M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Adrien Giraud. Les pouvoirs publics doivent non pas confisquer la politique du tourisme mais, pour l’essentiel, favoriser l’initiative privée.
Toutefois, je serai prudent quant au choix de faire du tourisme la seule voie du développement économique. Une telle réduction d’objectifs ne ferait qu’aggraver la vulnérabilité de nos îles à certains aléas susceptibles de compromettre l’essor de ces destinations.
Dans tous les cas, nous ne pouvons qu’accueillir favorablement la prise de conscience et le volontarisme des auteurs de ce rapport, en vue d’améliorer l’attractivité touristique des îles, en espérant qu’un tel volontarisme continuera d’inspirer la mise en œuvre de ce programme. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat d’aujourd’hui vient couronner les travaux de notre collègue Michel Magras, qui a été chargé, en septembre 2010, d’élaborer un rapport d’information sur le tourisme et l’environnement outre-mer.
Je me félicite que les analyses de M. Magras convergent totalement avec celles de la mission sur la situation des départements d’outre-mer, que j’ai eu l’honneur de présider et qui a terminé ses travaux en juillet 2009. C’est à mon sens plutôt rassurant !
Le constat est le même : le secteur du tourisme traverse une grave crise dans les départements d’outre-mer, en particulier aux Antilles, où la situation s’est encore aggravée depuis les mouvements sociaux de février 2009.
L’industrie hôtelière dans son ensemble est en grand danger. De nombreux hôtels ont déjà fermé et l’hôtellerie haut de gamme n’existe quasiment plus.
Les problématiques soulevées et les causes identifiées du déclin touristique dans les deux îles de la Guadeloupe et de la Martinique sont reprises et complétées dans le rapport.
Je tiens à souligner le travail approfondi qui a été effectué et à déclarer ici que je souscris pleinement aux onze recommandations formulées au terme de cette analyse.
Certaines d’entre elles font, notamment, échos à deux points que je trouve essentiels : l’urgence de l’élaboration par les acteurs locaux d’un véritable projet de développement – à l’heure où je vous parle, ce dernier est quasiment achevé à la Martinique – et la définition de l’environnement comme élément clef de l’attractivité de ces territoires en matière de tourisme.
J’ajouterai toutefois un point supplémentaire : il faudrait, dans le cadre d’une coopération intelligente avec les autres pays de la Caraïbe, développer ce que j’appellerai un tourisme de subsidiarité. Les Antilles françaises pourraient proposer une offre complémentaire sur les segments qui leur sont propres.
Il n’en demeure pas moins que, depuis plus de dix ans, de nombreux rapports et études ont alerté les autorités sur la situation préoccupante du secteur touristique en outre-mer et formulé un certain nombre de propositions. Certaines d’entre elles ont été partiellement reprises au cours du temps, mais aucun plan spécifique et d’envergure n’a, jusqu’à présent, été adopté par le Gouvernement en faveur de ce secteur. La situation du tourisme a continué à se dégrader inexorablement !
Toutefois, le présent rapport arrive dans un contexte que je crois bien différent, en particulier pour la Martinique. Il y a, me semble-t-il, une certaine prise de conscience de la part du Gouvernement, et les changements en cours, sur les plans tant institutionnel que politique, permettent d’envisager un nouvel engagement des autorités locales.
Le président du conseil régional de la Martinique a ainsi nommé une professionnelle à la tête du comité martiniquais du tourisme. Depuis lors, ce dernier s’est fixé des objectifs stratégiques de développement touristique : changer l’image de la destination Martinique, accroître la fréquentation sur l’ensemble des segments – tourisme d’affaires, culturel, patrimonial, balnéaire, vert et de croisière –, augmenter la dépense moyenne du touriste.
La région souhaite faire de ce secteur d’activité l’un des piliers du développement économique, social, culturel et humain de la Martinique.
Je crois qu’une politique unique de développement du tourisme regroupant tous les acteurs et les différents niveaux de collectivités est aujourd’hui possible. Cependant, je l’affirme une nouvelle fois, une forte implication de l’État est nécessaire à la mise en œuvre d’un plan rigoureux de soutien financier et de relance du secteur.
Certes, le Président de la République a fait la promotion du tourisme lors de la table ronde de janvier dernier à la Martinique. Il a ainsi affirmé : « L’État va vous aider et vous accompagner ». Néanmoins, nous ne nous contenterons pas de simples déclarations d’intention !
Pour conclure et pour approfondir certains aspects, permettez-moi, madame la ministre, de vous poser quatre questions.
Premièrement, les banques ne soutiennent pas le tourisme, qui ne peut ainsi bénéficier d’aucun prêt à moyen ou long terme. Les médiations ne donnent aucun résultat. Que comptez-vous faire pour permettre de développer le financement nécessaire à ce secteur ?
Deuxièmement, en ce qui concerne les tarifs aériens, envisagez-vous d’apporter une meilleure transparence sur le prix des billets, notamment en matière de surcharge de carburant ?
Troisièmement, pensez-vous participer financièrement aux prochaines campagnes promotionnelles, notamment les campagnes télévisuelles, qui nous sont chères ?
Quatrièmement, que comptez-vous faire pour adapter les normes communautaires aux réalités locales en matière de classement hôtelier ?
J’aurais encore bien d’autres questions à vous poser, vous vous en doutez, madame la ministre, mais mon temps de parole étant limité, je m’arrêterai là.
J’ajoute, ne voulant voir que les aspects positifs de ce dossier, que la reprise de l’activité touristique est en bonne voie. Elle ne pourra se poursuivre que si l’ensemble des acteurs concernés, et le Gouvernement au premier chef, jouent le jeu. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)
M. Daniel Marsin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur Magras, mes chers collègues, je me réjouis que, aujourd’hui, en séance publique, sur l’initiative de notre commission de l’économie, nous puissions, ensemble, débattre du tourisme outre-mer.
En effet, ce secteur est vital pour l’équilibre de l’économie ultramarine. Or, depuis près de dix ans, il connaît un réel déclin aux Antilles, ce que retrace parfaitement, dans son excellent rapport d’information, notre collègue Michel Magras, qui, en tant qu’habitant de Saint-Barthélemy, sait de quoi il parle.
Mes chers collègues, j’ai l’intime conviction que le tourisme peut irriguer abondamment l’économie et la société de nos territoires insulaires, contribuant ainsi de façon encore plus importante à la production locale de richesses, donc à l’investissement et à l’emploi productifs.
Néanmoins, je dois l’avouer, je suis tout aussi convaincu que ce résultat ne sera atteint de façon durable que si les décideurs, en particulier locaux, prennent clairement position sur l’importance stratégique qu’ils accordent au tourisme et s’ils indiquent en toute transparence à la population les voies et moyens permettant de tirer pleinement profit de cette industrie.
Dans nos territoires, le tourisme est souvent perçu comme une activité fortement consommatrice de subventions, juteuse pour les promoteurs et à l’origine d’emplois précaires et subalternes. D’où une certaine attitude contre-productive au sein de la population, soulignée et regrettée par nombre d’observateurs et d’analystes.
À mon sens, et avant toute chose, seule une démarche claire et volontariste des responsables publics pourra susciter l’implication de la population dans ce secteur à fort potentiel, qui prendra ainsi toute sa place dans le développement socio-économique local.
Ce préalable posé, la redynamisation du secteur touristique passe aussi par des choix stratégiques dont nous ne pouvons faire l’économie.
Se pose, tout d’abord, la question de la clientèle.
Faut-il privilégier une clientèle de masse ou une clientèle choisie ? Je pense personnellement que vouloir agir tous azimuts est contre-productif, les ressources disponibles pour la promotion de nos destinations étant nécessairement limitées eu égard à l’ampleur de certains marchés que nous convoitons. Il me semble donc nécessaire de faire des choix judicieux et de cibler des segments de clientèle qui seraient véritablement captifs, parce qu’ils seraient sensibles aux avantages comparatifs de nos offres touristiques.
Disant cela, je veux pointer ce que j’appelle le fantasme du marché américain. Depuis les années soixante, le touriste américain, avec son pouvoir d’achat en principe élevé, a toujours constitué une cible alléchante, que nous avons placée au cœur de nos stratégies de développement touristique.
Or, si ces touristes ont représenté à certains moments jusqu’à 40 % de nos visiteurs en Guadeloupe, force est de constater que cette clientèle est de plus en plus difficile à attirer et, surtout, à fidéliser. Plusieurs motifs peuvent expliquer cette situation, parmi lesquels la barrière de la langue, le faible intérêt pour nos goûts et modes de vie ou encore l’image dégradée de nos sociétés. Convoiter cette clientèle peut donc se révéler fort coûteux, alors même que le retour sur investissement est loin d’être garanti.
