Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 4.
L’amendement n° I-69, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa du I de l’article 219 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À compter du 1er novembre 2011, le taux de l’impôt est fixé à 40 % pour la part des bénéfices distribués. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Nous en revenons toujours à la question du taux, même si elle peut paraître assez secondaire dans le débat général relatif à l’impôt sur les sociétés. La discussion l’a d’ailleurs montré, les mesures corrigeant l'impôt sur les sociétés sont, bien sûr, d’une tout autre portée dès lors qu’il s’agit de l’assiette et des modalités particulières de fixation de l’impôt.
Dans son rapport, le Conseil des prélèvements obligatoires, outre les deux importantes dépenses découlant du régime des sociétés mères, estimait en effet à 8 milliards d’euros le coût de la niche Copé, à 2,1 milliards d’euros celui de la taxation réduite des petites et moyennes entreprises, et à 1,8 milliard d’euros le coût de la quasi-disparition de l’imposition forfaitaire annuelle.
Pour ce qui est de la baisse du taux et pour le moins du taux facial, que peut-on dire ? Que comparé au taux historique de 50 %, le taux actuel représente une moins-value de recettes de 23 milliards d’euros brut, le poids particulier de la contribution sociale sur les bénéfices, 914 millions d’euros en 2012, pouvant éventuellement en être distrait.
Il y a un peu plus de 23 milliards d’euros qui manquent dans les caisses publiques. Mais je dirai que nous sommes ici attachés à la mise en œuvre d’une plus grande égalité de traitement entre les entreprises assujetties.
Aussi, nous proposons de procéder à une majoration de 20 % du taux d’imposition faciale imposé aux bénéfices qui seraient mis en distribution, ce qui reviendrait à avoir en taux faciaux trois taux sur les sociétés : un taux réduit dans la limite d’un plafond donné pour les petites et moyennes entreprises, un taux normal de 33,33 % pour les bénéfices au-delà de ce plafond PME et pour toutes les autres entreprises, entreprises de taille intermédiaire ou grandes entreprises et un taux majoré pour les bénéfices distribués aux actionnaires.
Ainsi nous poserions, sous réserve, d’ailleurs, d’un inventaire plus précis des dispositions correctrices, le principe d’une forme de progressivité de l’impôt sur les sociétés plus respectueuse de la capacité contributive de chaque assujetti.
C’est dans cette perspective que nous vous proposons, chers collègues, d’adopter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. La commission n’est pas favorable à cet amendement, pour une raison assez simple qui relève du principe de réalité. Chaque fois qu’on a voulu mettre en place ce genre de dispositif, les tentatives ont échoué. Les années auxquelles je vais faire référence vont vous rappeler quelque chose, monsieur Foucaud. Il y a eu une tentative en 1988. Elle a été rapportée en 1992. La suivante, celle qui remonte à 1998, a été rapportée en 2000. Quelle est la raison de ces reports successifs ? En fait, les entreprises avaient trouvé une faculté d’évitement de cette taxation différenciée pour la fraction des bénéfices distribuée ; elles ont mis au point des mécanismes qui les faisaient arriver au même résultat que précédemment. Ainsi, on procédait à un rachat d’actions. Après quoi, on annulait ces actions, ce qui permettait de gonfler le bénéfice imposable et attribué par action. À partir de là, le détenteur de l’action s’enrichissait de la même manière que si on lui avait distribué des dividendes !
Instruite des expériences négatives conduites pendant les années que je viens de vous citer, je ne pense pas que le dispositif proposé soit opérationnel, monsieur le sénateur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame la présidente, je partage totalement l’avis de Mme la rapporteure générale, que je trouve plein de sagesse ! (Sourires.)
Mme la présidente. Monsieur Foucaud, l'amendement n° I-69 est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, sous le bénéfice des observations de Mme la rapporteure générale, nous retirons l’amendement. Nous ferons, le moment venu, une nouvelle proposition.
Mme la présidente. L’amendement n° I-69 est retiré.
L'amendement n° I-173 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, C. Bourquin, Fortassin, Alfonsi, Bertrand, Chevènement et Collombat, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« a quinquies. Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2012, le montant net des plus-values à long terme afférentes à des titres de participation et à des titres de placement fait l'objet d'une imposition au taux de 19 %. »
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. L’amendement que nous proposons tend à réduire la défiscalisation dont bénéficient les plus-values de long terme afférentes à des titres de placements et de participation.
Depuis 2008, la crise qui a plongé notre pays dans la torpeur de laisse pas de nous inquiéter. Or les spéculateurs qui sont à l’origine de ce ralentissement continuent d’agir en toute impunité et sont même partiellement protégés par notre droit fiscal !
L’article 219 du code général des impôts, s’il n’encourage pas la spéculation, ne permet pas, en tout cas, de dissuader les spéculateurs. Grâce à cet article, une plus-value à long terme réalisée par une personne physique ou morale pour la vente de titres de participation fait l’objet d’une imposition séparée à un taux de 8 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2006 et même, au fil des réductions, de 0 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007.
Ces taux sont, pour le moins surprenants, voire difficiles à admettre dans une période où les économies et le redressement des finances publiques doivent constituer des priorités nationales.
Les dispositions contenues à l’article 219 du code général des impôts sont injustes sur le plan fiscal et reviennent très cher puisqu’elles ont coûté 22 milliards d’euros entre 2007 et 2009 et que leur coût est en forte augmentation chaque année !
Dans un souci d’économie et pour limiter les injustices, il paraît donc logique de relever les taux auxquels sont imposées les plus-values réalisées lors de la cession de parts d’entreprises détenues depuis plus de deux ans.
C’est la raison pour laquelle nous proposons, avec cet amendement, de relever le taux d’imposition sur le montant net des plus-values de long terme pour la vente des titres de participation en le faisant passer à 19 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2012. Cette mesure s’appliquerait également aux titres de placement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il s’agit d’un sujet que nous aimons bien puisqu’il s’agit de la niche Copé-Marini. (M. le président de la commission et Mme la ministre s’exclament.) Elle est plus connue sous ce titre que sous celui auquel, madame Escoffier, vous avez fait référence. Bien évidemment, il s’agit des plus-values à long terme sur les titres de participation.
Vous voulez imposer à 19 % ces plus-values à long terme, ce qui constituerait un retour au taux antérieur à la réforme de 2004. Vous vous attaquez donc au taux. Je pense que votre intention est louable dans la mesure où cette niche coûte cher : Elle a coûté 3,5 milliards d’euros en 2011, hors élasticité éventuelle, et près de 20 milliards d’euros depuis 2007.
Je sais que des réserves ont été émises quant aux calculs. En effet, ceux-ci avaient été faits sur la base de l’imposition maximale, à 33 %. J’admets ces réserves.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cela nous évitera, j’espère, d’entendre dire que les auteurs d’amendements sont parfois tentés d’affirmer n’importe quoi ! Au demeurant, il faut bien se référer à des chiffres. Comme les chiffres que j’ai cités sont les seuls dont nous disposons, nous allons les prendre pour base de discussion.
Que cette niche coûte cher, c’est vrai, c’est même indéniable ! Néanmoins, madame Escoffier, il faut être prudent sur le gain fiscal attendu. Vous l’évaluez à 2 milliards d‘euros dès 2012. Cela me paraît un peu optimiste parce que cela ne tient pas compte de l’élasticité. En cas de mise en œuvre de la mesure, bien des cessions ne seraient pas réalisées ou seraient étalées dans le temps. Pour imposer, encore faut-il qu’il y ait cession. Vous allez voir que, dans l’amendement n° I-8 de la commission, cet élément est pris en compte.
L’amendement n° I-173 rectifié pose, en outre, un problème de cohérence. Il impose à 19 % les plus-values sur les titres de placement qui sont déjà soumises à l’impôt sur les sociétés. Les titres de placements se distinguent, en effet, des titres de participation en ce qu’ils sont détenus à court ou moyen terme et dans une perspective non stratégique.
La commission trouve préférable de s’atteler à la logique économique de la quote-part, d’où l’amendement qui va suivre et qui vise à élargir l’assiette. Vous vous attaquez au taux, madame Escoffier, il nous semble préférable de s’attaquer à l’assiette.
Sur la base de cette argumentation, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement et de vous rallier à l’amendement n° I-8 de la commission. Nous partageons, en effet, le même objectif : la diminution du coût de cette niche.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame Escoffier, je dois dire que vous avez parfois été mieux inspirée ! (Sourires.)
Cette fois-ci, je ne suis pas d’accord avec votre argumentation. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire dans cet hémicycle, dix-sept pays européens défiscalisent totalement les plus-values de cessions des entreprises.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Si c’est la Lituanie, ce n’est pas grave !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous avez dit que votre amendement visait à limiter la spéculation. Or il s’agit de cessions de titres qui ont été détenus pendant au moins deux ans. Madame la sénatrice, après deux ans, on ne peut pas parler de spéculation ! La plus-value est alors considérée comme une plus-value à long terme, laquelle relève d’un autre dispositif.
