M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, sur l'article.
M. Ronan Kerdraon. Monsieur le ministre, dans un entretien accordé à L’Express en juin dernier, vous aviez estimé que le système de la visite médicale devait être revu « de fond en comble ». Cependant, au vu du texte qui nous est présenté, il y a lieu de se poser un certain nombre de questions.
En effet, l’article que vous nous proposez d’adopter impose aux visiteurs médicaux dans les hôpitaux de prospecter devant plusieurs professionnels de santé, au lieu de les rencontrer individuellement. Cette « mesurette » ne modifie évidemment pas le problème, dans la mesure où cette expérimentation ne concernera qu’une partie des visiteurs médicaux, la médecine de ville n’étant pas touchée. De plus, rien ne garantit que la présence de plusieurs médecins lors de la visite médicale empêchera que ne se reproduisent les abus observés par le passé.
En effet, le réel problème de la visite médicale est qu’elle vise à pallier une carence qui existe depuis bien trop longtemps : l’insuffisante formation continue des médecins. C’est parce que ceux-ci ne disposent pas d’une institution pouvant les tenir au courant des nouveaux dispositifs mis au point, de leur utilisation et de leur qualité, qu’ils se voient obligés d’accueillir les visiteurs médicaux. Les problèmes associés à la visite médicale viennent donc de l’absence d’une réelle formation continue des médecins.
Or la visite médicale n’a pas pour but d’assurer cette formation. Elle est financée par les laboratoires, à hauteur de 1,3 milliard d’euros en 2009, dont 1,1 milliard d’euros en dépenses de personnels, et a donc pour principal but de promouvoir les médicaments concernés. En outre, ces dépenses sont finalement à la charge de la collectivité, à travers les prix administrés du médicament. L’information délivrée lors d’une visite peut ainsi être biaisée, voire erronée. Devons-nous rappeler que, juste avant son interdiction, le Mediator était prescrit à 80 % hors AMM ? Beaucoup d’observateurs ont alors pointé le rôle qu’avait joué la visite médicale dans cette prescription abusive.
Le Gouvernement nous explique souvent que la charte de la visite médicale, adoptée en 2004, a contribué à améliorer la qualité des informations délivrées par les visiteurs médicaux, et donc à limiter les excès. Cependant, cette charte conclue entre le Comité économique des produits de santé, ou CEPS, et les entreprises du médicament représentées par le LEEM s’est avérée être une « régulation [...] a minima », selon le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales sur la pharmacovigilance et gouvernance de la chaîne du médicament, publié en juin 2011.
En effet, cette charte, dont l’objectif était de « ne pas occasionner de dépenses inutiles », ne comportait aucun engagement sur la fréquence de la visite, aucune disposition crédible sur la visite médicale de l’hôpital ou sur les autres produits de santé. Par ailleurs, les organismes certificateurs ne disposent toujours pas des moyens nécessaires à la vérification du respect des prescriptions de la charte, et aucun dispositif de sanction n’a été prévu en cas de non-respect de ces prescriptions. La situation est donc réellement préoccupante, et cet article ne répond pas au problème posé.
Qui pis est, cet article, en plus de manquer cruellement d’ambition, contient des dispositions qui complexifieront l’organisation des hôpitaux. De fait, il leur impose de réserver des plages horaires pour accueillir les visiteurs médicaux. Comment les petits hôpitaux de campagne devront-ils s’organiser si, sur les trois médecins en charge, un seul est disponible ? Renverra-t-on les visiteurs médicaux ? Par ailleurs, un cardiologue sera-t-il intéressé par les nouveaux dispositifs en cancérologie ?
L’absence d’une mesure d’envergure montre que votre projet manque cruellement d’une réflexion profonde sur la place des entreprises pharmaceutiques dans le risque sanitaire. De fait, la question de la visite médicale ne se réglera pas grâce à un seul dispositif.
Si le rapport susmentionné de l’IGAS et le rapport d’information de François Autain et Marie-Thérèse Hermange, fait au nom de la Mission commune d’information sur le Mediator, publié en juin 2011, recommandaient la suppression de la profession de visiteur médical, la question de la reconversion de ces 18 000 femmes et hommes se pose. En effet, il ne s’agit pas d’accabler ni de stigmatiser ces personnes, qui ne font que ce pourquoi elles sont payées. Il convient donc de réfléchir à des alternatives à la visite médicale.
