Mme la présidente. La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il existe en France, à la différence de la situation qui prévaut dans les pays anglo-saxons, une défiance traditionnelle et spontanée envers les élus. Les élus y ont toujours été contestés.
Cette défiance va – hélas ! – grandissant, bien que les élus locaux, notamment les maires, conservent une popularité importante. Cette défiance s’explique par l’enthousiasme croissant des médias pour le spectaculaire et par l’acharnement de certains juges qui, se parant de l’habit du chevalier blanc, mènent de véritables offensives contre les élus.
S’ajoute à cette crise de défiance une transformation de la fonction d’élu local sous l’effet des importants transferts de compétences liés aux lois de décentralisation. Ces transferts font peser sur l’élu d’innombrables responsabilités, exigeant une disponibilité de tous les instants. Ils l’obligent à d’importants sacrifices familiaux et professionnels afin de se consacrer pleinement à la chose publique. Ils lui imposent enfin d’appréhender un vaste éventail de règles et de normes qui s’est élargi dans tous les domaines.
Ainsi, mes chers collègues, nous assistons aux prémices d’une crise des vocations, particulièrement dramatique dans les petites communes, crise qui menace la vitalité de notre démocratie.
Je souscris donc pleinement à la proposition de loi déposée par Bernard Saugey et Marie-Hélène Des Esgaulx, qui vise à renforcer l’attractivité du mandat local et à en faciliter l’exercice.
L’élu local doit être en mesure de libérer le temps nécessaire à l’exercice de son mandat, de faire face sans drame aux aléas de l’élection, de pouvoir subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille et, enfin, de pouvoir bénéficier, s’il le désire, d’une formation.
Enfin – c’est sur ce point que j’aimerais concentrer mon propos –, il doit pouvoir compter sur un régime de retraite adapté pour envisager l’avenir sans appréhension.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais attirer votre attention sur la différence de traitement existant entre les élus ayant cessé leur activité professionnelle pour se consacrer exclusivement à leur mandat et les élus ne l’ayant pas cessée.
Les premiers sont affiliés, pour leur retraite de base, à l’assurance vieillesse du régime général de la sécurité sociale. Par ailleurs, au même titre que les seconds, ils sont également affiliés à l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques, l’IRCANTEC.
En revanche, alors qu’ils ont consenti d’importants sacrifices pour se dévouer entièrement à leurs concitoyens, ils ne peuvent pas acquérir de droits à pension auprès du régime de retraite par rente, comme le Fonds de pension des élus locaux, le FONPEL, ou la Caisse autonome de retraite des élus locaux, la CAREL.
Pour pallier cette injustice, il serait souhaitable d’autoriser ces élus à cotiser au régime de retraite par rente géré dans le cadre du FONPEL ou de la CAREL. C’était l’objet d’un amendement de mon collègue Antoine Lefèvre. Frappé d’irrecevabilité financière au titre l’article 40 de la Constitution, il ne peut faire l’objet d’un examen ni en commission ni en séance.
Monsieur le ministre, vous connaissez bien cette situation. Vous vous en étiez d’ailleurs ému en déposant, il y a certes longtemps, une proposition de loi allant dans ce sens.
M. Michel Houel. Je vous demande donc si le Gouvernement envisage de réparer cette injustice.
Pour conclure cette intervention, je voudrais rendre hommage aux élus locaux dont la Haute Assemblée connaît bien les difficultés, puisque beaucoup d’entre nous exercent des responsabilités locales.
Nous savons la solitude de l’engagement local, surtout dans les petites communes. Nous savons les difficultés à répondre aux attentes croissantes de nos concitoyens. Nous savons enfin la quasi-impossibilité de concilier vie familiale, vie professionnelle et mandat.
Je voudrais également rendre hommage à ces élus locaux qui, pour soulager le budget de leur commune, renoncent à leurs indemnités. À ce titre, monsieur le ministre, ils ne peuvent cotiser à aucune caisse de retraite.
