M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Josette Durrieu. Je m’arrête, monsieur le président.
Le Sénat s’honorerait d’engager ce grand débat lors des états généraux des élus locaux : c’est ce qu’attendent les communes et les maires de France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac.
Mme Frédérique Espagnac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de réforme des collectivités territoriales aura su, ces derniers mois, attiser les débats ; nous pouvons encore le constater aujourd’hui. C’est un texte qui transcende largement les clivages partisans ; il n’a d’ailleurs été adopté, ici même, qu’à une très courte majorité. Le Sénat, qui s’est toujours attaché à prendre en compte la réalité complexe de nos territoires, s’honore de s’emparer à nouveau de ce sujet.
Tout d’abord, je tiens à remercier notre collègue Jean-Pierre Sueur d’avoir pris l’initiative – ou la « main », pour reprendre le terme utilisé par Jacqueline Gourault –, en déposant cette proposition de loi. Il était en effet nécessaire de remettre sur la table une problématique qui concerne l’ensemble des élus locaux. Je salue également le travail accompli par Alain Richard, rapporteur du texte, qui, par la qualité des amendements qu’il a déposés, a contribué à améliorer le texte en commission, contrairement à vos dires, monsieur le ministre.
Dans nos territoires, cette réforme suscite encore aujourd’hui méfiance et défiance. L’exécutif, ignorant les nombreuses protestations qui s’élevaient dans notre pays, n’a pas pris le temps de la concertation, du dialogue, de la compréhension réciproque et, surtout, du respect mutuel. J’ai constaté, dans mon département des Pyrénées-Atlantiques, que cette réforme est incomprise et va à l’encontre des volontés exprimées par les élus. Au sein même de la majorité présidentielle, certaines voix discordantes se sont élevées sans être entendues. Le Gouvernement voulait en finir avec le « millefeuille territorial » ; il n’a fait que créer confusion et désordre dans l’esprit des administrés. Ainsi, la loi de réforme des collectivités territoriales a été perçue, à juste titre, comme l’acte I de la recentralisation.
L’examen de la proposition de loi qui nous est soumise permet à l’institution sénatoriale de réagir rapidement face à la mise sous tutelle des collectivités, à la dénaturation du profond mouvement de décentralisation engagé depuis 1982, aujourd’hui unanimement salué par les élus locaux.
Car c’est bien de la décentralisation – l’essence même de notre conception de la République – qu’il est aujourd’hui question. Or celle-ci n’est pas seulement une affaire de transferts de compétences ; elle est au cœur de notre démocratie, de notre Constitution. En bafouant les règles mêmes de la décentralisation, c’est la démocratie que vous avez bafouée, monsieur le ministre : tel est pour partie le message que les électeurs ont délivré en faisant basculer le Sénat à gauche le 25 septembre dernier. Voici donc ce que nous tentons de restaurer aujourd’hui : une confiance partagée entre l’État et les élus locaux, un respect qui a été brisé, rompu, par l’application uniforme d’une loi inadaptée.
Cette proposition de loi ne tend pas à remettre en cause toute la réforme territoriale. Nous aurons l’occasion de revenir sur les points controversés, plus particulièrement le 16 novembre prochain et lors des états généraux des élus locaux souhaités par notre président, Jean-Pierre Bel.
Si nous n’entendons pas revenir ici sur le galimatias indigeste qu’aura été la réforme territoriale, c’est qu’il nous faut parer au plus urgent. Ainsi, cette proposition de loi visait au départ à répondre aux exigences des titulaires de mandat de conseiller communautaire, afin que ceux-ci puissent exercer leurs fonctions jusqu’à la fin du mandat municipal. Enrichie des amendements adoptés par la commission, elle tend désormais à renverser au profit des élus la logique de décision au sein de la commission départementale de la coopération intercommunale.
M. Alain Gournac. Pas du tout !
Mme Frédérique Espagnac. Elle a pour objet d’instaurer une souplesse qui aura fait grandement défaut dans l’élaboration du schéma départemental de la coopération intercommunale, d’une part, et de renforcer les droits du conseiller communautaire suppléant, d’autre part.
