Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame Génisson, nous avons respecté la législation, le fruit de la négociation sociale issue de la réforme des trente-cinq heures, parce que les accords ont été signés et que nous n’avons pas voulu désorganiser les entreprises françaises.
Mais je vais vous dire une chose : nous avons fait voter la loi sur les heures supplémentaires défiscalisées, car nous voulions assouplir ce carcan, et nous maintenons que c’était pour permettre aux entreprises de faire face en cas de coup de chauffe et de rémunérer à due concurrence les salariés qui acceptent de faire les heures supplémentaires nécessaires. (Mme Christiane Demontès s’exclame.)
Effectivement, si la France a un problème vis-à-vis de l’Allemagne,...
M. Jean-Pierre Godefroy. Il n’y a aucun problème !
Mme Valérie Pécresse, ministre. ... c’est celui de la sous-compétitivité. Nous en parlerons à l’occasion de l’élection présidentielle. Ne vous inquiétez pas, le débat viendra. Il ne sera pas idéologique. Au contraire, il sera pragmatique et, sur la convergence franco-allemande, nous mettrons tout sur la table ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Les heures supplémentaires, on peut les faire en France, mais ce n’est pas une raison pour les défiscaliser !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. « Les plus désespérés sont les chants les plus beaux », écrivait Musset. Madame la ministre, ce vers s’applique à vous ! Vous tentez d’enrober le problème qui est le nôtre aujourd’hui de votre lyrisme et des écrans de fumée que vous avez dispersés tout à l’heure ! Mais, après dix ans de votre politique, le financement de la sécurité sociale est actuellement à la rue. Voilà la réalité !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Jean-Jacques Mirassou. Comme l’ont dit à la fois Alain Néri et tous ceux de mes collègues qui ont parlé avant moi, les heures supplémentaires étaient un effet d’aubaine et obéissaient au volume du carnet de commandes.
Le patronat, fût-il le patronat des PME, n’a jamais mis en place des heures supplémentaires pour répondre au slogan du président de la République : « Travailler plus pour gagner plus ». On l’a bien compris, ce slogan, parti en lambeaux, est parfaitement obsolète !
Aujourd’hui, la problématique qui nous intéresse est de savoir si ceux qui ne gagnent rien parce qu’ils ne travaillent pas vont avoir la possibilité de travailler et donc d’être réintégrés dans le processus des cotisations sociales.
Les mêmes qui, à jet continu, brandissent sur n’importe quels projets de loi l’article 40 de la Constitution sont ceux qui aujourd’hui – et vous en faites partie – méprisent la possibilité de faire entrer dans le champ social 4 milliards d’euros par an. Avouez que ce n’est pas le moindre des paradoxes !
Martial Bourquin l’a dit avant moi, vous avez eu tout faux sur le bouclier fiscal ; vous avez laissé tomber. Le taux de TVA à 5,5 % dans la restauration, vous avez eu tout faux également ; vous commencez à amender votre propos.
Dans la démonstration fiscale qui a été la vôtre, le ratio entre la perte que représente pour l’État l’abandon du bouclier fiscal et l’assouplissement de l’ISF pèse en gros 1,1 milliard ou 1,2 milliard d’euros, c’est-à-dire très exactement ce que va faire rentrer dans les caisses de l’État la nouvelle taxation sur les mutuelles au taux de 7 % que vous allez faire peser sur le dos des Français qui voudront y accéder. Nous y voyons là quelque chose qui ne relève pas vraiment du hasard !
Le problème est simple : ou bien vous acceptez quelque chose qui relève de l’évidence ou bien vous vous en tenez à ce que j’évoquais tout à l’heure, à savoir un choix de classe. Et pendant que nous sommes en train de nous chamailler, de ferrailler sur des problèmes qui méritent beaucoup d’attention, ceux qui sont dans le registre des revenus boursiers, des stock-options et des retraites chapeaux passent en quelque sorte au travers des mailles du filet !
C’est la raison pour laquelle, madame la ministre, je vous en supplie, réfléchissez un peu (M. Jean-Louis Lorrain s’esclaffe.) et ne suivez pas la cohorte de ceux qui, après avoir défendu le bouclier fiscal, ont avoué qu’ils avaient eu tort, et de ceux qui, après avoir défendu la TVA au taux de 5,5 % sur la restauration, sont en train de faire de même ! Vous pouvez échapper à ce syndrome et éviter d’avoir tort dans les trois ou quatre prochains mois en optant pour le dispositif que nous vous demandons avec sagesse de mettre en place aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Le discours va un petit peu changer ; on va passer de l’autre côté !