En outre, comme Mme Bricq a eu l’honnêteté de le reconnaître, le coût de la niche Copé-Marini a été nettement surévalué, y compris par les services de mon ministère. En effet, il a été calculé comme si les plus-values de cessions étaient taxées à 33 %, taux de l’impôt sur les sociétés. Or, en France, on n’a jamais taxé des plus-values à long terme à 33 %. Le taux d’imposition est au maximum à 19 %. Donc, le coût de la niche n’est évidemment pas de 7 milliards d’euros. La somme exacte est inférieure d’environ 40 %.
Certes, même si le montant de la niche s’élevait à 3 milliards d’euros, ce serait toujours 3 milliards d’euros qu’on aurait envie de supprimer, j’en conviens, madame Escoffier ! Mais le problème ne se pose pas exactement en ces termes.
La question est de savoir si une base taxable résisterait, à l’horizon d’une année, à une trop lourde taxation. Je vous réponds tout simplement qu’il n’y aura quasiment plus rien à taxer. La base taxable va faire pschitt ! En effet, les grands groupes dont vous avez tous fort justement dit qu’ils avaient à leur disposition mille outils pour délocaliser leurs bénéfices, leurs profits, leurs participations et leurs cessions de titres, surtout ceux qu’ils détiennent depuis plus de deux ans, pourront évidemment réaliser ces cessions où ils le veulent, dans n’importe laquelle de leurs filiales.
Alors que dix-sept pays d’Europe détaxent totalement, croyez-vous vraiment qu’un grand groupe continuera à vendre des titres en France ?
Prenons un exemple. Nous avons augmenté rétroactivement pour 2011 de 5 % à 10 % le prélèvement sur la quote-part pour frais et charges de ces cessions de titres. J’ai rencontré des patrons d’entreprises multinationales depuis. Ils m’ont dit que cette année ils avaient été pris en traîtres, qu’ils allaient payer l’impôt puisque la cession avait eu lieu mais que, l’année prochaine, ils effectueraient leurs opérations ailleurs qu’en France !
Je veux bien qu’on taxe, mais ce sera encore un boulet supplémentaire qu’on mettra aux pieds des entreprises françaises, surtout des PME françaises qui n’ont pas de filiales à l’étranger ! En revanche, avec un bon conseiller fiscal, une grosse PME est parfaitement capable de se débrouiller pour céder ses titres hors de nos frontières.
Quand dix-sept pays européens décident de défiscaliser des opérations, il faut suivre la logique de convergence européenne : on se met tous d’accord ou pour taxer, ou pour détaxer !
Introduire, comme l’a fait le Gouvernement, ce qui est déjà audacieux, un frottement fiscal de 10 %, c’est le maximum de ce qu’on peut espérer de ces cessions. Si on essaie de faire davantage, sachez-le, le produit de la taxe disparaîtra, faute de cessions, car c’est à l’étranger qu’elles se feront !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
Mme Valérie Pécresse, ministre. J’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur l’amendement n° I-173 rectifié.
Mme la présidente. Madame Escoffier, l'amendement n° I-173 rectifié est-il maintenu ?
Mme Anne-Marie Escoffier. Je vais me rallier à l’avis de Mme la rapporteure générale et retirer l’amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° I-173 rectifié est retiré.
L’amendement n° I-8, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la seconde phrase du deuxième alinéa du a quinquies du I de l’article 219 du code général des impôts, les mots : « portée au taux de 10 % » sont remplacés par les mots : « portée à 10 % du prix de cession des titres ».
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. S’agissant du coût de la niche Copé, je reconnais qu’il y a eu une erreur de calcul. Cependant, hors élasticité éventuelle, on peut lire dans le document « Voies et moyens » que le coût estimé de cette niche, en 2011, s’élève à 3,5 milliards d’euros. Si l’on refait le calcul après rectification de l’erreur méthodologique que vous avez signalée, madame la ministre, on obtient malgré tout un coût cumulé de 19,6 milliards d’euros.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Depuis que ce dispositif existe et produit des effets, c’est-à-dire depuis 2007. Ce n’est tout de même pas un chiffre négligeable !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cette niche coûte cher à nos finances...
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Pour l’instant, madame la ministre, elle nous coûte cher. Or, dans la période présente, il convient de veiller à l’état de nos finances publiques.
De quelque niche qu’il s’agisse, je commence toujours par chercher à savoir pourquoi elle a été créée ; je souhaite en reconstituer la genèse, en quelque sorte.