Ce texte doit donc être adopté rapidement afin que le dialogue puisse être de nouveau érigé en priorité.
Je conclurai en citant un illustre défenseur et bâtisseur de la décentralisation : « La décentralisation est aujourd’hui le meilleur moyen de réaliser et d’accentuer la démocratie. Elle est, pour tous, la possibilité d’accéder à la responsabilité et à la liberté… » Ces propos sont de Pierre Mauroy, monsieur le ministre. Pour réussir le pari de la décentralisation, faisons enfin confiance à l’intelligence territoriale et à la capacité d’action des élus locaux. Accédons ensemble, mes chers collègues, à la responsabilité et à la liberté ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Beaucoup d’orateurs ont prétendu que le pouvoir central entend remettre en cause la décentralisation. Ainsi, selon Mme Espagnac, la loi de réforme des collectivités territoriales susciterait de la méfiance et de la défiance, et serait perçue par les élus locaux comme l’acte I de la recentralisation.
Permettez-moi d’insister sur le point suivant : je crois profondément en la décentralisation, qui est effectivement davantage, madame Espagnac, qu’un transfert de compétences. La décentralisation, c’est aussi un état d’esprit. Elle n’est pas toujours facile à mettre en œuvre, car cela suppose parfois de renoncer aux idées préconçues, de savoir écouter ceux qui ont des vues différentes.
La décentralisation est à mes yeux un outil de modernisation de notre pays. Il serait dommage de continuer à présenter la loi qui a été votée comme un texte dont l’objet serait de recentraliser à tout prix, en s’opposant aux collectivités territoriales. Comment pourrait-on soupçonner M. Hyest, qui était au banc de la commission tout au long des débats, d’être un recentralisateur ? J’espère que vous ne me faites pas non plus l’injure de me considérer comme un adversaire des collectivités !
M. Jean-Jacques Mirassou. Il n’y a pas que vous au Gouvernement !
M. Philippe Richert, ministre. Nous devons être pragmatiques et étudier les moyens de progresser ensemble.
On reproche aussi au Gouvernement d’avoir voulu aller beaucoup trop vite. J’observe cependant que la réforme a été préparée par les travaux du comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par Édouard Balladur, puis par ceux de la mission sénatoriale temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, dont j’étais membre.
M. Jean-Jacques Mirassou. Son travail a été liquidé !
M. Philippe Richert, ministre. Une commission ad hoc a également été constituée à l’Assemblée nationale. Un grand nombre des propositions formulées par ces différentes instances ont été intégrées au texte.
Ensuite, le débat parlementaire a donné lieu à des modifications profondes du projet de loi, au point que les élus de terrain ont pu avoir le sentiment que chaque lecture débouchait sur un nouveau texte, très différent de la version précédente. Mais on ne saurait reprocher au Parlement d’avoir accompli un travail de fond, y compris en prenant en compte des demandes formulées par les élus de terrain, notamment au travers de l’AMF.
On ne peut donc pas prétendre que cette réforme a été conçue dans la précipitation : il a été tenu compte des avis des acteurs de terrain. Cela étant, il est vrai que, au fil des modifications apportées au projet de loi par le Parlement, certaines difficultés n’ont pas été anticipées. Je reconnais, madame Gourault, qu’il aurait fallu d’emblée préciser certains points, s’agissant notamment du maintien des exécutifs jusqu’en 2014 ou du seuil de 500 habitants. Lors de ma première rencontre, en tant que ministre, avec les responsables de l’AMF, je leur avais demandé si ce seuil leur paraissait vraiment pertinent. Ils m’avaient répondu que c’était une préconisation du bureau de l’AMF, que le Gouvernement a reprise. Je l’ai déjà dit et je le répète, il revient au Parlement de trancher cette question.
De même, il convenait d’apporter des précisions sur la situation de quelques « îles », ainsi que sur celle des départements qui n’auront pas réussi à adopter leur schéma départemental de la coopération intercommunale au 31 décembre 2011. M. le Premier ministre a indiqué clairement, à cet égard, qu’en aucun cas le préfet n’arrêtera le schéma sans que la commission départementale de la coopération intercommunale ait été dûment consultée. S’il faut préciser ce point, nous le ferons, pour qu’il ne subsiste aucune incertitude.