Je voudrais vous rappeler quelques éléments qui montrent combien la suppression du dispositif demandée par l’ensemble des élus siégeant sur les travées de la gauche est incompréhensible.
M. Jean-Jacques Mirassou. Il ne faut pas dire de telles foutaises !
M. Alain Milon. Le rapport du Gouvernement sur l’évaluation de la loi TEPA a montré que la mesure a permis d’accroître d’au moins 3 % le pouvoir d’achat de l’ensemble des salariés.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas vrai !
M. Alain Milon. Peu de mesures ont eu un tel effet !
De plus, contrairement à ce qui a été dit, le dispositif n’a pas conduit à substituer des heures supplémentaires à d’autres formes de travail.
Autrement dit, parce qu’elles soutiennent l’activité, les heures supplémentaires soutiennent l’emploi, malgré le passage et les conséquences sur l’emploi de deux crises, celle de 2008 et celle d’aujourd’hui.
En outre, les chiffres récents démontrent le succès du dispositif : 360 millions d’heures supplémentaires ont été accordées au premier semestre 2011 ; elles se sont accompagnées d’un montant d’exonération de 1,5 milliard d’euros. Au deuxième trimestre, le recours à ces heures a augmenté de 6 % par rapport à l’année dernière.
La mesure continue donc d’avoir des effets majeurs dans l’économie, et ces chiffres traduisent une réelle adhésion, non seulement des employeurs, mais aussi de leurs salariés, à la réforme du régime des heures supplémentaires.
Pourquoi avons-nous soutenu sans faille le Gouvernement lorsqu’il a proposé ce dispositif ? Parce que le coût du travail dans notre pays était trop élevé et il l’est d’ailleurs toujours. L’investissement était insuffisant et il l’est encore.
Les 35 heures ont été une erreur. (Mme Christiane Demontès s’exclame.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Une catastrophe !
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh bien supprimez-les !
M. Alain Milon. M. Gerhard Schröder, social démocrate, disait même que les 35 heures en France sont une bonne nouvelle, mais une bonne nouvelle pour l’Allemagne !
Mme la ministre l’a indiqué, la défiscalisation des heures supplémentaires fait gagner en moyenne 450 euros par an à plus de 9 millions de salariés sur un total de 23,6 millions. (M. Martial Bourquin s’exclame.) Ce chiffre est établi par le rapport d’information, publié le 30 juin dernier, fait au nom du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale par deux députés, l’un UMP, M. Jean-Pierre Gorges, l’autre socialiste, M. Jean Mallot.
Mais on le voit bien depuis le début de cette soirée, mesdames et messieurs, vous préférez taxer le travail, alors que nous, nous préférons l’encourager !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Nous taxons le capital et non le travail !
M. Alain Milon. Cette suppression nous semble idéologique et sans fondement. Nous y sommes fortement opposés et, pour montrer notre opposition, madame la présidente, nous demandons un scrutin public.
M. Jean Desessard. Cela va faire du travail ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Mme Christiane Demontès. Beaucoup de choses ont déjà été dites.
Jean-Pierre Godefroy y faisait allusion tout à l’heure, en 2007 nous avons dénoncé un certain nombre de choses lors du débat sur la loi TEPA. Force est de le constater, la réalité nous a, malheureusement ai-je presque envie de dire, donné raison.
Madame la ministre, vous avez fait un vrai choix de société !
M. Jean-Jacques Mirassou. Mais oui !
Mme Christiane Demontès. Du travail, beaucoup pour certains, mais pas pour d’autres. Dit autrement, certains, bien qualifiés et bien formés – tant mieux pour eux ! –, travaillent dans de grandes entreprises et bénéficient d’heures supplémentaires exonérées fiscalement et socialement ; d’autres, nombreux aussi, moins qualifiés et moins formés, travaillent dans de petites entreprises et n’ont pas eu droit à ces heures supplémentaires. C’est donc, effectivement, une vraie fracture sociale que vous avez proposée.
J’en viens à un certain nombre de remarques que je voudrais faire.
