M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. Monsieur le secrétaire d’État, m’exprimant au nom du groupe UMP, je tiens à vous dire que vous nous avez totalement convaincus !
M. Richard Yung. Ah !
M. Robert del Picchia. Mais c’est la réalité, et chacun s’exprime comme il l’entend !
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez prononcé des paroles sensées, auxquelles j’ai été sensible. Je vous suis d’ailleurs très reconnaissant de nous avoir informés, dans le détail, sur tout ce qui s’est passé.
Mes chers collègues, nous sommes, bien sûr, tous d’accord sur le principe. Si, d’aventure, il se trouvait quelqu’un, dans cet hémicycle, pour s’y opposer, qu’il se lève et qu’il se manifeste maintenant, pour reprendre la formule prononcée lors d’un mariage à la mairie. Oui, cette taxe doit être appliquée un jour, car l’idée est louable, moralement juste, incontournable même ; les qualificatifs manquent pour la décrire !
Sur le fond, cependant, elle pose de vrais problèmes, techniques mais aussi politiques et diplomatiques au niveau européen.
À la demande du Président de la République, ai-je besoin de le rappeler, le Gouvernement a décidé de pousser le projet de taxation des transactions financières dans un cadre franco-allemand. Cette initiative a abouti à une proposition commune, détaillée, adressée par les deux ministères français et allemand à la Commission européenne, laquelle l’a fait largement sienne.
Cela a été dit, la question a commencé d’être débattue au sein du conseil pour les affaires économiques et financières ainsi que dans d’autres enceintes spécialisées. Toutefois, rien n’est acté.
Dès lors, pourquoi vouloir faire « cavalier seul », pour reprendre une expression entendue ici même à plusieurs reprises cet après-midi ? Créer une taxe nationale sur les transactions financières, juridiquement différente de celle qui est défendue par la Commission européenne, et, disons-le, techniquement irréalisable, ne peut qu’être contre-productif, compte tenu du travail diplomatique mené actuellement au plus haut niveau pour parvenir à un consensus sur le sujet. Ce serait une décision inopportune en l’état des négociations en cours.
Si nous sommes unanimes à dire qu’une telle taxe doit voir le jour, cela ne pourra se faire, à notre sens, que dans le cadre d’une résolution européenne, après un travail coordonné.
C’est la raison pour laquelle le groupe UMP votera contre l’amendement n° I-206, non pas en raison d’un désaccord sur le fond, mais parce qu’il traduit une trop grande précipitation.
Mes chers collègues, si vous voulez vraiment inscrire le principe de cette taxe dans la loi, faites-le au moins en concertation avec nos homologues allemands pour obtenir un vote commun avec le Bundestag. Norbert Lammert s’est d’ailleurs dit prêt à discuter avec nous de tous les volets relatifs à l’adoption d’une taxe franco-allemande.
Aujourd’hui, prendre une telle initiative, non concertée, me semble malvenu.
Toutefois, je me réjouis de constater l’adhésion, quasi unanime sur toutes les travées, à la proposition du Président de la République. Je ne doute pas que, lorsque le texte finalisé arrivera dans cet hémicycle, nous le voterons tous, comme ce fut le cas pour la taxe sur les billets d’avions.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Les écologistes se félicitent du consensus qui se dégage, sur le fond, en faveur de la création d’une taxe sur les transactions financières, même si des divergences s’expriment sur la définition de l’assiette et la fixation du taux. Ils se réjouissent également du refus opposé par certains de retirer leur amendement.
Cette taxe a un vécu, qu’ont rappelé de nombreux collègues, depuis que des économistes l’ont proposée et chiffrée. Elle a aussi une histoire politique : elle fut formalisée par le groupe des Verts au Parlement européen, au cours de la mandature 1999-2004. À l’époque, tout le monde était contre, sauf nous : quel plaisir, aujourd’hui, de vous voir tous d’accord, et je le dis sincèrement !
Le débat sert à le rappeler, le terme « transactions » englobe non seulement, certes, des actes de commerce, mais aussi toutes ces spéculations destructrices de l’économie réelle, de l’emploi et de l’environnement. Nous avons solennellement besoin, aujourd’hui, que l’autonomie propre aux arbitrages du Parlement français pèse dans le bon sens.
