M. Jean-François Voguet. Bien des choses ont été dites. Avant d’en venir au fond, je tiens à souligner que, selon moi, l’adoption de cet amendement ne pourrait se faire que si le Gouvernement retirait la procédure accélérée.
En effet, l’Assemblée nationale n’ayant pas eu à débattre de l’article additionnel particulièrement important qu’il est proposé d’insérer, la moindre des choses serait d’organiser une deuxième lecture en son sein, afin de permettre à la représentation nationale de s’exprimer réellement sur cette proposition de loi. À notre avis, une commission mixte paritaire ne saurait suffire.
En revanche, deuxième lecture ou pas, vous ne serez pas étonnés, mes chers collègues, que nous nous abstenions sur cet amendement déposé par notre collègue Michel Sergent.
En effet, rien ne justifie une telle précipitation, l’Euro 2016 n’ayant lieu que dans cinq ans. Nous avons donc largement le temps de réviser la convention qui lie l’État et la société Consortium Grand Stade SA. Cela fait maintenant seize ans que cette concession est le cadre légal de gestion, d’exploitation du Stade de France. Aussi considérons-nous que la décision du Conseil constitutionnel déclarant que la loi validant le contrat de concession signé le 29 avril 1995 était contraire à la Constitution doit être pour le législateur l’occasion de revoir les termes de cette concession.
Rappelons tout de même que si nous en étions venus à promulguer une loi de validation de ce contrat, c’est parce que le tribunal administratif l’avait annulé le 2 juillet 1996, pour d’autres motifs que ceux qui sont invoqués aujourd’hui par le Conseil constitutionnel. Nous étions alors à deux ans de la Coupe du monde et les travaux avaient commencé. Déjà, à cette époque, nous vous avions alertés sur le bricolage législatif que constituait le projet de loi alors présenté et nous avions dénoncé les conditions financières que celui-ci fixait. Depuis, lors de chaque discussion budgétaire, nous dénonçons les sommes versées au Consortium Grand Stade SA : plusieurs millions d’euros sont pris sur le budget consacré au sport, en compensation de l’absence d’équipe résidante. En fait, depuis plus de treize ans, nous versons tous les ans dans ce cadre une somme considérable, qui ne fait qu’enrichir un peu plus les actionnaires de ce consortium.
Ne serait-il pas temps de profiter de la décision du Conseil constitutionnel pour mettre à niveau cette convention, en prenant en compte les réalités du moment, ainsi que les comptes réels de cette société, qui, chacun le sait, n’est pas en déficit ? Il est d’autant plus facile de le faire, et ce dans des délais raisonnables, que nous disposons des comptes d’exploitation et non plus de simples budgets prévisionnels.
En outre, nous connaissons l’état de cet équipement et les travaux d’entretien qui doivent y être réalisés, ainsi que les investissements rendus nécessaires, y compris en raison de l’organisation de l’Euro 2016.
Enfin, nous avons un planning des événements programmés sur de longs mois et même de nombreuses années.
En réalité, nous avons tous les éléments en main pour parvenir rapidement au montage d’une nouvelle convention d’exploitation de ce grand équipement, convention qui respecte les intérêts de chacun des signataires.
Par ailleurs, s’il fallait légiférer pour valider cette nouvelle convention, un projet de loi aurait l’immense mérite de nous présenter une étude d’impact. Celle-ci nous permettrait de disposer d’éléments d’analyse, qui, aujourd’hui, nous font cruellement défaut pour légiférer en toute sérénité et parfaitement conscients des implications de nos choix, bref, de façon éclairée.
Tels sont les arguments qui nous amènent à nous abstenir sur cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 11 est-il maintenu, monsieur Sergent ?
M. Michel Sergent. Compte tenu des explications de Mme la ministre, qui s’appuie sur un avis du Secrétariat général du Gouvernement, je retire cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 11 est retiré.