Je voudrais aussi rendre hommage à ces élus locaux qui, ayant perdu leur emploi durant leur mandat, se trouvent dans une situation ubuesque, puisqu’ils sont obligés de pointer à Pôle emploi alors qu’ils sont en charge d’une part de l’avenir de la France !
Enfin, je voudrais rendre hommage à ces élus qui consentent d’énormes sacrifices pour perpétuer une certaine idée de ce qu’est la France. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je débuterai mon intervention par quelques observations.
Tout d’abord, je voudrais dire tout le bien que je pense de cette proposition de loi. C’est une initiative pertinente et bienvenue.
Cependant, j’ajoute immédiatement qu’elle est d’autant plus bienvenue qu’elle intervient après deux ans de débats sur la réforme territoriale, qui ont laissé un goût amer aux élus locaux. Elle exprime comme un remords, après toutes les accusations qui ont pu être lancées contre les différents élus à l’occasion de cette réforme.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le Sénat cherche à se rattraper !
M. Alain Anziani. Il s’agit donc d’un texte de complément, qui ne parviendra cependant pas à adoucir les effets de la réforme territoriale.
À ce titre, je voudrais signaler à M. le ministre que démonstration est faite des difficultés occasionnées par la réforme territoriale. Nous sommes en effet tous confrontés aux nombreuses interrogations suscitées par le redécoupage de la carte intercommunale.
Monsieur le ministre chargé des collectivités territoriales nous a certes apporté quelques précisions. Néanmoins, il demeure nécessaire de redéfinir les pouvoirs du préfet.
Il y a à l’évidence une contradiction : on veut rendre plus attractif le mandat local mais on diminue en même temps le pouvoir de l’élu local au profit du représentant de l’État ! Il se pose à ce sujet des questions simples pour lesquelles nous n’avons pas de réponse ! J’ai d’ailleurs posé une question écrite au ministre chargé des collectivités territoriales sur les modalités d’adoption du futur schéma départemental de coopération intercommunale et la notion de « proposition alternative au projet du préfet », et j’attends toujours la réponse.
Je vous pose la question directement, monsieur le ministre : qu’est-ce qu’une « proposition alternative » ? Je me demande – et la France avec moi ! – quelle « proposition alternative » serait de nature à amender le projet de schéma départemental de coopération intercommunale élaboré par le préfet. Proposer le statu quo sera-t-il considéré comme une « proposition alternative » ? Il s’agit d’une question très importante qui reste sans réponse !
Néanmoins, je le redis, ce texte est intéressant. Il l’est d’autant plus que la plupart des propositions sont reprises du projet de loi n° 61. À mon tour, je souhaiterais – d’autres ont formulé la même demande avant moi – que le Gouvernement nous donne l’assurance que le projet de loi n° 61 sera bien inscrit à l’ordre du jour du Sénat, alors qu’il dort sur le bureau de celui-ci depuis le 21 octobre 2009 !
Je dois dire que j’en doute, car les propositions du présent texte ne sont que la reprise de nombre de dispositions du projet de loi n° 61. L’articulation entre ce qui nous est proposé aujourd'hui et ledit projet de loi me paraît donc difficile.
S’il s’agit ainsi d’une bonne proposition de loi, je dirai néanmoins à ses deux auteurs, non sans malice et amitié à leur égard, que, pour rendre le mandat local plus attractif, le mieux eût été qu’ils ne votent point la réforme territoriale, laquelle a été adoptée au Sénat à une seule voix de majorité ! Si l’on n’avait pas voté cette réforme qui affaiblit tant les collectivités territoriales, on aurait sans doute fait un plus grand pas en faveur de l’attractivité locale qu’avec cette proposition de loi !
Cela dit, je partage largement les préoccupations exprimées par les uns et les autres. Il faut un nouveau statut pour l’élu local. Pierre-Yves Collombat a souligné tout à l’heure avec force que les grandes avancées en la matière ont été celles du gouvernement Mauroy et du gouvernement Jospin. Ce nouveau statut doit permettre de progresser sur deux grands volets : les droits et les devoirs de l’élu.