Nous entendons les arguments, ô combien traditionnels, avancés par M. le secrétaire d’État et une partie de la majorité, soulignant la nécessité de nous accorder, d’abord, aux niveaux européen et mondial. Mais ce même discours nous fut déjà servi en maintes occasions, pour les bombes à fragmentation, les mines antipersonnel, le droit des enfants, les lois sociales, les normes environnementales. (M. Jean-Claude Frécon approuve.)
Nous n’avons pas fait du dumping en nous alignant sur les positions les plus frileuses. Le Parlement français a dit ce qu’il voulait. C’est ce qu’il doit continuer à faire aujourd’hui.
Nous objecter la nécessité d’une démarche internationale préalable, c’est faire preuve, non de pragmatisme, mais de frilosité. Selon nous, écologistes, il faut avoir le courage du premier pas parlementaire. C’est pourquoi nous soutenons cet amendement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – M. François Fortassin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Monsieur le secrétaire d’État, je me suis moi-même retrouvé dans plusieurs des questions qu’a posées M. le président de la commission des finances. Il y a en effet beaucoup à dire, notamment sur l’attitude des Britanniques et des Américains, qui, c’est vrai, constitue une donnée importante du problème. Or vous n’y avez pas apporté, dans votre réponse, de lumières particulières.
Il ne faut pas être grand clerc pour saisir la réalité : la position du Royaume-Uni est, pour l’instant, hostile, et il n’est pas dit, à court terme en tout cas, qu’elle change.
Dès lors que la situation s’éclaircit, l’argument du consensus prend tout son sens : c’est, en fait, une manière de repousser le problème aux calendes grecques, puisqu’il n’y aura pas, pour d’évidentes raisons, d’accord avec nos amis britanniques. Encore que, pour les bien connaître, nous savons qu’ils sont toujours contre, jusqu’au moment où ils sont pour ! (Sourires.) Mais tout cela prendra du temps.
Cela fait maintenant une vingtaine d’années qu’une telle taxe est évoquée. Le dispositif proposé dans l’amendement est peut-être imparfait, notamment en ce qu’il ne cible que les transactions financières licites, connues, déclarées. Ces dernières, nous en sommes tous conscients, ne forment que la « partie émergée de l’iceberg », bien minime par rapport aux dizaines de milliers de milliards d’euros brassés par ailleurs dans tous les sens entre les différents paradis fiscaux, soit autant d’argent qui, par définition, ne sera pas pris en compte dans l’assiette de cette taxe.
L’adoption de l’amendement aurait tout de même le mérite d’avancer sur ce sujet et de préciser notre objectif.
Je sais d’expérience qu’il vaut toujours mieux avoir fixé la position française avant de nous engager dans les discussions au niveau communautaire. Nous ne sommes pas en position de force, mais au moins nos partenaires connaissent-ils clairement nos convictions, ce qui les contraint à se définir en conséquence. C’est vrai ici comme dans tous les domaines, social, fiscal, financier, etc.
Cher Robert del Picchia, nous avions réussi à dégager un consensus, vous venez, à notre grand regret, de le faire voler en éclats !
M. Robert del Picchia. Ce n’est pas moi qui ai commencé !
M. Richard Yung. Nous serons donc unitaires pour deux !
Mme Michèle André. Nous y arriverons !
M. Richard Yung. En adoptant l’amendement n° I-206, le Sénat français enverrait un message fort, clair, digne de notre République, non seulement à nos concitoyens, mais aussi à nos amis allemands et à l’Europe tout entière. Comment pouvez-vous nous reprocher de faire notre travail de parlementaire ? Retirer cet amendement ? Ce serait le pire des aveux de faiblesse, une véritable débâcle !
À mon sens, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le vote est clair.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. Monsieur Yung, avec toute l’amitié que je vous porte – je vous connais bien, notamment depuis que j’ai occupé, au sein d’un précédent gouvernement, les fonctions de secrétaire d’État chargé des affaires européennes –, je veux vous rappeler que la position de la France, sur ce sujet, est d’ores et déjà fixée, indépendamment de celle que va prendre le Sénat aujourd’hui. Sur ce sujet, nous ne cessons d’avancer, et c’est tout le sens de mon propos.
S’il s’agit, par cet amendement, comme vous venez de le dire vous-même, d’envoyer un message aux Britanniques ou à la Commission de Bruxelles, qui est en train de préparer un texte commun, utilisez plutôt l’outil que la Constitution a prévu pour ce faire, c’est-à-dire l’article 88-4, lequel reconnaît aux deux chambres du Parlement un pouvoir de résolution, donc la possibilité de s’adresser directement aux institutions européennes sur un acte européen.