Article 1er
Les projets de construction ou de rénovation des enceintes sportives destinées à accueillir l’UEFA Euro 2016 ainsi que des équipements connexes permettant le fonctionnement de celles-ci, réalisés sous le régime du bail emphytéotique administratif, sont éligibles aux mêmes subventions, redevances et autres participations financières que s’ils étaient soumis au régime de la loi n° 85–704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée.
Les modalités de l’échéancier de versement de ces subventions, redevances et autres participations financières peuvent être adaptées à la durée du bail emphytéotique administratif.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Collomb, sur l'article.
M. Gérard Collomb. Madame la ministre, vous avez affirmé tout à l’heure qu’une déclaration d’intérêt général n’était pas nécessaire pour réviser le PLU et lancer les neuf enquêtes publiques évoquées tout à l’heure par nos collègues. Il faut en effet, je le répète, neuf enquêtes publiques différentes afin de pouvoir réaliser le Grand Stade, ce qui signifie que tout un chacun pourra s’exprimer sur cette question.
Bien évidemment, votre argument nous troublerait quelque peu et nous avons donc demandé à un certain nombre de juristes ce qu’il en était.
Il se trouve que ces juristes n’ont pas exactement la même analyse que le ministère des sports. Ils l’affirment, dès lors que l’outil juridique de la déclaration d’intérêt général est entré en vigueur, il a vocation à être utilisé préalablement aux autres procédures, si l’équipement en question, d’une part, entre dans le cadre défini au I de l’article 28 de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009, d’autre part, nécessite les opérations des collectivités territoriales visées au II du même article.
Nos juristes concluent que tel est indéniablement le cas du Grand Stade, et c’est la raison légitime pour laquelle l’Olympique lyonnais a déposé une demande en ce sens.
Mes chers collègues, comprenez bien le piège infernal dans lequel nous sommes ! On nous dit que, la déclaration d’intérêt général n’étant pas nécessaire, nous pouvons lancer les enquêtes pour réviser le PLU et étudier l’ensemble des dessertes afférentes au stade.
Mais dès que nous aurons lancé ces enquêtes, on nous reprochera de ne pas disposer d’une déclaration d’intérêt général ! Nous sommes donc pris entre l’enclume et le marteau.
Comme nous n’avons pas vocation à mourir écrasés, nous nous tournons vers vous, madame la ministre. Veut-on, aujourd’hui, que Lyon participe à l’Euro 2016 ? Mieux ! nos amis turcs ne pourraient-ils pas à juste titre considérer que la décision d’organiser en France l’Euro 2016 a été pipée, dans la mesure où dans les stades qui étaient présentés il y avait le dossier, non pas de Lyon, mais du Grand Montout, du stade dont nous parlons actuellement et pour lequel le Gouvernement refuse d’accorder la déclaration d’intérêt général ?
Au lieu de m’interroger, j’adopterais volontiers l’attitude de mon collègue, qui choisit d’attendre et de faire confiance ! Toutefois, plus nous attendons, plus nous perdons du temps dans le cadre du calendrier de l’Euro 2016. Lors de la dernière réunion qui s’est tenue avec Michel Platini, le choix des stades a de nouveau été remis à plus tard. Peut-être l’intention était-elle de nous donner une dernière chance de sortir de cet imbroglio juridique ! Quoi qu’il en soit, les Lyonnais, dont 74 % sont favorables à la réalisation de ce stade, attendent avec impatience que la décision soit prise.
MM. Jean-Patrick Courtois et Alain Gournac. En plus de l’enclume et du marteau, il y a la faucille !
M. Gérard Collomb. Cela vient après ! C’est comme Wilkinson : d’abord on plie, ensuite on rase !
M. Jean-Jacques Mirassou. Mais pas gratis ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, sur l'article.
M. Jean-Marc Todeschini. L’article 1er vise à permettre aux projets de construction ou de rénovation des stades destinés à accueillir l’Euro 2016 sous le régime du bail emphytéotique administratif, le BEA, de devenir éligibles aux mêmes aides que celles qui sont versées par les collectivités locales dans le cadre des projets conclus sous le régime de la maîtrise d’ouvrage publique.