M. Alain Richard, rapporteur. Mais la date butoir est inscrite dans la loi !
M. Philippe Richert, ministre. Je voudrais maintenant revenir sur quelques éléments importants évoqués par les orateurs.
Était-il vraiment nécessaire d’élaborer une telle loi, se sont demandé certains d’entre vous. Eh bien oui ! Bien qu’étant un partisan résolu de la décentralisation, je suis intimement convaincu que nous devons réorganiser nos collectivités, pour aller vers plus d’efficacité, de transparence à l’égard de nos concitoyens et d’économie dans l’utilisation de l’argent public.
M. Krattinger a conclu son intervention en soulignant que les élus de terrain s’adressaient à nous tous. Croyez bien que, de notre côté, nous les écoutons !
M. François Fortassin. C’est un peu tard !
M. Philippe Richert, ministre. La gauche n’a pas l’exclusivité sur ce plan !
M. Krattinger a indiqué en outre qu’il convenait de débloquer la situation sans tout mettre par terre. Je suis tout à fait d’accord avec lui sur ce point : il faut apporter des améliorations, en évitant cependant de tout remettre en cause.
En ce qui concerne la question des dates, soulevée tout à l’heure par M. le rapporteur et M. Sueur, le principe de base est que les schémas seront arrêtés, chaque fois que c’est possible, avant le 31 décembre 2011. Ensuite s’ouvrira une période d’un an et demi durant laquelle il sera possible de discuter des compétences, de réajuster les choses le cas échéant, d’étudier comment permettre à des collectivités rejoignant une intercommunalité de plus grande taille de continuer à exercer certaines compétences spécifiques, de dialoguer avec le personnel…
La proposition de loi dont nous débattons prévoit de reporter à mars 2013 l’échéance à laquelle le schéma départemental de la coopération intercommunale devra avoir été arrêté.
Mme Nathalie Goulet. Mais non : c’est mars 2012 !
M. Alain Richard, rapporteur. Ne vous fatiguez pas, monsieur le ministre ! Nous allons vous expliquer…
M. Philippe Richert, ministre. D’ici là, on préparerait à la fois le nouveau découpage des collectivités et la répartition des compétences. Or permettez-moi de penser que tant que l’organisation d’ensemble n’aura pas été arrêtée, il sera difficile de répartir les compétences. Si l’on fixe l’échéance au mois de mars 2013, le risque sera que les délais ne puissent être respectés, les élections municipales se tenant en mars 2014.
M. Hyest l’a également souligné. Il a en outre rappelé l’ampleur du travail réalisé avant l’adoption de la loi du 16 décembre 2010, en incitant à ne pas démolir tout ce qui a déjà été fait. À cet égard, nous ne pouvons bien entendu être d’accord avec M. Favier, qui a clairement indiqué qu’il entendait tout remettre en cause !
Je confirme à M. Mézard que l’organisation des découpages, comme le prévoit la loi, n’interviendra pas avant l’élection présidentielle, afin d’éviter toute interférence et d’écarter tout soupçon d’arrière-pensées politiques.
Vous avez aussi évoqué à juste titre, monsieur Mézard, les réticences que peuvent éprouver les communes périphériques à l’égard des bourgs-centres. C’est ce qui nous a amenés à prévoir un délai d’un an et demi, qui laissera le temps à la discussion de se poursuivre. Je rappelle qu’il sera possible, le cas échéant, de dépasser la date du 31 décembre 2011 pour l’achèvement du SDCI, et que le préfet ne pourra arrêter celui-ci sans avoir consulté la commission départementale de la coopération intercommunale.
M. Krattinger a estimé que les préfets avaient trop de pouvoir, mais le seul pouvoir que nous leur avons donné, c’est celui d’élaborer un projet de schéma servant de base de travail aux élus membres de la CDCI : le schéma doit être une co-construction. Les débats venant seulement de commencer au sein des CDCI, il ne m’est pas possible de donner des indications, comme cela m’a été demandé, sur l’état d’avancement de ce travail. Il reste encore deux mois pour élaborer les schémas : donnons ce temps aux CDCI pour aboutir dans le plus grand nombre de cas possible, dans l’esprit de co-construction et de dialogue entre le préfet et les élus que j’invoquais à l’instant.