En ce qui concerne les droits des élus, nous devrions à l’évidence faire front commun pour lutter contre le populisme ambiant, qui considère que les élus sont trop payés, quand il n’estime pas qu’ils ne devraient pas l’être du tout !
Nous avons tort, à gauche comme à droite, de fuir ce débat, qui s’affiche chaque jour dans la presse. Nous devrions rappeler avec force quelle est la nature du travail de l’élu local et que ce travail, pour être bien effectué, justifie une indemnité donnant à l’élu les moyens d’assumer ce mandat. Beaucoup d’entre nous ont souligné que la plupart des élus n’osaient même pas percevoir d’indemnité parce qu’ils ne voulaient pas alourdir le budget de leur commune. Le mot « alourdir » est d’ailleurs très significatif !
À ce titre, je fais une proposition – elle se heurtera, à n’en pas douter, à beaucoup de difficultés, y compris constitutionnelles – qui tend à dissocier le lieu de versement de l’indemnité du lieu de sa perception. Aujourd'hui, l’indemnité est versée par le conseil municipal. Pourquoi ne pas envisager une caisse nationale abondée par l’ensemble des collectivités – cela permettrait en outre une forme de péréquation – qui reverserait les indemnités aux élus ? Ma proposition, j’en suis conscient, pose également problème, mais je tenais à vous en faire part.
L’autre volet qui devrait être concerné par la réforme du statut de l’élu local concerne les devoirs de ce dernier. Nous sommes tous tenus à de nombreux devoirs, dont celui de probité. Je partage totalement les propositions contenues à ce sujet dans la présente proposition de loi, qui concernent les différents délits spécifiques aux élus, notamment les délits de corruption. Sur ces sujets, il faudra effectivement légiférer.
Cela étant, nous devrons faire preuve de beaucoup de pédagogie sur cette question, car il sera très difficile de nous faire comprendre de l’opinion publique. Le Sénat ne doit pas donner l’impression d’être animé par une sorte de corporatisme qui le pousserait à réduire systématiquement les peines encourues par les élus manquant au devoir de probité que j’évoquai à l’instant.
Les élus ont également un devoir d’écoute, un devoir de disponibilité, mais aussi un devoir de formation. Sur ce dernier point, je voudrais souligner que, dans la plupart des professions, il existe une obligation de formation, parfois de formation continue. Or, tout se passe comme si l’onction du suffrage universel rendait l’élu omnicompétent et capable du jour au lendemain de traiter de sujets aussi divers que l’urbanisme, les finances publiques ou la gestion du personnel ! Une démocratie moderne ne peut fonctionner ainsi ! Pour être en mesure d’assumer ses responsabilités et de dialoguer à armes égales tant avec les services qui dépendent de lui qu’avec l’État ou les autres collectivités, un élu doit être formé. En cas de manquement, sa responsabilité personnelle est engagée. À mes yeux, la formation va de pair avec la décentralisation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer l’initiative de nos collègues Marie-Hélène Des Esgaulx et Bernard Saugey.
Un tel sujet ne peut que nous interpeller, mais ne s’agit-il pas de créer l’attractivité du mandat local, plutôt que de la renforcer ?...
Comme cela a été souligné, l’élaboration d’un statut de l’élu cohérent et protecteur constitue l’une des revendications les plus constantes de tous ceux qui exercent des responsabilités locales. Certes, ce statut existe déjà, mais il est pour l’heure illisible et dépourvu de cohérence, parce qu’éclaté entre des textes tout à fait disparates : je citerai notamment la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d’exercice des mandats locaux, la loi du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels ou encore la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.
Si la proposition de loi dont nous sommes aujourd'hui saisis ne prétend pas remédier à cette situation, elle apporte néanmoins à l’évidence un certain nombre de réponses précises et pragmatiques, tout à fait bienvenues. Je tiens à saluer, à cet instant, le travail remarquable du rapporteur de la commission des lois.