Enfin, la question de la formation continue des médecins ne sera pas réglée par la suppression de la visite médicale. Il importe donc de mener une réelle réflexion – « de fond en comble », pour employer à nouveau votre expression, monsieur le ministre – sur le devenir de la visite médicale en France, et non pas d’adopter une « mesurette » pour obtenir un effet d’annonce. C'est pourquoi M. le rapporteur a proposé une mission d’information, proposition à laquelle nous souscrivons.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, sur l'article.
Mme Catherine Génisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviendrai brièvement, car de nombreuses choses ont déjà été dites.
Les visiteurs médicaux exercent trois fonctions à la fois : l’information au sujet des médicaments, la commercialisation de ces derniers et la formation des médecins à leur utilisation. Or ces fonctions – cela a été souligné par plusieurs intervenants – ne sont pas toujours compatibles, et c’est le moins qu’on puisse dire.
Pour autant – cela a également été évoqué –, il importe de ne pas faire des visiteurs médicaux les boucs émissaires responsables de tous les dysfonctionnements constatés ces dernières années, puisque, je le rappelle, ils constituent souvent les « amortisseurs » des stratégies de l’industrie pharmaceutique ; je pense en particulier aux fusions et restructurations, dont les visiteurs médicaux sont souvent les premiers à faire les frais. Nous devons donc appréhender ce sujet d’une manière à la fois humaine et efficace.
Mon collègue Ronan Kerdraon vient d’y insister, la formation médicale continue est largement assurée par les visiteurs médicaux ; cette situation n’est pas de leur fait, mais c’est ainsi. Il est donc fondamental de revoir complètement le dispositif.
Votre proposition, monsieur le ministre – cela a déjà été mentionné –, comporte une inégalité de traitement entre le secteur libéral et le secteur hospitalier, alors même que, dans ce dernier secteur, les groupements d’achats, qu’ils soient internes à un hôpital ou interhospitaliers, tendent à diminuer la liberté de prescription de l’ensemble de la communauté médicale ; ce n’est d'ailleurs pas un mal, puisque cette évolution s’inscrit dans le cadre d’une rationalisation des dépenses de santé, à laquelle je ne pense pas que l’on puisse s’opposer.
Par ailleurs – mon collègue Ronan Kerdraon a soulevé ce problème à l’instant –, comment organiser des « grand-messes », si vous me permettez cette expression, dans lesquelles il s’agira d’expliquer à un spécialiste en ophtalmologie ou en cardiologie l’intérêt d’une prescription en gastro-entérologie ?
Vous pouvez certes me répondre, monsieur le ministre, que cela enrichira notre connaissance générale en matière médicale ; mais je peux vous dire que, dans la mesure où les grands hôpitaux, et plus encore les hôpitaux de proximité, manquent de praticiens hospitaliers – notamment en psychiatrie, en anesthésie, en chirurgie et en obstétrique –, ils auront beaucoup de mal à réunir leurs différents médecins pour les faire assister à ces visites groupées.
La mesure que vous proposez ne nous semble donc pas adaptée à l’importance des enjeux. La création d’une mission d’information, proposée par M. le rapporteur, nous paraît constituer la meilleure solution, car une telle mission permettra de réfléchir à ce grave problème de manière globale.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais vous donner mon sentiment : vous dites en somme qu’il faut vraiment que ça bouge mais qu’il ne faut surtout rien changer… Je caricature peut-être, mais c’est ce que je pense.
Pendant un court moment, à la suite du deuxième rapport de l’IGAS concernant l’affaire du Mediator – le rapport sur la pharmacovigilance et gouvernance de la chaîne du médicament – qui préconisait la suppression des visiteurs médicaux, une passion médiatique a existé en faveur de cette suppression. Je n’ai pas entendu beaucoup de voix, alors, s’opposer à cette pression médiatique sans pareille…
M. Bernard Cazeau, rapporteur. Si, moi, par exemple !
M. Xavier Bertrand, ministre. Seules quelques voix se sont fait entendre, tout doucement, mais elles n’ont pas été reprises.
Une mission d'information, un groupe de travail… Je veux bien tout ce que vous voulez ! Mais que ferez-vous, au final ? Que déciderez-vous ?
La visite médicale comporte deux aspects : l’information et la promotion. Si l’information mérite qu’on y regarde de plus près, la dimension de promotion que comportent les visites médicales me gêne. Comment faire la part des choses ?