Nous attendons un texte de la Commission, demandé conjointement par la France et l’Allemagne. Vous voulez anticiper en vous inscrivant dans le cadre de la loi de finances. Le Sénat est souverain, cela va sans dire, mais, de mon point de vue, les problématiques relatives aux impôts et taxes affectés au budget sont tout de même assez éloignées de l’aide aux pays en voie de développement.
Monsieur Yung, je le répète, s’il s’agit de fixer la position française, elle l’est déjà ; s’il s’agit d’envoyer un message, ce n’est pas le bon moyen et je vous renvoie à l’article 88-4 de la Constitution.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Nous pouvons nous réjouir que Mme la rapporteure générale de la commission des finances ait pris l’initiative de nous proposer un amendement de synthèse regroupant les propositions émanant des différents groupes.
M. Christian Cambon, rapporteur pour avis. Pas exactement !
M. François Marc. Au fond, une telle proposition, qui a été implicitement validée par la commission, va constituer, si nous en décidons ainsi, un acte fort du Sénat. C’est tout à l’honneur de la commission des finances et de Mme la rapporteure générale d’avoir fait cette démarche.
D’aucuns nous disent, monsieur le secrétaire d’État, que le fait de procéder ainsi pourrait nuire à la position de la France. Notre objectif est clair : donner une suite aux attentes exprimées par nos concitoyens, c’est-à-dire refuser que les marchés, notamment financiers, puissent dicter la conduite à tenir à l’ensemble des dirigeants de la planète, redonner la primauté au politique, car c’est lui qui doit être aux manettes.
Dès lors, il nous revient de définir des indications et des orientations suffisamment précises pour permettre justement aux marchés de s’organiser en conséquence.
Monsieur le secrétaire d’État, en quoi le vote que nous nous apprêtons, semble-t-il, à émettre pourrait-il nuire à nos relations avec nos partenaires européens ou du G20 ?
Je ferai observer que le Parlement européen a adopté, le 8 mars 2011, une résolution sur le financement innovant à l’échelon européen et mondial. Cette orientation vaut pour l’ensemble de l’Europe. Or nous nous inscrivons tout à fait dans ce cadre. Comment pourrions-nous nuire à notre pays au sein de l’Union européenne en appuyant cette démarche commune, validée par les parlementaires européens ?
Je ferai le même commentaire pour ce qui est du G20. À l’issue du sommet de Cannes, j’ai regardé avec attention, dans la petite lucarne, la conférence de presse conjointe de « Nicolas et de Barack », puisque c’est ainsi que les journalistes les présentaient et qu’eux-mêmes s’appelaient en se congratulant. Nicolas nous a bien dit en substance : « Nous avons le projet de créer une taxe sur les transactions financières, que mon ami Barack et moi-même avons l’intention de mettre en musique au niveau international. »
Dès lors que le Président de la République a annoncé son objectif à la télévision, devant tous nos concitoyens, je ne vois pas en quoi notre vote risquerait de gêner sa démarche. Au contraire, nous allons contribuer à la renforcer !
Avec la proposition de la commission des finances du Sénat, nous avons, aujourd’hui, un outil de nature à asseoir la primauté du politique sur les marchés. Elle traduit une ambition forte, que nous avons maintes fois débattue et soutenue ici, comme nous venons encore de le faire à l’instant. Surtout, nous entendons aujourd’hui, à l’échelle de notre pays, alors que la situation est grave et le contexte difficile, affirmer une volonté politique et insister sur la nécessité d’agir.
Tel est, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’objet de cet amendement, que nous avons tout intérêt à adopter ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – M. François Fortassin applaudit également.)
M. Richard Yung. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je suis assez gêné par ces amendements. Ce n’est pas le fond qui me pose un problème, car je suis totalement favorable à la taxe sur les transactions financières. Il y a quelques semaines, dans d’autres fonctions, celles que j’exerçais à l’époque où j’avais l’honneur de représenter la France à l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, j’ai défendu la taxe sur les transactions financières devant les trente-trois autres membres de l’Organisation. Parlons franchement, je n’ai été soutenu que par trois, quatre pays, au maximum, sur les trente-trois.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ce n’est pas si mal ! Vous n’avez pas prêché dans le désert !
