisageable eu égard à leur rôle comme relais territorial des politiques nationales de l’emploi.
Heureusement, l’Assemblée nationale a limité cette baisse à 15 millions d’euros, ce qui est encore trop à nos yeux, malgré le recentrage de leurs missions et les économies d’échelle qu’elles ont réalisées. Nous défendrons donc un amendement visant à abonder la dotation de 7 millions d’euros supplémentaires, pour contenir à environ 10 % la baisse des crédits cette année, après celle de 21 % connue en 2011.
La forte diminution de la dotation de l’État au Fonds de solidarité est également très problématique. Ce fonds prendra en charge, à partir de 2012, la nouvelle allocation transitoire de solidarité, l’ATS, créée à la suite de la réforme des retraites de 2010 au profit des chômeurs seniors en fin de droit frappés par la réforme, et dont la convention de licenciement est antérieure à sa promulgation.
Le montant de l’ATS est déjà très faible. Elle ne compense pas la perte de l’allocation chômage. Si elle est, en plus, insuffisamment budgétée, nous nous demandons comment l’ATS peut vraiment répondre aux besoins des publics à qui elle se destine !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Bonne question !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur ce point ? Combien, selon vous, devrait coûter l’ATS ? Le Fonds de solidarité, avec les crédits qui lui sont alloués par le présent projet de loi de finances, pourra-t-il faire face ?
Une fois ces remarques faites, il convient cependant de relativiser le jugement que l’on peut porter sur les crédits de la mission « Travail et emploi », et ce pour une raison simple : paradoxalement, la mission ne donne qu’un aperçu très partiel de la politique de l’emploi. Elle ne retrace, au mieux, qu’un cinquième des financements qui lui sont consacrés. Elle représente globalement 10 milliards d’euros, autant que la dépense fiscale liée à la politique de l’emploi et, surtout, trois fois moins que les exonérations de cotisations sociales, qui avoisinent les 30 milliards d’euros.
Dans ces conditions, point n’est besoin d’être grand clerc pour comprendre qu’une réforme de notre politique de l’emploi passe immanquablement par une revue, voire une révision, des dispositifs d’allégement de charges, cœur névralgique de cette politique.
C’est la raison pour laquelle le groupe UCR avait demandé un débat public sur le bilan du dispositif d’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires. Ce débat a été tenu le 26 mai dernier.
L’actuelle majorité sénatoriale veut supprimer ces exonérations d’un trait de plume. Il est vrai que la faible efficacité du dispositif a été soulignée tant par le Conseil des prélèvements obligatoires d’octobre 2010 dans son rapport sur les niches fiscales et sociales des entreprises que par le Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales dans son rapport de juin 2011. Il constituerait même un frein à l’embauche par l’effet d’aubaine qu’il peut engendrer.
Pour autant, nous faisons deux observations.
D’une part, le bilan des allégements de charges sur les heures supplémentaires mérite d’être nuancé.
Il convient, me semble-t-il, de distinguer les grandes entreprises des petites. Pour ces dernières, qui ont plus de mal à ajuster leur charge de travail, les allégements sur les heures supplémentaires représentent sans doute une aide précieuse. Ils doivent donc être maintenus, mais seulement pour les PME, et plus précisément pour celles qui ont à faire face à d’importantes et soudaines variations de leur charge de travail. Ainsi le dispositif serait-il ciblé dans le temps et sur les PME les plus à même de grossir.
C’est en effet un tissu développé d’entreprises moyennes comme il existe en Allemagne qui fait le plus défaut à l’économie française, tout le monde le sait. Aussi devons-nous tout faire pour aider les petites entreprises à grandir.
D’autre part, on ne saurait supprimer cette mesure sans s’interroger plus globalement sur l’ensemble des dispositifs d’exonération de charges. Nous plaidons pour un audit général de ces allégements de charges afin d’optimiser l’efficience de nos politiques de l’emploi. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon le récent sondage Viavoice réalisé pour Libération, 81 % des Français désavouent la politique économique de Nicolas Sarkozy, et 78 % jugent inefficace son action sur l’emploi.
Ce constat de défiance peut paraître sévère. Il n’est pourtant que la conséquence d’une politique méthodique tournée en priorité vers la sécurisation des profits et des revenus financiers avant que d’être au service du travail et de l’emploi.
Depuis 2007, la course effrénée au moins-disant fiscal a entraîné une réduction drastique des ressources de l’État.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Très juste !