Concrètement, cet article permettra à un opérateur privé d’obtenir des subventions publiques de la part de l’ensemble des collectivités, y compris de la collectivité bailleresse.
Rappelons tout de même que, dans une situation classique, un BEA est contraignant pour le partenaire privé : dans le cadre de la réalisation d’un stade, le club supporte à la fois le risque d’exploitation et le risque de construction.
Tout l’intérêt du BEA réside dans cet équilibre financier que cet article de loi tend à supprimer dans le cadre de la construction et/ou de la rénovation des stades retenus pour l’organisation de l’Euro 2016.
On le voit bien, la conséquence d’une telle disposition sera de supprimer, pour l’opérateur privé, tous les inconvénients d’un tel partenariat. En revanche, il en conservera les avantages, faisant alors supporter le déséquilibre financier du contrat par la seule collectivité publique.
Il s’agit ni plus ni moins d’une logique de privatisation des profits et de mutualisation des pertes.
M. Guy Fischer. C’est bien vrai !
M. Jean-Marc Todeschini. Au-delà de mon opposition de principe à l’esprit de ce texte, je souhaite évoquer plus particulièrement ici son caractère discriminatoire et l’atteinte qu’il porte à la concurrence.
Sous couvert de l’urgence, laquelle découle des conditions irréalistes fixées par l’UEFA, le Gouvernement va introduire un régime juridique inéquitable et discriminatoire entre les différents clubs de football professionnels français, puisque le nouveau régime du BEA ne bénéficiera dans les faits qu’à trois enceintes retenues pour la compétition : celles de Nancy et de Lens ainsi que le Parc des Princes à Paris. Il s’agit bien, pour quelques heureux élus, d’un véritable régime d’exception, qui aurait pu être généralisé à l’ensemble des clubs intéressés.
L’adoption de cette proposition de loi de pure opportunité aura pour conséquence de créer un régime à deux vitesses, dont les effets discriminatoires se font déjà sentir, par exemple pour ce qui concerne le projet de rénovation du stade Saint-Symphorien de Metz. Cette enceinte, non retenue pour l’organisation de l’Euro 2016, ne pourra pas bénéficier des dispositions prévues par ce texte, alors même que la rénovation, qui s’appuiera sur un BEA, sera réalisée en même temps que les projets concernant les trois enceintes retenues pour l’Euro 2016.
Nous voyons ici toute l’injustice de cette proposition de loi, qui va lourdement pénaliser ce projet pour la simple raison qu’il n’a pas été retenu dans la liste définitive des douze sites.
Nous sommes bien loin des bonnes intentions affichées par la majorité sur ce dossier, laquelle met sans cesse en avant la chance offerte par l’organisation de cet événement sportif de procéder à une vaste modernisation des stades français.
En réalité, seule une minorité d’enceintes vont bénéficier de cet élan, dans une vision à court terme ne dépassant pas 2014.
La majorité avance pourtant l’idée que cette proposition de loi a un caractère exploratoire, qu’elle est un galop d’essai et que ses dispositions ont vocation à être généralisées par la suite si ses effets sont jugés convaincants.
Dans ces conditions, il m’apparaît un peu hasardeux de conduire une expérimentation grandeur nature, ayant valeur d’étude d’impact, tout en refusant tout débat en amont au moyen d’une manœuvre juridique – nous présenter ce texte sous la forme d’une proposition de loi – destinée à éviter toute étude d’impact et à contourner l’avis préalable du Conseil d’État ! (Mme Gisèle Printz applaudit.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, sur l'article.
M. Jean-Jacques Lozach. L’objet de l’article 1er, c’est de faciliter l’octroi d’aides publiques pour les baux emphytéotiques administratifs par un système dérogatoire portant sur des BEA qui constituent eux-mêmes, par nature, une dérogation au principe d’inaliénabilité du domaine public.