M. Roger Karoutchi. Je le reconnais bien volontiers, ce n’est déjà pas mal !
Ce que j’ai surtout retenu, c’est l’idée assez fortement exprimée par certains des membres de l’OCDE, selon laquelle la France ne pouvait pas, sans un accord avec ses partenaires, décider seule.
Je suis parfaitement d’accord sur la nécessité d’affirmer la suprématie des élus, des politiques, sur les marchés financiers. Et j’approuverai d’ailleurs des reprises en main dans d’autres secteurs. Mais la question qui se pose est de savoir si le fait de voter cet amendement ce soir apportera quelque chose ou non !
Je m’explique : imaginons que le Gouvernement ne s’oppose pas à l’amendement voté aujourd’hui au Sénat. Il sera ensuite adopté par l’Assemblée nationale et pourra entrer en application. Mais, tant que la négociation internationale n’aura pas avancé, il s’appliquera en France, et en France seulement.
Ceux qui établissent une comparaison avec la taxe sur les billets d’avion oublient que celle-ci n’avait pas la même portée. Sur le marché aérien, les usagers sont, en quelque sorte, captifs : ils sont bien obligés de prendre l’avion et ils ne vont pas changer d’aéroport ; ils ne vont pas aller à Bruxelles alors que leur avion part de Roissy !
Par conséquent, c’est une erreur de se référer à la taxe sur les billets d’avion. Cette taxe-là, on savait que, en tout état de cause, son assiette demeurerait. Alors que, dans un monde où tout est informatisé, le vote à Paris d’une taxe sur les transactions financières peut provoquer un déplacement des transactions financières vers d’autres capitales.
Écoutez, nous vivons tout de même une situation absolument étonnante ! Aujourd’hui, le Sénat, l’Assemblée nationale, le Gouvernement, le Président de la République sont, à quelque chose près, tous d’accord sur la mise en place de cette taxe. Et, s’ils sont d’accord, c’est parce que le Président de la République conduit cette négociation et la conduit bien.
Finalement, quelle image allons-nous donner si nous votons l’amendement ? Le Gouvernement sera contraint de le faire retirer à l’Assemblée nationale car, faute d’avancées de la négociation internationale, la taxe ne pourra s’appliquer qu’en France. Nous donnerons alors sur la scène internationale l’impression qu’il y a un hiatus entre le Parlement et le Gouvernement.
En revanche, le vote d’une résolution du Sénat pour demander la mise en œuvre de cette taxe aurait constitué un appel public, politique et parlementaire ; nous aurions pu d’ailleurs le transmettre aux autres parlements d’Europe et du monde.
Je le répète, mettre en difficulté le Gouvernement français dans la négociation internationale ne va pas dans le sens de notre intérêt général, lequel transcende les clivages politiques.
Je suis pour la transaction et, si je savais que les autres pays étaient partants, je voterais sans la moindre difficulté l’amendement de Mme le rapporteur général. Mais je pense qu’en l’état actuel des choses il vaut mieux s’abstenir, si l’on ne veut pas mettre le Gouvernement français dans une situation compliquée.
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. Yann Gaillard. J’ai trouvé ce débat absolument merveilleux ! Il y a eu une sorte d’unanimité morale à l’intérieur de notre assemblée après les renversements de majorité que nous avons connus et qui sont un très grand souvenir pour nous tous !
Reste le problème – je ne suis pas un spécialiste – de la conséquence possible sur les négociations d’un amendement voté dans une chambre et pas forcément dans les deux.
En tout cas, si nous reculons, après tout ce que nous avons dit, après toutes les belles paroles que nous avons répandues, je crains que nous ne confortions pas la position française. Or celle-ci mérite d’être confortée ! On peut considérer qu’elle le sera si le Sénat, lui-même, vote l'amendement. Il y a tout de même des moyens de faire en sorte que cet amendement ne soit pas adopté à l’Assemblée nationale avant l’issue de la négociation !
En conséquence, je ne peux pas partager tout à fait la position exprimée par le représentant de mon groupe, que j’estime beaucoup par ailleurs.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, rapporteur pour avis.
M. Christian Cambon, rapporteur pour avis. Je souhaiterais m’exprimer en tant que co-rapporteur de l’aide au développement pour dire que je regrette un peu, madame le rapporteur général, la méthode qui a été la vôtre même si j’ai été très sensible aux propos que vous avez tenus.