Je souhaiterais maintenant revenir sur deux propositions que j’avais formulées en commission, concernant l’une les petites communes, l’autre les élus de l’opposition, sujet qui n’a pas encore été abordé à cette tribune.
Le plus souvent, les maires des petites communes renoncent au bénéfice de leurs indemnités, soit pour soulager le budget municipal, soit pour des raisons politiques, voire morales. J’avais donc suggéré – une telle mesure ne pourrait évidemment s’appliquer qu’à partir de 2014 – de transférer le service de ces indemnités à l’EPCI dont la commune est membre. Cela permettrait de remédier aux difficultés que nous constatons aujourd'hui. Certes, je n’ignore pas que la mise en œuvre d’une telle proposition poserait des problèmes, mais je pense que nous devrions pouvoir procéder aux réglages nécessaires d’ici à 2014. Je ne méconnais pas l’intérêt du dispositif proposé par notre collègue Jacqueline Gourault, mais je pense qu’il risquerait fort d’être contourné…
Par ailleurs, si nous avons tendance à nous intéresser en priorité aux élus majoritaires, par définition les plus nombreux, l’action des élus d’opposition dans les communes mérite d’être saluée. En effet, leur rôle est difficile, souvent très ingrat. Dans certaines municipalités, la perspective d’un changement de majorité est quasiment inexistante, pour des raisons sociologiques. Or, malgré tout, les élus minoritaires s’efforcent de contrôler le travail de l’exécutif, apportant ainsi une indispensable respiration démocratique. Ils le font avec des moyens dérisoires, sauf s’il s’agit de conseillers généraux, par exemple, d’autant que l’exécutif ne leur facilite pas toujours la tâche…
À mon sens, pour instituer un authentique dialogue démocratique au sein des communes, il serait souhaitable de créer un véritable statut de chef de l’opposition, comportant notamment un régime d’autorisation d’absence et des indemnités d’un montant comparable à celles d’un adjoint au maire. Je crois qu’il serait intéressant d’y réfléchir, car il faut renforcer aussi l’attractivité de la fonction d’élu de l’opposition. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Ollier, ministre. Je voudrais d’abord remercier de leur contribution l’ensemble des orateurs, auxquels j’ai déjà dans une large mesure répondu par anticipation dans mon intervention liminaire.
Monsieur le rapporteur, le Gouvernement retient votre suggestion s’agissant de la médaille d’honneur régionale, départementale et communale.
M. Pierre-Yves Collombat. Ah ! nous voilà rassurés ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Patrick Ollier, ministre. Abaisser de vingt à dix-huit ans – cela correspond à trois mandats de six ans – la durée de mandat exigée pour l’attribution de la médaille d’argent est une idée tout à fait pertinente. Par cohérence, il serait souhaitable, à l’avenir, de conditionner l’attribution des échelons suivants à des durées de mandat multiples de six. Nous allons réfléchir aux dispositions à prendre, qui relèvent bien sûr du domaine réglementaire. Vous avez donc satisfaction, monsieur le rapporteur.
Monsieur Collin, le Président de la République a annoncé, le 17 juin, qu’un texte de loi visant à mettre en œuvre les propositions du rapport Doligé serait présenté au Parlement avant la fin de l’année.
Madame Mathon-Poinat, j’ai cru comprendre que vous optiez pour une abstention de consensus.
Mme Josiane Mathon-Poinat. De prudence !
M. Patrick Ollier, ministre. Je salue l’esprit républicain dans lequel vous avez abordé ce débat. Certes, nous avons des désaccords, mais il me paraît important que nous puissions nous retrouver sur la défense des élus locaux.
Madame Gourault, vous avez rappelé que le Conseil constitutionnel a invalidé le projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région pour un motif de procédure parlementaire. Nous avons pris acte de cette décision. Le Sénat examinera le texte dès lundi prochain : j’en remercie la conférence des présidents et la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous le pouvez !