Je propose tout d'abord – et cela n’a rien d’une « mesurette » – que soit instauré un contrôle a priori de l’information donnée aux visiteurs médicaux et de la formation qui leur est délivrée, ce qui n’a jamais été fait ; cela ne relève pas nécessairement du domaine législatif, mais nous l’imposerons. Ensuite, un contrôle de l’information fournie aux médecins par les visiteurs médicaux sera mis en place.
Mais s’il n’y avait rien à changer à la situation actuelle, expliquez-moi pourquoi on entendrait ces remarques sur les visiteurs médicaux !
Je reprends les propos de Bruno Gilles : les visiteurs médicaux ne font qu’appliquer les instructions données par les firmes pharmaceutiques. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) Je n’en connais pas un qui se soit levé un matin avec l’idée de faire preuve d’une ingéniosité supplémentaire… Il faut dire les choses telles qu’elles sont : le système des visiteurs médicaux a toujours été organisé à des fins de promotion. Les visiteurs médicaux sont des employés des firmes pharmaceutiques.
Je le répète : des deux aspects de la visite médicale, l’un, l’information, mérite qu’on y regarde de plus près, mais l’autre, la promotion, ne peut plus être accepté.
Hier, j’ai émis, au nom du Gouvernement, un avis favorable sur un amendement de M. Lorrain, considérant que nous devons être attentifs aux conditions dans lesquelles les exploitants peuvent informer les professionnels de santé sur les médicaments en phase de réévaluation ; mais cet amendement a été rejeté alors même que sa logique correspondait à ce que nous demandons les uns et les autres…
Je veux le dire très clairement : je ne suis pas certain que le système de visites médicales collectives dans les hôpitaux soit le plus intelligent ; mais qu’a-t-on trouvé d’autre ? J’ai eu beau être tout ouïe, je n’ai pas entendu beaucoup d’autres propositions…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si, nous en avons fait !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je suis favorable à ces visites collectives parce qu’elles permettent d’enlever la pression qui peut exister en face-to-face, comme l’on dit en bon patois picard,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. « Face-to-face »…
M. Xavier Bertrand, ministre. … c'est-à-dire lorsque le médecin et le visiteur médical sont face à face.
La visite médicale devient collective dès lors que deux médecins sont présents. On pourra également mettre en place – nous en avons débattu à l’Assemblée nationale – un critère pluridisciplinaire, notamment dans les hôpitaux locaux : par exemple, un médecin et un pharmacien participeraient à la même visite. On pourrait même aller plus loin : le caractère collectif pourrait signifier également qu’un praticien doit recevoir tous les visiteurs médicaux d’une même classe thérapeutique ; cela pourrait être assez intéressant.
Vous proposez une mission d'information, mais nous savons tous à quoi cela aboutirait…
Voulez-vous être présent lors de la rencontre entre le médecin et le visiteur médical ? Ce n’est pas possible… Il faut donc contrôler ce qui a été préparé en vue de l’entretien et ce qui se dit lors de son déroulement. C’est un premier pas ; mais la seule manière d’entrer dans une autre dimension, c’est d’imposer le caractère collectif de la visite médicale.
Si l’expérimentation ne concerne que les hôpitaux, c’est parce que les visites médicales y revêtent parfois déjà un caractère collectif. Nous n’allons pas l’imposer tout de suite pour la médecine de ville, car il faut d'abord que nous connaissions les résultats de l’expérimentation. En effet, même si des maisons de santé pluridisciplinaires fleurissent dans toute la France, il n’en existe pas encore partout. Lorsqu’un médecin est tout seul, on ne peut pas organiser une visite collective chez lui, et on ne va tout de même pas en organiser une dans un autre lieu sponsorisé… Nous n’aurions alors rien gagné par rapport à la situation existante ! Nous commençons donc par l’hôpital, et c’est une avancée.
Je constate que, du concours Lépine des idées, il n’est pas sorti grand-chose ! Moi, je cherche à avancer (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.) et à montrer à la profession des visiteurs médicaux que le but de l’opération est non pas de les désigner à la vindicte populaire mais de faire la part entre ce qui relève de l’information et ce qui ressortit à la promotion.
Mme Chantal Jouanno. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Cazeau, rapporteur. D’une part, il ne faut pas caricaturer.