Au contraire, je pense que nous gagnerions à réactiver le marché canadien, davantage à notre portée en raison de la plus grande proximité psycho-sociologique de nos populations respectives. De même, la clientèle européenne me semble receler d’importantes potentialités, dont l’exploitation pourrait être favorisée par la desserte des Antilles à partir de l’aéroport de Roissy.
Se pose ensuite la question de la qualité du produit offert à notre clientèle.
De ce point de vue, nous disposons de réels atouts qu’il convient de mieux valoriser.
À l’évidence, si nous voulons tirer le meilleur parti du tourisme de croisière en Guadeloupe, nous gagnerions à adapter le port de Pointe-à-Pitre et son environnement immédiat, qu’il s’agisse de sa configuration, de l’ambiance qui y règne, de l’activité économique qui s’y déroule ou encore de la sécurité publique. À mon avis, ce sont là d’indispensables préalables.
Il me semble également utile de s’interroger sur les types de structures qu’il convient de développer pour accueillir ces touristes.
On le sait, le parc hôtelier se dégrade depuis plusieurs années et, comme le souligne M. Magras, la situation risque d’être catastrophique si une action vigoureuse de rénovation n’est pas conduite.
Toutefois, il me semble nécessaire de développer aussi d’autres formes d’hébergement. Disant cela, je pense aux structures plus petites, à dimension familiale, comme les gîtes ou les guest houses, qui offrent le double avantage, d’une part, de créer une relation de proximité entre la population et le touriste, favorisant ainsi la découverte et l’échange, et, d’autre part, d’emporter l’adhésion de la population, qui trouvera dans ce dispositif un intérêt socio-économique réel et concret, ce qui est important.
Nos territoires insulaires sont parfaitement adaptés à ce type de structures, qui s’y développent d’ailleurs de façon quasi-spontanée, c’est-à-dire désordonnée et empirique. Il faut les aider à s’organiser et à se regrouper pour faciliter leur développement et améliorer la qualité de leurs services, afin d’en faire profiter le plus grand nombre de Guadeloupéens. En retour, ces derniers éprouveront plus de fierté à participer au développement du tourisme, car, pour l’heure, leur participation à cette activité se résume hélas trop souvent à des emplois de bas de gamme, peu valorisants. Il faut leur faire appréhender autrement le tourisme et les touristes ! Il y a là un enjeu socio-économique et politique d’importance majeure.
Faire face à cet enjeu passe aussi, inévitablement, par la maîtrise des langues étrangères, telles que l’anglais, l’allemand et l’espagnol. Pour cela, il faut agir à trois niveaux : former le personnel hôtelier, proposer des formations pour les adultes, enfin, comme le préconise M. Magras, développer l’apprentissage des langues dès le plus jeune âge.
La question de l’aménagement du territoire et de la protection de l’environnement prend aussi toute sa place dans la relance du développement touristique. Dans ce domaine, beaucoup reste à faire. Faut-il souligner, à côté du problème des panneaux publicitaires, pointé par M. Magras, le rôle joué par les carcasses de voitures et les dépôts sauvages de déchets dans la défiguration de nos paysages et, partant, dans le ternissement de l’image de nos territoires ?
Il devient urgent de définir une stratégie globale, à l'échelle territoriale, pour améliorer la situation, notamment en concentrant les moyens financiers de nos collectivités. Au-delà d’une simple question de relooking de nos îles, c’est le bien-être même de nos populations qui est en cause.
Accroître l’attractivité de nos îles passe aussi par la protection et la valorisation de nos sites naturels, qui, de l’avis de tous, sont de véritables trésors de diversité biologique, géologique ou faunistique. Nous avons là une richesse extraordinaire, mais comment les touristes pourraient-ils s’en rendre compte si ce patrimoine n’est pas mis en valeur ?
C’est sur ce patrimoine qu’il faut s’appuyer pour développer une offre touristique originale et diversifiée, enrichie par le réel art de vivre guadeloupéen. En ce sens, les îles de l’archipel, en particulier Marie-Galante, offrent de réelles opportunités.
En définitive, le rapport d’information de notre collègue Michel Magras a le mérite de réaliser un bon état des lieux et de proposer un choix clair, celui d’un tourisme intégré et choisi, en lieu et place d’un tourisme subi. J’adhère parfaitement à cette idée, car je suis absolument convaincu que ce n’est pas en avançant à reculons que nous pourrons actualiser tout le bénéfice potentiel que recèle le secteur du tourisme en Guadeloupe.