M. Patrick Ollier, ministre. J’en suis conscient, monsieur le président de la commission des lois !
Monsieur Collombat, vous avez évoqué les aspects financiers des mandats locaux. Certes, ils doivent être pris en compte, mais l’argent n’est pas, fort heureusement, la seule motivation des élus locaux, dont le sens de l’intérêt général doit être salué. La proposition de loi contient des avancées notables, introduisant de la souplesse pour les conseillers municipaux, les délégués des communautés de communes et les maires des communes de moins de 1 000 habitants. Par ailleurs, ouvrir à 5 000 adjoints au maire supplémentaires le bénéfice du droit à suspension du contrat de travail et de l’allocation différentielle de fin de mandat est également une bonne chose.
Madame Des Esgaulx, la proposition de loi que M. Bernard Saugey et vous-même avez cosignée marque un progrès considérable pour le statut de l’élu local, dont la formation est une des pierres angulaires. Le Gouvernement, qui partage votre approche, a inscrit dans le projet de loi n° 61 un plancher de 1 % du montant total des indemnités des élus pour les dépenses de formation. Cette idée a été reprise par la commission. Grâce à M. le rapporteur, les crédits correspondants pourront être reportés d’une année sur l’autre, dans la limite de la durée du mandat. Je crois que vous avez satisfaction, madame la sénatrice.
Monsieur Houel, vous avez évoqué l’extension de l’affiliation au régime de retraite par rente aux élus locaux ayant cessé leur activité professionnelle. Nous reviendrons sur ce sujet à l’occasion de l’examen de l’amendement n° 5 rectifié bis. Je vous remercie d’avoir fait référence à la proposition de loi que j’avais déposée en d’autres temps…
Monsieur Anziani, ainsi que l’a clairement indiqué mon collègue Philippe Richert, les schémas départementaux de coopération intercommunale devront évoluer en fonction des avis que sont appelés à rendre, d’ici à la fin de l’année, les EPCI et les commissions départementales de coopération intercommunale. Il s’agira d’une véritable « coproduction » entre les élus et les préfets ; les schémas départementaux de coopération intercommunale ne seront pas imposés.
Monsieur Béteille, vous nous avez appelés à saisir l’occasion qu’offre l’examen de cette proposition de loi pour améliorer le statut de l’élu local : nous cheminons dans cette voie, mais certaines de vos suggestions vont peut-être un peu loin… Pour exercer un mandat dans une ville de 80 000 habitants, après avoir été maire d’une commune rurale, je connais la diversité des situations des élus locaux en termes de moyens : il faut à mon sens faire preuve de mesure et de pragmatisme.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mes chers collègues, je vous rappelle que nous devons avoir achevé l’examen du présent texte à treize heures. Je vous invite donc à vous exprimer de façon complète, mais dense…
Mme la présidente. J’espère que vous serez entendu !
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission.
Articles additionnels avant l'article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 11, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Avant l'article L. 260 du code électoral, il est inséré un article L. 260 A ainsi rédigé :
« Art. L. 260 A. - Les membres des conseils municipaux sont élus au mode de scrutin proportionnel. »
II. - Les articles L. 252 à L. 259 ainsi que les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 261 du code électoral sont abrogés.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous poursuivons notre combat en faveur du scrutin proportionnel et contre les modes de scrutin injustes, qui donnent une image déformée de la réalité politique et sociale de notre pays, étouffent la diversité politique, nient le principe d’égalité et décrédibilisent la parité en politique.
Seul le scrutin proportionnel est à même de permettre l’application du principe de parité consacré par la loi constitutionnelle de 1999. Nous savons tous que le chemin vers l’égalité entre hommes et femmes, notamment en politique, est encore long, tortueux ; pour mettre véritablement en œuvre la parité, il faut modifier le mode de scrutin actuel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. La question du mode de scrutin pour les élections municipales sera traitée lors de l’examen du projet de loi n° 61. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Ollier, ministre. Ce sujet, je le confirme, sera abordé dans le projet de loi n° 61. Comme la commission, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Madame Mathon-Poinat, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Josiane Mathon-Poinat. Tout à fait !
Mme la présidente. L'amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Collombat, Anziani, Bérit-Débat, Daunis, Frécon, C. Gautier et Guillaume, Mme Klès, MM. Michel, Povinelli, Sueur, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 46-1 du code électoral est complété par les mots : «, président d’un établissement public à fiscalité propre de plus de 30 000 habitants, vice-président d’un établissement public à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants ».
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Cet amendement vise à prendre en compte, au titre de la limitation du cumul des mandats, les fonctions de président ou de vice-président de certains établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.
Nos compatriotes comprennent de plus en plus mal les situations de cumul. La loi a déjà limité la possibilité de cumuler plusieurs mandats exécutifs locaux avec un mandat national, et tous les partis de gouvernement envisagent de poursuivre dans cette voie. Celui auquel j’appartiens, en particulier, est très attaché à cette idée et tient à en faire, sinon un des thèmes de la campagne présidentielle, du moins l’une des réformes qu’engagera le futur Président de la République.
Les fonctions de président ou de vice-président d’EPCI à fiscalité propre échappent, pour le moment, au champ du dispositif de limitation du cumul, parce qu’elles ne sont pas considérées comme des mandats électifs. Or, dans la plupart des cas, ces fonctions sont rémunérées et plutôt prenantes, notamment lorsqu’il s’agit de grandes agglomérations.
La situation actuelle me paraît donc tout à fait anormale. Elle amène même à se demander si les élus sont tous égaux, puisque la limitation du cumul des mandats s’applique à certains d’entre eux, mais pas à d’autres.
Bien au-delà de cet amendement et de cette proposition de loi, il faudra que nous nous penchions sérieusement sur la signification réelle de l’engagement politique aujourd’hui et sur ses implications pour un citoyen français qui décide de vouer sa vie à la défense de l’intérêt général.
Il s’agit également ici de la diversité de notre classe politique, en termes de sexe, d’âge, d’origine et d’activité professionnelle.
Les mandats politiques sont aujourd’hui « trustés » par les professionnels de la politique, les membres des professions libérales et les fonctionnaires. Il faudra un jour trancher : doit-on favoriser la professionnalisation du monde politique ou au contraire permettre à tout citoyen d’accéder à un mandat ?
Je suis convaincu qu’un débat bien plus ambitieux doit être engagé avant d’envisager de réformer sur quelque point que ce soit l’exercice des mandats locaux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Les intercommunalités ne sont pas des collectivités territoriales.
La question des incompatibilités devant être examinée lors de la discussion du projet de loi n° 61,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sera un texte épais !
M. Patrice Gélard, rapporteur. … la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Ollier, ministre. Cet amendement mêle mandats et fonctions exécutives au regard de la limitation du cumul, contrairement à l’économie du régime actuel de l’article L. 46-1 du code électoral, qui ne concerne que les mandats électifs.
Par ailleurs, les EPCI ne sont pas, à ce jour, des collectivités territoriales de la République, et les fonctions exécutives exercées à leur tête ne font pas l’objet de règles d’incompatibilité.
En tout état de cause, ce sujet sera évoqué lors de l’examen du projet de loi n° 61. Par cohérence, mieux vaut donc ne pas anticiper le débat qui se tiendra alors.
Le Gouvernement demande lui aussi le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Vous nous renvoyez à l’examen du projet de loi n° 61, or la plupart des propositions figurant dans le texte qui nous est soumis sont issues, parfois au mot près, de celui-ci ! Pourquoi ne leur réservez-vous pas le même accueil qu’à nos amendements ? C’est deux poids, deux mesures !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les élections sénatoriales approchent…