Je l’ai dit, monsieur le ministre, nous sommes d’accord pour jouer le jeu. Je suis d’ailleurs de ceux qui ont fortement participé au débat, dans le cadre de la mission commune d’information, pour que l’on n’en reste pas à la conclusion de l’IGAS prônant la suppression des visiteurs médicaux ; les membres de cette mission pourront le confirmer.
D’autre part, on ne peut supprimer, en l’état actuel des choses, 18 000 emplois sans trouver des solutions.
Je crois, comme vous l’avez d’ailleurs vous-même dit, monsieur le ministre, qu’il faut des informateurs, et non pas des vendeurs : il faut dissocier ces deux activités.
Je ne dis pas que tous les visiteurs médicaux sont essentiellement des vendeurs ; en tout cas, à l’époque où je pratiquais, ils étaient, hélas ! nombreux à l’être en raison – et M. Gilles le sait bien – de la pression exercée par les laboratoires.
Monsieur le ministre, puisque vous ne nous proposez pas de solution et que, de notre côté, nous ne sommes pas non plus véritablement parvenus à un amendement en mesure de recueillir un certain consensus, indispensable en la matière, je propose à Mme la présidente de la commission des affaires sociales de « lancer » un groupe de travail qui apportera sa contribution à la réflexion.
La situation ne peut pas rester en l’état éternellement. Il faut que d’ici à un an le problème ait été réglé et, contrairement à certains, je ne crois pas que la suppression de ces 18 000 emplois soient le moyen de le résoudre : les visiteurs médicaux attendent de nous que nous trouvions la bonne solution et sont prêts à jouer le jeu.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Je veux souligner que la diminution sensible des effectifs de la profession ne date pas d’aujourd'hui. Depuis qu’en 2004 nous avons mis en place, alors que j’étais secrétaire d'État à l’assurance maladie, une charte de qualité de la visite médicale, certainement insuffisamment contraignante d’ailleurs, le nombre de visiteurs médicaux est ainsi passé de 24 000 à 18 000.
La baisse n’est pas seulement la conséquence de cette charte. Elle tient aussi au fait qu’il y a une concentration et une réorganisation des laboratoires. C’est une évolution constante, qu’il faut constater. Je relève d’ailleurs à ce propos que ceux qui prônaient à l’époque la suppression des visiteurs médicaux – l’IGAS notamment –n’étaient pas très diserts sur les mesures de reconversion....
Il ne s’agit pas de supprimer d’un trait de plume la profession…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avec le chômage, ce n’est pas facile !
M. Xavier Bertrand, ministre. Madame Borvo Cohen-Seat, je suis ministre tout à la fois du travail, de l'emploi et de la santé. L’emploi est très important, la santé publique l’est plus encore,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. Xavier Bertrand, ministre. … et il m’est de toute façon impossible de mettre sur le même plan enjeux d’emploi et enjeux sanitaires.
M. Alain Gournac. Il y a des contradictions !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne veux justement pas être dans les contradictions : la santé est au-dessus de tout.
Je disais que les effectifs de la profession diminuaient. Dans ce contexte, les entreprises pharmaceutiques ont pour rôle de prévoir les évolutions de carrière. Cela relève de leur responsabilité.
De même, elles ont leur part de responsabilité s’agissant de l’image que donnent aujourd'hui les visiteurs médicaux, laquelle ne correspond pas à la réalité de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font, puisqu’ils agissent en fonction de leurs consignes.
L’évolution à la baisse étant une constante – et ce n’est pas seulement le cas en France –, le présent projet de loi ne va précipiter les choses ; il vise simplement à les réorganiser, car la visite médicale telle qu’elle se pratique depuis longtemps en France va être revue de fond en comble. C’est une évolution logique… Pardon : une évolution souhaitable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, sur l'article.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Nous sommes en définitive tous d’accord dans ce débat.
Monsieur le ministre, je partage l’analyse que vous venez de faire de la situation.
Monsieur Cazeau, c’est vrai, vous avez comme moi exprimé, lors du débat de la mission commune d’information – excellente par ailleurs – présidée par M. Autain et qui a donné lieu au rapport de Mme Hermange, votre désaccord avec les conclusions tendant à la suppression des 17 000 ou 18 000 visiteurs médicaux.
À l’évidence, cette suppression est impossible, mais il y a bien un problème à résoudre, et j’approuve donc votre proposition de constituer un groupe de travail, car la mission n’a pas été au bout de la réflexion.