En 2004, M. Marini et M. Copé, de concert, ont justifié l’existence de ce dispositif en invoquant le fait que nos partenaires européens en disposaient et qu’il fallait s’aligner sur la norme communautaire. Dont acte ! Ils le présentaient en outre comme un instrument de compétitivité.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Eh bien oui !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Alors, nous ne devons pas avoir la même idée de ce qu’est la compétitivité !
Selon moi, il y a un paramètre décisif : si un pays dispose d’entreprises compétitives, son commerce extérieur n’est pas déficitaire. Or celui de la France l’est assez lourdement ! Être compétitif, cela signifie vendre des produits et des services partout dans le monde. Manifestement, aujourd’hui, pour la France, la compétitivité n’est pas au rendez-vous.
Par ailleurs, cette exonération a certainement suscité un effet d’aubaine au cours des deux premières années de son application, et c’est la raison pour laquelle, madame Escoffier, le rétablissement du taux de 19 % ne comblerait pas la perte de recettes fiscales. Voilà pourquoi je pose, au travers de cet amendement, le problème de l’assiette.
Je ne détaillerai pas toutes les options envisageables. La commission a décidé, de façon rationnelle, conformément à l’économie du système, de modifier l’assiette en prenant comme référence le prix de cession. Ce choix permet de résoudre un problème de cohérence économique et fiscale et, en même temps, ce qui ne manque pas d’intérêt, de dégager du rendement.
Nous agissons donc sur l’assiette de la quote-part.
La raison d’être de cette quote-part réside dans le principe général suivant : les charges encourues par une société pour l’acquisition, la gestion et la conservation de ses titres de participation, par exemple des intérêts d’emprunt, sont déductibles pour la détermination de son résultat. L’imposition de ces charges a donc pour objet d’éviter que cette déduction ne soit suivie d’une exonération. C’est pourquoi nous souhaitons réintégrer ces charges dans l’assiette et les taxer forfaitairement à 10 %.
L’assiette logique, pour des charges afférentes à des actifs, c’est le prix de cession, la valeur des actifs, et non la plus-value nette, qui relève d’une autre logique puisque les moins-values en sont soustraites.
Je n’ai pas inventé cette idée : Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, a lui-même défendu cette modification de l’assiette de la quote-part dans son rapport de juillet dernier sur l’application des mesures fiscales contenues dans les lois de finances. Permettez-moi de le citer : « On pourrait, en revanche, s’interroger sur les conditions de calcul de la quote-part pour frais et charges de 5 %. Celle-ci a, en effet, pour pendant l’autorisation de la déductibilité des charges supportées au titre des participations concernées, dont on verra ci-après qu’elle représente un enjeu budgétaire très significatif ». C’est exactement ce que je viens de dire, certainement moins bien qu’il ne l’écrit.
M. Carrez ajoute : « Cette assiette n’est pas nécessairement la plus fidèle pour approximer forfaitairement (ce qui est l’objet de la quote-part) le montant des charges déductibles.
« Rien ne permet, en effet, de penser que l’acquisition et la gestion d’une participation soit plus onéreuse lorsque celle-ci donne lieu, à la cession, à une plus-value que lorsqu’elle est cédée en moins-value ».
M. Carrez estime donc « que la priorité doit être de s’interroger sur les conditions de la déductibilité des charges. [...] À défaut, ou dans l’attente d’une évolution sur cette question, on peut toutefois estimer qu’il y aurait une certaine logique à ce que la quote-part soit calculée sur le prix de cession et non sur le montant de la plus-value [...] et, à tout le moins, qu’elle soit calculée sur le montant (brut) des plus-values, sans compensation avec les éventuelles moins-values ».
Si l’on pense que l’assiette des frais et charges n’est pas pertinente, et que nous sommes en réalité, comme vous l’avez dit en commission, monsieur le président, dans une logique de ticket modérateur, on entre alors dans le cadre d’un droit d’enregistrement. Or un tel droit est dû sur la valeur des actifs au moment de la transaction. Cette modification de l’assiette présente donc l’avantage supplémentaire de freiner les optimisations qui tendent à sélectionner les titres à céder pour compenser les plus-values par les moins-values.
Cette nouvelle assiette me semble cohérente économiquement et intéressante budgétairement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. J’avoue, madame la rapporteure générale, que votre calcul me laisse perplexe. Si vous décidez de taxer le prix de cession, ou plus exactement la transaction sur la base du prix de cession, vous admettez qu’il est possible de taxer une cession ayant donné lieu à une moins-value.
La bourse de Paris a perdu beaucoup de sa valeur au cours des six derniers mois. Supposez qu’une entreprise française, parce que les circonstances l’exigent, ait besoin de céder, aujourd’hui, une participation qu’elle détient dans une autre société ; il est évident que la moins-value sera énorme, pouvant atteindre plusieurs millions d’euros. Cette entreprise se verra ainsi contrainte une opération qui peut être lourdement déficitaire pour elle. Et vous voulez, en plus, la taxer sur la valeur de la participation ! Je ne peux pas vous suivre...
Je ne prendrai pas d’exemples pour ne pas citer d’entreprises françaises qui ont subi récemment une très forte décote à la Bourse, mais je vous soumets l’hypothèse suivante. Supposez qu’une entreprise détienne 5 % du capital d’un grand groupe, dont la valeur a perdu 20 % à 30 % au cours des derniers mois, et qu’elle veut en céder tout ou partie. Allez-vous taxer cette vente, alors qu’elle s’est traduite par une moins-value ? En fiscalité française, le principe est de taxer la création de valeur !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. L’entreprise ne vendra pas...
Mme Valérie Pécresse, ministre. Sauf si elle y est obligée, monsieur le président, par exemple parce qu’elle est liée par des accords industriels ou d’entreprises.
Si le dispositif proposé est adopté, non seulement l’entreprise considérée fera une moins-value à l’occasion de cette vente, mais elle sera en outre taxée sur cette moins-value ! Encore une fois, madame la rapporteure générale, je ne peux pas vous suivre !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mme Bricq a bien voulu me citer. Il est vrai que la commission des finances du Sénat avait, en son temps, beaucoup travaillé sur ce dispositif.
Si nous l’avions imaginé, à l’époque, c’est parce que les responsables des entreprises nous disaient que les holdings actives en matière de cession de participations étaient à Luxembourg.
M. Jean-Marc Todeschini. Un pays où l’on vous aime sans doute beaucoup ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mon cher collègue, je ne veux pas revenir sur des propos qui avaient suscité quelques remous… Le Luxembourg existe : tant mieux pour lui ! (Nouveaux sourires.)
Nous avions voulu rapatrier des holdings,...
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Sans succès !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. ... et c’est pour cette raison que nous avions invoqué l’argument de la compétitivité.
Ne pourrions-nous pas, en envisageant des moyens plus proches de la réalité économique que ceux qui sont utilisés par le Conseil des prélèvements obligatoires, instance très administrative et peu immergée dans ces problématiques, débattre de l’application de cette mesure ? Ce serait pleinement légitime.
Il faut garder deux éléments à l’esprit.
Il convient, premièrement, de ne pas mettre en place un régime qui détruirait l’assiette d’une éventuelle contribution.
Je rappelle, deuxièmement, que cette contribution est bien une taxation des plus-values. Or qui dit plus-values dit comparaison entre un prix de revient et un prix de cession. Je ne parviens pas à comprendre comment l’on pourrait passer d’une taxation de plus-values à une taxe flat, en quelque sorte, qui s’appliquerait comme un droit d’enregistrement à toute cession de participation.
J’entends bien que l’on intègre au raisonnement la quote-part pour frais et charges, ce qui est tout à fait légitime. Mais si l’on vous suit, madame le rapporteur général, ne risque-t-on pas de doubler cette charge de gestion par une charge fiscale ?
En théorie, un groupe qui gère sa participation et la suit sur les plans comptable et fiscal doit s’acquitter de quelques frais de siège et de gestion. Faut-il doubler cette charge de gestion par un prélèvement fiscal, quel que soit le résultat financier de la transaction ?
Ce sujet s’étant désormais imposé dans le débat public, il faudra le traiter.
Moi, j’ai tendance à préconiser la méthode du « rabot ». Il me semble possible de décider d’une taxation modérée, mesurée, concertée avec des partenaires. Nous pourrions, madame le ministre, envisager un groupe de travail sur la question…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. On va créer une commission ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mme le rapporteur général souhaite à bon droit traiter ce sujet, mais je ne crois pas que les modalités qu’elle propose puissent être acceptées. Je pense même qu’elles iraient, si elles étaient appliquées, à l’encontre du résultat budgétaire souhaité.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Lorsqu’un particulier détient des titres, la banque qui les gère prélève des droits de garde, sans savoir s’il réalise des plus-values ou des moins-values.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est un élément du prix de revient !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je propose le même système. Ce n’est pas très compliqué à comprendre !