M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos28 et 12, qui compliquent inutilement la procédure.
En revanche, comme M. le rapporteur, il est favorable à l’amendement n° 9 rectifié bis.
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 13 rectifié, présenté par M. Raoul, Mme Blandin, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après les mots :
permettant de garantir
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
la traçabilité des produits issus de variétés faisant l’objet de certificat d’obtention végétale.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Dans le règlement européen de base, il est d’abord précisé que le produit de la récolte peut être préparé en vue de la mise en culture par l’agriculteur lui-même ou par un prestataire de services puisque les États membres peuvent établir un plan de l’organisation de la préparation dudit produit de la récolte, notamment en vue de garantir que le produit soumis à préparation est identique à celui qui résulte de la préparation.
Dans l’alinéa 7, il est prévu que ces opérations de triage doivent être faites dans des conditions permettant de garantir la parfaite correspondance des produits soumis au triage et celle des produits en résultant.
Cette rédaction peut prêter à confusion. C’est bien de conformité à la variété protégée qu’il s’agit.
Ayant tenté une nouvelle rédaction, je l’espère, plus précise que celle de mon amendement initial, je propose donc, mes chers collègues, de prévoir que les opérations de triage permettront une traçabilité des produits issus de variétés faisant l’objet de COV.
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par Mme Blandin, MM. Raoul, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
sauf dans le cas de multiplication de semences de variétés du domaine public ou sélectionnées à la ferme pour les adapter au milieu local à des fins d'autoconsommation
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement de « repêchage » a pour objet de promouvoir à nouveau, dans d’autres termes et plus modestement, les pratiques d’autoconsommation.
Il serait regrettable que les agriculteurs qui utilisent les semences de ferme aient l’impression que les parlementaires les considèrent a priori comme des contrefacteurs en puissance. Leur pratique est fondée, ancienne et utile, d’intérêt général, je n’y reviens pas.
Il est donc nécessaire d’ajouter aux conditions dans lesquelles il n’y a pas lieu de payer une taxe deux circonstances : d’abord, l’autoconsommation, qui ne saurait être considérée comme une spoliation par l’obtenteur, puisque rien n’entre dans un circuit de commercialisation et qu’il n’y a donc aucune concurrence ; ensuite, de façon jointe, l’adaptation aux conditions particulières locales.
Ce second cas va dans le sens des préconisations du Gouvernement, à savoir la maîtrise des intrants chimiques et l’adaptation aux changements climatiques. Il va aussi dans le sens de la santé humaine, comme de la préservation des écosystèmes.
Dans ce cas non plus, il n’y a pas concurrence illicite, puisque, comme on peut le lire en page neuf du rapport, la filière semencière, avec ses 2,4 milliards d’euros, vise à consolider son rôle de premier producteur en Europe et de deuxième exportateur mondial, avec un chiffre d’affaires de 0,9 milliard d’euros, ce qui implique des sélections multicompatibles, très éloignés du secteur de l’adaptation locale et de l’autoconsommation.
Cet amendement serait donc indolore pour les firmes et constituerait en même temps un vrai message de confiance adressé aux agriculteurs concernés. Il donnerait la sécurité juridique à l’autoconsommation, comme aux travaux d’usager in situ, qui ne s’appellent ni recherches ni innovations mais servent à toute la société.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. L’amendement n° 13 rectifié vise à préciser que seules les variétés protégées par un COV sont concernées par l’obligation de parfaite correspondance entre produits soumis au triage et produits résultant du triage. Il me semble tout à fait intéressant de pouvoir étendre cette problématique aux variétés non protégées et de pouvoir encadrer les seules variétés protégées.
Aussi, monsieur Raoul, la commission émet un avis favorable, une fois de plus ! (M. Daniel Raoul sourit.) Vous le voyez, beaucoup de vos amendements sont retenus et cette réaction est équilibrée. Par conséquent, j’espère qu’à la fin de la discussion nous aurons un avis également favorable de votre part sur l’ensemble du texte. (Sourires.)
M. Christian Demuynck. Ce n’est pas sûr !
M. Daniel Raoul. C’est bien tenté !
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Quant à l’amendement n° 29, il est satisfait par l’amendement n° 13 rectifié. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je suis ennuyé, monsieur le président, parce que l’on donne systématiquement satisfaction à M. Raoul et pas à Mme Blandin. Je trouve que la parité n’est pas respectée ! (Sourires.)
J’émets néanmoins un avis favorable sur l’amendement n° 13 rectifié de M. Raoul et un avis défavorable sur l’amendement n° 29 de Mme Blandin.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 29 n'a plus d'objet.