L’idée avancée par la mission – elle rejoint d’ailleurs, monsieur le ministre, celle que vous évoquiez – de confier à un groupe d’experts de la HAS, sorte de « super-visiteurs », la charge de présenter tous les produits mérite ainsi d’être davantage examinée et impose d’envisager la reconversion de l’ensemble des visiteurs médicaux si l’on ne veut pas mettre 17 000 personnes au chômage.
Je suis donc d’accord, monsieur le ministre, avec la première avancée, mais il faut aller beaucoup plus loin, et j’estime que le groupe de travail est nécessaire.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. J’approuve la proposition de M. Cazeau : un groupe de travail créé au sein de la commission des affaires sociales pourrait en effet être très rapidement opérationnel et en mesure de proposer par la suite des pistes de réflexion.
La profession de visiteur médical voit effectivement ses effectifs diminuer, et il y a certainement des solutions à trouver pour assurer la reconversion des salariés concernés. Pour l’heure, la commission n’est pas parvenue à rédiger un amendement suffisamment complet pour couvrir tous les thèmes et satisfaire l’ensemble de la profession comme l’ensemble des acteurs de la santé publique.
Le groupe de travail, dont la mise en place pourra intervenir dans des délais très brefs, pourra s’appuyer non seulement sur les travaux de la mission présidée par François Autain mais aussi sur les études que vous entendez mener de votre côté, études portant, comme vous nous l’avez annoncé, sur la formation et l’information des visiteurs médicaux ainsi que sur l’information communiquée par ces derniers aux médecins ; il s’agit de points effectivement très importants.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Juste une information, mesdames, messieurs les sénateurs : en ce moment, nous travaillons, en liaison avec la Direction générale de la santé, la Direction générale de l’offre de soins, l’Haute Autorité de la santé et l’Agence française de la sécurité sanitaire des produits de santé – la DGS, la DGOS, la HAS et l’AFSSAPS –, avec les visiteurs médicaux.
Proposition qui n’est pas courante, j’invite les rapporteurs, du Sénat comme de l’Assemblée nationale, à s’associer aux travaux des différents groupes de travail. Ce faisant, je ne cherche pas à vous empêcher de mener des études complémentaires. Je souhaite simplement que nous ne donnions pas le sentiment de travailler chacun de notre côté. (Mme Catherine Procaccia et M. Bruno Gilles applaudissent.)
M. Bernard Cazeau, rapporteur. D’accord !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Soit !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 20 rectifié est présenté par MM. Gilles et Milon, Mme Bruguière, Mlle Joissains, Mme Sittler, MM. Dulait et Houpert, Mme Deroche et MM. B. Fournier, Pinton, Lefèvre, Cardoux, Beaumont, Savary et Cléach.
L'amendement n° 37 rectifié est présenté par M. Barbier, Mme Escoffier et MM. Alfonsi, Collin, Mézard, Plancade et Tropeano.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1
Après les mots :
du code de la santé publique
insérer les mots :
, à l’exception des produits visés aux 1°, 2° et 3° de l’article R. 5121-77 du même code,
La parole est à M. Bruno Gilles, pour défendre l’amendement n° 20 rectifié.
M. Bruno Gilles. Cet amendement permet de poursuivre la discussion très intéressante à laquelle vient déjà de donner lieu l’article 19, discussion qui a fait apparaître la diversité des positions : certains sont plutôt rassurants, d’autres plus extrémistes ; certains estiment que l’on ne va pas assez loin, d’autres que l’on va trop loin… Dans le même temps, tout le monde a relevé que 18 000 emplois étaient en jeu.
J’insiste pour ma part sur le fait que ce ne sont pas les 18 000 visiteurs médicaux actuels qui, tous, peuvent être coupables d’avoir demandé aux médecins de prescrire, hors AMM, le Mediator. Il ne faut pas en faire les boucs émissaires dans cette affaire !
Personnellement, je suis plutôt rassuré par les propos de M. le ministre, qui a parlé de formation des visiteurs médicaux et de contrôle de l’information donnée.
Je précise que c’est déjà ce qui se fait. (M. le rapporteur et Mme la présidente de la commission discutent ensemble.) M. Cazeau, qui m’écoute attentivement, me prenait tout à l’heure à témoin, disant que je savais, pour avoir été visiteur médical pendant vingt ans, à quel point la visite médicale avait évolué.