Madame Durrieu, nous entendons que les approches soient différenciées selon les territoires, afin de tenir compte des spécificités locales, comme vous le souhaitez.
Enfin, madame Espagnac, notre volonté est bien que cette réforme soit une nouvelle étape de la décentralisation, et en aucun cas une forme de recentralisation. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je vous ai écouté avec attention, monsieur le ministre. À vous entendre, on a l’impression que vous oscillez entre deux positions : la première consiste à tenir ce texte pour ce qu’il est, à savoir un ensemble de mesures simples et pratiques ; la seconde est de considérer que l’adoption de ces mesures aurait pour effet de mener à un détricotage complet de la loi de décembre 2010.
J’ai indiqué d’emblée que le débat de fond sur le conseiller territorial se tiendrait à l’occasion de l’examen d’un texte spécifique. Nous ne fuyons donc nullement ce débat, bien au contraire.
Cela étant, parce que nous sommes concrets et réalistes, nous constatons que, en l’état actuel des choses, il faut prendre des dispositions sur un certain nombre de points.
S’agissant d’abord de la prolongation des mandats en cours des délégués des communes au sein des établissements publics de coopération intercommunale, il me semble que personne n’a formulé d’objection. C’est donc un point d’accord.
Pour ce qui concerne ensuite la question des dates, il me semble que vous faites une lecture erronée du texte adopté par la commission des lois. Je rappelle donc que l’alinéa 2 de l’article 7 prévoit que « le projet de schéma est établi avant le 31 mars 2012 ». Il s’agit bien de 2012, et non de 2013 ! L’alinéa 4 du même article dispose que « la proposition finale est adoptée avant le 31 octobre 2012 ». Quant à l’alinéa 17 de l’article 5, il précise que le schéma « est mis en œuvre par arrêtés préfectoraux ». Pour ce qui est de la date butoir pour recueillir l’avis des communes, celle que prévoit l’alinéa 5 de l’article 7, à savoir le 31 janvier 2013, est antérieure de deux mois, voire de quatre mois, à celle qui figurait dans le projet initial.
En ce qui concerne les dates, le texte adopté par la commission des lois est donc limpide. Pour peu que vous la preniez en considération, monsieur le ministre, la réalité de son contenu est de nature à dissiper vos craintes.
Cela étant posé, faut-il que le changement de date – que chacun, à commencer par M. le Premier ministre, considère comme indispensable – soit inscrit dans la loi ? De nombreux parlementaires, tels MM. Jacques Pélissard et Jean-René Lecerf, Mmes Valérie Létard et Nathalie Goulet, ainsi que la majorité des membres de la commission des lois, sont de cet avis. Je n’ai entendu personne soutenir qu’il serait préjudiciable ou mauvais qu’il en soit ainsi ! J’en conclus qu’il y a un accord sur ce point. Dans ces conditions, il serait préférable que ce report de date que chacun appelle de ses vœux fût inscrit dans la loi.
De même, je n’ai entendu aucune objection contre le maintien des syndicats scolaires en vigueur – sauf, bien entendu, si les élus sont d’accord pour les supprimer –, ni même contre la possibilité d’en créer, le cas échéant.
Par conséquent, si je fais abstraction de l’habillage politique et idéologique des propos de M. le ministre, je constate que, sur les trois mesures simples et pratiques que je viens d’évoquer, soit il y a accord, soit aucun argument n’a été présenté pour fonder l’absence d’accord…
Dans ces conditions, j’appelle de mes vœux un vote favorable sur au moins ces trois mesures, qui constituent l’essentiel de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi du texte à la commission.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n° 16.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, la proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l’application du dispositif d’achèvement de la carte de l’intercommunalité.
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Patrice Gélard, auteur de la motion.
M. Patrice Gélard. Je voudrais commencer mon intervention en félicitant le président de la commission des lois… (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
La proposition de loi qu’il avait déposée est en effet un modèle de ce qu’il faut faire : un seul article de cinq lignes, une rédaction d’une clarté absolue. Un tel texte ne pouvait que recueillir un accord unanime ! (Sourires.)