Je souhaite revenir sur l’approche de la commission des affaires étrangères et rendre hommage au président Carrère, qui a souhaité instaurer ce doublon de rapporteurs de tendances différentes. En l’occurrence, sur ce sujet, cela a son importance. Conscient que cette pratique n’est pas suivie dans toutes les commissions, je suis heureux de la souligner en l'occurrence.
Sur le fond, la commission des affaires étrangères a suivi deux priorités.
La première était d’accompagner le travail formidable du Président de la République et du Gouvernement dans ce domaine, travail qui a été reconnu sur toutes les travées. Cela a été l’un des éléments forts du G20. Nous avons donc voulu donner un sens à notre engagement sur ce sujet.
Notre seconde priorité était de prendre en considération le fait que, comme M. le secrétaire d’État l’a rappelé tout à l’heure, le Gouvernement était en négociation et qu’il était nécessaire de laisser la main à la négociation. C’est la raison pour laquelle nous proposions, dans notre amendement, non pas un taux fixe, mais un plafond de 0,05 %. La précision a son importance. En effet, pour ne pas bloquer le jeu au niveau européen, pour inciter d’autres pays à nous rejoindre et à nous suivre, peut-être était-il nécessaire, dans un premier temps, de choisir un taux inférieur à 0,05 %.
Telles sont les raisons pour lesquelles, sans me retrouver exactement dans la position de mon collègue et ami Robert del Picchia, je ne pourrai pas non plus, à mon grand regret, en tant que co-rapporteur de l’aide au développement, voter votre amendement, madame le rapporteur général, même si je suis convaincu de la nécessité pour notre assemblée de faire un pas.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je serai brève car tout le monde s’est déjà exprimé et je ne veux pas retarder les débats.
Ce qu’un citoyen normal va retenir de nos débats, c’est que nous ne voulons pas taxer les transactions financières.
Or je reviens de ma Normandie, où nous avons manifesté contre 350 licenciements boursiers à Condé-sur-Noireau. Nous recevons tous des demandes d’explications de personnes qui ont été très frappés par les manipulations boursières et les diverses transactions qui s’opèrent.
Et ce que chacun retiendra de nos débats, c’est que le Sénat n’aura pas voulu taxer les transactions financières pour un objectif hautement louable… C’est la raison pour laquelle, moi, je voterai l’amendement de la commission. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. La droite sénatoriale a toujours traîné les pieds devant cette question de la taxe Tobin hormis, je le reconnais, notre collègue Yann Gaillard, dont je salue le courage pour le propos qu’il a tenu il y a un instant et qui lui fait honneur.
La droite sénatoriale, disais-je, a toujours traîné les pieds. Mais aujourd’hui, sa position est fonction de la prise de position du dernier G20 et du dernier Conseil européen, au cours desquels les questions fondamentales de la régulation, de la transparence et des recettes ont été posées.
Ce soir, on nous parle de l’Europe. Mais, monsieur le secrétaire d’État, il faut cesser de s’identifier à l’Europe et à la Commission européenne ! Nous sommes de grandes personnes, comme nous l’expliquaient, il y a un instant, Mme Goulet et M. Gaillard. Nous pouvons voter cette taxe.
Je voudrais d’ailleurs faire un rappel à l’intention de ceux qui refaisaient l’histoire. Sous les gouvernements successifs, qu’ils soient de gauche ou de droite, le groupe CRC a toujours posé cette question. Tous les ans, nous avons proposé la création de cette taxe avec un seuil au taux de 0,1 %. Aujourd’hui, nous acceptons un repli à 0,05 %.
En quoi, monsieur le secrétaire d’État, la parole et le vote des parlementaires seraient-ils gênants pour la mise en place de cette taxe Tobin ? Monsieur le secrétaire d’État, laissez voter les parlementaires !
Mme Catherine Procaccia. Il ne peut pas faire autrement ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Si j’ai bien compris, il y a, sur le fond des choses, une grande convergence et un consensus.
M. Yann Gaillard. Oui !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et ce consensus vise à soutenir les efforts du Président Nicolas Sarkozy dans la négociation. Il est susceptible d’être renforcé, dans sa position de négociation, par une expression aussi large que possible du Sénat.
Mme Chantal Jouanno. Une proposition de résolution serait préférable !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Quelle est la bonne procédure ?