Au contraire, seule une volonté politique locale affirmée, exprimée sans ambiguïté aux populations et aux visiteurs et accompagnée d’une stratégie de valorisation de nos multiples atouts, de mobilisation de nos forces vives et de promotion judicieusement ciblée peut créer les conditions d’une nouvelle dynamique de développement durable et qualitatif du tourisme dans nos territoires.
J’espère donc que notre débat d’aujourd’hui contribuera à mettre en lumière tout l’intérêt de cette démarche volontariste proposée par notre collègue Michel Magras. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Gélita Hoarau.
Mme Gélita Hoarau. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur Magras, mes chers collègues, nous sommes amenés aujourd’hui à débattre d’un secteur d’activité porteur de promesses en termes d’emploi et qui représente vraisemblablement l’une des pistes pour sortir l’outre-mer de son marasme économique et social.
Comme l’a souligné notre collègue Michel Magras dans son rapport, l’outre-mer est divers et composite. Chaque territoire ultramarin dispose d’atouts et de handicaps qui lui sont propres, de sorte qu’une politique touristique établie pour l’un d’entre eux ne peut être transposable à un autre.
Au cours des années quatre-vingt-dix, le nombre de touristes à la Réunion a quasiment doublé, passant de 220 000 en 1992 à 430 000 en 2000, pour ensuite se maintenir à ce niveau pendant toute la décennie suivante. L’épisode du chikungunya a, certes, entraîné une chute de la fréquentation – 130 000 touristes de moins en 2006 par rapport aux années précédentes –, mais la reprise ne s’est pas fait attendre, puisque le nombre de touristes remontait de nouveau en 2007. En 2010, il s’est élevé à 420 000. On assiste donc, depuis 2000, à une stagnation de la fréquentation : malgré les efforts des élus et des professionnels du tourisme, ce secteur d’activité ne décolle pas, faisant dire à certains professionnels qu’il s’agit d’un tourisme « ronronnant ».
Pourtant, l’île ne manque pas d’atouts. Consciente de son manque d’attractivité en tant qu’île balnéaire – elle ne compte en effet que 30 kilomètres de plages, alors que l’île Maurice voisine en compte 160, sur un territoire plus exigu –, la Réunion a également misé sur la diversité, l’originalité et la beauté de ses paysages – nature exubérante, volcan en activité accessible et peu dangereux, littoral « sauvage », forêt primaire, cirques, entre autres – et sur le développement des activités liées à la nature, avec un positionnement « montagne, mer et écotourisme » – l’île compte en effet, notamment, 800 kilomètres de sentiers balisés de randonnées et de nombreux gîtes de montagne.
Ainsi, dès 1995, la protection des milieux naturels et agricoles a été définie comme un impératif par le schéma d’aménagement régional. Au fil des années, des outils réglementaires ont renforcé cet acquis avec la création du Parc national et de la Réserve naturelle nationale maritime. Cette dernière intègre 80 % des récifs coralliens de l’île, alors que, dans le monde, seuls 5 % des récifs coralliens bénéficient de mesures de protection. Des sites et paysages remarquables ont ainsi pu être préservés du mitage urbain suscité par la pression sur le foncier que subit le département du fait de la faible superficie de son territoire, d'une part, et de sa démographie dynamique, d'autre part.
Depuis le 1er août 2010, quelque 40 % du territoire réunionnais sont inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO, d’autant que 30 % des espaces qui le constituent sont restés intacts depuis la découverte de l’île. Ce classement apporte une notoriété et une visibilité qui assoient la réputation de la Réunion comme territoire d’exception, avec des retombées touristiques prometteuses.
Même si certains sites ont pu être sanctuarisés, il n’en reste pas moins que cette richesse naturelle est fragile et fortement menacée si rien n’est entrepris pour, tout à la fois, la préserver et la valoriser. Le rapport du Comité national de l’Union internationale pour la conservation de la nature, l’UICN, notifie clairement que, sur les 905 variétés de fougères indigènes et de plantes à fleurs de la Réunion, 49 espèces végétales ont disparu, tandis que 275 autres, soit 30 % du total, sont menacées, une situation préoccupante pour la flore de notre île. Il y a donc urgence à prendre des mesures, parmi lesquelles la formation de personnels à la protection et la mise en valeur de ce patrimoine naturel.