Certes, on a relevé que l’emploi du mot « menace » pouvait peut-être poser problème. C’était sans doute là une erreur de style ; pourtant, le style de M. Sueur est toujours parfait…
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas vrai ! C’est trop d’honneur !
M. Bruno Sido. Attendez la suite…
M. Patrice Gélard. À l’arrivée, toutefois, la proposition de loi se compose de douze articles, dont le plus court compte quatre lignes et le plus long quatre-vingt-neuf, chacun de ces articles étant subdivisé en alinéas, dont le nombre peut aller jusqu’à dix-neuf… Voilà ce qu’un bon législateur ne doit pas faire !
On a quelque peu tendance, en effet, à multiplier les amendements, à rédiger des articles de plus en plus longs, alors qu’une bonne loi est concise et que ses articles ne traitent pas d’un ensemble de sujets disparates, comme c’est le cas par exemple de l’article 5 du présent texte.
Je tiens néanmoins à rendre hommage au travail assez remarquable accompli par le rapporteur de la commission des lois, M. Alain Richard. (Sourires.)
Le train de mesures qu’il a su constituer est satisfaisant en apparence. D’abord, il a eu l’intelligence d’intégrer à ce train toute une série de propositions avancées notamment par M. Pélissard, qui faisaient pratiquement l’unanimité sur nos travées. Un certain nombre de membres de notre groupe en ont été gênés, dans la mesure où le wagon de M. Pélissard en côtoyait d’autres qui ne passaient pas forcément aussi bien…
À ce stade, nous sommes confrontés à plusieurs problèmes.
Ainsi, dans le rapport de M. Richard, il n’est plus du tout question du thème original : il s’agit simplement de faire en sorte que le changement intervenu le 25 septembre dernier trouve une traduction dans les lois qui ont été adoptés au cours de la session précédente !
De façon tout à fait étonnante, le chandail que nous avions confectionné se trouve entièrement détricoté,…
M. Claude Bérit-Débat. Pas du tout !
M. Patrice Gélard. … afin d’en faire un autre avec la même laine ! Malheureusement, ce nouveau chandail n'a plus la même taille ni la même forme que le précédent… (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
Pour illustrer mon propos, je prendrai quelques exemples.
Il nous a été dit tout à l’heure que le projet de loi de réforme des collectivités territoriales n’avait pas été accompagné d’une étude d'impact suffisante.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est la vérité !
M. Patrice Gélard. Or il en va de même pour la présente proposition de loi !
On a également prétendu que l’élaboration du projet de loi avait été bâclée, marquée par une concertation insuffisante ; le présent texte encourt le même reproche.
Par conséquent, les critiques qui ont été formulées à l'encontre de la loi de réforme des collectivités territoriales peuvent tout aussi bien s’appliquer à la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui. Surtout, aucune étude des conséquences qu’entraînerait l’adoption des dispositions de cette dernière n’a été réalisée. Quelles seraient les conséquences pratiques de la mise en œuvre du report de date proposé ? Quelles seraient les conséquences pratiques de la modification du rôle des CDCI ? Ne sera-t-on pas, comme je le crois, contraint de refaire tout le travail déjà accompli ? Cela prendra du temps, et le calendrier initialement fixé ne pourra donc être tenu.
En outre, parmi les wagons de M. Richard se sont glissés quelques wagons de marchandises… (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.) D’autres encore apparaîtront au cours de l’examen des articles.
Par exemple, la commission a adopté ce matin un amendement visant à prévoir que, dans certains domaines, les pouvoirs de police du maire pourront être transférés à des syndicats de communes.
M. Alain Richard, rapporteur. C’est déjà dans la loi !
M. Patrice Gélard. Ce n'est pas tout à fait exact. Par ailleurs, une telle évolution pourrait conduire un jour à proposer de transférer les pouvoirs de police du maire à un concessionnaire de service public ! Pour ma part, je me méfie comme de la peste de cette tendance consistant à multiplier les concours de pouvoirs de police.