Je constate par ailleurs que l’amendement n° 13 rectifié a été adopté à l’unanimité des présents.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 51, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 8 et 9
Supprimer ces alinéas.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 30, présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par les mots :
, sauf dans le cas d’échanges de petites quantités de semences entre agriculteur au vue d’une adaptation locale qui relève de l’exception de sélection
Madame Blandin, puisque vous êtes l’auteur de cet amendement et du suivant, l’amendement n° 31, peut-être l’un des deux recueillera-t-il un avis favorable ? (Sourires.)
Quoi qu’il en soit, vous avez la parole pour défendre l’amendement n° 30, ma chère collègue.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, j’espère que vous placez ces amendements sous de bons auspices. (Nouveaux sourires.) Mais, avec l’amendement n° 30, il s’agit, hélas ! d’échanges, qui sont vraiment regardés à la loupe.
Pourtant, l’échange régulier de petites quantités de semences, en favorisant certains croisements, permet aux paysans de renouveler la diversité et la variabilité indispensables à l’adaptation de leurs variétés à la diversité des terroirs, aux changements climatiques et à l’évolution des besoins humains. Si les agriculteurs échangent leurs semences, ce n’est pas pour en faire un commerce parallèle. Bien au contraire, ils le font car ils ont besoin de renouveler la biodiversité en permanence.
Souvenez-vous les tabous de mariage entre frères et sœurs, les rencontres festives, à l’inverse, entre villages et tribus, si bien décrites par Claude Lévi-Strauss, qui évitaient la consanguinité et favorisaient, par le brassage de gênes, l’évitement de l’expression de quelques gènes abîmés.
Les échanges de semences ont exactement les mêmes vertus.
Vouloir, par des règles commerciales, aller contre cette sorte de revitalisation du patrimoine génétique, ce n’est pas seulement aller contre l’histoire, c’est aussi aller contre l’avenir.
La France a signé le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, le TIRPAA, qui reconnaît les droits des agriculteurs au titre de la contribution qu’ils apportent à la conservation de la biodiversité, mais qu’ils ont également apportée et qu’ils apporteront. Cela passe par le droit de disposer de leurs récoltes, mais aussi d’échanger ces semences.
Quand l’industrie semencière souhaite créer une nouvelle variété, elle peut échanger librement des semences avec des centres de ressources génétiques, dans le but de sélectionner ces semences pour, ensuite, les inscrire. Aussi, il paraîtrait légitime de permettre aux agriculteurs de bénéficier du même droit, notamment dans le cas d’échanges de petites quantités de semences dans le but d’une adaptation locale.
J’anticipe l’éventuelle critique de M. le rapporteur sur le caractère un peu flou de la formulation « petites quantités ». Qu’à cela ne tienne ! Je suis tout à fait prête à rectifier mon amendement pour y inscrire le mot « raisonnables ». N’a-t-il pas trouvé ce mot extrêmement précis tout à l’heure ? (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 623–24–5. - Conformément au règlement CE n° 2100/94 du 27 juillet 1994 la responsabilité du contrôle de l’application du présent article ou des dispositions adoptées au titre du présent article incombe exclusivement aux titulaires de certificats d'obtention végétale. Dans l’organisation de ce contrôle, ils ne peuvent pas avoir recours aux services d’organismes officiels. Toute information pertinente est fournie sur demande aux titulaires par les agriculteurs et les prestataires d’opérations de triage à façon; toute information pertinente peut également être fournie par les organismes officiels impliqués dans le contrôle de la production agricole, si et seulement si cette information a été obtenue dans l’exercice normal de leurs tâches, sans charges ni coûts supplémentaires. Ces dispositions n’affectent en rien, la législation communautaire et nationale ayant trait à la protection des personnes en ce qui concerne le traitement et la libre circulation des données à caractère personnel. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Le COV et son application relevant du domaine privé, il convient de ne pas impliquer l’État dans des missions de domaine privé qui ne relèvent pas de sa compétence.
D’ailleurs, dans le cas du brevet, c’est au titulaire de celui-ci qu’il incombe de détecter la violation et de la dénoncer. On ne voit donc pas pourquoi, dans le cas du COV, cela ne serait pas identique.
Je vais prendre un autre exemple, celui de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, l’HADOPI. C’est la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, la SACEM, ce sont les éditeurs de musique qui cherchent celui qui a téléchargé. Ce n’est pas la police !
J’espère que la majorité et le Gouvernement, après avoir inventé et mis en œuvre la révision générale des politiques publiques, ou RGPP, laquelle a décimé les services publics et supprimé les postes de fonctionnaires utiles aux citoyens, ne vont pas maintenant inventer des dépenses publiques au service des seuls intérêts privés des firmes !
J’espère donc que cet amendement juste et économe sera voté.
Je tiens également à attirer votre attention sur le fait que les semences de ferme doivent être mises à part étant donné qu’elles ne relèvent pas d’une quelconque dérogation aux droits de l’obtenteur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Sur l’amendement n° 30, c’est vrai qu’il est peu précis pour les quantités. Prenons l’exemple de 100 kilogrammes de graines de carotte. C’est une petite quantité.
Mme Marie-Christine Blandin. Raisonnable !
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Cela permet néanmoins de semer 1 000 hectares de carottes maraîchères.
Mme Marie-Christine Blandin. Tout à fait !
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Vous le voyez, ce n’est pas neutre !
Cette précision est peu utile, car l’exception du sélectionneur permet déjà l’utilisation de semences protégées pour en produire d’autres, nouvelles. On imagine assez bien, d’ailleurs, que ce travail de recherche ne nécessite pas d’énormes quantités de semences. Les petites quantités révèlent que nous sommes dans un cas de recherche plutôt que dans le cadre d’une production à grande échelle.
Aussi, l’avis est défavorable.
L’amendement n° 31 vise à appliquer en droit national la même règle qu’en droit européen, prévoyant que seuls les obtenteurs sont compétents pour contrôler l’application des dispositions relatives aux semences de ferme.
Cette restriction n’est pas imposée par la convention UPOV de 1991, mais a été adoptée par le règlement européen afin de ne pas impliquer les autorités publiques dans le dispositif. Ainsi, les données publiques ne peuvent être fournies que si elles existent déjà. Il n’appartient pas à l’État de créer un appareil statistique ou de recouvrement spécifique pour l’indemnité due en cas d’utilisation de semences de ferme.
Je m’interroge : cette interdiction ne rend-elle pas incontrôlable le respect des droits de propriété intellectuelle des obtenteurs ? Le sujet étant très technique, je souhaite entendre le Gouvernement.
En tout état de cause, il faudrait retirer de l’amendement les mots « Conformément au règlement CE n° 2100/94 du 27 juillet 1994 ».
Je souhaite connaître l’avis du Gouvernement. Vous le voyez, même si l’avis n’est pas favorable, on arrive peu à peu à trouver des points d’accord avec Mme Blandin. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. J’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur l’amendement n° 30 qui, comme l’a indiqué M. le rapporteur, n’est pas conforme au droit européen.
L’amendement n° 31 paraît peu utile car, pour que l’État puisse intervenir dans le contrôle de dispositions du domaine privé, la loi doit le prévoir, ce qui n’est pas le cas.
La Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, n’autoriserait pas l’État à intervenir ou à transmettre des informations aux obtenteurs. De ce point de vue, nous estimons que l’amendement est inutile.
Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 31.
M. le président. Madame Blandin, l’amendement n° 31 est-il maintenu ?
Mme Marie-Christine Blandin. Je le retire, monsieur le président, car je fais confiance à la CNIL.
M. le président. L’amendement n° 31 est retiré.
L'amendement n° 32, présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 623–24–6. - Pour l'application de l’article 9 du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, la politique agricole encourage la contribution des agriculteurs à la conservation des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture. En conséquence, elle reconnaît leurs droits de sélectionner, de conserver, de réutiliser, d’échanger et de vendre leurs propres semences dans le cadre et pour leur production agricole courante. Lorsque la ressource utilisée au départ est protégée par un certificat d’obtention végétale ou contient l'expression d'un gène breveté, les droits de l’obtenteur ne s’étendent aux semences de ferme que si elles sont reproduites avec une sélection conservatrice visant à reproduire les caractères distinctifs de la variété protégée ou si la récolte est commercialisée sous la dénomination de la variété protégée. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Nous touchons ici au cœur du sujet, la nature du métier d’agriculteur.
Se tourner vers l’avenir, s’adapter à une démographie importante, demandeuse d’aliments en quantité et en qualité, s’appuyer sur la recherche, ne devait pas se traduire obligatoirement par un fractionnement des tâches, privant l’agriculteur de la mission de sélection des semences.
Que certaines firmes en aient fait leur spécialité est une chose. Qu’elles veuillent aujourd’hui empêcher que d’autres le fassent en est une autre.
C’est comme si les fabricants de produits cuisinés ou de pâte à tarte toute faite, qui se sont spécialisés dans ce créneau, venaient maintenant demander au législateur d’empêcher les pères et mères de famille de s’employer à faire de la cuisine !
Cet amendement est une application du TIRPAA, et une protection de pratiques qui ont permis l’existence des sociétés sédentaires.
Les tomates « cœur de bœuf » redécouvertes, les variétés de pommes reinette acides, les courges qui se délitent en spaghettis une fois cuites, ne sont pas le fruit des obtenteurs, mais la redécouverte sur les marchés par des consommateurs avides de produits goûteux, de fruits et légumes préservés par des jardiniers « amateurs » au sens étymologique du terme.
Il en est de même pour les céréales, que redécouvrent certains boulangers et nutritionnistes. Car ce qui est bon pour la commodité de texture souhaitée par l’agroalimentaire ne l’est pas forcément pour la qualité de notre alimentation.
C’est grâce au droit de culture et d’échange que des générations de paysans ont créé, conservé et renouvelé des centaines de milliers de variétés différentes. Les paysans doivent donc être reconnus à juste titre comme les principaux acteurs de la conservation des espèces. En choisissant à chaque génération les plus belles plantes pour les multiplier, le paysan favorise leur adaptation naturelle aux conditions locales non homogénéisées et plus dépendantes des engrais et des pesticides.
Au-delà du métier de paysan, que l’on ne saurait amputer, au-delà de la biodiversité cultivée, qui ne saurait se limiter aux plaquettes de communication, cet amendement ouvre la mise en conformité de la France par rapport à sa signature à Nagoya, en permettant demain la reconnaissance des droits collectifs d’usage de certaines communautés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Madame Blandin, c’est un amendement que vous recyclez régulièrement ! Nous avons déjà largement débattu de ce sujet. Vous ouvrez une alternative de plus aux semences de ferme.
Aussi, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 33, présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour application des articles 5 et 6 du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l'agriculture, il est instauré une taxe sur les semences non librement reproductibles. Le produit de cette taxe sera destiné à encourager et soutenir la recherche publique pour la sélection et la mise sur le marché de semences reproductibles, les efforts des agriculteurs pour gérer et conserver les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture et leur implication dans des programmes de sélection participative qui renforcent la capacité de mise au point de variétés spécifiquement adaptées aux différentes conditions sociales, économiques et écologiques, y compris dans les zones marginales. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Qui, sur les travées du Sénat, a peur de la recherche ?
Personne, au contraire, même si, monsieur le ministre, vous sembliez vous en inquiéter dans votre déclaration liminaire, lorsque nous avons commencé l’examen de ce texte !
La présence assidue des écologistes dans les débats parlementaires consacrés à la recherche, à l’université, aux grandes institutions, devrait rassurer ceux qui vous ont mal conseillé pour cette alarme.
Nous tenons tant à la recherche en agronomie que, dans les collectivités territoriales où des responsabilités nous ont été confiées, au-delà du financement des laboratoires « classiques », nous avons mis en place des dispositifs participatifs, qui allient la demande des professionnels et des citoyens pour construire des programmes, l’expertise d’usage des agriculteurs et les protocoles rigoureux des chercheurs de l’INRA, comme en Île-de-France sur les variétés de blé panifiables.
Nous proposons d’apporter des financements à ce type de recherche, tournée vers la sélection participative, appuyée sur des savoir-faire de terrain, orientée vers la diversité et l’adéquation aux besoins comme au sol et au climat, au nom de leur contribution remarquable à la biodiversité cultivée. Leurs travaux s’inscrivent résolument dans la mise en œuvre des priorités ratifiées par le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture.
Pour permettre ce financement, nous proposons une taxe sur les semences sélectionnées ou transformées, mais rassurez-vous, pas toutes, seulement celles qui ont été transformées pour être rendues infertiles et non reproductibles.
C’est une urgence : la biodiversité cultivée a subi une érosion de 75 %, selon les derniers rapports de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO. La mise au point et la commercialisation des semences hybrides F1, ou de génomes privés de leur capacité reproductive, faites par les firmes semencières contribuent à cet appauvrissement.
Comme le rappelle Laurent Urban, ancien directeur de recherche à l’INRA, les plantes issues de ce type de semences sont figées dans leur capacité d’adaptation à un environnement changeant. Figées, elles ne peuvent participer à l’avenir de l’humanité. Elles méritent donc une petite taxe pour financer beaucoup de recherche !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Cet amendement tend à créer une taxe supplémentaire,...
M. Christian Cambon. Une de plus !
M. Rémy Pointereau, rapporteur. ... ce qui est encore en contradiction avec l'amendement n° 23 que vous avez défendu, madame Blandin, qui visait à ne plus faire payer de droits aux agriculteurs.
Mme Marie-Christine Blandin. Ce ne sont pas les mêmes !
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Je comprends tout à fait votre objectif. Il s’agit probablement d’un amendement d’appel, puisque le dispositif est peu opérationnel : ni l’assiette, ni le taux, ni les modalités de recouvrement de cette taxe ne sont précisés.
Sur le fond, l’instauration d’une taxe sur les semences n’est certainement pas le meilleur moyen d’encourager la recherche sur des variétés végétales nouvelles adaptées aux nouveaux enjeux.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, pour les mêmes raisons.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur l'article.
M. Daniel Raoul. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu ce que vous avez « engrangé » concernant les cultures biologiques. D’ailleurs, je vous remercie de votre action dans ce domaine.
Ainsi que m’y a invité M. Ollier lorsque j’ai présenté les amendements nos 14, 15, 16 et 17 tendant à insérer des articles additionnels après l'article 14 afin que soit assurée une représentation pluraliste des organisations professionnelles agricoles dans le collège des producteurs au sein des organisations interprofessionnelles, je vous interroge sur ce sujet.
Nous avions déjà défendu ces quatre amendements lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche au Sénat, au mois de mai 2010. À l’époque, monsieur le ministre, vous nous aviez fait part de votre conviction : « le sens de l’histoire est d’aller vers une représentation plurielle des organisations syndicales », « c’est selon moi souhaitable ». À vous entendre, cette évolution se produirait inévitablement, de façon spontanée. Pourtant plus d’un an plus tard, nous n’y sommes pas encore !
Nous avons tous en mémoire la situation de blocage des mois d'octobre et de novembre derniers lors de la crise de l’interprofession laitière : la demande légitime des syndicats minoritaires n’ayant pas été entendue par leurs partenaires, ils ont été réduits à agir de façon désespérée pour donner un écho à leurs revendications ! Il est vraiment regrettable d’en arriver là.
Monsieur le ministre, les pouvoirs publics étant à l’origine de la reconnaissance des organisations interprofessionnelles et, par conséquent, de l’extension des accords, nous estimons que leur représentativité doit être garantie par la loi. Selon nous, seules des dispositions législatives peuvent résoudre une situation conflictuelle et rétablir un climat de confiance et de concertation entre les différents représentants du monde agricole.
Certes, je le sais, aux mois d'octobre et de novembre derniers vous avez étendu les invitations, mais cela n’équivaut pas à une reconnaissance dans les organisations interprofessionnelles.
Il nous semble important d’assurer aujourd’hui cette responsabilité dans la loi. Or on nous a répondu que ces amendements étaient des cavaliers législatifs. Je veux bien le croire ; d’ailleurs, nous savons y faire. (Sourires.) Toutefois, certains cavaliers peuvent avoir une portée, et point n’est besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer. Ces amendements portent aussi sur l’interprofession semencière, qui, comme nous venons de le voir, a un grand rôle à jouer pour établir les conditions d’application de la dérogation permettant les semences de ferme. Cette ouverture à toutes les organisations agricoles représentatives permettrait au GNIS de gagner en légitimité.
Monsieur le ministre, même si nos amendements ont déjà été rejetés, je souhaite connaître votre position sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Je serai très bref car nous nous éloignons quelque peu de la proposition de loi relative aux certificats d’obtention végétale.
Monsieur le sénateur, j'ai toujours indiqué que j'étais favorable à ce que les discussions sur l'avenir de l'agriculture soient les plus ouvertes possibles et fassent une place à tous les syndicats représentatifs du monde agricole, la FNSEA, les Jeunes Agriculteurs, la Coordination rurale, la Confédération paysanne. Quel que soit le sujet – le problème des pailles, comme c’est actuellement le cas, ou celui de l'élevage –, nous associons l'ensemble des organisations syndicales représentatives.
Se pose ensuite la question des interprofessions. Elles sont de droit privé. J’ai déjà dit qu'il me semblait intéressant et utile qu'un dialogue s'amorce entre l'ensemble des organisations syndicales sur l'ouverture des interprofessions : il a commencé, mais n'est pas achevé. Pour ma part, je ne verrais que des avantages à ce que les interprofessions prennent l'initiative de s'ouvrir. Cependant, c'est aux interprofessions elles-mêmes de prendre cette décision, puisqu’il s’agit d’organisations de droit privé. Par ailleurs, le comportement responsable des uns et des autres est l'une des conditions de cette ouverture.