M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, sur l’article.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en raison des auditions de la mission commune d’information sur le Mediator, il ne m’a pas été possible de participer autant que je l’aurais voulu aux travaux de la commission des affaires sociales sur ce projet de loi. Je souhaitais donc m’en excuser. J’ai tenu cependant à prendre la parole sur cet article pour souligner deux points qui me paraissent essentiels et que nous avons retrouvés lors de plusieurs de débats récents dans cet hémicycle.
Tout d’abord, notre droit – je dirais même : notre démocratie – repose sur le principe de la liberté du consentement. Le législateur ne peut décider, sans en peser toutes les implications, de faire prévaloir la société sur l’individu. Oui, nous devons protéger la société, garantir la sûreté de tous, mais ceci ne peut se faire en exigeant de chaque personne d’abdiquer son droit inaliénable d’être considérée en elle-même et pour elle-même ! À cet égard, je souligne un apport de l’article 1er de ce projet de loi, qui dispose que le juge des libertés et de la détention, lorsqu’il se prononce sur une mesure de soins psychiatriques sous contrainte, peut statuer non pas publiquement, mais en chambre du conseil, car la publicité de l’audience pourrait avoir, dans certains cas, des conséquences désastreuses. J’irais même jusqu’à me demander dans quelle mesure la publicité de l’audience ne devrait pas constituer une faculté exceptionnelle.
Je m’inquiète du risque que nous courons si nous permettons, avec ce projet de loi, à des médecins, à des chercheurs, et même aux juges, d’agir sur les personnes malades sans qu’elles en soient véritablement informées, voire d’user de contrainte à leur encontre. Si, par exemple, on leur administre demain un médicament qui, dans dix ans, posera un certain nombre de problèmes, qu’adviendra-t-il ?
Pour ma part, madame la secrétaire d’État, je trouve très intéressante la possibilité qu’offrent les soins ambulatoires sans consentement. Vous l’avez dit tout à l’heure, les soins ambulatoires sont pratiqués dans toutes les pathologies : pourquoi ne pas le faire dans ce type de pathologie, et plus particulièrement au sein des prisons, où l’on ne peut espérer agir réellement pour la réinsertion de certains prisonniers sans commencer par une prise en charge thérapeutique ?
Je regrette cependant, madame la secrétaire d’État, que l’on renvoie au décret l’essentiel de la définition des modalités de ces soins ambulatoires sans consentement hors de prison, car cette définition pose de nombreuses questions que nous n’avons pas le temps d’examiner pour nous prononcer valablement. De même, je regrette que le Gouvernement ne nous ait pas présenté une loi de santé mentale qui nous aurait permis d’appréhender les soins sans consentement dans le contexte plus général de l’ensemble des formes de prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux.
Madame la secrétaire d’État, vous nous avez annoncé un plan de santé mentale. Il aurait peut-être été préférable que nous ayons connaissance du contenu de ce plan et surtout des moyens – car, vous le savez bien, le problème des moyens se pose également – mis à disposition des soignants, des malades, des familles, avant de nous prononcer sur les mesures que vous nous proposez aujourd’hui.
Dans le contexte actuel, l’attente de nos concitoyens est immense en matière de santé et de confiance dans les autorités sanitaires. Certes, nous avons besoin d’une politique sécuritaire, nos concitoyens l’attendent également, mais toutes les personnes atteintes de troubles mentaux ne sont pas, pour autant, des criminels en puissance. C’est la raison pour laquelle nos concitoyens souhaitent une politique de la personne : ce chantier reste ouvert devant nous. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, sur l’article.
M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi s’inscrit dans un contexte difficile où le manque de moyens dans les services psychiatriques et le déficit de formation des infirmiers sont criants : le nombre de lits en hôpital psychiatrique a été réduit de moitié en vingt ans.
Que penser de ce projet de loi ? Une première analyse rapide pourrait nous faire conclure à quelques avancées.
La première de ces avancées est la diversification annoncée des modes de prise en charge du patient, alors que le cadre de la loi de 1990 prévoit uniquement l’hospitalisation complète. L’article 1er de ce projet de loi prévoit que le patient puisse également bénéficier de soins ambulatoires : le rapport Strohl d’évaluation de la loi de 1990, le rapport Piel-Roelandt de 2001 ainsi que le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales de 2005 préconisaient déjà cette évolution.
La seconde avancée qui semble se présenter tiendrait à l’intervention automatique du juge des libertés et de la détention après quinze jours d’hospitalisation, grâce à la décision du Conseil constitutionnel du 26 novembre 2010.
Or ces éléments, qui pourraient s’apparenter à des avancées en première analyse, ne peuvent en réalité s’apprécier comme tels, tout simplement parce qu’ils s’inscrivent dans un ensemble qui n’existe pas encore, cette fameuse « loi de santé mentale » que nous attendons, et qui aurait dû lui donner sens. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons souscrire à l’approche privilégiée par le Gouvernement dans le présent projet de loi.
Ce projet de loi n’est pas pertinent, car il n’envisage la pluralité des modes de prise en charge que sous l’angle des soins sans consentement. Or les psychiatres sont unanimes : soigner sans consentement est antinomique. Le principe de la contrainte rompt, par définition, le consentement et la confiance nécessaires à la thérapie. De plus, l’article 1er méconnaît le rôle du patient dans sa propre guérison et nie le contrat implicite qui le lie à son médecin.
En fait, de nombreux collègues ont insisté sur ce point, ce projet de loi s’articule autour de préoccupations sécuritaires qui l’emportent sur l’aspect sanitaire et en font un texte très « tronqué ».
Enfin, le projet de loi me paraît dangereux au regard du respect des libertés : il instaure une période initiale « d’observation » et de soins en hospitalisation complète de soixante-douze heures. Cette disposition, qui ne prévoit pas l’intervention d’une autorité judiciaire, fait l’unanimité contre elle et est assimilée à une « garde à vue psychiatrique ».
Ainsi, l’article 1er ne respecte pas l’équilibre qu’il aurait dû trouver : offrir à la personne qui souffre de troubles mentaux les meilleurs soins, protéger cet individu contre lui-même et éviter qu’il ne puisse nuire à autrui, ne limiter sa liberté que dans les limites strictement nécessaires.
Le Gouvernement a annoncé « un grand plan de santé mentale » pour l’automne et il nous est demandé de nous prononcer aujourd’hui sur ce texte, sans connaître le contenu de ce plan : c’est véritablement impossible !
Je regrette donc, vous l’aurez compris, que ce projet de loi ne soit pas la grande « loi de santé mentale » attendue et qu’il n’ait rien prévu de concret pour améliorer, sur les plans social, humain et sanitaire, la qualité et la continuité des soins indispensables. C’est pourquoi nous ne saurions voter cet article, comme le reste du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l’article.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 1er porte sur les modalités de prise en charge des personnes faisant l’objet de mesures de soins sans leur consentement et sur le contrôle de ces mesures par le juge des libertés et de la détention : il est donc au cœur de la réforme.
Malheureusement, cette réforme intervient à la suite d’un fait divers survenu à Grenoble et crée, aujourd’hui, de nouvelles conditions d’hospitalisation et de soins sous contrainte. Une minorité de patients sont concernés et ce texte ne résout pas les nombreux problèmes actuels de la psychiatrie.
Ce projet de loi s’articule principalement autour de préoccupations sécuritaires qui vont jusqu’à étendre la contrainte aux soins ambulatoires. On s’oriente ainsi vers l’élargissement de la prise en charge sans consentement et vers la difficulté de plus en plus grande pour les patients de sortir des hôpitaux.
On peut se demander si l’obligation de soins, qui consiste à imposer à la personne de se rendre aux consultations, ne va pas renforcer son angoisse face aux soins et la braquer un peu plus.
Depuis une circulaire de 2010 adressée aux préfets pour leur demander de redoubler de précautions avant d’autoriser les personnes en hospitalisation d’office à bénéficier de sorties d’essai accordées par les médecins, de nombreux préfets refusent systématiquement les sorties préconisées par les médecins. Malheureusement, ce projet de loi renforce les prérogatives des préfets pour maintenir à l’hôpital des patients qui, médicalement, pourraient sortir. Il n’est pas tolérable d’enfermer des personnes dans un lieu pour des raisons qui n’ont rien à voir avec les soins. Même si le projet de loi prévoit que le juge se prononcera régulièrement sur toutes les hospitalisations sous contrainte – d’abord au quinzième jour, puis tous les six mois –, le préfet aura toujours le dernier mot, car il pourra faire appel de la décision du juge par l’intermédiaire du parquet.
Il est inacceptable de renforcer l’intrusion étatique dans le contrôle des soins, car il s’agit bien, ici, de donner la priorité à la défense de l’ordre public.
Par ailleurs, le fait que la liberté individuelle soit préservée par la présence du juge dans le dispositif ne nous rassure pas, car la justice est déjà bien encombrée.
De plus, ce projet de loi prévoit la possibilité de garder un malade en observation pendant soixante-douze heures à partir de son arrivée à l’hôpital. Cette garde à vue, qui devrait permettre de décider des modalités de soins, est devenue une « garde à vue psychiatrique », apparemment sans garantie particulière pour le patient. On veut donc stigmatiser la maladie mentale pour faire peur au public, on érige en principe la contrainte, en supprimant le consentement et la confiance, nécessaires pour la thérapie.
Or, ceux qui travaillent auprès des malades non seulement dénoncent la volonté de légiférer sur une question complexe comme l’obligation de soins, mais nous informent aussi que, lorsque l’hospitalisation est forcée, on rencontre plus d’échecs. Ils dénoncent également la possibilité de prodiguer des soins sans consentement au domicile d’un patient, car cette pratique, à leurs yeux, résume les soins à la contrainte et aux seuls traitements médicamenteux, alors que, depuis de nombreuses années, ils travaillent sur la confiance et le consentement. La solution ne repose pas uniquement sur l’enfermement des malades, qu’il soit physique ou chimique.
Enfin, je souhaiterais évoquer le problème du « casier psychiatrique ad vitam æternam », qui empêche la réintégration dans la société des personnes victimes de troubles mentaux. Il est essentiel d’instituer un « droit à l’oubli » pour les antécédents psychiatriques, qui ne devraient pas être mentionnés au-delà de dix ans.
Pour conclure, l’article 1er tend davantage à garantir la sûreté des non-malades que des malades eux-mêmes, tout en insistant sur l’importance du rôle du préfet. Il est certain que la prise en considération du trouble à l’ordre public l’emporte sur la question de la qualité des soins. Les professionnels souhaitent un grand plan pour la santé mentale et non une réforme sécuritaire. Il devient urgent de traiter la psychiatrie d’une manière thérapeutique, avec une volonté politique et des moyens. En effet, les malades ont besoin d’un accompagnement humain de qualité et, pour cela, il faut des moyens humains, madame la secrétaire d’État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, sur l'article.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, jusqu’ici, considérant les humains, nos voisins proches ou lointains, avec un humanisme bien ancré, on les désignait par des mots simples : « jeunes », « vieux », « adultes », « ouvriers », « cadres », « chefs d’entreprise », « fonctionnaires », « aviateurs », « docteurs », « bonnes sœurs », « artistes »… Chacun s’y reconnaissait sans réfléchir ni hausser la voix.
Depuis un certain temps, notamment après les événements du 11 septembre 2001 aux États-Unis, après des morts violentes survenues en France, morts n’ayant plus rien à voir avec la rationalité, qui laisse alors place au délire, un vocabulaire nouveau est apparu, caractérisant ces hommes et ces femmes ayant connu un déchirement de la conduite.
Ce quelque chose de tragique est à rapprocher de la folie amoureuse, des crimes passionnels à l’égard desquels, c’est à noter, les jurés se montrent, très souvent, extrêmement indulgents. On constate que la folie est fragilité et composante incontournable de l’humain. L’inacceptable est inexplicable et la dogmatique du contrôle social, qui domine le projet gouvernemental, n’y peut rien, n’y pourra rien.
La peur s’est installée, ou plutôt a été installée. Comme le disait Franklin Roosevelt en 1933 – retenez la date ! – : « La seule chose dont nous devons avoir peur, c’est de la peur elle-même. » Bien avant, Dostoïevski s’exprimait ainsi : « Ce n’est pas en enfermant son voisin qu’on se convainc de son propre bon sens. » On est passé du droit à la sûreté au droit à la sécurité, qui « repose sur l’illusion d’une vie sans dangers et légitime l’intrusion dans les vies individuelles », écrit la juriste Mireille Delmas-Marty. C’est l’avènement d’un mythe de la sécurité totale. Les sociétés de la peur en arrivent à appeler le voisin « pas comme eux » un barbare, à crier au forcené, au déséquilibré, à l’arriéré, à l’aliéné, au fou, comme autrefois on criait au loup.
Qui est le barbare ? L’être étrange, l’être humain qui a quitté la ligne, l’attitude commune, l’homme dont le discours hoquette et s’égare, dont la conscience traverse des gouffres ? L’homme qu’on ne regarde pas, à qui l’on ne sourit pas, qu’on laisse à l’écart, de l’autre côté, vers les rives de l’indéfinissable, dans un périmètre restreint ? Ainsi se déconstruisent les liens sociaux. La guerre civile habite l’âme. C’est dénégateur d’humanité. Le virus de la barbarie s’empare de trop d’entre nous.
J’ai déjà été confronté à ce problème d’hommes et de femmes fracturés, fissurés, éclatés, parfois bousillés. C’était en 1981, quand, ministre de la santé du deuxième gouvernement Mauroy, j’avais constitué la commission Demay, du nom de son animateur, afin d’élaborer « Une voie française pour une psychiatrie différente ».
Le résultat fut un texte d’élan qui faisait l’Histoire, dans un moment où la société n’avait pas peur et rêvait d’avenir, alors qu’aujourd’hui le texte gouvernemental est un texte de banqueroute qui cisaille l’Histoire.
Le rapport Demay traite humainement des actes inhumains, le texte gouvernemental traite inhumainement la part de folie dans l’homme. Je veux lire des extraits de la réponse des psychiatres coauteurs dudit rapport : « Tout trouble mental est évolutif ; l’expérience prouve que la chronicité n’est pas irréversible […] La fonction des professionnels du champ de la psychiatrie est celle d’accompagnement de leurs patients et celle, éventuellement, de défense vis-à-vis du corps social et vis-à-vis des puissances de tutelle […] Il est indispensable que les soignants puissent s’abstraire des valeurs morales, sociales, politiques dominantes. Celles-ci ne peuvent en aucun cas constituer le facteur déterminant de leur conduite professionnelle […] Le concept de prévention, s’il se réfère à une notion de normalité, le concept de guérison, s’il se réfère à une normalisation [vont] à l’encontre de toute démarche thérapeutique dans le champ de la psychiatrie. »
Le rapport Demay fait œuvre de culture, de liberté, de construction d’« en commun », d’anti-barbarie enfin, et juge sans détours la pensée de l’actuel Président de la République, incapable de recul, d’interrogations, de doutes devant toute chose de la vie, surtout émotionnelle.
À tous ces êtres que nous considérons et respectons, l’État impose la norme, alors que la normalité, c’est la victoire de l’état sur le devenir, de l’identité sur la différence. Il ne faut plus d’hommes, de femmes entrés dans des histoires closes et privés du « risque de vivre », seul moyen pourtant d’avoir le « risque de guérir », tout cela étant caché par l’abominable mensonge du risque zéro.
C’est un malheur pour un pays que de vouloir des lois particulières.
C’est un bonheur de connaître le poème du Grec Constantin Cavafis En attendant les barbares :
« – Pourquoi nous être ainsi rassemblés sur la place ?
« Il paraît que les barbares doivent arriver aujourd’hui.
« – Et pourquoi le Sénat ne fait-il donc rien ?
« Qu’attendent les Sénateurs pour édicter des lois ?
« C’est que les barbares doivent arriver aujourd’hui.
« Quelles lois pourraient bien faire les Sénateurs ?
« Les barbares, quand ils seront là, dicteront les lois.
« – Pourquoi notre empereur s’est-il si tôt levé,
« et s’est-il installé, aux portes de la ville,
« sur son trône, en grande pompe, et ceint de sa couronne ?
« C’est que les barbares doivent arriver aujourd’hui.
« Et l’empereur attend leur chef
« pour le recevoir. Il a même préparé
« un parchemin à lui remettre, où il le gratifie
« de maints titres et appellations.
« – Pourquoi nos deux consuls et les préteurs arborent-ils
« aujourd’hui les chamarrures de leurs toges pourpres ?
« Pourquoi ont-ils mis des bracelets tout incrustés d’améthystes
« et des bagues aux superbes émeraudes taillées ?
« Pourquoi prendre aujourd’hui leurs cannes de cérémonie
« aux magnifiques ciselures d’or et d’argent ?
« C’est que les barbares doivent arriver aujourd’hui ;
« et pareilles choses éblouissent les barbares.
« – Et pourquoi nos dignes rhéteurs ne viennent-ils pas, comme d’habitude,
« faire des commentaires, donner leur point de vue ?
« C’est que les barbares doivent arriver aujourd’hui ;
« et ils n’ont aucun goût pour les belles phrases et les discours.
« – D’où vient, tout à coup, cette inquiétude
« et cette confusion (les visages, comme ils sont devenus graves !) ?
« Pourquoi les rues, les places, se vident-elles si vite,
« et tous rentrent-ils chez eux, l’air soucieux ?
« C’est que la nuit tombe et que les barbares ne sont pas arrivés.
« Certains même, de retour des frontières,
« assurent qu’il n’y a plus de barbares.
« Et maintenant qu’allons-nous devenir, sans barbares ?
« Ces gens-là, en un sens, apportaient une solution. »
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. L'amendement n° 44, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Le Conseil constitutionnel a considéré que le juge des libertés et de la détention devait impérativement intervenir dans le cas d’une hospitalisation à la demande d’un tiers. Il a pour cela posé une date limite, le 1er août de cette année, et nous contraint à légiférer dans l’urgence.
Or je constate que le Gouvernement s’est saisi de l’opportunité créée par cette décision, rendue à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité, ou QPC, pour insérer des dispositions qui n’ont aucun rapport avec le rôle du juge des libertés et de la détention.
Cette QPC, qu’a évoquée tout à l’heure M. Bertrand lors de son passage éclair au banc des ministres, ne sert en réalité que de prétexte puisque l’essentiel des mesures contenues dans ce projet de loi sont dédiées à l’organisation des soins sans consentement.
Sur ce texte, le Gouvernement nous donne l’impression d’avoir joué la montre. Connaissant le recours engagé par un justiciable, il n’a pas demandé son inscription à l’ordre du jour de l’une des deux assemblées, alors que son dépôt date tout de même du 10 mai 2010, il y a un an. Sans doute attendait-il, madame la secrétaire d'État, que les juges constitutionnels rendent leur décision pour imposer un examen en urgence et priver ainsi les parlementaires de toutes latitudes. Si telle n’était pas sa volonté, c’est en tout cas la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui.
Or, voyez-vous, l’intervention du juge des libertés et de la détention, si nous ne la contestons pas, nous semble trop tardive. De plus, les missions dévolues à ce dernier sont trop limitées, particulièrement au vu du rôle exorbitant que le projet de loi attribue aux préfets.
Enfin, le texte demeure étrangement silencieux pour ce qui est des moyens financiers nécessaires à son application ; Mme Hermange l’a d’ailleurs souligné voilà quelques instants. Lorsqu’on connaît la situation du ministère de la justice, on sait qu’il aura bien des peines, par exemple, à financer la télé-audience, pourtant prévue, au-delà même de ce que l’on peut penser de cette disposition, à laquelle, pour ma part, je suis fortement opposée, et pas seulement pour un problème financier.
On sait également que la mise en œuvre du projet de loi nécessiterait dans chaque établissement psychiatrique la mobilisation d’au moins deux professionnels.
Tout cela se faisant à coût constant, on devine que la première conséquence sera la réduction du nombre de soignants. Ce n’est pas ainsi, me semble-t-il, que l’on pourra répondre aux besoins de malades en grande difficulté.
Bref, mes chers collègues, tout porte à croire que le projet de loi sera au final inapplicable, exception faite, bien sûr, des mesures sécuritaires qu’il contient. Aussi, le seul moyen de se préserver d’une telle situation réside dans la suppression, un à un, des articles qui le composent. C’est ce que nous vous invitons à faire. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG. – M. André Vantomme applaudit également.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement qui vise à supprimer l'ensemble des dispositions de l'article 1er.
À titre personnel, je me dois de dire que ces dernières sont utiles et nécessaires, notamment celles qui prévoient normalement le contrôle du juge des libertés et de la détention sur les hospitalisations. C'est la raison pour laquelle je suis moi-même défavorable à l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement ne peut être favorable à la suppression de l'article 1er du projet de loi, qui fonde l'ensemble des modifications proposées au régime des hospitalisations psychiatriques sans consentement et qui comporte en particulier, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, les dispositions prises pour la mise en œuvre de la décision du Conseil constitutionnel sur le contrôle que doit exercer le juge sur lesdites hospitalisations.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 206 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 151 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 439 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le livre II de la troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
I. - L'intitulé du livre II est ainsi rédigé :
« Droits et protection des personnes atteintes d'un trouble mental »
II. - Le chapitre Ier du titre Ier est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 3211-12, après le mot : « statuant », sont insérés les mots : « dans les plus brefs délais » ;
2° Après l’article L. 3211-12, sont insérés les articles L. 3211-12-1 à L. 3211-12-4 ainsi rédigés :
« Art. L. 3211-12-1. - I. - L'hospitalisation d'un patient sans son consentement ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement, lorsque l'hospitalisation a été prononcée en application du chapitre II, ou par le représentant de l'État dans le département, lorsqu'elle a été prononcée en application du chapitre III du présent titre, de l'article L. 3214-3 du présent code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, n'ait statué sur cette mesure :
« 1° Avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de l'admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent titre ou de l'article L. 3214-3 ;
« 2° Avant l'expiration d'un délai de trois mois suivant soit toute décision judiciaire prononçant l'hospitalisation sans consentement en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, soit toute décision prise par le juge des libertés et de la détention en application de l'article L. 3211-12 du présent code, lorsque le patient a été maintenu en hospitalisation depuis cette décision. Toute décision du juge des libertés et de la détention prise avant l'expiration de ce délai sur le fondement de l'un des mêmes articles 706-135 ou L. 3211-12 ou du présent article fait courir à nouveau ce délai.
« Toutefois, lorsque le juge des libertés et de la détention a ordonné avant l'expiration de l'un des délais mentionnés aux 1° et 2° du présent I une expertise, à titre exceptionnel, en considération de l'avis conjoint des deux psychiatres mentionné au II de cet article, ce délai est prolongé d'une durée qui ne peut excéder quatorze jours à compter de la date de cette ordonnance. L'hospitalisation du patient est alors maintenue jusqu'à la décision du juge, sauf s'il y est mis fin en application des chapitres II ou III du présent titre. L'ordonnance mentionnée au présent alinéa peut être prise sans audience préalable.
« Le juge fixe les délais dans lesquels l'expertise mentionnée au quatrième alinéa du présent I doit être produite, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d'État. Passés ces délais, il statue immédiatement.
« II. - La saisine mentionnée au I du présent article est accompagnée d'un avis conjoint rendu par deux psychiatres de l'établissement d'accueil désignés par le directeur, dont un seul participe à la prise en charge du patient. Cet avis se prononce sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation.
« III. - Le juge des libertés et de la détention ordonne, s'il y a lieu, la mainlevée de la mesure d'hospitalisation sans consentement.
« IV. - Lorsque le juge des libertés et de la détention n'a pas statué dans les délais mentionnés au I, la mainlevée est acquise à l'issue de chacun de ces délais.
« Si le juge des libertés et de la détention est saisi après l'expiration d'un délai fixé par décret en Conseil d'État, il constate sans débat que la mainlevée de l'hospitalisation est acquise, à moins qu'il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l'origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense.
« Art. L. 3211-12-2. - Lorsqu'il est saisi en application des articles L. 3211-12 ou L. 3211-12-1, le juge statue après débat contradictoire.
« À l'audience, la personne hospitalisée sans son consentement est entendue, assistée de son avocat. Si, au vu d'un avis médical, des motifs médicaux font obstacle, dans son intérêt, à son audition, la personne est représentée par un avocat choisi ou, à défaut, commis d'office.
« Art. L. 3211-12-3. - Le juge des libertés et de la détention saisi en application de l'article L. 3211-12-1 peut, si un recours a été formé sur le fondement de l'article L. 3211-12, statuer par une même décision suivant la procédure prévue à l'article L. 3211-12-1.
« Art. L. 3211-12-4. - L'ordonnance du juge des libertés et de la détention prise en application des articles L. 3211-12 ou L. 3211-12-1 est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué, qui statue à bref délai. L'appel formé à son encontre n'est pas suspensif. Le débat peut être tenu dans les conditions prévues par l'article L. 3211-12-2. »
III. - Le chapitre II du titre Ier est ainsi modifié :
1° Le second alinéa de l’article L. 3212-4 est complété par les mots : « ainsi qu’au juge des libertés et de la détention compétent dans le ressort duquel se trouve l’établissement d’accueil » ;
2° L’article L. 3212-7 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3212-7. - Après le cinquième jour et au plus tard le huitième jour à compter de l’hospitalisation, la personne malade est examinée par un psychiatre de l'établissement qui établit un certificat médical circonstancié précisant notamment la nature et l'évolution des troubles et indiquant clairement si l'hospitalisation est toujours nécessaire.
« Au vu de ce certificat, l’hospitalisation peut être maintenue par le directeur de l’établissement pour une durée maximale d’un mois. Au-delà de cette durée, l'hospitalisation peut être maintenue par le directeur de l’établissement pour des périodes maximales d'un mois, renouvelables selon les mêmes modalités, sur la base d’un certificat médical établi par un psychiatre de l'établissement dans les trois jours précédant l’expiration de la période en cause.
« Le défaut de production d’un des certificats susvisés entraîne la levée de l'hospitalisation.
« Les copies de ces certificats médicaux sont adressées sans délai par le directeur de l’établissement d’accueil au représentant de l’État dans le département ou, à Paris, au préfet de police ainsi qu'à la commission mentionnée à l'article L. 3222-5. Une copie du certificat mentionné au premier alinéa du présent article est également adressée sans délai au juge des libertés et de la détention compétent dans le ressort duquel se trouve l’établissement. »
IV. - Le chapitre III du titre Ier est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa de l’article L. 3213-1, après la référence : « L. 3222-5 », sont insérés les mots : « ainsi qu’au juge des libertés et de la détention compétent dans le ressort duquel se trouve l’établissement » ;
2° L'article L. 3213-3 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « Dans les quinze jours, puis un mois après » sont remplacés par les mots : « Après le cinquième jour et au plus tard le huitième jour puis dans le mois qui suit » ;
b) La dernière phrase est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Les copies des certificats médicaux prévus au présent article sont adressées sans délai par le directeur de l'établissement d'accueil au représentant de l'État dans le département et à la commission mentionnée à l'article L. 3222-5. Une copie du certificat médical établi, en application du premier alinéa du présent article, après le cinquième jour et au plus tard le huitième jour qui suit l’hospitalisation est également adressée sans délai au juge des libertés et de la détention compétent dans le ressort duquel se trouve l'établissement d'accueil. » ;
3° L'article L. 3213-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3213-4. - Au vu du premier certificat mentionné au premier alinéa de l'article L. 3213-3, le représentant de l'État dans le département peut prononcer le maintien de l’hospitalisation pour une durée maximale d’un mois. Au-delà de cette durée, l’hospitalisation peut être maintenue par le représentant de l'État, après avis motivé d'un psychiatre, dans le département pour une nouvelle période de trois mois puis pour des périodes de six mois maximum renouvelables selon les mêmes modalités.
« Faute de décision du représentant de l'État à l'issue de chacun des délais prévus au premier alinéa, la levée de la mesure de soins est acquise.
« En outre, le représentant de l'État dans le département peut à tout moment mettre fin à l’hospitalisation après avis d'un psychiatre participant à la prise en charge du patient, attestant que les conditions ayant justifié l’hospitalisation ne sont plus réunies, ou sur proposition de la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l'article L. 3222-5. »
V. - Le chapitre IV du titre Ier est ainsi modifié :
1° L’article L. 3214-2 du même code est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, la référence : « L. 3211-12 » est remplacée par les références : « L. 3211-12 à L. 3211-12-4 » ;
b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'avis mentionné au II de l'article L. 3211-12-1 est pris après consultation par tout moyen d'un psychiatre intervenant dans l'établissement pénitentiaire dans lequel la personne détenue était incarcérée avant son hospitalisation. » ;
c) Au second alinéa, après la référence : « L. 3211-12 », est insérée la référence : « ou L. 3211-12-1 » ;
2° Au quatrième alinéa de l’article L. 3214-3, après la référence : « L. 3222-5 », sont insérés les mots : « et le juge des libertés et de la détention compétent dans le ressort duquel se trouve l’établissement ».
La parole est à M. Jacques Mézard.