D’abord, madame la ministre, vous n’avez pas créé les heures supplémentaires.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Bien sûr, elles existaient avant et elles étaient bien rémunérées !
Mme Christiane Demontès. Elles ont toujours existé dans les entreprises !
Le système de défiscalisation des heures supplémentaires instauré par la loi TEPA a créé un effet d’aubaine dans les entreprises. C’est là où il y avait déjà des heures supplémentaires qu’elles en ont le plus profité avec la défiscalisation et l’exonération des charges sociales. C’est important !
Nous n’avons jamais dit que nous étions défavorables aux heures supplémentaires, car il est vrai que certaines entreprises ont besoin, pour faire face à leur carnet de commandes, d’un peu de flexibilité et de souplesse pour répondre aux évolutions.
Nous ne sommes bien évidemment pas opposés aux heures supplémentaires. C’est la disposition que vous avez prise que nous combattons, car elle a essentiellement créé un effet d’aubaine.
Même si cela peut paraître naïf, et au risque de faire ricaner certains ici, je dirai que nous sommes, nous, pour le travail pour tous. À notre sens, une société digne de ce nom se doit d’offrir à tous un travail, car le travail est le moyen non seulement de gagner sa vie, mais aussi d’être un acteur social.
Permettez-moi, comme en annexe à ce débat, d’insister sur un point : au moment où vous instauriez l’exonération des heures supplémentaires, madame la ministre, vous supprimiez également les contrats aidés, qui sont pourtant un marchepied vers l’emploi. Certes, nous avons vu, au cours des derniers dix-huit mois, de nombreuses fluctuations en ce domaine : vous avez un temps ressuscité ces emplois aidés, pour les abandonner ensuite, avant de les réintroduire massivement. Donc, votre politique en la matière évolue beaucoup.
Parallèlement, vous supprimiez des postes au sein de l’éducation nationale, où l’on voit aujourd’hui des professeurs effectuer de nombreuses heures supplémentaires, exonérées de charges sociales.
M. Gilbert Barbier. Mais ils sont contents de les faire, ces heures supplémentaires !
Mme Christiane Demontès. Mais de quel enseignement parlons-nous ? Comment peut-on dispenser un enseignement de qualité quand on est pendant vingt-cinq ou vingt-six heures devant des élèves ? Au bout d’un moment, on s’aperçoit que ce n’est plus possible !
Voilà, madame la ministre, comment vos exonérations de charges se sont accompagnées de toute une série de mesures contre l’emploi pour tous, contre le travail pour tous. Voilà ce que vous avez fait au pays ! Voilà ce que nous refusons ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Madame la ministre, je voulais vous féliciter de votre pugnacité, mais peut-être préférerez-que je salue votre combativité ? (Sourires.) Quoi qu’il en soit, j’ai apprécié que vous n’hésitiez pas à reprendre la parole pour défendre votre point de vue dès que quelque chose vous choquait dans tel ou tel propos.
Dans une première intervention, vous avez repris, pour défendre la loi TEPA, la mesure phare de la dernière campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, résumée par la fameuse formule du « travailler plus pour gagner plus » et dont nous pouvons désormais juger les résultats.
Mais plus tard, reprenant la parole toujours au soutien de la loi TEPA et de l’exonération des heures supplémentaires, vous avez changé d’argumentation et avez évoqué cette fois la compétitivité des PME. Cela voulait tout dire ! Fini le « travailler plus pour gagner plus » ; il s’agissait au fond de diminuer le coût du travail. Car, dans votre logique, vous préconisez, face à la mondialisation et à la compétition de pays émergents, l’adaptation du coût du travail à ces nouvelles conditions, et ce tant en France que dans l’Europe tout entière.
D’ailleurs, dans cette logique, votre gouvernement s’est doté d’un véritable arsenal : ici on introduit plus de « souplesse » dans le code du travail, autrement dit, on le casse, ce code ; là, on diminue le coût du travail en jouant sur les charges sociales et les exonérations d’heures supplémentaires, en réduisant les congés.
C’est que votre logique est à la fois idéologique et pragmatique, puisqu’il s’agit de s’adapter aux coûts du travail les plus bas pratiqués par les pays émergents.
Cela étant, pour ce qui concerne la retraite, vous ne nous avez jamais expliqué comment vous aviez fait travailler les seniors et comment vous résolviez la question du chômage en faisant travailler davantage ceux qui ont déjà un emploi. C’était pourtant le cœur de notre question ! Vous n’y avez encore jamais répondu !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Très juste !
M. Jean Desessard. Depuis que je siège dans cet hémicycle, combien de fois ai-je entendu le Gouvernement citer comme autant de modèles des pays étrangers ! L’Irlande ? c’était formidable ! Les États-Unis ? on frôlait l’extraordinaire ! Le Royaume-Uni ? il n’y avait pas mieux !
Aujourd’hui, le discours a radicalement changé, et il ne reste que des contre-modèles de ce panorama international idyllique : attention ! ne faisons pas comme la Grèce, l’Espagne ou l’Irlande ! Attention ! ne nous endettons pas comme les États-Unis ! Bref, il nous faudrait aujourd’hui nous défier des États modèles que nous étions censés imiter.
Alors on invoque l’Allemagne, et sa compétitivité.
Aujourd’hui, il faudrait, dit-on, être aussi compétitif que l’Allemagne. Mais qu’est-ce que la compétitivité allemande ? Cela consiste pour l’Allemagne à exporter, à vendre davantage à l’ensemble des pays européens. Certes, on peut toujours essayer de faire plus que l’Allemagne. Et hop ! on va trimer plus, et pour moins cher, le tout pour exporter plus ! Mais c’est la balance commerciale des autres pays qui sera alors déficitaire. C’est mathématique !
La question posée n’est donc pas simplement celle de la compétitivité de l’Allemagne, de la France ou de l’Espagne. L’enjeu, c’est la coopération européenne. L’idée est de parvenir à des règles fiscales et sociales qui soient les mêmes pour tous. Il ne s’agit pas de devenir plus compétitif, puisque, si nous le devenons un jour, il faudra venir en aide à d’autres qui, compétitifs, le seront moins. Alors, oui, parlons de la compétitivité, mais sous cet angle-là.
Hier, en commission des affaires sociales, nous avons discuté du temps partiel. Celui-ci est nécessaire, m’a dit une collègue, car les heures de ménage, par exemple, ne peuvent être effectuées que le matin de bonne heure et tard le soir. Et, de ce fait, certaines femmes sont obligées de laisser leurs enfants dès sept heures et n’ont la possibilité ni de les conduire à l’école ni d’aller les chercher à la sortie.
Mais quelle est donc cette société où l’on ne peut plus entendre un aspirateur dans la journée, où l’homme ou la femme de ménage ne sont plus considérés comme des agents de l’entreprise à part entière? Ils doivent venir avant les autres, pour qu’on ne les voie pas, et après les autres, pour qu’on n’entende pas le bruit qu’ils font ! Pourquoi ne pas essayer de trouver des façons de travailler ensemble, dans une communauté d’intérêts ?
Aux yeux des écologistes, il existe d’autres façons de considérer le travail, qui excluent la recherche de la compétitivité à tout prix.
Vouloir travailler toujours plus, ce n’est pas écologique !
M. Jackie Pierre. Le temps de parole est expiré ! Coupez le micro, madame la présidente !
M. Jean Desessard. Mais je suis en train de dépasser mon temps de parole. Je reviendrai donc, ce soir ou demain, sur les secteurs dans lesquels, à notre sens, il faut développer l’emploi.
Nous faisons fausse route en croyant qu’il faut toujours plus développer les emplois industriels, au détriment des ressources naturelles et des capacités énergétiques disponibles.
Pour conclure tout à fait, madame la présidente, je dirai que ces amendements identiques visent à défendre une autre logique, qu’il s’agisse de la production ou de la compétitivité. En cela, ils sont à l’image du projet de société que nous portons.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. Pour en revenir plus simplement à ce qui fait l’objet de ces amendements, la loi TEPA, qui était l’emblème du discours présidentiel et du « travailler plus pour gagner plus », a, pour la majorité présidentielle, une portée symbolique, vous l’avez vous-même laissé entendre, madame la ministre.
Pourtant, pour les employeurs comme pour nos concitoyens, cette portée est toute relative. Comment ignorer que le dispositif entraîne, à l’heure actuelle, un manque à gagner de 4,5 milliards d’euros par an pour l’État, pour un gain de pouvoir d’achat minime ? Ce gain, selon un rapport parlementaire publié en juin dernier, ne représenterait que 500 euros par an en moyenne pour 9,2 millions de salariés, sur 23 millions au total, soit à peine 50 euros par mois et pour seulement 40 % des salariés !