Mme Chantal Jouanno et M. Alain Gournac. Monsieur Cazeau, soyez attentif !
M. Bruno Gilles. Je constate que M. Cazeau est en train de régler des problèmes dépourvus de lien avec notre discussion, à l’instar de ce qu’il reprochait tout à l’heure au ministre...
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est au ministre plutôt qu’au rapporteur que vous devriez vous adresser !
M. Bruno Gilles. Je répète donc, monsieur le rapporteur, que j’ai trouvé rassurants les propos de M. le ministre sur la formation de visiteurs médicaux et le contrôle de l’information donnée.
Quant à la visite médicale collective à l’hôpital, monsieur le ministre, mes chers collègues, elle existe déjà dans les faits. J’ai quitté la profession de visiteur médical en 2002, lorsque j’ai été élu député – j’aurais pu continuer, mais j’ai préféré arrêter, pour des raisons personnelles et d’éthique – ; à cette époque, la visite médicale hospitalière était déjà collective et nous étions souvent reçus par la totalité des médecins d’un service.
J’aimerais sur ce point être totalement rassuré par M. le ministre, qui nous a dit tout à l’heure, comme il l’avait déjà fait à l’Assemblée nationale, que la visite médicale collective pouvait commencer à deux. Aller vers la visite collective par service, par spécialité, peut-être même par pôle est une bonne chose, à laquelle l’industrie pharmaceutique et les visiteurs médicaux sont prêts, mais mon inquiétude porte sur les conventions qui doivent ensuite être signées.
J’ai déjà cité l’exemple de l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille. Pour avoir discuté avec son directeur et ses pharmaciens, je peux dire que pas moins de 500 conventions devraient être signées ! Comment, en pratique, mettre en place 500 conventions dans le deuxième CHU de France ?
Comme le disait Mme Génisson, nous savons tous – et les médecins en particulier le savent – que les ophtalmologistes ne se déplaceront pas s’il s’agit d’un produit de cardiologie ! C’est un rêve ! La visite médicale à l’hôpital n’appartient pas au monde des Bisounours : il faut remettre les pieds sur terre et exclure quelques produits spécialisés du champ de la réforme.
C’est précisément ce à quoi tend l’amendement n° 20 rectifié, qui vise à revenir à une rédaction conforme à celle qu’a adoptée l’Assemblée nationale.
M. le président. Le sous-amendement n° 95, présenté par M. Houpert, est ainsi libellé :
Amendement n° 20, dernier alinéa
Compléter cet alinéa par les mots :
ainsi que des dispositifs médicaux visés à l'article L. 5211-1 du code de la santé publique,
La parole est à M. Alain Houpert.
M. Alain Houpert. Ce sous-amendement a pour but d’exclure les dispositifs médicaux du champ d’application de l’article 19.
Cela touche, il est vrai, une gamme extrêmement variée de dispositifs médicaux, mais il n'existe pas de définition légale ou réglementaire plus précise. Sont notamment concernés des appareils médicaux de types scanners ou IRM.
Il va sans dire que la visite ou la prospection collective est inenvisageable pour ces dispositifs médicaux de très haute technologie, car le lien particulier qui unit le praticien à ses fournisseurs dépasse largement le strict cadre commercial, en ce qu'il fonde une relation non seulement d'information, mais aussi de formation.
Les visites contribuent concrètement à délivrer un service après-vente, et notamment un service de maintenance de ces appareils, service qui, en matière de radioprotection, est nécessaire à la sécurité des patients.
En réalité d'ailleurs, lorsqu'il utilise ces dispositifs médicaux, le praticien n'intervient pas en tant que prescripteur vis-à-vis de ses patients. En effet, les radiologues ne prescrivent pas ; ils utilisent des matériels de haute technologie, fragiles, dont la fiabilité et la sécurité dépendent d’une relation constructive entre le praticien et l’industriel. Ces matériels comportent des logiciels de haut niveau de technologie qui sont affinés chaque jour par l’observation des praticiens.
Si nous empêchons cette relation constructive, nous risquons d’arrêter le processus d’évolution de ces matériels.
En radiologie, il n’y a pas de promotion, mais de l’information. Le radiologue, je l’ai dit, ne prescrit pas ; qu’il exerce dans le privé ou à l’hôpital, il choisit puis achète un appareil en fonction de ses performances. Voilà pourquoi il convient d’exclure aussi les dispositifs médicaux du champ d’application du présent projet de loi.