Vous voulez déroger à une dérogation par un arrangement juridique qui place en position de force les acteurs privés, le BEA étant pourtant censé respecter une règle stricte d’équilibre financier entre les partenaires.
Nous sommes dans la logique du toujours plus d’argent dans le sport, dans la logique du football marchandise et de la spirale de l’argent.
En la matière, nous devons être prudents compte tenu du contexte dans lequel évolue actuellement le football. S’agissant de l’exploitation future de ces stades, attention à ce que certains annoncent déjà comme un « krach du foot-business ».
Malgré le rôle bienfaiteur, pour les clubs de Ligue 1 et de Ligue 2, de la DNCG, la direction nationale du contrôle de gestion, la situation des clubs demeure fragile. Certains d’entre eux sont déficitaires pour la saison 2009-2010.
Dans son ouvrage publié ce mois-ci et intitulé « Économie du football professionnel », l’universitaire Bastien Drut n’écrit-il pas : « Il faut s’attendre à ce que plusieurs clubs, parmi les plus endettés, fassent faillite et disparaissent de l’élite du football professionnel » ?
Son diagnostic est sans appel. Il rejoint la préconisation récente de la Cour des comptes incitant les collectivités à la prudence face aux dérives du sport business et à l’endettement des clubs professionnels.
Je ne suis pas opposé, par principe, aux financements mixtes, aux partenariats public-privé, aux BEA, qui concernent trois enceintes : Lens, Nancy et le Parc des Princes. Je ne suis pas naïf au point de penser que, dans une économie de marché, le sport peut se développer sans moyens sonnants et trébuchants. Je suis seulement pour la réduction, autant que faire se peut, des risques encourus dès lors qu’il s’agit d’argent public.
Sans vouloir faire offense au club de Nancy, cher au président de l’UEFA, je m’interroge aussi sur la pertinence de faire profiter le stade de cette ville d’un tel système. La moyenne de spectateurs se rendant aux matchs de l’AS Nancy-Lorraine est actuellement d’un peu plus de 15 000 pour une capacité de 20 000 places environ. Le projet de stade pour l’Euro 2016 fait passer à 30 000 spectateurs la capacité d’accueil. On peut douter du taux de remplissage une fois la compétition passée ! C’est, me semble-t-il, l’avis majoritairement exprimé par la région Lorraine et par le conseil général de Meurthe-et-Moselle.
Nancy n’est qu’un exemple. Je pourrais également évoquer les positions exprimées par plusieurs villes au cours de ces derniers mois, notamment Strasbourg, Nantes ou Rennes. J’essaie simplement de montrer ici à quel point ce texte est circonstanciel. Comme la démonstration en a été faite voilà quelques instants, les circonstances étaient bien choisies.
Je pense qu’une étude d’impact aurait su prouver mieux que je ne l’ai fait les incohérences de ce texte. Malheureusement, comme vous le savez, nous nous sommes épargné ce désagrément puisqu’il s’agit en l’occurrence d’une proposition de loi et non d’un projet de loi. L’avis du Conseil d’État n’est, lui non plus, pas exigé. Croyez bien que nous le regrettons. (Mme Gisèle Printz et M. Ronan Kerdraon applaudissent.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, sur l'article.
M. Claude Bérit-Débat. Cette proposition de loi nous est présentée comme un texte d’expérimentation éventuellement généralisable à l’avenir.
Quand je vois les dérogations que l’article 1er met en place, je m’inquiète de leur généralisation et des conséquences pour les collectivités.
Je pense en effet que cet article, d’ailleurs comme l’ensemble des autres articles de cette proposition de loi, contient des dispositions qui leur sont potentiellement défavorables.
À ce titre, je tiens à dire que, selon moi, ce n’est pas parce qu’un montage juridique et financier est présenté comme moderne qu’il s’agit là d’un gage de pérennité.
Concernant les BEA, par exemple, je ne comprends pas la logique qui consiste à dire qu’il faut rendre cette formule aussi « accessible » que les contrats de partenariat.
Je me demande même si le législateur doit réellement se prononcer sur ce point. Dans cette perspective, en effet, ne doit-on pas considérer qu’il suffirait de dire tout simplement aux collectivités « Faites un contrat de partenariat » pour que le problème soit résolu ?
Il est vrai que cet article introduit en réalité des dispositions dérogatoires pour permettre à trois villes de rénover leur stade, comme l’a dit mon collègue Jean-Jacques Lozach.
On touche là au problème fondamental de ce texte : au lieu de légiférer de manière générale, comme nous sommes censés le faire, nous sommes obligés de nous prononcer sur des mesures tout à fait singulières, pour des cas particuliers, au coup par coup.
Cela ne correspond pas à ce que notre mission de législateur exige.
C’est d’autant plus inadmissible que nous sommes appelés à nous prononcer sur un texte de dérogations et que, de surcroît, on apprend dans le rapport de l’Assemblée nationale que ces dérogations sont susceptibles de devenir la règle !
Et comme si cela ne suffisait pas, on glisse vite d’un texte de dérogations à un texte d’exceptions puisque les grands gagnants seront les opérateurs privés.
Là encore, l’exemple des BEA est particulièrement parlant : même dans le cas où la rénovation du stade sera terminée, les subventions pourront être étalées jusqu’à expiration du bail, c’est-à-dire jusqu’à 99 ans si le bail est de 99 ans !
On le voit, tout est fait pour imposer l’idée que la solution passe par les opérateurs privés, mais, en réalité, on voit bien que c’est la puissance publique qui sera encore et toujours l’ultime garante.
Et par puissance publique, j’entends non pas l’État, mais les collectivités !
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Claude Bérit-Débat. C’est en effet l’un des autres paradoxes de cette proposition de loi : un événement d’ampleur nationale va reposer presque exclusivement en dernier ressort sur les collectivités. L’État oublie ses responsabilités. Ce texte est donc aussi et avant tout celui de son renoncement.
En 1998, il avait financé 30 % des stades pour l’accueil de la Coupe du monde. En 2016, il participera seulement à hauteur de 7 %, et de quelle manière : un prélèvement sur les jeux et une ponction du CNDS ! Le tour de passe-passe auquel vous vous êtes livrée tout à l’heure, madame la ministre, n’y changera rien.
Les collectivités, en revanche, devront octroyer des subventions et, surtout, donner des garanties financières. Ce sont donc bien elles qui supporteront l’essentiel de l’effort et non pas l’État.
Or les risques existent. Rappelons les recommandations de la Cour des comptes en la matière. Celle-ci conseille en effet « la prudence dans l’appréhension de l’économie globale de la construction d’équipements dont la rentabilité n’apparaît pas nécessairement sur la durée de vie prévisible de l’investissement ».
La prudence, justement, n’est pas de mise dans ce texte, qui confond vitesse et précipitation et met potentiellement en péril les finances des collectivités.
Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, je ne voterai pas cet article.
MM. Jean-Jacques Mirassou et Ronan Kerdraon. Très bien !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 4 est présenté par M. Voguet, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Ralite, Renar et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
L'amendement n° 12 est présenté par MM. Lozach, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-François Voguet, pour présenter l’amendement n° 4.
M. Jean-François Voguet. L’article 1er permet au partenaire privé d’une collectivité territoriale avec laquelle il a conclu un contrat de bail emphytéotique administratif de toucher les mêmes subventions et redevances qu’un maître d’ouvrage public sous le régime de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée.
C’est donc un véritable régime d’exception qui est mis en place dans l’unique but de parvenir, par tous moyens, à la construction d’équipements sportifs à même d’accueillir l’Euro 2016.
Finalement, ce texte a pour objet, à titre dérogatoire, d’aligner le régime du bail emphytéotique administratif sur celui des partenariats public-privé, ce qui permet d’utiliser l’argent public au profit de projets entièrement menés par des entreprises privées.
Les baux emphytéotiques administratifs sont normalement conclus à la condition que le projet soit d’intérêt général ou concerne certains types d’équipements déterminés par la loi, dont les équipements sportifs font partie.
Une collectivité loue ainsi pour une durée pouvant aller jusqu’à 99 ans un terrain à un maître d’ouvrage public ou privé, qui peut y construire un ouvrage sur lequel il dispose de droits réels de la propriété.
L’intérêt de cet article réside dans le fait que les partenariats public-privé sont extrêmement contraints ; il s’agit donc d’en accorder les mêmes intérêts aux entreprises sans pour autant leur imposer les conditions normalement requises.
Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État vérifient en effet scrupuleusement l’urgence, la complexité et le caractère économique du projet qui conditionnent la conclusion d’un partenariat public-privé.
En outre, les marchés publics sont impossibles pour les grands équipements compte tenu de la pénurie organisée des finances publiques : les collectivités ne peuvent plus payer le montant du contrat à sa signature comme l’exige le code des marchés publics.
Aussi, le bail emphytéotique permet de contourner le code des marchés publics et d’étaler les coûts du contrat tout en ayant une relative maîtrise de la construction de l’ouvrage : contrairement au partenariat public-privé, aux termes duquel le partenaire privé peut déterminer les caractéristiques de l’équipement, la collectivité publique, dans un bail emphytéotique, doit toujours établir un cahier des charges précis et conforme à l’intérêt général, sous le contrôle rigoureux du juge administratif.
Il s’agit donc de faire comme si les opérateurs privés portaient, comme les personnes publiques, l’intérêt général qui justifie tout financement public afin de permettre que les baux emphytéotiques puissent obtenir des participations financières publiques, alors même que la collectivité participe déjà dans ce cadre au financement de l’équipement en question.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour présenter l'amendement n° 12.
M. Claude Bérit-Débat. Cet article 1er pourrait tout à fait être qualifié d’article nancéen tant il est taillé sur mesure pour la situation spécifique de la rénovation du stade de Nancy.
Certes, le régime du bail emphytéotique concerne trois stades, mais seul le projet de financement de Nancy ne pourrait absolument pas voir le jour sans le dispositif prévu à l’article 1er.
Tous les défenseurs de cette proposition de loi s’accordent à dire que l’adoption de son article 1er est une condition nécessaire aux projets de Nancy, de Lens et du Parc des Princes.
Je vous rappellerai néanmoins, mes chers collègues, à toutes fins utiles, que le projet de rénovation du Parc des Princes, s’il est bien porté par un BEA, ne fera intervenir aucun financement public de la part de la Ville de Paris.
En outre, initialement, ce projet de rénovation n’était pas inclus dans l’enveloppe des 150 millions d’euros promise par le Gouvernement.
Les projets incluant un BEA ne sont donc pas tous conditionnés à l’adoption de cette proposition de loi, comme l’on aurait trop tendance à vouloir nous le faire accroire.
En proposant d’ouvrir le bénéfice des subventions, redevances et participations financières des collectivités locales aux projets de construction ou de rénovation de stades destinés à accueillir le championnat d’Europe de football de l’UEFA 2016, ainsi qu’à leurs équipements connexes, réalisés sous forme de BEA, vous alignez de fait le régime du BEA sur celui des partenariats public-privé.
D’ailleurs, cet article 1er reprend la formulation de l’article 25–1 de l’ordonnance n° 2004–559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat.
À cela, il faut ajouter la possibilité d’échelonner ces aides financières sur toute la durée du BEA, soit bien après la fin des travaux de rénovation ou de construction des stades. C’est donc bien l’équilibre financier du BEA que vous remettez ainsi en cause, et ce au seul bénéfice de l’opérateur privé.
Lorsqu’il a été question de légiférer sur les agents sportifs ou les jeux en ligne avec l’imminence de la Coupe du monde de football en ligne de mire, ce qui a caractérisé votre politique ou plutôt votre non-politique sportive, comme aujourd’hui encore, c’est à la fois la précipitation, le manque d’anticipation et le traitement du sport business, du sport spectacle uniquement.
Nous regrettons ainsi l’absence d’un texte législatif plus global s’intéressant également aux équipements sportifs de proximité. Car plus de 50 % de nos équipements sportifs ont plus de vingt-quatre ans.
Selon l’Association nationale des élus en charge du sport, l’ANDES, nos installations sont dans un état de vétusté prononcé et la rénovation de près de 200 000 équipements constituera l’enjeu majeur pour l’avenir du sport en France dans les prochaines décennies.
Mais de ce dossier crucial en matière de sport de masse, de sport pour tous et d’accès au sport dans les territoires, il n’est nullement question dans cette proposition de loi.
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Dufaut, rapporteur. L’article 1er prévoit que les projets de construction ou de rénovation des onze stades précités réalisés sous le régime du BEA soient éligibles aux mêmes subventions, redevances et autres participations financières que s’ils étaient réalisés sous le régime de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, dite « loi MOP ».
Je note déjà qu’un dispositif du même type pour les partenariats public-privé, ou PPP, a été adopté ici même en 2009 sans que les sénateurs ne s’en soient réellement émus.
Par ailleurs, si l’on empêche l’adoption de cet article, le plus probable, pour les deux stades concernés, c’est que le régime du BEA sera abandonné au profit de la délégation de service public et que les collectivités territoriales finiront par être le financeur exclusif et intégral des rénovations de ces stades. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) Ce n’est pas le but recherché !
M. Jean-Jacques Mirassou. Tu parles !
M. Alain Dufaut, rapporteur. Je vous avais clairement indiqué en commission ma conviction selon laquelle la mixité des financements était une voie d’avenir plutôt favorable aux collectivités. Je persiste à le penser. Aussi, j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. Jean-Patrick Courtois. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, ministre. Comme le rapporteur vient de le rappeler, l’objectif de cet article est de permettre la construction des stades dans les villes de Nancy et de Lens. Quant à Paris, l’affaire n’est pas terminée.
Comme cela vient d’être indiqué, les enceintes qui sont construites grâce à des partenariats public-privé bénéficient aujourd’hui des mêmes dispositions que celles qui sont construites sous le régime de la maîtrise d’ouvrage public.
D’ailleurs, le PPP a été utilisé pour la communauté urbaine de Lille, et je n’ai pas le souvenir que votre collègue Michelle Demessine s’en soit plaint.
Comme vous le savez, aujourd’hui le BEA a un régime différent des autres dispositifs. À nos yeux, il serait préférable d’établir une certaine neutralité entre ces différents dispositifs, comme l’a bien compris le sénateur socialiste Daniel Percheron.
L’objectif est le suivant : il s’agit, d’une part, d’alléger la dépense publique et de permettre que des financements privés soient attribués à des projets privés ; il s’agit, d’autre part de combler notre retard et, grâce au BEA, de permettre aux clubs de disposer d’actifs et donc d’assainir leur situation financière qui repose aujourd’hui sur les subventions publiques, sur les droits télévisés ou, pire, sur la « vente » de joueurs – d’ailleurs, beaucoup de clubs expliquent leurs problèmes par leur difficulté à « vendre » des joueurs.
Par ailleurs, on s’interroge sur les taux de remplissage des stades. Les difficultés de remplissage sont, en général, liées au manque de confort des stades. Au contraire, en Allemagne, grâce à cette rénovation, les taux de remplissage ont augmenté de plus de 50 %. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.)
J’ajoute deux précisions sur les choix de l’UEFA. D’une part, l’UEFA choisira des villes, plus précisément des villes hôtes, et non des stades. D’autre part, la date finale de sélection des stades risque effectivement d’être reportée. Cela vient non pas des difficultés rencontrées par les uns ou par les autres, mais du changement de statut de la Fédération française de football. Le président de cette instance estime qu’il est difficile de s’appuyer sur un conseil fédéral qui n’est pas nouvellement élu, qui n’a pas de légitimité afin de pouvoir proposer ces stades.
En conséquence, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote.