M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Richard, rapporteur. Je voudrais, pour faciliter la conclusion de la discussion, essayer de bien cerner les éléments de différence.
La principale différence entre nous, monsieur le ministre, c’est la division en deux phases que vous avez choisie…
M. Jean-Jacques Hyest. C’est le Parlement qui choisit ! Ce n’est pas le ministre !
M. Alain Richard, rapporteur. En effet, mon cher collègue, vous avez tout à fait raison ! Mais le Parlement délibère à nouveau, et c’est le ministre qui défend le texte qui a été voté, ce qui est parfaitement dans son rôle.
J’essaie donc de clarifier les différences.
La difficulté, c’est le clivage qu’il y a entre l’adoption du schéma et la constitution des communautés.
Il nous semble que c’est un facteur de perte de confiance. Lorsque le schéma départemental est adopté, il doit être « la loi des parties », si j’ose dire. Le système que nous proposons repose donc, comme le précise l’alinéa 3, sur un dialogue entre le préfet et la CDCI – que le préfet préside, en effet, vous avez raison sur ce point, monsieur Maurey. Nous avons effectivement pour objectif que ces deux acteurs travaillent en symbiose : les préfets seront convaincants et ils seront réceptifs. Dans ce dispositif, l’obtention d’un accord et d’une synthèse est tout à fait réaliste.
En revanche, conserver la procédure actuelle qui dure plus d’une année et qui permet de s’éloigner du schéma, que l’on a eu du mal à établir, sans offrir aucune possibilité de recours devant la CDCI, ne me semble pas la bonne solution. Il faut changer ce système, et l’article 5 constitue la base législative de ce changement.
J’ajouterai deux observations, pour tenter de réduire nos divergences.
D’une part, il est parfaitement possible, soit de partir du résultat consensuel qui a été obtenu – puisque l’article 7 prévoit d’ouvrir cette option à la CDCI –, soit de rouvrir un processus de concertation sur les points qui font l’objet de divergences. Si l’on peut constater le consensus, notre proposition permet de passer tout de suite à la création des communautés. Les débats ne risquent donc pas de se trouver rallongés.
D’autre part, en ce qui concerne les compétences, il ne faut pas qu’il y ait maldonne. Il n’est pas prévu – sur ce point, le texte de la proposition de loi est, me semble-t-il, parfaitement clair et dépourvu d’ambiguïté – que le schéma départemental ou le vote des communes aient valeur d’engagement sur la définition des compétences. En revanche, dans la phase préparatoire, qui est nécessaire là où existent des divergences, il nous a paru judicieux – la paternité de cette idée revient d’ailleurs à Pierre-Yves Collombat, qui a beaucoup réfléchi sur ce sujet – qu’un premier échange de vues ait lieu sur les compétences. En effet, vous savez très bien que, dans les cas où des réticences s’expriment – excusez-moi si je rabâche, l’achèvement de la carte de l’intercommunalité a pour objet de régler toutes les situations de conflit et de désaccord qui ne l’ont pas été au cours des vingt dernières années ! – il est préférable que les communes intéressées s’expriment une première fois, sans s’engager, sur les compétences qu’elles souhaitent voir exercer par l’intercommunalité : ainsi, on pourra rapprocher les points de vue, d’une part, et faire en sorte que le périmètre, seul point sur lequel portera l’engagement, soit choisi après un dialogue entre les communes, d’autre part. Ce périmètre sera choisi selon les modalités de droit commun, sans discussion sur les compétences. En outre, ce premier dialogue sur les compétences – sans valeur d’engagement – permettra de faire des choix judicieux sur la suppression ou non des syndicats.
Tels sont les points sur lesquels nous sommes en désaccord : deux positions s’opposent, qui toutes deux ont leur légitimité. À la remarque de méthode parfaitement judicieuse formulée par M. Hyest, je répondrai qu’en effet il y a un changement. Mais reconnaissez que l’expérience des derniers mois a montré qu’un changement était souhaité…
M. Jean-Jacques Hyest. Pas partout !
Mme Catherine Troendle. Chez moi, tout s’est très bien passé !
M. Alain Richard, rapporteur. Il est donc légitime que le législateur adopte un dispositif juridique qui réponde à toutes les situations, et pas seulement aux situations où aucun problème ne se pose. Quand tout marche bien, on n’a guère besoin de la loi ! Celle-ci devient nécessaire quand les avis divergent. Or c’est ce qui se produit : nous pouvions le prévoir du fait, notamment, des délais. Les délais trop courts imposés à la phase de consultation de la CDCI résultent de l’exigence du texte actuel, qui distingue deux phases, alors que ce n’était pas nécessaire ; notre proposition consiste donc à regrouper en une seule phase la création des communautés, après un vote à la majorité qualifiée des communes – le principe de libre administration est donc respecté. Nous obtenons ainsi un résultat plus consensuel, sans engagement sur les compétences, mais après un dialogue. L’intercommunalité aura de meilleures chances de réussite et tel est bien notre objectif !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Nous arrivons donc à l’un des articles qui consacrent le désaccord entre nous. J’avais dit au début de cette séance de nuit…
M. Jean-Jacques Mirassou. À quatre heures, c’est déjà le matin !
M. Philippe Richert, ministre. En effet, et c’est la première fois, depuis vingt ans que je fréquente le Sénat, que je participe à une discussion aussi tardive sur un texte de ce genre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) Je ne parle pas des textes financiers ! Je dois dire qu’il ne m’était encore jamais arrivé de siéger si tard…
Mme Éliane Assassi. Même pas pendant la discussion du CPE ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Pendant la discussion de la loi Raffarin, nous avons siégé jusqu’à sept heures du matin !