Or ces 50 euros, vous les avez immédiatement ou presque repris dans le portefeuille des salariés, mais cette fois de tous les salariés, en instaurant les franchises médicales, le forfait de un euro ou encore en augmentant la CSG.
Une telle mesure, contrairement à ce que vous voudriez faire croire aujourd’hui, n’est pas conçue dans l’intérêt des salariés. Sinon, vous vous seriez attachée à faire e sorte qu’elle constitue réellement un renforcement du pouvoir d’achat et vous n’auriez pas instauré des dispositions qui pénalisent plus encore les salariés.
Votre discours ne tient pas et les salariés de notre pays ont fort bien compris le mécanisme : ce que vous donnez de la main droite, vous le récupérez deux fois de la main gauche !
Les grands gagnants, ce sont donc les employeurs, qui disposent avec cette mesure de la possibilité de renforcer leur activité, sans avoir recours à l’intérim, qu’ils jugent encore trop coûteux, puisqu’il faut s’acquitter de primes, notamment celles de fin de contrat.
C’est donc à la logique perpétuelle du travail à moindre coût que répond cette loi TEPA, avec les conséquences dramatiques que l’on connaît pour les comptes sociaux et publics.
Visiblement, nous apprécions différemment la situation de notre pays. Les chiffres du chômage sont mauvais, la croissance a été nulle au deuxième trimestre de 2011. Toutefois, il est possible de renforcer l’efficacité sociale et économique des budgets, en supprimant tout simplement ces exonérations qui grèvent nos finances et nuisent à l’emploi.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. À ce stade, je voudrais verser trois pièces au dossier.
La première est constituée par un article paru dans Les Échos, édition du lundi 29 août 2001, et titré : Niches fiscales et sociales : la moitié des dépenses est peu efficace.
On peut y lire ceci : « Pour noter de 0 à 3 dépenses fiscales et niches sociales, l’Inspection des finances a procédé à une évaluation basée sur une multitude de critères […] » Le journaliste cite ainsi notamment l’atteinte des objectifs, la création d’inégalités et les comparaisons internationales.
Au sein d’une rubrique intitulée Des dispositifs coûteux jugés inutiles, on évoque les exonérations sur les heures supplémentaires en ces termes : « Mesure phare du paquet fiscal de 2007, ce dispositif, dont le coût est évalué à 4,5 milliards d'euros cette année, a reçu un score de 1. L’exonération est moins ciblée sur les ménages modestes que la PPE ou le RSA, note le rapport [de l’Inspection générale des finances]. Et l’avantage fiscalo-social est nettement croissant avec le niveau de vie. La baisse du coût des heures supplémentaires "tend aussi à accroître les incitations à des pratiques d’optimisation fiscalo-sociale associées à la déclaration d’heures supplémentaires fictives" […] ».
Est-ce à dire, madame la ministre, mes chers collègues, qu’il faut que j’annule, dès demain, mon abonnement au journal Les Échos ? (Sourires.)
La deuxième pièce que je souhaite verser au dossier est un rapport d’information publié en juin dernier et réalisé conjointement par nos collègues députés Jean-Pierre Gorges et Jean Mallot, le premier appartenant à la majorité, le second à l’opposition. À l’évidence, monsieur Milon, nous n’en avons pas fait la même lecture !
M. Martial Bourquin. Ce rapport est accablant !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce rapport est en effet accablant, d’abord sur l’effet d’aubaine.
Nos collègues pointent, avant l’application de la loi TEPA, l’existence d’une « sous-déclaration des heures supplémentaires "structurelles" », qui « constituait un gisement naturel pour l’effet d’aubaine ». Selon eux, cela a pu entraîner « une hausse du nombre d’heures supplémentaires déclarées sans que la durée du travail effective augmente ». Ainsi, la mise en œuvre de la loi « aurait conduit pour l’essentiel à subventionner les heures supplémentaires "structurelles" qui auraient été effectuées en l’absence du dispositif TEPA ».
Si je voulais être particulièrement incisif, je dirais que cet effet d’aubaine s’apparentait quasiment à une opération de blanchiment de travail au noir !
En outre, MM. Gorges et Mallot n’excluent pas que « le dispositif ait, au moins transitoirement, pesé sur les négociations salariales à l’avantage des employeurs ».