J’en viens à un deuxième wagon de marchandises.
Dans cette proposition de loi, on a multiplié les dispositions visant à augmenter le nombre de vice-présidences dans les EPCI (M. Alain Gournac s’exclame.), à élargir la représentation des communes dans les grandes intercommunalités, etc. Si l'on examine attentivement chacune des mesures du texte qui nous est soumis, on s'aperçoit que, à la suite de glissements successifs, des revendications que nous avions rejetées presque unanimement lors de l’élaboration de la loi de réforme des collectivités territoriales sont maintenant présentées comme tout à fait légitimes. Eh bien elles ne le sont pas !
Je pense que l’on est allé trop vite en besogne. Ce n'est pas en dix jours que l’on peut établir un nouveau texte, et refaire entièrement la réforme élaborée l’année dernière.
Cela a été dit, il y a de bonnes choses dans ce texte. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.) M. Sueur a mis en exergue un certain nombre de points d’accord. L’intention initiale était excellente, mais il faut retravailler cette proposition de loi, en éliminer tous les ajouts inutiles, toutes les scories,…
M. Roger Karoutchi. Absolument !
M. Patrice Gélard. … toutes les dispositions dont la seule finalité est de détruire ce qui a été fait voilà quelques mois.
M. Jacques Legendre. C’est très vrai !
M. Patrice Gélard. C’est la raison pour laquelle je vous invite, mes chers collègues, à voter cette motion tendant au renvoi du présent texte à la commission. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, contre la motion.
M. Jean-Pierre Michel. La présentation de cette motion constitue, à l'évidence, une manœuvre de retardement. (Protestations sur les travées de l’UMP.) D'ailleurs, depuis le début de l'après-midi, nous avons pu constater à quel point le Gouvernement, d'habitude beaucoup moins loquace, se perdait en explications plus ou moins vaseuses ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) M. le président de la commission des lois l’a fort bien montré tout à l'heure.
S’il ne s’agit pas là d’une manœuvre dilatoire, pourquoi des membres du groupe UMP ont-ils déposé ce matin en commission de nombreux amendements, dont certains ont d’ailleurs été adoptés ? De deux choses l'une : ou bien vous voulez que ce texte soit renvoyé à la commission, ou bien vous considérez que celle-ci a déjà assez travaillé, comme semble le montrer le fait que vous ayez vous-mêmes présenté des amendements ce matin.
Aujourd’hui, le groupe socialiste est heureux. Il est exact, monsieur Gélard, que nous avons profité de l’examen de cette proposition de loi de M. Sueur pour étendre son dispositif, afin de répondre aux préoccupations de nombreux élus locaux, ainsi qu’aux réserves qu’avait suscitées parmi eux la méthode employée pour réformer l’intercommunalité. Ces préoccupations, ces réserves, vous les avez entendues comme nous durant tout l’été. Les élus locaux s’inquiètent du caractère précipité de cette réforme et se demandent à quoi tout cela va aboutir.
La présente proposition de loi vise donc à répondre à de telles interrogations pragmatiques. À cet égard, le groupe socialiste félicite le rapporteur, Alain Richard, qui a accompli un travail remarquable au cours de deux longues séances de commission. Il était nécessaire de consacrer du temps à l’examen d’un tel texte. Nous avons ainsi pu aborder toutes les questions soulevées, et M. Richard a accepté des amendements issus de l’ensemble des groupes. La commission a donc fourni un travail approfondi. M. le rapporteur a personnellement procédé à de nombreuses auditions.
Pour que ce travail ait été utile, il faut que le texte soit promulgué avant la fin de l'année. Chacun, dans cet hémicycle puis à l’Assemblée nationale, devra donc prendre ses responsabilités devant l'ensemble des élus locaux. D'ailleurs, depuis que le rapport de la commission des lois a été publié, j'ai reçu de nombreux appels téléphoniques ou courriels de félicitations de la part d’élus locaux de mon département, y compris de membres de l’UMP ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Ils me disent espérer que nous serons suivis par l’ensemble de nos collègues. C’est la réalité !
Bien entendu, nous voterons contre cette motion dilatoire tendant au renvoi du texte à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)