M. Philippe Richert, ministre. C’est la première fois, à titre personnel, que je participe à une discussion sur un texte de cette nature à une heure aussi matinale. Mais nous sommes ici pour cela…
J’en reviens à la proposition de loi en discussion. Nous sommes en effet sur un véritable point de clivage. Depuis le début de la discussion, mon discours est exactement identique à celui que tiennent M. Maurey, le président de l’AMF et bien d’autres encore : là où le schéma départemental est réalisable dans l’état actuel du droit, pourquoi ne pas aller au terme du processus ? Je pense que, dans 50 % à 70 % des cas, en utilisant la procédure arrêtée en décembre 2010, les procédures engagées peuvent se poursuivre.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est prévu !
M. Philippe Richert, ministre. J’avais demandé que ce point soit clairement explicité, afin qu’il n’y ait pas de doute dans l’esprit des élus. La procédure actuellement en vigueur aurait certainement pu être complétée grâce à quelques amendements de précision faisant toute la clarté nécessaire. Mais nous sommes en train de tout remettre à plat…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mais non !
M. Philippe Richert, ministre. … et c’est exactement ce que je conteste dans votre façon de faire. Tel est le premier point de désaccord que j’avais mentionné au début de cette séance.
Le deuxième point sur lequel je suis en désaccord, c’est que la procédure que nous mettons en place introduit des complexités supplémentaires et raccourcit les délais en phase finale, ce qui ne va pas améliorer la qualité du débat ni la mise en œuvre de l’intercommunalité que nous appelons tous de nos vœux.
Par exemple, votre texte dit clairement que la CDCI va discuter des compétences de chaque intercommunalité…
M. Jean-Jacques Hyest. C’est incroyable !
M. Philippe Richert, ministre. C’est exactement ce que prévoit la proposition de loi ! Permettez-moi de vous rappeler votre texte : « Ce projet, pour chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre envisagé, dresse la liste des communes incluses dans le périmètre et définit la catégorie dont il relève. Il indique les compétences que pourrait exercer le nouvel établissement. »
M. Alain Richard, rapporteur. « Il indique » ! Il n’y a donc pas d’engagement !
M. Pierre-Yves Collombat. C’est un document préparatoire !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est une hypothèse !
M. Philippe Richert, ministre. En 2010, nous avons défini un système fondé, dans un premier temps, sur le recensement des communes prêtes à s’associer : le préfet propose ensuite un périmètre, qui fait l’objet d’une discussion. Pendant un an et demi, les intercommunalités peuvent mettre en place l’ensemble de leurs compétences, décidant, par exemple, des compétences qui pourraient rester confiées à un syndicat ou définissant celles qui restent libres au sein de la nouvelle intercommunalité. Ce système offrait plus de flexibilité, à charge pour les élus de chaque intercommunalité de porter des projets.
Dans le système que vous proposez, tout remonte vers la commission départementale, qui prend de plus en plus d’importance et de poids. Le Gouvernement, lui, avait l’idée de laisser ce schéma départemental s’établir sur la base des projets d’intercommunalité qui se mettent en place. En outre, pendant cette période, des modifications pouvaient être apportées, parce que des idées nouvelles auraient émergé ou parce que des perspectives nouvelles se seraient offertes. Nous ouvrions donc la possibilité de modifier le schéma en conséquence.
Quand je compare le droit existant, c’est-à-dire le texte voté en décembre 2010, à votre proposition de loi, très franchement, je ne vois aucun progrès ! Si vous aviez commencé par dire clairement que, lorsque la procédure se déroule normalement, on la laisse s’achever, mais que, en cas de blocage avéré, on cherche une autre solution afin de pouvoir travailler, votre démarche aurait pu être admise.
J’espère que nous aurons l’occasion d’utiliser un autre véhicule législatif, car j’ai bien compris que certaines positions sont d’ores et déjà figées – je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi – en dépit des discussions dont on veut nous abreuver. En tout cas, je comprends que nous ne parviendrons plus à vous convaincre et je le regrette, parce que, sur le fond, l’objectif était de trouver un accord entre tous ceux qui ont foi en l’intercommunalité, celle-ci étant à mon sens la meilleure façon d’organiser l’administration et le pouvoir politique dans notre pays.
M. le président. Mes chers collègues, compte tenu de l’heure avancée, il me semble peu judicieux d’entamer maintenant l’examen des amendements portant sur l’article 5.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 4 novembre 2011, à quatorze heures trente :
Suite de la proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l’application du dispositif d’achèvement de la carte de l’intercommunalité (n° 793, 2010-2011).
Rapport de M. Alain Richard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (n° 67, 2011-2012).
Texte de la commission (n° 68, 2011-2012).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 4 novembre 2011, à trois heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART