M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il est d’usage, quand est ainsi discuté un tel projet de loi, de procéder à un certain nombre de commentaires techniques sur la gestion budgétaire courante de l’État. De même, bien souvent, place est laissée à l’opinion des sages de la Cour des comptes, appelés à valider la qualité de l’action de l’État et la sincérité des comptes.
Même si nous gardons à l’esprit que cette certification est accompagnée de réserves plus ou moins importantes, là ne me semble pas être le sujet essentiel.
Le sujet essentiel, c’est que le déficit budgétaire constaté s’élève à 148,8 milliards d’euros, atteignant tout de même de nouveau un niveau très élevé après un exercice 2009 affecté par l’engloutissement de sommes considérables dans les différents plans de sauvetage du pouvoir d’achat des banquiers, boursicoteurs et industriels.
Je constate d’ailleurs, sans que cela fasse vraiment débat, mais il importe de le rappeler ici, que la loi de règlement de l’année 2009, qui comportait déjà un certain nombre de mesures de même nature, s’était contentée – si l’on peut dire – d’un déficit de 138 milliards d’euros !
Circonstance aggravante : le déficit de l’année 2009 était imputable pour un peu plus de 8 milliards d’euros au solde des comptes spéciaux tandis que le déficit de l’année 2010 est corrigé d’environ 400 millions par le solde de ces mêmes comptes, devenu positif ! C’est-à-dire que le solde du budget général est passé d’un déficit légèrement inférieur à 130 milliards d’euros à un déficit supérieur à 149 milliards d’euros !
Pour les champions et les partisans de la révision générale des politiques publiques, voilà un franc succès !
À l’évidence, quelques questions se posent.
M. François Marc. Ah oui !
M. Thierry Foucaud. Quelles sont les raisons de ce dérapage du solde budgétaire primaire ? Comment le solde des comptes spéciaux est-il positif ?
Sur le solde budgétaire, les documents disponibles sont clairs.
On nous dit et on nous répète que la norme de progression des dépenses publiques est tenue. En version élargie, le niveau des dépenses s’est même réduit, passant de 363,6 milliards d’euros à 352,6 milliards d’euros.
Je passe sur quelques-unes des méthodes qui ont permis de modifier le champ des dépenses au sens large et d’en faire passer certaines ailleurs, pour ne considérer que les seuls services votés, et je constate que la situation est la même.
En fait, hormis l’ouverture du grand emprunt – 35 milliards d’euros, une vague dans l’océan de la dette publique –, le reste est tenu aux montants de l’année précédente.
Les politiques de compression des effectifs de la fonction publique, dont les limites sont de plus en plus évidentes quant à la qualité du service public, ont donc produit leurs effets. On parvient à rogner sur les dépenses de personnel de telle sorte que l’ensemble des dépenses ne progresse pas.
De la même manière, l’externalisation de coûts budgétaires, la compression des aides accordées à certains organismes, au milieu associatif, participe de cette politique de freinage de la dépense publique qui alimente et pervertit profondément le sens de l’action publique.
La réalité des faits est claire : tout a concouru, depuis 2007 et en 2010 en particulier, à comprimer la dépense budgétaire dont on ne peut, dès lors, se servir pour expliquer la réalité du déficit.
D’autant, pour en revenir sur un chapitre important, que ce n’est que maintenant, en 2011, moyennant une campagne de communication pour le moins bruyante, lancée lors d’une conférence de presse présidentielle, que l’on commence à engager le produit du grand emprunt, c’est-à-dire, en réalité, les intérêts du placement des 35 milliards d’euros !
C’est donc bel et bien du côté des recettes fiscales que la source du maintien du déficit est à rechercher, des recettes fiscales qui ont connu un « coup de moins bien » dans la dernière période de l’année.
Grâce à la consommation populaire, vous le savez, le dynamisme des recettes de TVA s’est à peu près maintenu, mais c’est du côté de l’acompte de l’impôt sur les sociétés de décembre que la situation s’est dégradée.
Cet impôt a pourtant, tant en 2009 qu’en 2010, fait l’objet de nombreux correctifs en faveur des entreprises assujetties qu’il s’agissait d’aider à traverser les tumultes de la crise.
L’objectif est atteint, avec un impôt sur les sociétés dont le rendement pour 2010 est tombé à 33 milliards d’euros et dont la dépense fiscale associée est devenue l’un des facteurs essentiels de déperdition de recettes.
Au demeurant, à la suite du rapport de la Cour des comptes et du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, qui avaient mis en cause la dépense fiscale en faveur de l’activité, voici que la direction du Trésor confirme, dans une étude publiée cette semaine, la tendance globale.
Plus les entreprises sont grandes et plus la contribution qu’elles versent au budget général est réduite, voire inexistante. Les entreprises du CAC 40 sont trop faiblement imposées ; c’est d’ailleurs ce que soulignent depuis deux jours un certain nombre de quotidiens nationaux, l’un d’eux rappelant même les conclusions du rapport de Gilles Carrez, rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale. Voilà qui confirme ce que nous disons depuis longtemps.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est votre lecture ! Elle est un peu tendancieuse !
M. Thierry Foucaud. Je veux bien que nous analysions ce rapport, monsieur le rapporteur général !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Volontiers, mon cher collègue, nous le ferons ensemble !
M. Thierry Foucaud. D’accord !
Mme Nicole Bricq. Et nous, alors ? (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Vous aussi, vous serez de la fête, ma chère collègue ! (Nouveaux sourires.)
M. Thierry Foucaud. Comme l’attestent les rapports que je viens d’évoquer, les grands groupes paient un impôt inférieur à celui des PME. En fait, si je procédais par comparaison, comme vous le faites parfois, cela signifie que l’épicier du coin paiera plus d’impôts que le groupe Total, qui, lui, de toute manière, n’en paiera pas !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est un peu simpliste !
M. Thierry Foucaud. Mais c’est la réalité !
La « valeur faciale » de l’impôt sur les sociétés, ce fameux taux de 33,33 %, n’a donc aucun sens, et c’est un fait que nous dénonçons depuis un bon nombre d’années.
La direction du Trésor établit dans l’étude précitée que les groupes inscrits au CAC 40 ont soldé pour 10 milliards d’euros sur les années 2007 à 2009, ce qui représente une moyenne d’imposition, monsieur le rapporteur général, de 0,4 % de leur chiffre d’affaires ! Et encore faut-il pointer que ce sont les entreprises publiques ou à participation publique, telles qu’EDF, Renault, GDF Suez ou encore France Télécom, qui se trouvent être les principaux contributeurs ! Pour Total et Vivendi, c’est tendance « zéro impôt en France » ! À tel point que, sur cent vingt exercices fiscaux de ces quarante groupes, cinquante-deux présentent un solde nul ou négatif !
C’est un fait incontestable, il faut mettre au nombre des causes principales de cette situation l’impact du régime du bénéfice mondial consolidé et celui du report en arrière illimité des déficits, sans oublier l’ahurissant crédit d’impôt recherche.
Ainsi, dans le monde de l’entreprise comme pour les ménages, plus on est gros, plus on est fort, et plus la fiscalité est douce ! C’est cette sorte de « pyramide inversée » – l’État s’endette pour que les grands groupes et les ménages les plus aisés paient moins d’impôt et daignent, éventuellement, contribuer au développement économique – qui est la source ininterrompue de nos déficits budgétaires.
De deux choses l’une : ou bien l’on ne cesse de faire la politique de Total, Vivendi, Bouygues ou encore Dassault Aviation, en multipliant cadeaux fiscaux et chasse gardée pour des contrats publics juteux, ou bien l’on décide de faire autrement, et ces entreprises contribuent, comme il se doit, à la prise en charge de la dépense publique.
M. le rapporteur général a parlé tout à l'heure de la fin du double langage.
Mme Nicole Bricq. Oui, c’est vrai !
M. Thierry Foucaud. Mais alors, à quand l’évaluation détaillée des niches fiscales ?
Mme Nicole Bricq. On attend !
M. Thierry Foucaud. Vu les masses financières en jeu, il est probable que la dette publique, qui croît à la vitesse où s’accumulent les déficits, constitue pour ces groupes industriels un intéressant produit de placement ! Ce qui n’est plus leurs impôts, et qui est devenu notre déficit, est aussi leur placement…
Un autre élément explique la situation des comptes publics telle qu’elle ressort de ce projet de loi de règlement : le redressement du solde des comptes spéciaux, qui tient à deux facteurs.
Je vois un premier facteur d’amélioration des comptes spéciaux dans le remboursement anticipé par les constructeurs automobiles des sommes qui leur avaient été avancées depuis 2008.
Ce remboursement, amplifié dans le collectif que nous avons adopté hier, peut être positivement interprété sur un plan strictement comptable. Pour autant, il a un prix, et, faut-il le rappeler, on ne peut que constater la dégradation du solde commercial de notre pays en matière automobile, une bonne partie des ventes de véhicules de nos constructeurs portant sur la réimportation de la production des usines étrangères de ces groupes.
Vous le savez, le segment Logan du groupe Renault, par exemple, se porte bien en France, mais il n’empêche que ces modèles sont fabriqués et usinés en Roumanie. D’ailleurs, Renault semble, pour l’heure, mettre en veilleuse la construction de son unité de production de batteries destinées aux véhicules hybrides que la marque doit produire bientôt.
Le second facteur de l’amélioration des comptes spéciaux est à chercher dans le report à 2011 de 1,4 milliard d’euros au titre de la participation de la France au plan « Grèce » – vous en avez parlé dans votre intervention liminaire, monsieur le secrétaire d'État, et nous l’avons vu dans le collectif budgétaire.
La belle affaire, serais-je tenté de dire ! Et tout cela parce qu’il fallait un peu plus de temps que prévu à la Commission européenne et au FMI pour imposer au gouvernement grec le plan d’austérité sans précédent qui est associé à leur prétendue « aide »,…
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il faut que nous payions plus pour eux ? C’est ce que vous proposez, mon cher collègue ?
M. Thierry Foucaud. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Doit-on leur prêter à un taux moins élevé ?
M. Thierry Foucaud. Ce que je dis, c’est que le budget général de l’État français se trouve ainsi, pour 2010, corrigé positivement de 1,4 milliard d’euros ! Tel était le sens de mon propos !
C’est aussi avec ce genre d’artifices comptables que l’on évite tout bonnement que la barre des 150 milliards d’euros de déficit observé soit dépassée, avec toute la portée que cela peut avoir sur l’opinion publique dans l’Hexagone et au-delà !
Pour autant, comme nous l’avons vu avec le collectif budgétaire, l’Europe est maintenant prête à se repaître d’une Grèce que des années de libéralisme, de « moins-disant » fiscal et social, de politiques structurelles européennes et de privatisations ont rendue exsangue.
Aujourd'hui, la Grèce est à vendre, et le magasin est grand ouvert, avec la crainte que la période des soldes ne soit décrétée tout de suite !
Dépenses publiques rationnées, recettes fiscales de plus en plus marquées par l’inégalité entre les contribuables, choix stratégiques discutables, fuite en avant dans la logique libérale qui surévalue l’euro et étouffe les possibilités de croissance, rien ne peut, dans ce projet de loi de règlement, nous faire varier dans notre opposition au budget 2010 et à son exécution. C’est pourquoi nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons donc aujourd'hui le projet de loi de règlement pour l’année 2010, dernière loi de règlement de la législature en cours.
Au-delà du simple exercice comptable 2010, nous allons voir que cet arrêté des comptes est révélateur des dommages directement causés par la stratégie mise en œuvre par le Gouvernement durant les années passées.
Quatre lois de finances rectificatives en 2010 !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n’est pas mal !
M. François Marc. C’est un nombre inhabituel !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ce fut un grand plaisir !
M. François Marc. Avec 35 milliards d’euros de dépenses supplémentaires, le premier collectif budgétaire, qui nous a d’ailleurs été présenté quelques semaines après le projet de loi de finances initiale, a d’emblée donné le ton : la trajectoire budgétaire initialement prévue ne serait sciemment pas respectée...
Que peut-on finalement retenir de ce projet de loi de règlement des comptes et du rapport de gestion pour l’année 2010 ?
L’exécution budgétaire de l’année 2010 s’est achevée sur un déficit de l’État de 148,8 milliards d’euros, accru de 10 milliards d’euros par rapport au niveau déjà exceptionnellement élevé de 2009 et supérieur de 31,4 milliards d’euros au montant initialement prévu en loi de finances !
Rappelons que, depuis 2007, le déficit de l’État n’a pas diminué. Il s’est même accentué de 117,4 milliards d’euros. Entre 2002 et 2010, il aura été multiplié par trois, pour représenter aujourd’hui près de la moitié des dépenses nettes du budget général !
La dette de l’État continue de se creuser, l’accumulation des déficits budgétaires successifs augmentant chaque jour un peu plus son coût.
Faut-il rappeler que 27 % des dépenses courantes de l’État, hors intérêt de la dette, ne sont pas financées par des ressources permanentes et doivent être couvertes par de nouveaux emprunts !
Côté recettes, « l’effritement du rendement de nos impôts » se ressent au niveau des recettes fiscales de 2010 : 171,9 milliards d’euros, contre 232,4 milliards d’euros en 2007. Quand allons-nous réformer l’ensemble de nos prélèvements et de leurs assiettes ? La question vient d’ailleurs d’être posée par notre collègue Thierry Foucaud.
À mon sens, une réforme équitable devra mieux prendre en compte le revenu réel dans les différents prélèvements fiscaux ; c’est un préalable au renouvellement de notre pacte républicain.
Je profite de notre discussion pour attirer votre attention sur une autre conséquence symptomatique : la dangereuse diminution, d’année en année, du taux de couverture des dépenses par les recettes : 85,9 % en 2007, 79,5 % en 2008, 55,3 % en 2009, puis seulement 53,3 % en 2010, ce qui correspond, en trois ans, à une baisse de 32,6 points.
Côté dépenses, qu’en a-t-il été en 2010 ?
Les dépenses de l’État se sont fortement éloignées des prévisions votées en loi de finances initiale, notamment du fait des investissements d’avenir : 352,5 milliards d’euros selon le Gouvernement, 355,8 milliards d’euros selon la Cour des comptes. En réalité, elles sont plus élevées : il faut compter 3,3 milliards d’euros supplémentaires !
En effet, le Gouvernement a exclu du champ de la norme, à hauteur de 3 milliards d’euros, plusieurs mesures budgétaires grâce à des mesures de transfert et de périmètre. Mais cette méthode de contournement n’a échappé à personne. La règle du « zéro volume » a donc été respectée, mais en apparence seulement...
Nous pouvons faire ce même diagnostic pour ce qui concerne la débudgétisation des dépenses d’investissement du grand emprunt. En effet, 35 milliards d’euros environ ont ainsi été sortis du périmètre de la norme. Monsieur le secrétaire d'État, quel suivi sera-t-il fait de ces dépenses dérogatoires ?
Tout cela semble bien étranger aux principes d’unité et d’universalité budgétaires.
La faiblesse des taux d’intérêt en 2010 a engendré un gain conjoncturel de 10 milliards d’euros, mais nombreux sont ceux qui restent perplexes quant à l’utilisation qui en a été faite. Ces « économies de constatation » étaient une bonne surprise. Pourquoi ne pas avoir affecté les sommes correspondantes à la résorption du déficit ? Vous avez fait le contraire et même pire, en les affectant à une dépense largement supérieure : 17 milliards de dépenses nouvelles, soit un dérapage de pas moins de 4,3 milliards d’euros !
Dans ces conditions, que retiendra-t-on de l’exécution de l’exercice budgétaire 2010, qui parachève en quelque sorte l’actuel quinquennat ?
Que l’inflation est fortement repartie à la hausse, avec une augmentation de 1,5 % en 2010, contre une baisse de 0,2 % en 2009.
Que la progression du pouvoir d’achat des ménages s’est nettement ralentie : avec une croissance de 0,8 % en 2010, contre 1,3 % en 2009.
Que le taux de chômage est revenu à son niveau record de 1999 et demeure supérieur au niveau qui était le sien avant la crise économique. Tout récemment, les chiffres de l’INSEE nous ont encore fait l’effet d’une douche froide.
Pourtant, les décisions fiscales de ces dernières années avaient pourtant auguré du meilleur en matière d’emploi ! Souvenez-vous, vous deviez « libérer des gisements d’emploi », afin d’atteindre le plein emploi.
Mme Nicole Bricq. Oui !
M. François Marc. Or le chômage persiste à un niveau préoccupant, et ce malgré ce que vous appelez l’« économie du ruissellement », qui devait opérer.
Enfin, on retiendra aussi que l’explosion des hauts revenus et des revenus du capital creuse toujours les inégalités entre les plus pauvres et les plus aisés.
Votre stratégie fiscale cible essentiellement les catégories plus privilégiées, au détriment de la majorité des Français, et cela avec un coût considérable pour les finances publiques. En détricotant ainsi la fiscalité du patrimoine, vous avez clairement contribué à favoriser une évolution « en sablier » de la société.
Le Gouvernement a-t-il tenté de redresser la barre en agissant sur les niches fiscales ? A-t-il entrepris un quelconque toilettage, maintes fois évoqué ? La commission des finances indique dans son rapport qu’au contraire les mesures discrétionnaires ont augmenté les dépenses fiscales de 1,9 milliard d’euros en 2010 !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Tout à fait !
M. François Marc. En 2010, l’obsession patrimoniale du Gouvernement est donc restée intacte.
Comble de l’ironie, plusieurs dépenses fiscales ont même dépassé le coût estimé en loi de finances initiale ! Il en va ainsi de la TVA sur la restauration – 3,13 milliards d’euros, au lieu de 3 milliards d’euros –, du crédit d’impôt recherche – 4,5 milliards d’euros, au lieu de 4 milliards d’euros –, de l’ISF-PME – il a aussi dépassé de 100 millions d’euros sa prévision et atteint 768 millions d’euros –, des exonérations fiscales des heures supplémentaires et du crédit d’impôt relatif à la déductibilité des intérêts d’emprunts pour l’achat de la résidence principale. Bien que supprimé depuis le 1er janvier 2011, ce crédit d’impôt a coûté 1,5 milliard en 2010 et coûtera encore 2 milliards d’euros en 2011.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Oui, mais ce sera fini ensuite !
M. François Marc. Cela a tout de même pesé, monsieur le rapporteur général, pour 2 milliards d’euros.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !
M. François Marc. La réforme de la taxe professionnelle a également coûté plus cher à l’État en 2010 que ce que disait le Gouvernement.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Absolument !
M. François Marc. Cette mesure n’a d’ailleurs pas fini de faire parler d’elle ! Jusque dans les rangs de la majorité, on est très embarrassé face au « surcoût temporaire » estimé à 9,2 milliards d’euros !
On ne sait toujours pas dire quelle sera la charge nette ayant pesé sur le budget de l’État au titre de la première année de la réforme de la taxe professionnelle !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !
M. François Marc. La Cour des comptes le déplore aussi ! S’agit-il de 7,5 milliards d’euros ? De 9 milliards d’euros ? On a toujours des doutes sur ce point.
La suppression de la taxe professionnelle avait par ailleurs été, pour la majorité, l’occasion d’accuser les élus locaux des pires maux. Souvenez-vous : ils étaient dispendieux, peu soucieux des deniers publics, voire irresponsables.
Pour revenir sur cet épisode passé, j’ai lu avec satisfaction le rapport la Cour des comptes qui, pour la première fois, analyse précisément la part du déficit structurel relevant de l’État et celle qui relève des collectivités locales et des administrations de sécurité sociale.
On apprend que le déficit structurel est essentiellement dû à l’État. Contrairement au discours culpabilisateur des dernières années, les collectivités locales ne sont donc en rien responsables du déficit public. (M. le rapporteur général de la commission des finances s’exclame.)
Les fondements de la défausse de l’État sur les élus locaux ne tient plus ! Selon nous, le Gouvernement a donc eu tort d’accuser les collectivités territoriales de trop dépenser. Face à la crise, ce sont même les collectivités locales qui ont fait tampon et qui ont évité une dégradation encore plus forte des finances publiques...
Il était bon, je crois, de le rappeler, d’autant que, désormais, de nouveaux boucs émissaires sont dans la ligne de mire du Gouvernement. Après les élus locaux, le chef de l’État s’autorise à faire porter le chapeau des déficits accumulés à la gauche !
À la lumière de ce qui s’est pratiqué depuis dix ans et que j’ai rappelé ici, il est pourtant éclatant que le Gouvernement ne peut s’en prendre qu’à lui-même : 70 milliards d’euros d’allégements fiscaux depuis 2002, 40 milliards d’euros depuis 2007, en grande partie pour les populations les plus aisées. J’ajoute que ces allégements fiscaux ont été entièrement payés à crédit !
Le Gouvernement a soumis notre pays à une règle de plomb en creusant comme jamais son déficit public. D’après la Cour des comptes, l’explosion de la dette en France est due à la gestion de la droite durant les années récentes.
D’ailleurs, dans son récent rapport, la Cour des comptes démontre ainsi qu’en France le déficit est bien structurel : « La crise explique au plus 38 % du déficit, qui est surtout de nature structurelle et résulte largement de mesures discrétionnaires. » Tout est dit ! Sur les 140 milliards d’euros de déficit de 2010, 100 milliards d’euros au moins sont d’origine structurelle.
Comment s’y sont pris nos voisins européens, puisque l’on nous répète souvent qu’il faut savoir se comparer aux autres ?
En 2010, notre déficit atteint 7,1 % du PIB, contre 5,8 % pour la zone euro hors France et 3,3 % pour l’Allemagne. Or, en 2005, la France et l’Allemagne avaient le même déficit. Qu’est-ce qui nous distingue donc tant de l’Allemagne ?
Pendant la période de croissance qui précédait la crise, l’Allemagne a réduit ses déficits. Elle a ramené son déficit à zéro en 2008, quand la France le laissait dériver. Il est donc incroyable que le chef de l’État se laisse aller à donner des leçons, alors que le déficit de la France s’est creusé deux fois plus vite que celui de l’Allemagne depuis son élection !
Avec la stratégie fiscale en vigueur, la France et les Français perdent sur tous les tableaux.
Notre commerce extérieur n’a jamais été dans une situation aussi dramatique. Notre dette publique se situe à un niveau préoccupant. Les déficits atteignent des sommets, la hausse du pouvoir d’achat promise n’est pas au rendez-vous, la « France qui se lève tôt » est pénalisée au profit des plus favorisés, les injustices se creusent et l’appareil productif se dégrade.
La politique budgétaire et fiscale du Gouvernement fait supporter aujourd’hui à chaque Français une dette de 25 278 euros, dont la durée moyenne de remboursement est de sept ans et soixante-huit jours ! Les Français ont-ils besoin de cela en pareil contexte de crise économique et sociale ? Je pose la question, mais la réponse est évidente.
En 2010, la rigueur était partout, sauf dans les comptes publics. Personne n’est dupe ! Il va de soi que les efforts demandés aux Français sont immédiatement annulés par des réductions d’impôts non financées. La Cour des comptes l’a bien indiqué : l’abaissement de la TVA sur la restauration à 5,5 % équivaut à huit années de remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Il en va de même pour de nombreuses réformes encore plus coûteuses et moins financées, comme celle de la taxe professionnelle ou la réduction d’impôt sur les heures supplémentaires.
Cette rétrospective bien calamiteuse montre combien les choix budgétaires de la majorité ont été mauvais, car porteurs à la fois d’inefficacité économique et d’injustice sociale. Les profondeurs abyssales du déficit, le rebond limité des recettes, l’augmentation persistante des dépenses fiscales, le non-respect de la norme « zéro volume » d’augmentation des dépenses, constituent autant de motifs de désaccord sur ce texte.
Le bilan pour 2010 est accablant ! Le projet de loi de règlement des comptes et le rapport de gestion pour l’année 2010 ne laisse en effet entrevoir aucune alternative pourtant indispensable aujourd’hui au redressement de la France.
Pour toutes ces raisons, nous appelons à ne pas voter ce projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Bernard-Reymond.
M. Pierre Bernard-Reymond. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, pour la cinquième année consécutive nous examinons le projet de loi de règlement en « mode LOLF ».
Cette année encore, le Sénat a pleinement utilisé ses prérogatives en matière de contrôle grâce à l’excellent travail de notre rapporteur général. Je souhaite lui dire combien je souscris à ses propos liminaires sur la loi de règlement dans un univers « maastrichtien ».
Je voudrais également saluer le travail des quarante-sept rapporteurs spéciaux, qui nous ont permis d’examiner de façon très précise ce projet de loi de règlement.
Le présent texte s’inscrit dans un contexte de sortie progressive de crise et d’efforts de relance de l’économie, notamment au travers des investissements d’avenir liés au grand emprunt.
L’exercice 2010 s’achève sur un déficit budgétaire de près de 149 milliards d’euros, en augmentation, certes, d’un peu plus de 10 milliards d’euros par rapport à 2009, mais je rappelle que la précédente loi de règlement pour l’année 2009 faisait état d’une augmentation considérable du déficit liée à la crise, de 80 milliards d’euros par rapport à 2008.
Cette importante décélération du déficit budgétaire résulte à la fois des efforts de maîtrise des dépenses publiques, avec un respect en 2010 de la norme d’évolution de dépenses « zéro volume », mais aussi des prémices de la reprise économique, grâce en partie aux effets du plan de relance ciblant les ménages et les entreprises, qui ont permis d’augmenter les rentrées fiscales au travers de la reprise de l’activité économique.
En effet, les recettes nettes du budget général s’établissent à 271,8 milliards d’euros en exécution 2010, contre 267,1 milliards d’euros prévus en loi de finances initiale et 233,7 milliards d’euros en 2009.
S’agissant des recettes fiscales, ce rebond résulte aussi du contrecoup du plan de relance, avec la non-reconduction des mesures de soutien à hauteur de 17,5 milliards d’euros, et des suites de la réforme de la taxe professionnelle, avec un solde positif de 14,5 milliards d’euros.
La réforme de la taxe professionnelle a majoré les recettes fiscales, avec de nouvelles impositions locales transitoirement encaissées par l’État, l’impact de la réforme sur la fiscalité des installations nucléaires de base et ainsi que la diminution des dégrèvements liée à la suppression des dégrèvements de taxe professionnelle.
Si le déficit continue d’augmenter, mais dans une moindre mesure, cela est essentiellement dû aux dépenses consenties pour le financement des investissements d’avenir dans le cadre du grand emprunt.
La loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 avait ouvert, au titre du programme des investissements d’avenir, 35 milliards d’euros de crédits, ventilés en cinq priorités : l’enseignement supérieur et la formation ; la recherche ; les filières industrielles et les PME ; le développement durable ; le numérique.
Il convient de rappeler que, sur ces 35 milliards d’euros, 15 milliards d’euros constituent des dotations non consomptibles et ne peuvent pas être directement utilisées par les différents bénéficiaires : seuls les revenus représentatifs de la rémunération du dépôt de ces fonds au Trésor peuvent être utilisés en vue de financer des projets.
Ces sommes ne sont pas directement dépensées. Leur gestion a été confiée à dix opérateurs, dont 17,6 milliards d’euros à la seule Agence nationale de la recherche.
Douze programmes du budget général de l’État, créés pour l’occasion, retracent pour 2010 les priorités ainsi retenues dans les rapports annuels de performances des missions budgétaires concernées. La disparition de ces programmes est prévue dès 2011 puisque, du point de vue du budget de l’État, la totalité des crédits a été décaissée en 2010.
Le groupe UMP se félicite de ce choix du Président de la République d’investir massivement dans des secteurs d’avenir au moment de la crise, choix qu’il a défendu et dont il a tiré un premier bilan très positif lors de la conférence de presse qu’il a tenue le 27 juin dernier.
Nous nous félicitons que le mode de financement de ces investissements ne se résume pas à des subventions, mais s’apparente au financement de fondations dotées en capital.
Nous approuvons également les réallocations qui vont être faites dans la sûreté nucléaire à la suite de la catastrophe nucléaire de Fukushima, à hauteur de 1 milliard d’euros supplémentaires.
Enfin, 1 milliard d’euros seront attribués aux formations innovantes dans la recherche et l’université, un secteur soutenu par l’ancienne ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Pécresse, dont notre groupe tient à saluer l’arrivée à Bercy et la très remarquable réussite dans ses fonctions antérieures.
L’heure doit donc être à l’optimisme lucide. La France se redresse, mais elle doit poursuivre ses efforts et même les accentuer.
Des signes encourageants ont été notés en 2010, avec un déficit public en diminution par rapport à la prévision, à 7 % du PIB au lieu des 8,5 % prévus dans la loi de finances initiale. Bien sûr, nous nous en félicitons.
Mais nous devons également rester concentrés sur notre objectif : ramener le déficit public à 3 % du PIB en 2013. Dans un contexte économique mondial chaotique et imprévisible, et à l’heure où certaines économies européennes vacillent, nous nous devons d’être exemplaires.
Les efforts qui devront être consentis dans le prochain projet de loi de finances seront encore très durs ; le débat d’orientation des finances publiques pour 2012, auquel nous participerons cet après-midi, sera l’occasion de le rappeler.
Au terme du processus que la loi organique relative aux lois de finances instaure, la Cour des comptes a certifié les comptes, moyennant sept réserves, contre neuf en 2009 et douze en 2008, vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État.
La Cour des comptes a ainsi certifié les comptes pour la cinquième année consécutive.
Dans ces conditions, et pour l’ensemble des raisons que j’ai indiquées, le groupe UMP votera le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour 2010. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.)