Je réitère ici ma proposition de créer, pour l’environnement, un service d’intérêt public. L’Union européenne vient de reconnaître l’enjeu de la préservation de cette biodiversité en accordant aux régions ultrapériphériques, les RUP, et aux pays et territoires d’outre-mer, les PTOM, des financements destinés à la valorisation et la protection de leur biodiversité, dans le cadre du programme BEST.
Au tourisme de masse, la Réunion a donc préféré un tourisme équilibré, authentique, mesuré et intégré, ce qui a permis l’émergence de démarches responsables visant à l’amélioration de l’environnement et de la vie en milieu rural et à la diversification rurale. C’est le cas de la mise en valeur de la route Hubert-Delisle, mais aussi de la préservation et de la valorisation des villages créoles.
Ce choix offre au département des perspectives intéressantes, telles que le développement des produits haut de gamme intégrés dans l’environnement et respectueux de la norme « haute qualité environnementale », ou HQE.
Malheureusement, notre île cumule également des faiblesses, notamment dans l’offre d’hébergement, qui reste insuffisante avec ses 2 200 chambres en hôtels classés. Malgré la rénovation de friches hôtelières, la capacité d’accueil de qualité risque de rester insuffisante. Il faut du foncier, qui est difficile à trouver, d’autant que cette offre se polarise autour de la station balnéaire de l’ouest, déjà marquée par une densité relativement forte. D’où la nécessité de rendre prioritaire la création d’un hébergement hôtelier classé dans des zones à potentiel attractif comme le volcan ou les cirques. Une étude sur l’installation d’« écolodges » dans le parc national est actuellement en cours.
La diversification de ses clientèles constitue une autre faiblesse de la Réunion. Comme aux Antilles, les touristes en provenance de la France continentale y sont fortement majoritaires, puisqu’ils représentent 80 % de la clientèle. Cela s’explique en partie par l’éloignement de l’île des grands couloirs aériens et par l’absence de liaisons directes avec les grandes capitales européennes.
La Réunion tente également de se tourner vers une autre clientèle, celle des pays du grand océan Indien – Afrique du Sud, Madagascar, Maurice, Seychelles, Australie, Inde, Chine… Pourtant, le développement du tourisme avec ces pays se heurte à un problème de délivrance de visas. Au nom d’une politique sécuritaire qui voit avant tout dans l’étranger en provenance de ces pays un immigré clandestin potentiel, ces documents doivent être obtenus au départ du pays de résidence, après constitution d’un dossier composé de pièces justificatives parfois invraisemblables.
Nous avons tous entendu – les professionnels du tourisme les premiers – les promesses d’Yves Jégo, alors secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, d’installer dans les aéroports réunionnais des bureaux de délivrance de visas, puis celles du Premier ministre, François Fillon, d’intégrer la Réunion à l’espace Schengen avant la fin 2009. Nous attendons toujours !
Pour contourner cet obstacle administratif, il est désormais possible à tout étranger d’entrer à la Réunion sans visa, à condition de passer par l’île Maurice et par une agence de voyages. Cette mesure méprisante à l’égard des Réunionnais et de nos voisins isole davantage l’île, bloque notre développement touristique et lèse la seule compagnie aérienne réunionnaise desservant la zone.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur Magras, mes chers collègues, la Réunion dispose d’un potentiel touristique bien réel. Nous en sommes conscients depuis une vingtaine d’années. Encore faut-il que nous le soyons tous, et que nous travaillons dans la même perspective ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Soibahadine Ibrahim Ramadani.
M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, à la suite du rapport d’information de notre collègue Michel Magras, réalisé au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, sur le tourisme en Guadeloupe et en Martinique, nous avons le plaisir de débattre aujourd’hui du tourisme et de l’environnement en outre-mer – deux thèmes qui sont désormais indissociables, car on ne peut imaginer, pour nos territoires insulaires, une politique touristique qui ignorerait les enjeux environnementaux.
À ce propos, je note avec satisfaction l’intérêt renouvelé pour l’outre-mer manifesté à l’occasion du Conseil interministériel de la mer du 10 juin dernier, dans le cadre de la politique de protection de l’environnement marin, à laquelle Mayotte prend toute sa part avec le Parc naturel marin, dont le Président de la République nous a fait l’honneur de venir lancer la création le 18 janvier 2010. Couvrant une superficie de 70 000 kilomètres carrés, le Parc naturel marin de Mayotte jouera un rôle essentiel dans la protection de la biodiversité marine, contribuera à mieux réguler les activités maritimes, notamment la pêche, et constituera un élément majeur dans le développement d’une politique touristique moderne.