M. Dominique Watrin. Selon les calculs du Conseil des prélèvements obligatoires, les niches destinées aux entreprises, entendues au sens large, ont représenté un manque à gagner pour les finances publiques de 172 milliards d’euros en 2010. Pour quel bénéfice, je le demande, en matière de développement industriel, de redynamisation économique, de niveau de l’emploi et de formation ?
Il convenait, à notre sens, de dresser à titre liminaire ce constat iconoclaste. En conséquence de la politique que vous continuez de mener, envers et contre tout, c’est la population active de ce pays qui paiera les frais du plan d’austérité, et il n’épargne pas, loin s’en faut, la mission « Travail et emploi ».
Au moment où l’importance de la demande sociale justifierait plus que jamais que l’État investisse dans les structures d’accompagnement vers l’emploi, vous continuez en toute incohérence d’acter son désengagement.
Pôle emploi fête bien tristement son troisième anniversaire. En plus de fragiliser les rapports entre salariés et usagers via le recours à un contrôle social quelquefois décalé par rapport à la situation réelle des demandeurs d’emploi, vous continuez d’alimenter la situation de pénurie d’effectifs dont souffrent ces structures, déjà exposées aux risques psychosociaux rencontrés par ses agents.
La subvention de l’État va permettre le financement de 45 422 équivalents temps plein, alors qu’ils étaient 47 015 en 2010. Le nombre d’agents diminue alors que, parallèlement, le nombre d’inscrits à Pôle emploi a enregistré une hausse de 4,3 % en un an.
De plus, à l’image de la tendance suivie par l’ensemble des employeurs – on serait toutefois en droit d’attendre que l’État ne s’aligne pas –, le recours aux emplois précaires se normalise dans les agences de Pôle emploi. En 2010, le service public de l’emploi comptait dans ses rangs près de 4 000 contrats à durée déterminée, ou CDD, et plus de 2 000 contrats aidés.
L’éventail des contrats précaires aujourd’hui à la disposition des employeurs est également mis à profit par le service public de l’emploi. C’est un comble !
Rappelons que Pôle emploi a encore été condamné le 30 septembre dernier par le conseil des prud’hommes de Compiègne pour ne pas avoir renouvelé le CDD d’une employée qui y travaillait depuis 2003. Cette femme était alors âgée de soixante ans. Ce cas me donne l’occasion de rappeler que le nombre de sans-emplois âgés de plus de cinquante ans a crû de 14,6 % en un an. Il est à craindre que la réforme des retraites, qui joue sur les bornes d’âges et les durées de cotisations, n’empire cette situation. Il est donc nécessaire de rétablir complètement l’allocation équivalent retraite, l’AER.
La question se pose, monsieur le ministre, bien que ce budget ne le permette pas. Son indigence n’épargnera pas non plus les maisons de l’emploi, dont la dotation, cela a été dit, est significativement réduite dans le présent projet de loi de finances.
Dans le Nord-Pas-de-Calais, les dix-huit maisons de l’emploi font travailler deux cent vingt salariés, dont soixante-sept seraient menacés par la coupe budgétaire. L’une de ces maisons de l’emploi, qui couvre un territoire de quarante-quatre communes, s’est vu infliger une baisse de 40 % de son budget sur un territoire où son action était pourtant efficace. Nous en sommes effectivement à la deuxième année consécutive de ponction sur le budget des maisons de l’emploi.
Si la crise nous impose de nous tourner vers l’avenir, cela passe notamment par un investissement dans l’accompagnement de la jeunesse vers l’emploi mais aussi dans la formation à tout âge.
Mais, de ces deux leviers, la disette n’épargnera ni l’un ni l’autre.
Je ne reviendrai pas sur la circulaire du 19 janvier 2011, qui modifie les conditions du conventionnement des missions locales et qui remet non seulement en cause leur rôle pivot dans l’accompagnement des jeunes en difficulté mais aussi la gouvernance partagée des missions locales.
De même, la réduction du montant de l’allocation servie dans le cadre des contrats d’insertion dans la vie sociale, les CIVIS, et la diminution simultanée de 10 % du nombre de ses bénéficiaires traduisent encore votre désintérêt réel pour la jeunesse.
Nicolas Sarkozy déclarait en 2010, lors de sa visite au centre de formation Veolia, dans le Val-d’Oise : « Si on ne fait rien, ce sont entre 170 000 et 220 000 jeunes de plus qui pourraient se retrouver au chômage d’ici fin 2010. […] Je ne veux pas d’une génération sacrifiée ». C’est à se demander pourquoi ils sont les premiers à être promis à l’abandon !
La demande de formation d’accompagnement ou de montée en qualification n’a jamais été aussi prégnante et pourtant les crédits de l’AFPA diminuent encore. Après le transfert de l’activité d’orientation à Pôle emploi, il est désormais question de calibrer l’offre de formation et de revoir l’implantation territoriale des sites. Autant parler d’un démantèlement planifié !
C’est votre politique dispendieuse au profit des uns et restrictive pour tous les autres que les agences de notation sanctionnent, non les Français !
Les sénateurs du groupe CRC ne peuvent admettre que les crédits de cette mission ignorent tout de l’urgence sociale. Ils ne peuvent pas non plus admettre l’absence de toute politique d’avenir.
Vous l’aurez compris : le groupe CRC ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise financière et économique que traverse notre pays est profonde.
Alors que les experts économiques tablaient, en début d’année, sur la poursuite de la reprise engagée en 2010 et espéraient une croissance de l’ordre de 1,5 % en 2012, les événements de ces dernières semaines les ont contraints à revoir leurs prévisions à la baisse. Ce fort ralentissement de la croissance pourrait bien faire basculer la France dans une nouvelle récession.
Par ailleurs, les récentes annonces de plans de restructuration dans des secteurs très variés font craindre une transformation de la crise financière en crise sociale. Sans compter que la possible, pour ne pas dire probable perte du triple A français risque d’aggraver la situation.
Depuis le mois de mai, le nombre de demandeurs d’emploi est à nouveau en hausse dans notre pays. Ils sont désormais 4,4 millions. Le nombre de ceux qui sont inscrits en catégorie A à Pôle emploi a atteint un niveau inégalé depuis près de douze ans. Il faut remonter au plus fort de la crise, en 2009, pour retrouver un taux de chômage aussi catastrophique. Cette hausse n’épargne personne : ni les jeunes ni les chômeurs de longue durée, et encore moins les seniors.
S’agissant de ces derniers, le Président de la République avait promis en mai 2007 « d’aider les entreprises à donner du travail aux seniors au lieu de les encourager à s’en séparer ». Pourtant, le nombre de demandeurs d’emploi âgés de plus de cinquante ans a littéralement explosé. Il est de plus en plus difficile pour les seniors de retrouver un travail. Nous le savons bien : la précarité des seniors est devenue une réalité.
Aussi, je souhaiterais évoquer très brièvement la suppression, effective au 1er janvier dernier, de l’allocation équivalent retraite, l’AER, qui garantissait un revenu minimum aux chômeurs ayant tous leurs trimestres pour leur retraite mais pas encore l’âge pour en bénéficier, quand ils avaient épuisé leur droit aux allocations d’assurance chômage.
Le Gouvernement l’a remplacé par l’allocation transitoire de solidarité, l’ATS, mais les conditions d’accès sont bien plus restrictives. Seuls 11 000 demandeurs d’emploi devraient en bénéficier, alors que l’AER touchait plus de 60 000 personnes. Cette mesure n’est pas acceptable.
À la fin de l’année, le chômage devrait toucher 9,2 % de la population active en France métropolitaine et il est à craindre qu’il ne connaisse une nouvelle augmentation en 2012.
Monsieur le ministre, la politique de l’emploi mobilisera, en 2012, 47 milliards d’euros. Je rappellerai qu’elle avait mobilisé 54 milliards d’euros en 2010 et 51 milliards d’euros en 2011 ! Si l’on s’en tient à la mission « Travail et emploi », les crédits qui lui sont alloués accusent une baisse historique de 12 %, soit une perte de 1,4 milliard d’euros.
Une diminution aussi vertigineuse relève à mon sens d’une démarche irresponsable. Pris dans une tourmente économique et sociale, nos concitoyens attendaient que vous mettiez en place une véritable politique en faveur de l’emploi. Ce budget manque véritablement d’ambition.
Ainsi, le programme « Accès et retour à l’emploi » subit une baisse de 800 millions d’euros et le programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi » est réduit de 550 millions d’euros. Comment voulez-vous, dans ces conditions, gagner la bataille de l’emploi ? C’est tout simplement impossible.
Je pense notamment à Pôle emploi qui, depuis sa création, reçoit toujours la même dotation de l’État, soit 1,36 milliard d’euros. Officiellement, donc, le budget de Pôle emploi est maintenu pour 2012. Mais, dans un contexte de crise économique et de hausse du chômage, il s’agit en réalité d’une diminution !
La dotation de l’État ne permettra pas aux agents de Pôle emploi de faire face à une charge de travail de plus en plus importante dans des conditions décentes. Un conseiller peut se retrouver à gérer un portefeuille de 200 ou 300 demandeurs, ce qui rend toute prise en charge individuelle totalement impossible.
Les demandeurs d’emploi se retrouvent donc livrés à eux-mêmes, avec pour seul moyen de contacter Pôle emploi un centre d’appel. Or les interlocuteurs sont souvent recrutés sur des contrats à durée déterminée et remplacés tous les six mois, de surcroît en ayant très peu eu de formation. Dans une logique de profit et de rentabilité, le temps d’écoute accordé aux chômeurs a été réduit. Cette situation conduit nombre d’usagers à se rendre dans les agences souvent chargés d’agressivité. C’est dommageable.
Il aurait été indispensable de réévaluer la dotation de Pôle emploi et de lui permettre de faire face à la pénurie de moyens et de personnels, d’autant qu’une intensification de l’accompagnement a toujours un effet direct sur la hausse du taux de retour à l’emploi et, par conséquent, sur la baisse du chômage.
Dans un rapport, très instructif, de 2010, l’Inspection générale des finances a d’ailleurs dénoncé le manque de moyens consacrés au suivi des chômeurs en France : « L’offre en matière d’accompagnement apparaît à la fois plus éclatée, moins étoffée et moins intensive en France qu’en Allemagne et au Royaume-Uni. »
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les effectifs consacrés à l’accompagnement de 10 000 demandeurs d’emploi sont de 178 au Royaume-Uni, de 134 en Allemagne et de 53 seulement en France ! Par ailleurs, outre-Rhin, 8 000 personnes ont été recrutées à temps plein pendant la crise pour se consacrer entièrement au suivi des demandeurs d’emploi, alors que, en France, vous avez procédé à la suppression de 1 800 postes.
En outre, en 2008, c’est-à-dire en pleine crise, les contrats à durée déterminée de Pôle emploi avaient été renouvelés. Actuellement, ils ne le sont plus.
Loin de moi l’idée de remettre en cause le bien-fondé de Pôle emploi, qui a permis de simplifier les démarches des demandeurs d’emploi et de favoriser un traitement plus égalitaire des chômeurs. Pour autant, la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC aurait mérité d’être mieux préparée et mieux accompagnée. Nous avons d’ailleurs été nombreux sur ces travées à dénoncer à maintes reprises les carences en la matière.
Au mois de juillet dernier, la mission commune d’information relative à Pôle emploi a rappelé dans son rapport que la fusion s’était déroulée dans un contexte de forte hausse du chômage et que des erreurs avaient été commises. Elle a regretté que la qualité de l’accompagnement des demandeurs d’emploi se soit dégradée, chaque conseiller n’ayant pas la possibilité d’assurer de manière satisfaisante le suivi mensuel auquel tous les demandeurs d’emploi ont droit en principe. Elle a formulé plusieurs recommandations, préconisant notamment d’attribuer des moyens supplémentaires à Pôle emploi. Je constate avec amertume que votre projet de budget n’en tient pas compte.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, vous comprendrez que la très grande majorité des membres du RDSE ne puissent pas adopter les crédits de la mission. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le chômage et l’emploi sont les premières préoccupations des Français. Nombreux sont ceux qui s’inquiètent pour leur avenir.
Selon une étude publiée au mois de septembre dernier par l’institut TNS-Sofres, 66 % des Français, soit les deux tiers, font état de risques de chômage pour eux-mêmes ou pour l’un des membres du foyer dans les mois à venir et 31 % estiment même qu’il y a « beaucoup » de risques.
Cette inquiétude n’épargne personne. Si les ouvriers se montrent particulièrement pessimistes – on le comprend ! –, à 76 %, l’inquiétude à l’égard du chômage touche également très largement les cadres, à 70 %. L’avalanche de plans sociaux et l’augmentation des chiffres du chômage semblent leur donner raison.
Dans ce contexte, et alors que le taux de croissance prévu est proche de zéro, vous choisissez de diminuer les crédits de la mission « Travail et emploi » de 12 %, soit près de 1,7 milliard d’euros par rapport à 2011. Il s’agit d’une baisse historique qui a de quoi surprendre !
Avec un nombre de demandeurs d’emploi qui, toutes catégories confondues, est reparti à la hausse – je pense notamment à l’explosion du chômage de longue durée, avec une augmentation de près de 9 %, atteignant le chiffre de 1,6 million de personnes –, l’emploi devrait être votre première priorité. Surtout, cela devrait se concrétiser dans un budget offensif. Force est de constater que nous sommes bien loin du compte. Au mieux, les crédits stagnent en euros courants. Mais la plupart sont en baisse !
Pour ma part, j’insisterai sur deux points : les maisons de l’emploi et les contrats aidés.
Pour les maisons de l’emploi, le scénario est identique à celui de l’année dernière.