M. Robert del Picchia. Une résolution !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous sommes, il est vrai, dans la discussion d’un projet de loi de finances, mais, mes chers collègues, nous avons déjà voté beaucoup d’amendements dont nous savons qu’ils ne figureront pas dans le texte définitif de la loi de finances. Nous pouvons en tout cas le présumer, avertis que nous sommes du jeu normal des institutions et des majorités. Par conséquent, un amendement de plus, est-ce vraiment si grave ? (Rires sur diverses travées.)
Je ne pensais pas provoquer l’hilarité ! Mais, quoi qu’il en soit, ce sera vu de l’extérieur comme étant l’équivalent d’un vœu ou d’une résolution.
Mme Nathalie Goulet. Voilà !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est ainsi que j’interprète la démarche initiée par Mme la rapporteure générale.
Un aspect a été soulevé à juste titre par Chantal Jouanno tout à l’heure. C’est celui de l’affectation d’une éventuelle taxe mondiale. En effet, si l’on examine cette mesure en loi de finances, c’est bien que l’on suppose qu’elle puisse avoir une incidence sur nos finances publiques et sur la résorption de notre déficit.
Par ailleurs, s’il doit y avoir une convergence au niveau européen, voire au niveau mondial, ce sera sans doute aussi parce qu’un accord aura été trouvé sur des programmes d’intérêt commun au niveau international.
Sans doute est-il utile de réfléchir sur le fond à cette question, de trouver les bons arbitrages et de se demander, par exemple, quelles modifications cela induirait pour notre aide publique au développement, pour la charge qui en résulte sur nos finances publiques et sur le partage qui pourrait éventuellement intervenir entre notre pays et des initiatives multilatérales.
Bref – et M. le secrétaire d’État le sait bien – c’est une question très féconde qui, non seulement en termes de débat international et de négociations, mais aussi en termes de gouvernance des finances publiques, sera très certainement présente dans nos débats des années à venir.
Je trouve, pour ma part, que quelle que soit la forme que l’on utilise, le fait qu’il y ait un très large accord sur toutes les travées est une donnée politique vraiment très importante.
Mes chers collègues, je pense que nous avons, à cet égard, joué tout notre rôle.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je voudrais dire à ceux qui ont invoqué les mannes de Tobin et de Keynes que je laisse les morts reposer en paix, même si, je le sais bien, nous connaissons une crise financière très grave, profonde et durable.
Ce sujet est sur la table depuis dix ans, monsieur le secrétaire d’État ! L’Assemblée nationale avait en effet adopté en 2001, lors du vote de la loi de finances pour 2002, une taxe sur les transactions financières.
Je ne reprendrai pas les arguments qui ont été échangés dans ce débat nourri, et je crois que le fond et la forme se rejoignent.
Le Président de la République, avant même qu’il ne prononce le discours auquel a fait référence mon collègue et ami François Marc, avait évoqué une taxe « techniquement possible », « financièrement indispensable » et « moralement incontournable ».
Je crois que nous avons démontré, au travers de nos différents amendements, qu’il était techniquement possible de mettre en place une taxe sur les transactions financières. J’émettrai cependant un bémol sur les derniers mots : « moralement incontournable ». Je sais mal ce qu’est la morale en politique ; je sais en revanche que cette taxe est un choix politique majeur.
M. le secrétaire d’État nous a invités à utiliser l’article 88-4 de la Constitution. Nous l’avons fait à plusieurs reprises, la dernière fois à la fin du mois de juin dernier : une résolution portant sur les observations de la Commission européenne sur le programme de stabilité de la France, fondée sur cet article, avait été adoptée par le Sénat, sur l’initiative du président et du rapporteur général de la commission des finances de l’époque, MM. Arthuis et M. Marini.
Si nous n’avons pas utilisé l’article 88-4, ce n’est pas uniquement parce que nous avions l’opportunité de discuter de cette mesure lors de l’examen de la loi de finances, mais parce que le 14 juin 2011 – peut-être nos collègues n’y ont-ils pas été attentifs – l’Assemblée nationale a adopté une proposition de résolution. Depuis cette date, les travaux de la Commission européenne ont avancé ; le délai que nous avons prévu lui permettra, me semble-t-il, de mener la négociation à son terme.
J’ajouterai, monsieur Cambon, que le taux retenu dans la proposition de résolution votée par l’Assemblée nationale est le même que celui qui est proposé dans l’amendement de synthèse de la commission des finances.