Leur rapport est aussi accablant sur les gains et avantages fiscaux.
Pour les 9 millions de foyers fiscaux français qui ont bénéficié du dispositif TEPA depuis 2007, le gain médian est très limité, puisqu’il s’élève à 29 euros par mois, soit 350 euros par an ; le gain moyen atteint 42 euros, c'est-à-dire 500 euros par an.
Faut-il le rappeler, le Président de la République, lors de son intervention télévisée du 27 octobre dernier, avait lui-même évoqué ces 9 millions de salariés ayant touché 450 euros, tout comme le ministre du travail, il y a quelques jours, mais aucun des deux n’a alors cru bon de préciser qu’il s’agissait d’une moyenne, qui plus est annuelle !
Comme le soulignent les auteurs du rapport, le gain global est estimé, non pas à 3 %, mais à 0,3 % du revenu disponible des ménages… Fiscalement, la mesure profite plus aux classes moyennes imposables qu’aux foyers fiscaux les plus modestes, non imposables. Et pire encore, le dispositif ne prévoyant pas de plafonnement du gain fiscal, les auteurs du rapport notent que cela a pu conduire à « des avantages pouvant être jugés disproportionnés ».
Ainsi, pour les mille foyers qui profitent le plus de la mesure – ceux dont le revenu annuel atteint près de 100 000 euros –, le gain moyen s’élève à 8 000 euros, soit 8 % de leurs revenus. Ce n’est pas, madame la ministre, ce que vous nous avez décrit !
Les auteurs du rapport donnent enfin le coût, exorbitant, de cette défiscalisation : 4,5 milliards d’euros par an, c’est-à-dire près de 15 milliards d’euros depuis l’automne 2007 !
La troisième et dernière pièce que je veux verser au dossier est une analyse de Mathieu Plane, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques, rattaché à l’Institut d’études politiques de Paris.
Selon lui, « la défiscalisation des heures supplémentaires était déjà une mesure discutable en période de croissance et de baisse du chômage, mais c’est une politique néfaste en période de crise économique et de forte augmentation du chômage. Inciter les entreprises à faire des heures supplémentaires alors qu’il n’y a plus d’activité a un effet négatif et pervers sur l’emploi. »
Il ajoute que « lors d’un retournement de conjoncture, la répercussion de la baisse de l’activité se fait en trois temps : adaptation de la durée du travail - chômage partiel et réduction des heures supplémentaires -, puis fin des contrats précaires - intérim et CDD - et enfin licenciements économiques. En raison des mesures de la loi TEPA, nombre d’entreprises sont passées directement au deuxième temps. » Et donc aussi au troisième, celui des licenciements, serais-je tenté d’ajouter.
Quelles conclusions tirer de ces trois pièces ainsi versées à notre dossier ?
Avec 18,5 millions de salariés à temps plein, un supplément de 0,4 heure de travail hebdomadaire entre le milieu de l’année 2007 et la fin de l’année 2010 correspond à 197 000 équivalents temps plein.
Bien sûr, madame la ministre, nous savons que cette équivalence ne se réduit pas à un simple jeu de vase communicants…
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il faudrait être idiot pour soutenir le contraire ! Reste que ce chiffre est un indicateur important.
D’ailleurs en Allemagne et au Royaume-Uni, contrairement à ce qui s’est passé en France, la durée moyenne hebdomadaire de travail a diminué, ce qui a permis d’amortir les effets de la crise.
Les trois documents que j’ai présentés s’ajoutant à toutes les interventions précédentes, je peux conclure que le bilan est véritablement accablant et justifie pleinement l’abrogation de l’article 1er de la loi TEPA que propose aujourd’hui la majorité sénatoriale. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Dans le rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales qui vient d’être cité, je lis que la défiscalisation des heures supplémentaires reçoit la note de un sur trois. Ce n’est donc pas zéro sur trois !
Avant de remettre en cause cette mesure, que la majorité sénatoriale commence donc par supprimer les cinquante niches qui ont reçu un zéro…
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. À cette heure tardive, je n’ai pas grand-chose à ajouter au réquisitoire dressé par Yves Daudigny contre l’article 1er de la loi TEPA. Je m’en tiendrai à quelques remarques extrêmement simples.
Il est maintenant établi que les entreprises sur-déclarent les heures supplémentaires.