L’isolement dont Mayotte a souffert jusqu’à ces dernières années, d’une part, a contribué à préserver ce patrimoine, et, d’autre part, a constitué un frein à l’ouverture du territoire sur sa région et à son inscription dans les grands réseaux touristiques du monde. Cependant, l’essor des liaisons aéroportuaires, marqué par l’arrivée de plusieurs compagnies aériennes régionales et nationales, permet, peu à peu, un meilleur désenclavement du jeune département, à tel point que nous sommes passés de 6 700 touristes en 1995 à près de 53 000 touristes en 2010, en provenance essentiellement de la métropole et de la Réunion.
Malgré une demande touristique en forte hausse, un des plus gros handicaps du département réside dans sa capacité d’hébergement, car, en 2007, l’île ne disposait que de 750 lits avec une dizaine d’hôtels et une trentaine de gîtes. À ce rythme, il sera très difficile de respecter les engagements du plan d’aménagement et de développement durable, le PADD, qui prévoit l’accueil d’environ 150 000 touristes par an à l’horizon 2020.
Pour répondre à cet objectif, le plan d’aménagement et de développement durable, document d’urbanisme de référence valant schéma de mise en valeur de la mer, validé par le Conseil d’État le 15 janvier 2008, a identifié neuf sites stratégiques pouvant accueillir des projets hôteliers d’envergure, en dérogation à la loi littoral du 3 janvier 1986, conformément à l’ordonnance n° 2005-868 du 28 juillet 2005 relative à l’actualisation et à l’adaptation du droit de l’urbanisme à Mayotte.
C’est dans ce cadre que l’État et le département ont lancé, depuis janvier dernier, des appels à projet concernant quatre des neuf sites identifiés par le PADD à Bandrélé, Sada et Bouéni. À ce jour, une dizaine de projets concourent pour la construction de complexes hôteliers sous forme de « safari lodge » et d’« écolodge ».
Outre le PADD, le schéma de développement et d’aménagement du tourisme et des loisirs de Mayotte, réalisé par le comité du tourisme, s’inscrit dans une perspective de développement durable et retient, pour l’horizon 2020, la réalisation de plusieurs actions d’envergure, notamment l’aménagement d’équipements structurants tels que l’aéroport et les gares maritimes, l’aménagement du littoral de Mamoudzou, des plages et des pontons, des pôles de mouillage, des centres administratifs et économiques, des circuits de randonnées, de jardins botaniques, de grandes opérations d’investissement dont le coût global est estimé à plus de 500 millions d’euros.
L’autre grand chantier, inscrit dans le contrat de projet 2008-2013, est la construction d’un complexe aéroportuaire, avec une nouvelle aérogare qui devrait être livrée dans deux ans, ainsi qu’une piste longue adaptée aux longs courriers, capable d’ouvrir Mayotte à l’international, à l’horizon 2015 – du moins nous l’espérons –, et d’accueillir 715 000 passagers en 2020.
À ce titre, une commission particulière du débat public, dont les travaux commencent officiellement aujourd’hui, a été installée afin de permettre la concertation autour de ce grand projet dont le coût est estimé à 230 millions d’euros et qui est considéré par la Commission nationale du débat public comme revêtant « un caractère d’intérêt national », tant il « constitue un élément essentiel du dispositif de continuité territoriale », et pouvant « favoriser le développement des activités économiques » du département, notamment dans le domaine touristique.
S’agissant du respect de l’environnement, on peut noter que, d’une part, une évaluation a été réalisée sur les conséquences éventuelles sur l’écosystème marin, et, d’autre part, les mesures d’accompagnement, qui pourront être détaillées durant le débat public, concerneront non seulement la période de travaux, mais aussi celle de l’exploitation de l’aéroport, car, au même titre que les projets d’aménagement touristique arrêtés par le PADD, la construction d’une piste longue à Mayotte bénéficie d’une dérogation à la loi littoral.
Face aux grands enjeux actuels, les pouvoirs publics et les professionnels ont pris conscience que Mayotte ne pourra se diriger vers un tourisme de masse, potentiellement destructeur à la fois pour le patrimoine naturel et pour le patrimoine culturel du département. Avec les exigences du PADD, la construction d’un complexe aéroportuaire répondant aux normes environnementales et le Parc naturel marin, Mayotte prend le chemin d’un tourisme « plutôt vert ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)